Les Windsor, une monarchie à l’épreuve de la modernité

D’après Herodote.net -  Fabienne Manière – 05 jan 2021

.            Qu'il s'agisse de mariages, naissances, divorces ou funérailles, l'écho médiatique de ces péripéties compte bien moins que la fonction symbolique de la monarchie dans une nation aujourd'hui millénaire. La famille des Windsor, dont le nom remonte à un siècle, est l'héritière d'une histoire dynastique millénaire.

Les armoiries des Windsor

 

« God Save the Queen ! »

Pour la majorité des Britanniques, la monarchie demeure une institution centrale, quoique symbolique. Son importance pour la cohésion nationale, à l'heure du multiculturalisme, s'avère plus grande que jamais. C'est que la fidélité à la couronne et à la personne du souverain est plus facile à admettre de la part des citoyens, quelle que soit leur origine ethnique ou religieuse, que la référence à une « identité nationale » et des « valeurs républicaines ».

Drames de famille

.            Monarchie normande (Guillaume, le Conquérant, I° d'Angleterre - Hastings 1066 / 1087) puis angevine (Henri II Plantagenet, comte d’Anjou, - 1154 / 1189), la dynastie s'anglicise au XIVe siècle, à la fin du Moyen Âge sans que les différentes branches familiales ne cessent de se combattre.

Après les disputes sanglantes entre Henri II Plantagenêt et ses fils, au XIIe siècle, voilà l'abdication du dernier Plantagenêt, Richard II, en 1399 et l'avènement de la maison de Lancastre.

Au siècle suivant, la guerre des Deux-Roses (une guerre civile discontinue, entre la maison de Lancastre et la maison d'York de 1455 à 1487) voit l'avènement des Tudors. Après quelques fortes secousses liées aux émois sexuels d'Henri VIII (1485-1509), ceux-ci laissent pacifiquement la place aux Stuart à la mort d'Elizabeth Ière en 1603. Ces rois d'origine écossaise affrontent la seule révolution qu'ait jamais connue l'Angleterre. Après un bref intermède républicain (1649-1660) sous l'égide de Cromwell, les Stuarts reviennent au pouvoir mais pour peu de temps.

Mal disposés à partager le pouvoir avec les représentants des Communes, ils sont chassés au profit d'une branche cadette des Stuart qui accepte bon gré mal gré un régime parlementaire, embryon de la démocratie moderne. Sa dernière représentante est la reine Anne Stuart (1702-1714)

À sa mort, faute d'enfant pour lui succéder, elle laisse la couronne à un lointain cousin allemand, l'Électeur de Hanovre, qui devient roi de Grande-Bretagne sous le nom de George Ier (1714-1727). Lui-même et ses successeurs, mal à l'aise dans leurs nouveaux habits et ne parlant pas l'anglais, s'en remettent au Parlement pour gouverner le pays.

Selon un rituel désormais bien établi, le roi appelle à la tête du gouvernement la personnalité choisie par la majorité parlementaire. Il reçoit chaque nouveau Premier ministre pour un entretien privé. Il peut aussi le réinviter de semaine en semaine pour un échange informel et courtois sur les affaires du royaume et les indispensables signatures.

Le renouveau victorien

.            La dynastie de Hanovre est affectée par la maladie mentale du roi George III pendant les neuf dernières années de son règne (1760-1820). En 1811, le roi est contraint de céder le trône à son fils, le Prince de Galles. Cette Régence se solde par un pénible abaissement de la monarchie. George IV, roi de 1820 à 1830, et son frère Guillaume IV, roi de 1830 à 1837, sont débauchés et incapables au point de laisser planer des doutes sur la survie de la monarchie.

Tout bascule avec l'intronisation d'une jeune reine de 18 ans, Victoria, nièce du précédent roi.

Mariage de Victoria et Albert à Westminster le 10 février 1840 (Peinture de George Hayter –détail-)

Mariée par amour à un cousin allemand, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, la jeune souveraine plie sa vivacité naturelle aux principes stricts et luthériens de son époux. C'est ainsi que la famille royale donne aux classes moyennes britanniques l'exemple d'une rigueur morale que l'on dira « victorienne ». Notons cependant que (bien évidemment) la haute aristocratie s'en tient dans le secret de ses salons à l'épicurisme hérité de la « Merry England » du siècle précédent.

