100 missions lunaires pour une obsession

La folle course contre la montre vers la Lune

Luna, Surveyor, Zond, Ranger… Si Apollo fut le plus retentissant, de nombreux programmes spatiaux russes et américains se sont succédé à une cadence infernale dans les années 1960 pour décrocher la Lune.

En haut, la photo originale, de la Terre prise depuis l'orbite lunaire par le vaisseau spatial Lunar Orbiter 1 en août 1966, et une version numérisée en 2008 par le Lunar Orbiter Image Recovery Project (LOIRP). Cinq mois plus tôt, la sonde russe Luna 10 était devenue le tout premier objet terrestre à orbiter autour de la Lune.

.            Viser la Lune, ça ne leur faisait pas peur. Les agences spatiales américaines et russes se sont lancées dans une formidable quête, dont le programme Apollo fut l'apogée : la Lune. Et la lumière jetée sur l'incroyable épopée d'Armstrong, Aldrin et Collins en 1969 a laissé dans l'ombre une immense partie de cette aventure, démarrée onze ans plus tôt avec les missions Pionner.

Qui se souvient des premiers succès du programme russe Luna, pionnier absolu du voyage sur la Lune ? Et des périlleuses missions Cosmos et Zond ? Qui se rappelle des atterrisseurs américains Surveyor et du programme Ranger ? Entre Pionner 0 en 1958 et Luna 24 en 1976, l'homme a ainsi tenté plus d'une centaine de fois d'envoyer sur la Lune des explorateurs, des orbiteurs, des impacteurs ou des atterrisseurs. Et s'est planté une fois sur deux…

1958-1964 : fiascos en série

.           Après que l’ingénieur américain Robert Goddard (1882-1945) ait inventé des fusées de haut vol à carburant liquide et que le physicien américain J. Robert Oppenheimer (1904-1967) ait supervisé l’explosion de la première bombe atomique en 1945, la concurrence entre l’Union soviétique et les États-Unis dans le domaine de la fusée s’est rapidement étendue aux vols spatiaux.

« We choose to go to the moon ! ». En septembre 1962, quand John Fitzgerald Kennedy fait résonner ces mots, les Etats-Unis sont très, très en retard sur la Russie, la nation à avoir envoyé le premier satellite artificiel (Spoutnik 1, le 4 octobre 1957), une petite chienne (Laïka, le 03 novembre 1957, morte de stress et de surchauffe, dans l’espace, environ 7 heures après le lancement), puis un homme dans l'espace (Youri Gagarine, le 12 avril 1961, lors de la mission Vostok 1). Ces lancements soviétiques ont incité les États-Unis à créer la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et à choisir Houston comme lieu d’implantation d’un nouveau laboratoire de vols spatiaux habités, le Manned Spacecraft Center qui ouvrira officiellement ses portes en 1963. Lassée d'être dans la roue de sa grande rivale, l'Amérique veut une cible hors de portée de Moscou à court terme. Ce sera la Lune, à 384.000 km de là, et il s'agira d'y envoyer des hommes et … de les ramener vivants, un défi complètement fou pour l'époque, nécessitant de construire de nouvelles fusées de A à Z.

Si l’on fait couramment démarrer la conquête de la Lune à cette date, cela fait pourtant déjà quatre ans, à l'époque, que les agences spatiales tout juste nées se font – et se cassent – les dents sur l'astre le plus proche de la Terre, avec des sondes, les orbiteurs Pionner pour l'Amérique, et les impacteurs Luna pour les Soviétiques. Après trois lancements ratés des deux côtés, entre août et décembre 1958, c'est Luna 1 qui devient le 2 janvier 1959 le premier objet terrestre à quitter l'orbite terrestre.

.            Côté américain, la presse hurle à la « fake news ». Côté russe, on triomphe, même si la sonde a complètement raté sa cible, la Lune, et s'est retrouvée en orbite autour … du Soleil.

Deux mois plus tard, le 3 mars 1959, les Américains font de même avec Pionner 4, qui se libère de l'attraction terrestre mais doit se contenter d'un survol lointain de la Lune. Le premier succès complet est une nouvelle fois à mettre au compte des Russes, qui parviennent le 12 septembre 1959 à faire s'écraser sur la Lune l'impacteur Luna 2, premier objet artificiel ayant touché notre satellite naturel. Un mois plus tard, nouveau succès avec Luna 3, qui prend les premiers clichés de la face cachée de la Lune.

