Des technologies en avance sur leur temps
D'après Geo - Mathilde Ragot – 22 déc 2022
. La civilisation romaine a certainement été l'une des plus avancées de l'Antiquité. Et ce, grâce, entre autres, à des technologies novatrices, qui ont permis à l'Empire de s'accroître démographiquement, économiquement et militairement. Parmi ces techniques innovantes, certaines ont perduré et ont été utilisées durant des siècles après sa chute, quand d'autres ont été oubliées, à l'image du solide béton romain — dont les mystères sont aujourd'hui décryptés grâce aux outils modernes.
En s'étendant sur la majeure partie de l'Europe, l'Asie occidentale, l'Afrique du Nord et la Méditerranée à partir du VIIIe siècle av. J.-C., les Romains ont notamment laissé derrière eux des technologies majeures, utilisées durant les siècles ayant suivi leur effondrement dès le Ve siècle de notre ère. Certaines innovations architecturales antiques, par exemple, sont encore visibles dans les structures urbaines du monde entier. Preuve que l'œuvre magistrale et l'ingénierie des Romains peuvent toujours s'observer dans la vie moderne.
Les égouts
. Les premiers égouts souterrains construits à Rome l'ont été par les Étrusques vers 500 av. J.-C. Une fois la ville prise à cet ancien peuple de la péninsule italienne, les Romains ont fait de ces structures en pierres finement sculptées la norme dans nombre de leurs cités. Dans certaines villes, en particulier Rome, les dimensions (longueur et largeur) de l'égout principal, la Cloaca Maxima ("le grand égout"), rivalisent avec l'étendue des conduites d'égout principales dans de nombreuses villes d'aujourd'hui. Toutefois, la fonction de ces galeries anciennes ne peut être assimilée à des objectifs sanitaires modernes.
Aujourd'hui, la fonction des égouts est d'évacuer les déchets des zones urbaines. Mais à l'époque, leur rôle principal dans la capitale italienne était plutôt d'éliminer l'excès d'eau stagnante pouvant inonder les rues. La Cloaca Maxima, notamment, permettait d'éliminer les débordements du Tibre adjacent, ce qui était fréquemment le cas. Les galeries n’étaient donc pas toujours enterrées, et si certaines maisons étaient directement reliées au système de drainage sous terre, d'autres déversaient simplement leurs eaux usées dans les rues, ensuite lavées pour évacuer leurs saletés dans les égouts. À Pompéi, Herculanum ou Ostie, rares étaient les toilettes privées ou publiques dans les villes qui étaient raccordées au réseau. L’évacuation finale dans le fleuve se faisait toutefois par un réseau de tunnels. Le grand égout fonctionne toujours comme à l’origine, même après plus de deux millénaires et demi d'utilisation continue.
Les routes et le béton
. "Omnes viae Romam ducunt", "Tous les chemins mènent à Rome". En 200 apr. J.-C., les Romains avaient construit plus de 80.000 kilomètres de routes, réparties en 29 rues partant du point zéro situé sur le Forum Romain, où se trouve désormais le Milliaire d'or. Et cela, sans compter les kilomètres de chemins non pavés. Rome possédait ainsi un gigantesque réseau de voies reliées les unes aux autres, qui s’étendait sur plus de 320.000 km à son paroxysme. Or le secret de ces voies romaines prétoriennes, vicinales ou privées se cache dans leur fabrication. Comment expliquer qu'actuellement, l'eau salée érode le béton moderne en quelques années, quand certaines des chaussées construites il y a 2.000 ans restent intactes et toujours empruntées ?
On a découvert qu'un mélange de chaux, de roches et de cendres volcaniques était utilisé, constituant un premier mortier. Et pour rendre ce dernier plus robuste encore, il était placé dans de l'eau de mer. La réaction chimique qui en résultait formait un "hydrate de silicate de calcium-aluminium fort" imparable pour l'intégrité structurelle de leurs routes, mais aussi de leurs bâtiments, le Colisée, en particulier. S'il ne peut être affirmé que dans l'Histoire, le béton ait été inventé par les ingénieurs de l'Empire romain, il est certain que les techniques anciennes de production ont été améliorées durant son hégémonie, afin de confectionner ce matériau incroyablement polyvalent et solide. Les voies étaient par ailleurs parfaitement droites, en légère pente et accompagnées de gouttières. Celles-ci permettaient que l'eau et les débris ne restent pas sur le chemin en cas de pluie.
Les livres reliés
. Les Romains sont loin d'avoir été les premiers à laisser des traces écrites — celles de la première forme d'écriture, le cunéiforme, datent d'environ 3.300 ans av. J.-C. Le remplacement des rouleaux de papyrus (pouvant mesurer jusqu'à dix mètres) et des lourdes tablettes d'argile pourrait néanmoins leur être attribué. Devant la difficulté à transporter et stocker les textes ou encore la fragilité des documents, Jules César aurait en effet commandé l'un des tout premiers livres reliés : un assemblage de tablettes de cire antique et de couches de papyrus, maintenues par un lien en cuir, appelé "codex". La cire était gravée avec un instrument pointu appelé "stylet". Plus tard, elle sera remplacée par des peaux d'animaux plus légères. Une technique largement utilisée par les premiers Chrétiens, qui en useront pour faire des codex de la Bible et des textes religieux.
Les outils chirurgicaux
. Si des techniques médicales ont été empruntées par les Romains aux Grecs et aux Égyptiens, nombre d'outils, d’abord en pierre et en bronze, puis en fer, ont été développés durant l'Empire romain sur les champs de bataille. Les médecins disposaient d'une variété d'instruments qui ont contribué à façonner la chirurgie moderne : "corvus (bistouri), cyathisque (extraction des projectiles), volsella (pince à épiler pour enlever les fragments d'os), ferrum candens (cautères), paxilius (traitement des fractures), trépans (traitement des lésions cérébrales traumatiques), crochets, forets à os et pinces leviers, spéculums vaginaux et rectaux, cathéters, sondes, curettes [...]", sont par exemple cités dans les traités médicaux de Galien de Parme, médecin de plusieurs empereurs romains, dont des écrits seraient restés des références jusqu'aux années 1500.
Le chauffage des maisons
. Le chauffage par le sol est considéré comme un luxe moderne. Mais les Romains avaient déployé très tôt une méthode précoce pour distribuer la chaleur dans les habitations : le système de l'hypocauste (hypokausterion). Un foyer situé à l'extérieur produisait de l'air chaud, envoyé sous le sol des bâtiments à chauffer, surélevé par une série de piles ou de murets en béton. Des conduits étaient également construits dans les murs, afin de réchauffer les étages supérieurs et d'évacuer la fumée par le toit. Un principe qui avait en réalité déjà été observé dans les constructions de civilisations antérieures, mais qui a été largement utilisé et perfectionné par les ingénieurs de l'Empire. Le système était toutefois coûteux et donc généralement mis en place dans les bâtiments publics, les riches maisons ou les thermes. Aujourd'hui, le concept de base reste en grande partie inchangé et toujours employé, comme dans les bains turcs.