Sous le long règne de Victoria (1837-1901), l'Angleterre connaît son apogée, jusqu'à dominer l'économie mondiale et faire passer sous l'autorité de la couronne le quart de la population mondiale. En 1876, la reine ajoute à ses titres celui d'impératrice des Indes.

À sa mort, en 1901, son fils, le populaire Prince de Galles, déjà sexagénaire, monte sur le trône sous le nom d'Édouard VII (1901-1910). Avec lui revient un peu de la joie de vivre d'antan. Mais celle-ci est altérée par les premiers signes de déclin de la puissance britannique.

Le roi George V.Des Hanovre aux Windsor

.            Ce déclin devient manifeste sous le règne du roi suivant, George V, avec l'éclatement de la Grande Guerre. C'est au cours de celle-ci, en 1917, que le monarque change le nom de la famille - Hanovre - pour celui, plus britannique, de Windsor, du nom de sa résidence favorite.

Le roi assume consciencieusement son rôle symbolique. Pendant la Grande Guerre de 1914-1918, il multiplie les visites aux armées et aux hôpitaux, fait des dons et s'astreint aux règles de rationnement comme l'ensemble des citoyens.

Sa succession, en 1936, survient dans un contexte international tendu. L'Italie, qui a envahi l'Éthiopie, est menacée de sanctions internationales et, pour y faire face, tend vers une alliance lourde de menaces avec l'Allemagne nazie. Or, l'héritier du trône britannique est un flamboyant célibataire lié à une femme sulfureuse, Mrs Wallis Simpson, qui fut la maîtresse du gendre de Mussolini et reste proche des milieux nazis. Devenu roi (jan. 1936) sous le nom d'Édouard VIII, il est rapidement poussé vers l'abdication (déc. 1936) par le Premier ministre Stanley Baldwin.

La crise se dénoue avec le couronnement de son frère sous le nom de George VI. Le nouveau souverain, bien que timide et affecté d'un fort bégaiement, tiendra son rôle dans l'honneur pendant les heures graves de la Seconde Guerre mondiale. Surmené, il meurt prématurément à 57 ans, en 1952, et laisse le trône à sa fille de 24 ans, l'actuelle reine Elizabeth II. Celle-ci, depuis le 09 sep 2015, bat le record de longévité de son aïeule Victoria, laquelle avait régné 64 ans.

Sous son règne, la famille a connu des moments difficiles avec le divorce des princes Charles (remarié en 2005 à Camilla Shand) et Andrew et la mort de la princesse Diana, mais aussi un regain de popularité avec le mariage de son petit-fils William et de Kate Middleton ainsi que la naissance de leur premier-né, George, le 22 juillet 2013... Depuis lors, le conte de fées se poursuit avec deux nouveaux enfants, Charlotte et Louis (référence au prestigieux Lord Louis Mountbatten, amiral, dernier vice-roi de l'Inde britannique et premier gouverneur général de l'Inde indépendante, tué dans un attentat en Irlande en août 1979), et le mariage de Harry, frère cadet de William, avec Meghan Markle le 19 mai 2018. Ces derniers fuyant les fastes et les contraintes de la Cour abandonnent complètement leurs fonctions royales ainsi que leurs titres le 18 janvier 2020.

Pour la monarchie britannique comme pour ses homologues d'Europe continentale, le principal défi à venir réside moins dans les péripéties sentimentales (divorces, adultères...), lesquelles ont existé de tout temps, que dans le vieillissement, résultat bienvenu de l'augmentation générale de l'espérance de vie.

Nous risquons de voir, à l'avenir, des grand-pères succéder à des arrière-grand-mères. Pas de quoi ravir les foules ... À moins que les Windsor ne suivent l'exemple de Benoît XVI, Béatrix des Pays-Bas ou encore Albert II de Belgique en se retirant avant que les forces ne leur manquent.