Les Américains, occupés en parallèle avec le programme Mercury, qui consiste à maîtriser l'envoi d'un homme dans l'espace, font une pause et reviennent vers la Lune en 1961 avec le programme Ranger, destiné à photographier en détail sa surface : après trois échecs, l'impacteur Ranger 4 est le premier objet américain à toucher la Lune, en avril 1962, mais il s'écrase au mauvais endroit, les données sont perdues. C'est dans ce contexte pourtant peu engageant que JFK fait son célèbre discours. Conscient du retard américain et des énormes frais engagés, JFK ne souhaite toutefois pas utiliser ce programme pour envenimer les relations avec Moscou. Il propose d'ailleurs un an plus tard, en septembre 1963, à Khrouchtchev, de travailler ensemble sur la conquête spatiale plutôt que de s'affronter. Une idée qui mourra avec l'assassinat du président américain deux mois plus tard, et le remplacement l'année suivante de Khrouchtchev par Brejnev, beaucoup plus convaincu que son prédécesseur de la force du programme lunaire russe.

           En 1964, la Russie lance donc officiellement son programme de vol habité, confié à l'ingénieur Sergueï Korolev. Avec un scénario très proche du programme Apollo concocté par l'ingénieur allemand Wernher Van Braun aux Etats-Unis : une fusée géante (Saturn V aux Etats-Unis, N1 en Russie) pour propulser dans l'espace un train spatial constitué de deux vaisseaux, un orbiteur (Columbia vs LOK) et un alunisseur (Eagle vs LK). Mais avec deux ans de retard, qui coûteront très cher à l'Union soviétique. En juillet 1964, la Nasa obtient d'ailleurs son premier véritable succès : un impact contrôlé sur la Lune, et plus de 4.000 photos à analyser.

1965-1966 : l’« autoroute » de la Lune

.            À partir 1965, les efforts financiers engagés par Washington commencent à porter leurs fruits : Ranger 8 et Ranger 9, en février et mars, ramènent des milliers de photos de la surface lunaire. En parallèle, dans l'orbite terrestre, les futurs astronautes du programme Apollo enchaînent les missions Gemini, destinées à maîtriser les sorties extra-véhiculaires, les manœuvres d'amarrage ou encore les rendez-vous orbitaux. Et surtout, les Russes n'y arrivent plus : après les échecs de Luna 4 en 1963 et Luna 5 en 1964, Luna 6, Luna 7 et Luna 8 s'écrasent toutes sur la Lune en cette année 1965 sans envoyer de données. Seul motif de satisfaction pour les Russes : de précieuses photos de la face cachée de la Lune prises en juillet par Zond 3, du nom de son tout nouveau programme spatial destiné à préparer de futurs vols habités.

En 1966, tout s'accélère, avec plus de 14 missions lunaires. Les Russes parviennent à effectuer le premier atterrissage contrôlé sur la Lune, avec Luna 9, le 31 janvier 1966, et réitèrent avec Luna 13 en décembre. L'ère de l'analyse du sol lunaire est ouverte. Entre-temps, un atterrisseur américain chargé lui aussi d'étudier la topographie lunaire, Surveyor 1, les a rejoints en mai, avant que son petit frère Surveyor 2 ne se crashe en septembre. Le 16 mars, au cours de la mission Gemini VIII, la sixième mission habitée du programme Gemini et la douzième mission spatiale habitée américaine, pour la première fois, les Américains réussissent l’amarrage en orbite entre deux engins spatiaux. La même année, le 31 mars, Luna 10 devient la toute première sonde à réussir à s'insérer dans l'orbite lunaire … Là encore, elle est suivie de très près par sa rivale américaine, Lunar Orbiter 1, qui la rejoint dans sa ronde en août. Avant la fin de l'année 66, elles seront rejointes par trois autres sondes, Luna 11, Luna 12 et Lunar-Orbiter 2. Sur Terre aussi, ça s'active, avec les trois premières missions d'essai du programme Apollo : AS-201 (26 fév 1966), 203 (05 jul 1966) et 202 (25 aoû 1966) -les deux dernières ayant été rebaptisées Apollo 2 et 3 après coup-. Il s'agit alors de tester la capsule Apollo en conditions réelles, en vol sous-orbital.

