Quelques bases générales

Les chiffres

.            Ce sont les signes, les éléments d’écriture, utilisés pour construire les nombres.

Des signes

.            Notre système décimal est bâti sur les 9 chiffres indo-arabes, apparus en Inde au 3e siècle av.J.C., et parvenus en Europe, à partir du X° siècle, par l'intermédiaire des Arabes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.

.            C'est dans le quatrième millénaire avant J.-C., que les peuples d'Elam (Iran actuel) et de Sumer en Basse Mésopotamie (Irak actuel), ces derniers utilisateurs de la plus ancienne écriture connue (pictographique puis cunéiforme), ont développé les premiers symboles représentant des chiffres et des nombres. L'unité était représentée par un trait, la dizaine par une rondelle, la centaine par une bille, etc. Dans la numération babylonienne, partiellement sexagésimale (mélange de bases 60 et 10) on utilisait des chevrons et des clous (symboles faciles à tailler dans la pierre), avec la notion de zéro, la plus vieille connue de l’Histoire. Les Égyptiens notaient les nombres en dessinant des bâtons. Les Grecs comptaient en utilisant les lettres de leur alphabet.

Les chiffres romains

         Les Romains de l'Antiquité utilisaient leur propre système de chiffres pour écrire des nombres entiers jusqu'à environ 4999 à partir de seulement 7 lettres.

Contrairement à l’idée reçue, les chiffres romains ne sont pas acronymiques : le symbole qui représente le chiffre n’est pas l’initiale du chiffre en question. Ainsi, en dépit des apparences, C n’est pas l’abréviation de centum, ni M celle de mille. Ils proviendraient plutôt d’anciennes entailles dont les figures ont fini par être confondues avec des lettres.

Le repérage n'est pas aisé dès que le nombre d'encoches dépasse une poignée, parce que l'oeil ne perçoit pas clairement les collections au-delà de trois ou quatre items : lire IIIIIIII est pratiquement impossible (par comparaison à VIII, beaucoup plus simple). Le berger, sur son bâton, est naturellement conduit à intercaler régulièrement des encoches de forme différente, pour servir de repère visuel ; et le regroupement naturel (pour un berger comptant sur ses doigts) est par groupes de cinq, les doigts de la main. Un tel regroupement est toujours utilisé de nos jours sur les règles à mesurer.

Le repère "cinq" naturel pourra être une encoche plus longue (utilisée sur les règles), ou en biais (utilisée sur les tailles), mais ces deux marques ne se différencient pas bien des encoches simples quand il s'agit de les transcrire. Les marques simples finalement utilisées sont formées par une encoche double (en forme de V)

I : 1 ; V : 5 ; X : 10 ; L : 50 ; C :100 ; D :500 ; M :1000

Un nombre écrit en chiffres romains se lit de gauche à droite : si un chiffre est plus grand ou égal à son successeur, on l’ajoute à la somme ; s’il est plus petit, on le soustrait. La langue latine confirme l’ancienneté du procédé soustractif : ainsi, dix-neuf se dit undeviginti (« un ôté de vingt ») et dix-huit duodeviginti (« deux ôté de vingt »).Ainsi,

XXVI = 10 + 10 + 5 + 1 = 26             XXIV = 10 + 10 + (5-1) = 24

.            Lorsqu’ils conquièrent la Gaule au Ier siècle avant notre ère, les Romains apprennent à écrire et à lire aux Gaulois auxquels les druides ont interdit l’écriture. Les Romains utilisent alors un certain nombre de chiffres comme I, V, X, qui évolueront dans l’histoire de Rome et après, avant de se stabiliser à la fin de l’Antiquité. Ce système permet de faire des additions et des soustractions mais les autres opérations mathématiques comme les multiplications ou les divisions vont être difficiles voire quasiment impossibles.

.            En chiffre romain, 102 s’écrit CII, c’est-à-dire avec trois chiffres alors que 110, qui est plus grand, s’écrit CX, avec deux chiffres. La longueur visuelle de la suite de chiffres n’a rien à voir avec la valeur numérale du nombre, ce qui rend la lecture beaucoup moins rapide ! En dépit de ces inconvénients, les chiffres romains ont aussi leur usage : ils restent présents pour marquer l’ordinalité, comme l’écriture des siècles ou le rang des papes, des rois, ... dont l’écriture en chiffre romain permet de marquer la chronologie et la hiérarchie.

.           Les chiffres romains IIII et IV ont été utilisés, conjointement dans l’Antiquité, la notation IV ne devenant prédominante que vers le XV° siècle. Avec aussi certaines particularités, comme sur une horloge où le 4 en chiffre romain est noté IIII et non IV. La graphie IIII dite « horlogerie » y est préférée à la graphie IV pour des raisons pratiques et esthétiques. Pratique, parce que la notation IIII évite de confondre le IV (4) et le VI (6) du fait que ces chiffres sont écrits à l’envers sur les cadrans. Esthétique, car cette écriture permet un équilibre graphique entre les parties droite et gauche du cadran de l’horloge.

