Le nombre imaginaire “i” – L’identité d’Euler

Le nombre imaginaire “i”

.            Un nombre complexe est un nombre qui peut s’écrire sous la forme (a+ib), où a et b désignent des nombres réels et ou le symbole « i », qui vérifie l’équation i2  = −1, est un nombre imaginaire.

.            Un nombre imaginaire pur s'écrit sous la forme

z = ia

avec a réel, i étant l'unité imaginaire. Le réel a est la partie imaginaire de z. Par exemple, i et −3i sont des imaginaires purs. Ce sont les nombres complexes dont la partie réelle est nulle.

.            Le carré d'un nombre imaginaire pur est un nombre réel négatif ou nul, et les racines carrées d'un nombre réel négatif sont des imaginaires purs.

I2 = -1   ;   i =√-1

Les deux racines carrées d'un nombre réel sont soit réelles, quand ce nombre est positif, soit imaginaires pures quand ce nombre est négatif. Les racines carrées du nombre réel négatif √-a2 (avec a réel) sont les imaginaires purs ia et −ia.

.            La première apparition d'une quantité de cette forme apparait en 1545 chez l'italien Gerolamo Cardano (1501-1576), au nom francisé de Jérôme Cardan, qui introduisit √-15 pour résoudre des équations du troisième degré, dont la solution de certaines fait appel aux racines carrées de nombres négatifs. En 1572, un autre italien, Rafaele Bombelli (1526-1573) publie "Algebra, parte maggiore dell’aritmetica, divisa in tre libri" dans lequel il présente des nombres de la forme (a + b√-1) et poursuit les travaux de Cardan sur la recherche de solutions non réelles pour des équations du troisième degré. A cette époque, on sait manipuler les racines carrées d’entiers négatifs mais on ne les considère pas comme des nombres. Lorsqu’une solution d’équation possède une telle racine, elle est dite imaginaire.

.            Ce n'est que plus tard, en 1777, qu'est privilégiée l'écriture b √-1 qui devient sous la plume de Leonhard Euler (1707-1783) ib. Il développe la théorie des nombres complexes sans encore les considérer comme de « vrais » nombres. Il les qualifie de nombres impossibles ou de nombres imaginaires. À cette époque, les nombres complexes, s'écrivant (a + i b), sont encore tous appelés imaginaires et les nombres s'écrivant seulement ib sont désignés sous le nom de nombres simplement imaginaires.

.            Lorsqu'en 1831, Carl Friedrich Gauss (1777-1855) renomme les quantités (a + i b) en nombres complexes, il appelle les nombres pour lesquels a est nul des nombres imaginaires purs. En 1837, William Hamilton (1805-1865) propose de les définir comme couple de nombres réels tels qu’ils le sont aujourd’hui.

.            Ce qui n’était à l’origine qu’une pure invention de l’esprit, resta un artifice de calcul jusqu’au XIX° siècle, donc imaginaire ! En réalité, désormais, on le trouve dans tous les domaines de la physique mathématique. Ce type de nombre complexe permet de résoudre sans difficulté les équations du magnétisme, de l’électricité, de l’écoulement des fluides, de la physique quantique, pour le monde de l’infiniment petit, tout comme celui de l’infiniment grand ou des fractales. Il est devenu indispensable également dans la théorie des probabilités et en analyse combinatoire.

.            En plus des nombres entiers, des rationnels (résultats d’une fraction), irrationnels (de valeur incommensurable, car avec un nombre infini de décimales non répétitives), réels (tous les précédents plus les transcendants), complexes (voir ci-dessus, représentés par un point sur un plan), les mathématiciens ont également imaginé des nombres qui dépassent l’entendement :

.            Les quaternions ([imaginés par l’anglais William Rowan Hamilton (1805-1865)] formés de quatre nombres ajoutés, donc 4 coefficients, avec leur algèbre particulière, passant de la dimension 2 (plan) à la dimension 3 (volume).

Le mathématicien allemand Ferdinand Georg Frobenius (1849-1917) a affirmé qu’au-delà des réels, des complexes et des quaternions, il n’y a plus de possibilité d’algèbre nouvelle si on veut conserver certaines propriétés de ces nombres (multiplication, en particulier).

.            Les octavions [imaginés quasi simultanément par l’irlandais, juriste et mathématicien, John Graves (1806-1870) et l’anglais Arthur Cayley (1821-1895)] formés avec huit nombres ajoutés. Ces systèmes de nombres hypercomplexes, nécessitent l’abandon de certaines propriétés algébriques (règles de l’associativité et de la commutativité de la multiplication) ;

.            Les sédénions, formés avec seize nombres ajoutés ;

.            Les cyclotomiques, en considérant la racine nième de – 1.

L’identité d’Euler :

.            Tout comme l'équation d’équivalence énergie-masse E = mc2, prévue en 1900 par le mathématicien et physicien français Henri Poincaré (voir note) et rendue célèbre par Albert Einstein avec sa publication en 1905 sur la relativité restreinte, l'identité d'Euler :

e i π + 1 = 0 = cos π + i sin π

est souvent citée comme un exemple de la beauté mathématique, l’« l'étalon-or de la beauté mathématique » (Paul Nahin) : « c'est absolument paradoxal ; on ne peut pas la comprendre, on ignore ce qu'elle signifie, mais nous l'avons prouvée, et ainsi nous savons qu'elle doit être vraie » (Benjamin Peirce).

.            En effet, outre l'égalité, trois des opérations fondamentales de l'arithmétique y sont utilisées, chacune une fois dans une équation remarquablement simple : l'addition, la multiplication et l'exponentiation. L'identité fait également intervenir cinq constantes mathématiques fondamentales :

    0, l'élément neutre de l'addition. Les mathématiques.

    1, l'élément neutre de la multiplication. L’arithmétique.

    π, omniprésente en trigonométrie, en géométrie dans l'espace euclidien et en analyse mathématique (π = 3,14159265...) La géométrie.

    e, base des logarithmes qui apparait souvent en analyse, calcul différentiel et mathématiques financières (e = 2,718281828...). L’analyse.

    i, l'unité imaginaire à la base des nombres complexes, qui ont permis l'étude de la résolution des équations polynomiales avant de voir leur usage élargi. L’algèbre.

Le mathématicien anglais Roger Cotes (mort en 1716, quand Euler avait seulement 9 ans) connaissait cette identité. Euler pourrait en avoir appris l'existence par son compatriote suisse Johann Bernoulli (1667-1748).

Note : En 1900, Henri Poincaré publie un article dans lequel il affirme qu'un rayonnement pourrait être considéré comme un fluide fictif d'une masse équivalente m = E / c 2 . Il s'est inspiré pour cette interprétation de la « théorie des électrons » de Lorentz qui incorpore la pression de radiation de Maxwell.