1967-1968 : le sprint final

           C'est d'ailleurs le quatrième de ces vols d'essai, et le premier habité, le vol AS-204, rebaptisé Apollo 1, qui va ouvrir l'année 1967 de la pire des manières : un incendie dans la capsule tue les trois astronautes, sur le pas de tir, le 21 janvier. Ce qui ne freine rien : durant les douze mois qui suivent, les Américains envoient sur la Lune trois orbiteurs (Lunar Orbiter 3,4 et 5), trois atterrisseurs (Surveyor 3, 5 et 6 – le 4 s'étant crashé) et réalisent également deux vols d'essai inhabités dans l'orbite terrestre (Apollo 4 et 5), les deux premiers vols propulsés par la fusée Saturn V, future star du programme. L'objectif de ces missions n'est plus tellement scientifique ; il s'agit d'un côté de trouver un site d'alunissage, et de l'autre de maîtriser le lancement et les différentes étapes d'un futur voyage.

Virgil I. Grissom, Edward H. White II et Roger B. Chaffee sont décédés dans l'incendie de leur capsule lors d'essais au sol le 27 janvier 1967./Ho/AFP

Du côté russe, le décès l'année précédente de Sergueï Korolev a plombé le programme. Son vaisseau lunaire n'est pas au point et les équipes soviétiques s'arrachent les cheveux sur la fusée géante N1, propulsée par une trentaine de moteurs. Bilan de l'année 1967 : quatre lancements ratés (deux missions Luna et deux missions Zond) … La bataille des fusées, nerf de cette course à la Lune, est en train de tourner à l'avantage des Américains.

Les Soviétiques n'abandonnent pas et se reprennent même en 1968 avec Zond 4, Luna 14 et surtout Zond 5, toute première sonde à revenir sur Terre après avoir fait le tour de la Lune, en septembre. La mission fait grand bruit, notamment parce que des éléments biologiques (tortues, insectes, plantes) ont été embarqués. Ce triomphe est en réalité un trompe-l'œil. Le taux d'échec au lancement est toujours préoccupant – deux mois plus tôt, un accident a même fait trois morts sur le pas de tir — et les responsables soviétiques, qui s'éparpillent sur plusieurs programmes, Luna, Zond et Cosmos, quand leurs rivaux sont désormais entièrement concentrés sur Apollo, ont d'ores déjà compris qu'ils ne seraient pas les premiers à envoyer des hommes sur la Lune. Les Américains, persuadés du contraire, décident malgré tout d'accélérer.

Un équipage passe ainsi 11 jours en orbite terrestre en octobre sur Apollo 7 et, le 21 décembre 1968, la Nasa enregistre enfin une « première » avec Apollo 8 : pour la première fois, des hommes sortent de l'orbite terrestre et s'insèrent dans l'orbite lunaire. Au passage, c'est la toute première fois qu'un homme a le globe terrestre dans son champ de vision, et voit la Terre dans son intégralité, un spectacle immortalisé par la remarquable photo Earthrise (lever de Terre).

Prise à bord d'Apollo 8 par Bill Anders, cette photo emblématique montre la Terre émergeant de la surface lunaire alors que le premier vaisseau spatial avec équipage faisait le tour de la Lune, avec à son bord les astronautes Anders, Frank Borman et Jim Lovell.

1969-1973 : « On a marché sur la Lune »

.            Côté russe, c'est la traversée du désert. Zond 6 s'est crashé en novembre 1968 à son retour sur Terre, et deux lancements de Zond sont consécutivement ratés en janvier et février 1969. Après un printemps 69 marqué par deux répétitions générales réussies de la mission Apollo (9 et 10), arrive donc le fameux mois de juillet 1969, qui va s'avérer fatal pour les Russes : après un nouveau lancement Zond raté le 3, ils lancent le 13 juillet, avec un mois de retard, l'atterrisseur Luna 15, pour tenter -à défaut d'être les premiers à poser le pied sur la Lune- d'être les premiers à en ramener des échantillons. Trois jours plus tard, c'est Apollo 11 qui décolle sous les yeux du monde entier.

Cap Kennedy, 16 juillet 1969 - Départ de Saturn V - Apollo 11

Avec ces deux missions simultanées, on touche au paroxysme de la course à la Lune, et, paradoxalement, à la toute première collaboration entre les deux grands rivaux : les Russes assurent à la Nasa que les trajectoires des deux vaisseaux ne se croiseront pas.

Le 21 juillet 1969, à 3 h 56 min 20 s heure française, Neil Armstrong est le premier humain à marcher sur la Lune. Des centaines de millions de Terriens les suivent en direct à la radio et 650 millions à la télévision, à l'apogée d'une mission ultra-médiatisée.

Avec Buzz Aldrin, il réussit la toute première collecte d'échantillon lunaire. Une vingtaine d'heures plus tard, ce 21 juillet, Luna 15 rate son approche et s'écrase dans le plus grand secret sur la Lune …

Buzz Aldrin sur la surface de la Lune, le 21 juillet 1969./Nasa

.            Moins de quinze jours plus tard, la Lune aura le droit à une nouvelle visite « humaine » avec la sonde Zond 7. Mais le programme russe est bel et bien dans le dur, avec l'échec au lancement des sondes Cosmos 300 et 305 en septembre et octobre 1969. Les Américains, eux, remettent le couvert avec Apollo 12 en novembre.

La roue semble tourner en 1970 avec l'échec d'Apollo 13 en avril. Une grave avarie pendant le transit entre la Terre et la Lune conduit à l'annulation de la mission et au retour en urgence des astronautes, dans des conditions rocambolesques qui tiendront le monde en haleine. Refroidie, la Nasa attendra janvier 1971 pour envoyer Apollo 14. Dans l'intervalle, la Russie réussit son premier retour d'échantillon robotisé avec Luna 16 en septembre, mène avec succès un mois plus tard la mission Zond 8, un vol censé préparer une future mission habitée, et achemine enfin en novembre sur la Lune la toute première astromobile, Lunokhod 1. En 2010, la sonde américaine Lunar Reconnaissance Orbiter parviendra à prendre des photos de l'atterrisseur Luna 17, qui hébergeait l'astromobile, à l'endroit où il s'était posé 30 ans plus tôt.

En 1970, la première astromobile à rouler sur la Lune fut la russe Luna 17, 756 kg, 1,35 m de haut et 2,15 m de long.

Mais l'intérêt pour la Lune fléchit déjà (les budgets engloutis étant disproportionnés par rapport aux résultats scientifiques) et la cadence des missions commence à baisser : de quatre en 1971 (Apollo 14 puis Apollo 15 et sa toute première astromobile avec équipage, Luna 18 et 19), on passe à trois en 1972 (Luna 20, et les deux dernières missions Apollo, 16 et 17), puis deux en 1973 (Luna 21 et la mission américaine Explorer 49). Les Etats-Unis se retirent alors, et la fusée Saturn V, utilisée sans aucun échec depuis 1964, prend une retraite bien méritée. Encore un orbiteur et deux atterrisseurs russes (Luna 22, 23 en 1974 et 24 en 1976) chargés de ramener sur Terre d'ultimes échantillons, et c'en est fini de l'âge d'or de la Lune.

 

Et après ?

.            Pendant les trois décennies suivantes rien, ou presque : un mini satellite japonais mis en orbite en 1990, deux missions d'observations américaines, Clémentine en 1994 et Lunar Prospector en 1998, et une première européenne, essentiellement symbolique, en 2003, avec SMART-1. Depuis 2007, le développement de programmes spatiaux dans les pays émergents et la maturation des programmes d'explorations martiens, qui prévoient une étape lunaire, ont entraîné un regain d'intérêt pour la Lune, visitée par une dizaine de sondes.

La Chang'E 4 chinoise, le 03 janvier 2019, atterrit pour la toute première fois de l'humanité sur la face cachée de notre satellite naturel. Il a fallu pour y arriver, placer au préalable au point de Lagrange du système Terre-Lune, un satellite relais, Queqiao pour transmettre les signaux. Chang'E 4 et son petit rover Yutu-2 sont tous deux encore actifs.

La sonde israélienne Bereshit, s'est crashée le 11 avril 2019. Le 22 juillet 2019, l'Inde a lancé la mission Chandrayaan-2 dont la sonde principale en orbite autour de la Lune, a lâché l'atterrisseur Vikram, mais celui-ci s’est perdu le 6 septembre.

.            Dressée sur son pas de tir en Floride, l'immense fusée SLS (Space Launch System) s'envole le 16 novembre 2022 et, vérifiant que le véhicule est sûr pour accueillir les futurs astronautes, annonce le retour des vols habités. La Nasa a déjà identifié 13 sites, proches du pôle Sud, qui pourraient être propices à un atterrissage prévu pour 2025 (?) de la troisième mission du programme Artemis. Parmi l’équipage, il pourrait y avoir la première femme à poser le pied sur la Lune, mais pas encore d’Européens, malgré la fourniture du module de service de la capsule Orion par l’Agence spatiale européenne, indispensable à la survie des astronautes. A plus long terme, la suite du programme ambitionne la construction d’une station spatiale en orbite lunaire pour parvenir à une présence durable à la surface, cette plateforme pourrait aussi servir de point de départ à de futures explorations martiennes.

Malgré tout, le défi technique et le coût global d'Artemis rendent encore ces objectifs sinon hypothétiques, à tout le moins difficiles à atteindre. Il n'empêche que la volonté est là, et que les Etats-Unis souhaitent aussi associer d'autres nations à leur exploration lunaire, grâce à une base internationale en orbite lunaire nommée Gateway.

Pour l’instant, seuls trois pays ont réussi à se poser sur la Lune. D’après les statistiques, moins de la moitié des engins cherchant à alunir parviennent à leurs fins.

Le coût du programme Apollo

.            Les États-Unis ont dépensé 25,8 milliards de dollars pour le projet Apollo entre 1960 et 1973, soit environ 257 milliards de dollars après ajustement de l'inflation en dollars de 2020. En ajoutant le projet Gemini et le programme lunaire robotisé, qui ont tous deux permis la réalisation d'Apollo, les États-Unis ont dépensé un total de près de 30 milliards de dollars (300 milliards de dollars ajustés). Les dépenses ont atteint un pic en 1966, trois ans avant le premier alunissage. Le montant total dépensé pour la NASA au cours de cette période était de 49,4 milliards de dollars (482 milliards de dollars ajustés). Le programme Apollo a donc consommé plus de 60% du budget de la NASA sur les douze années.

Histoire

.            La NASA a envisagé des plans pour un alunissage avec équipage dès 1959 et a entrepris les premières études conceptuelles en 1960. Ces premières études ont permis à l'agence spatiale de répondre rapidement et positivement à l'interpellation du président Kennedy en avril 1961, lorsqu'il a demandé "avons nous la possibilité de battre les Soviétiques ... d'envoyer un homme sur la Lune et de l’en faire revenir ? » et par conséquent de proposer à la nation américaine un "programme spatial qui promet des résultats spectaculaires avec lequel nous pourrons gagner".

La priorité nationale du projet Apollo apparaît clairement dans les graphiques suivants. En 13 ans, les États-Unis ont dépensé l'équivalent de 300 milliards de dollars 2020 pour mettre en œuvre un programme lunaire habité à partir de zéro. Au cours de cette période, plus de 3 dollars sur 5 destinés au programme spatial ont été consacrés à Apollo et aux programmes connexes. Ces dépenses se sont avérées insoutenables à terme. Le budget de la NASA a ainsi chuté de façon spectaculaire par rapport au sommet atteint au milieu des années 1960, et bien qu'il se soit stabilisé au début des années 1970, les dépenses consacrées à Apollo ont continué à diminuer. Après des milliards de dollars et 6 alunissages réussis, les États-Unis ont cessé de soutenir le programme. La proposition officielle de budget de la NASA en 1973 indiquait simplement que "les objectifs prévus du programme Apollo étant atteints, le financement de l'année fiscale 1974 n'est plus nécessaire".

Les coûts annuels des composantes du programme Apollo.

           Le graphique ci-après présente les coûts des principaux programmes du projet Apollo. On constate que les deux postes de dépenses les plus importants ont concerné la famille des lanceurs Saturn et les vaisseaux spatiaux qui y ont pris place. Ces deux programmes vérifient l’allure classique de la "courbe des coûts" typique du développement d’un projet d’ampleur, dans laquelle les coûts atteignent leur maximum avant d’atteindre l’objectif du programme lui-même (dans ce cas-ci, avant l'atterrissage sur la Lune). Le coût global du projet diminue à mesure que le travail passe des phases recherche et développement à la production et aux opérations. Comme pour tout projet majeur d’envergure, en l'absence d'un financement raisonnable dès le lancement des projets spatiaux, les difficultés inhérentes à ces travaux de démarrage restent sans solution, générant des retards et l’augmentation des coûts de réalisation. Ce graphique montre que le projet Apollo a disposé de l'argent dont il avait besoin ... quand il en a eu besoin, ce qui a contribué à assurer le succès de l'entreprise. Depuis, peu de programmes de la NASA ont bénéficié de ce « luxe » et, par conséquent, n'ont pas respecté leur calendrier initial.

Le programme Apollo en chiffres

1 000 000

           Le coût en dollars 2020 (100.000 $ de l’époque) de la fabrication d’une seule combinaison du modèle « Skylab A7L » qu'a portée Neil Armstrong.

400 000

.            C’est le nombre de personnes – astronautes, scientifiques, ingénieurs, informaticiens, ouvriers, services, etc. - qui ont contribué de près ou de loin au succès des programmes d'Apollo.

20 000

.            C'est le nombre d'entreprises (Boeing, North American Aviation, IBM, etc.) et d'universités (MIT, université du Colorado, université du Texas, etc.) qui ont collaboré avec la NASA pour envoyer les premiers hommes sur la Lune : de la fabrication du lanceur Saturn V à la conception de l'ordinateur de bord d'Apollo, en passant par les équipements des astronautes.

8

.            Les astronautes qui moururent tout au long du programme Apollo.

La première victime, en 1964, fut Theodore Freeman, lorsque son avion - un jet d'entraînement le T-38 de Northrop- fut percuté par un oiseau, brisant la verrière et calant le moteur. Bien qu'il se soit éjecté, il était trop près du sol et est mort sur le coup.

Le 28 février 1966, l'équipage principal de Gemini 9, Elliot See et Charles Bassett, se préparait à faire atterrir leur T-38 à St Louis, une très mauvaise météo les fit s’écraser sur le bâtiment où était construit le vaisseau spatial.

Trois astronautes - Gus Grissom, Ed White et Roger Chaffee - sont morts, le 27 janvier 1967, lorsque leur module de commande Apollo 1 a pris feu lors d'un exercice de routine, mené sur le pas de tir 34 de Cap Canaveral (Floride)

La même année, Clifton Williams a été tué dans un autre accident de T-38.

Edward Givens est décédé dans un accident de la route.

Les 8 astronautes, ainsi que 6 cosmonautes soviétiques, sont commémorés par une plaque laissée sur la Lune par l'équipage d'Apollo 15.

Il y a cependant un astronaute qui n'a pas été mentionné. Robert Lawrence aurait dû être le premier astronaute afro-américain. Affecté à un projet militaire secret de station spatiale, il a été tué en décembre 1967 alors qu'il donnait des instructions à un autre pilote sur les techniques d'atterrissage. Ces techniques ont été utilisées plus tard dans le cadre du programme de la navette spatiale.

 

45

.            Le poids en tonnes du vaisseau spatial placé par la fusée Saturn V sur la trajectoire lunaire. Celui-ci comportait deux sous-ensembles. Le module de commande (CM), de forme conique, qui transportait les trois astronautes et, fixé à l'arrière du CM, le module de commande/service (CSM), lui-même composé du module de service (SM) qui contenait le carburant et le système de production électrique. Le module lunaire (LM) était arrimé à l'avant du CSM.

Un astronaute restait dans le CSM tandis que les deux autres descendaient sur la surface de la Lune avec le LM.

Le LM comportait un étage de descente et un étage d'ascension. L'étage de descente était abandonné sur la Lune et les astronautes retournaient au CSM dans l'étage de remontée, qui lui était ensuite abandonné en orbite lunaire. Avant de rentrer dans l'atmosphère terrestre, le SM était largué et consumé. Le CM s'échouait dans l'océan.

Le rendez-vous en orbite lunaire présentait l'avantage de ne nécessiter qu'une seule fusée et d'économiser du carburant et de la masse puisque le LM n'avait pas besoin de revenir sur Terre.

4,5

           Le volume habitable en m3 du module lunaire

12

           Le nombre d’hommes qui ont posé le pied sur la Lune durant les 6 missions d’alunissage ; un total de 24 ont atteint l’orbite lunaire. Ces astronautes sont restés plus de 80 heures, cumulées, sur la Lune. Ils ont parcouru 95 km à pied ou en rovers, limités à 16 km/h. Le 21 juillet 1969, Amstrong et Aldrin n'ont parcouru que 250 mètres dans la Mer de la Tranquillité.

2 %

.            C’est la proportion de la surface de la Lune explorée par les astronautes de la NASA au cours du programme spatial Apollo entre 1969 et 1972.

382

.            C’est le poids en kilos des 2.200 échantillons de roches lunaires rapportés lors du programme Apollo. La mission Apollo XI a collecté 21,7 kg.

18 663

.            Le nombre de clichés pris par les marcheurs lunaires entre 1969 et 1972.

40 700

.            La vitesse maximum en km/h atteinte au retour à l’entrée dans l’atmosphère.

74

.            Les kilo-octets de la Mémoire (ROM) de l'ordinateur de guidage d'Apollo (AGC), développé par le MIT (5 à 10 millions de fois moins que la norme de 128 à 1To des smartphones 2022). La mémoire RAM était de 4 Ko (2 millions de fois moins que la norme actuelle de 2 à 12 Go des smartphones 2022).
Logé dans un boîtier de la taille d'une petite valise, avec un affichage séparé et un panneau d'entrée installés sur la console principale du vaisseau spatial, c'était un chef-d'œuvre de miniaturisation.
Bien que les mémoires semblent chétives aujourd'hui – mais l'équivalent d'un ordinateur domestique des années 1980 tel que le Sinclair ZX Spectrum ou le Commodore 64 - il s'agissait d'une machine impressionnante, conçue avant tout pour ne pas tomber en panne.

Pendant ce temps, au sol, au Manned Spacecraft Center de Houston, la Nasa a acheté cinq des derniers ordinateurs IBM 360 (un modèle couramment utilisé dans les années 1970) pour analyser, en temps réel, chaque aspect de la vitesse, de la trajectoire et de l'état de santé du vaisseau spatial. Le système prévoyait un ordinateur de secours au cas où l'un d'entre eux tomberait en panne à un moment crucial.

La sonde indienne Chandrayaan-3, s’est posée sur la Lune.

L'Organisation indienne pour la recherche spatiale lance sa mission Chandrayaan-3 vers la Lune, depuis Sriharikota (Inde), le 14 juillet 2023. (ISRO / AFP)

.            Objectif Lune atteint. L'Organisation indienne pour la recherche spatiale (Isro) a annoncé que la mission spatiale indienne Chandrayaan-3, lancée le 14 juillet 2023, avait bien alunie sur le pôle Sud de la Lune, mercredi 23 août. L'Inde intègre ainsi le club très fermé des grandes puissances spatiales, Quelques jours auparavant, le 11 août 2023, la sonde russe Luna-25 de 800 kg s’envolait vers la Lune, une première depuis 1976. 8 jours plus tard, elle s'écrasait sur le sol lunaire en tentant un alunissage dans la zone du pôle sud lunaire. Alors que seuls 4 pays ont réussi des alunissages contrôlés (l’Union soviétique, les Etats-Unis, la Chine et désormais l'Inde), Chandrayaan-3 est la première à réussir son alunissage à proximité du pôle sud lunaire peu exploré. Mis au point par l'Isro, Chandrayaan-3 comprend un module d'alunissage nommé Vikram ("vaillance" en sanskrit) et un rover nommé Pragyan ("sagesse"). Ce robot d'exploration mobile doit parcourir la surface de la Lune pendant un jour lunaire, l'équivalent de quatorze jours terrestres. De son côté, le lanceur va "poursuivre son voyage sur l'orbite actuelle pendant des mois/des années" dans le cadre d'un programme d'étude des exoplanètes.

Des enjeux géopolitiques au-delà des ambitions technologiques et scientifiques.

.            Jusqu'à présent, seuls trois pays étaient parvenus à poser des engins sur la surface de la Lune : la Russie, les Etats-Unis et la Chine. L'Inde, avec le budget relativement réduit de son programme aérospatial comparé à d'autres nations, veut s'inscrire dans cette liste ; le pays avait échoué lors d'une première tentative d'alunissage contrôlé en 2019.

Depuis la mise en orbite d'une sonde autour de la Lune en 2008, le programme spatial indien s'est considérablement développé. En 2014, l'Inde est devenue le premier pays asiatique à mettre un satellite en orbite autour de Mars et, trois ans plus tard, elle a lancé 104 satellites en une seule mission. D'ici 2024, elle devrait envoyer une mission habitée de trois jours en orbite autour de la Terre.

En 2019, l’Inde se flattait d’avoir abattu un satellite en orbite basse avec un missile, mais s'était attirée des critiques en raison des quantités de "déchets spatiaux" générés. L'Inde s'efforce également d'augmenter sa part (2% actuellement) du marché spatial commercial mondial grâce à des coûts bien moindres que ceux de ses concurrents.

D’autres prétendants se sont fixé l'objectif Lune.

.           La Chine, d'abord. Pour le géant asiatique, il n’y a pas officiellement de compétition avec les États-Unis, mais le choix d’un alunissage en 2029, pour célébrer les 80 ans de la création de la République populaire et l’ambition d'y construire une base, montrent l’importance de l’enjeu. Si la Chine n'a envoyé son premier humain dans l'espace qu'en 2003, ses programmes spatiaux, alimentés par des milliards de dollars, montent en gamme depuis plusieurs décennies. Avec notamment plusieurs performances notables ces dernières années : l'alunissage d'un engin sur la face cachée du satellite de la Terre en 2019, le retour d'échantillons de Lune en 2020 et l'atterrissage d'un petit robot sur Mars en 2021. 

Les Etats-Unis, un demi-siècle après les dernières missions Apollo, veulent également reposer les pieds sur la Lune, officiellement pour 2025 au travers du programme Artémis. Le patron de la Nasa ne cache pas que l’objectif du programme Artemis est bien d’éviter que les Chinois soient les seuls à occuper le pôle sud de la Lune, site idéal pour une base permettant des séjours de longue durée. Il sera ensuite question de présence durable, par la construction d'une base et d'une station spatiale en orbite autour d'elle. Le tout pour préparer un voyage encore plus complexe : l'envoi d'un équipage vers Mars.

De son côté, le 11 août 2023, la Russie a lancé son premier engin vers la Lune depuis 1976. La sonde Luna-25 s'est toutefois écrasée le 19 août.

La Corée du Sud a également placé en orbite lunaire sa sonde Danuri en décembre 2022, lancée quelques mois plus tôt à bord d'une fusée SpaceX. Séoul s'est donné pour objectif de poser un engin sur la Lune en 2032.

Si les récents progrès de la technologie ont permis de faire baisser le coût des missions, incitant de nouveaux acteurs publics ou privés à se lancer, la Lune ne se livre toutefois pas si facilement. A l'instar de la mission russe Luna-25, une mission privée israélienne a raté l'alunissage de sa sonde en 2019. Même issue en avril dernier pour l'alunisseur Hakuto-R, de la start-up japonaise Ispace. Deux autres entreprises, les sociétés américaines Astrobotic et Intuitive Machines, devraient tenter leur chance d'ici la fin 2023.

Artemis - Objectif Mars

.            Le futur mégalanceur Starship de SpaceX de 120 m de haut (9 m de plus que Saturn V) et 9 mètres de diamètre pèse 4.500 tonnes au décollage (1,5 fois Saturn V). Il comporte deux étages réutilisables.

Le premier, Super Heavy, 70 m de long, pèse 3.600 tonnes au décolage et est équipé de 33 moteurs Raptor qui développent une poussée de 7.000 tonnes, spécialement conçus pour pour pouvoir fonctionner ensemble et être réallumés et donc réutilisés. Ils sont alimentés par un mélande de méhane (CH4) et oxygène (O2) possiblement produits sur Mars pour refaire le plein. Le second étage, Starship, 50 m de long, est équipé de 6 moteurs Raptor, pèse 900 tonnes et est fabriqué en acier inoxydable. Il est calculé pour transporter des passagers et du frêt. Il peut placer 150 tonnes en orbite terrestre.

Il est programmé pour déposer des astronautes sur la Lune en 2025 lors de la mission Artemis III de la NASA avant de partir vers Mars en 2030 !

.            Ce mégalanceur est en complément de la fusée SLS et de la capsule Orion développées par la NASA.