.           Et on peut se demander si Louis XIV va bientôt devenir Louis 14 ? A Paris, en 2021, le musée Carnavalet a décidé d'arrêter de mettre en avant la numérotation antique (chiffres romains), estimant que trop de visiteurs ne savent plus les lire. "Le choix assumé est de proposer un parcours accessible à tous en permanence", et donc de remplacer les chiffres romains par les chiffres arabes, jugés plus lisibles pour les visiteurs sur le nouveau parcours dans le musée. Le Louvre a déjà supprimé les chiffres romains depuis 2017, … mais uniquement les chiffres qui désignent les siècles et non les rois et les reines.

Les chiffres indo-arabes

.           Notre système décimal est bâti sur les chiffres indo-arabes, apparus en Inde au 3e siècle av.J.C., et parvenus en Europe, à partir du X° siècle, par l'intermédiaire des Arabes : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, le zéro n'étant "inventé" que quelques siècles plus tard. Les chiffres « arabes » actuels sont donc nés d'une transformation au Moyen-Orient de la notation née en Inde il y a 17 ou 18 siècles. D'ailleurs, en langue arabe, les chiffres sont dits « indiens » quand, en langue française, on les dit « arabes ».

.           Fondée au III° siècle av. J.-C., la numération Brahmi se répand depuis le nord de l’Inde dans la majeure partie de l’Extrême-Orient, jusqu’au Moyen-Orient. Ces chiffres arrivent d’abord en Iran. La connexion avec le monde arabe s’accomplira plus tard avec l’expansion de l’Islam et sera vraisemblablement adopté par les Arabes dès le milieu du VIIIe siècle. Ils véhiculeront alors dans tout le monde arabe, les sciences arabes s’exerçant à travers les califats établis au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Afrique du Nord.

.           C’est par la péninsule ibérique que l’Europe puis l’ensemble de l’Occident adoptent à leur tour les chiffres indo-arabes à partir du X° siècle. Deux publications l’attestent. Le moine mathématicien français Gerbert d’Aurillac (946-1003), le futur pape Sylvestre II, fait un séjour en Catalogne où il va apprendre les chiffres indo-arabes et mettre en place un système de calcul n’utilisant que les chiffres connus à l'époque 1 à 9. Il fait référence aux données des mathématiciens arabes dans un ouvrage consacré à la division euclidienne. Un peu plus tard, au début du XIII° siècle, un marchand italien de la ville de Prato, Leonardo Fibonacci (~1175 /~1250), est envoyé par son père dans plusieurs pays arabes pour apprendre les techniques commerciales des Arabes, connus pour être en avance sur les Européens. Il reste plusieurs années à étudier à l’Université de Béjaïa en Algérie. Il voyage également en Grèce, en Égypte, dans le Proche-Orient. Il y apprend les chiffres indo-arabes, l’usage du zéro et revient en Italie avec plusieurs méthodes de calcul et notamment la fraction. Ce mathématicien italien rédige un traité sur les calculs et la comptabilité, fondés sur le système décimal transmis par ses professeurs musulmans.

Les chiffres indo-arabes finalement se démocratiseront progressivement lorsqu’ils auront leur forme définitive avec l’arrivée de l’imprimerie dans la deuxième moitié du XV° siècle et lorsqu’ils se retrouveront sur les pièces de monnaie au XV° siècle en Italie et au XVI° siècle en France. Il faudra donc attendre la Renaissance et le développement exponentiel du commerce et de la balistique pour que s'imposent les avantages de ce système de calcul, rapide grâce à son extrême aisance et au petit nombre de chiffres (10) qui le composent.

.           Reste que si aujourd’hui le système d’écriture décimale positionnelle nous semble évident et familier, sa diffusion s’est longtemps heurtée aux traditions, en particulier en raison de l'introduction du zéro ! Bien que les usages se diffusent chez les marchands qui vont utiliser ces chiffres, ceci explique qu’ils ne le firent qu’en privé sans les faire apparaître dans leurs livres de compte publics.

Les nombres

.            L'humanité a vécu beaucoup plus longtemps sans chiffres qu'avec. Car il est possible, dans une certaine mesure, de « compter » sans chiffres. C'est d'ailleurs comme cela que l'homme connaissait le nombre de membres du clan, celui des animaux tués à la chasse ou le nombre de bêtes dans un troupeau. Il fallait pouvoir se repérer, évaluer les distances, mesurer l'écoulement du temps. Et tout cela sans chiffres. C'est encore comme cela que certaines peuplades, dites « primitives », comptent encore aujourd'hui.

Les recherches montrent que, spontanément, l'homme peut distinguer trois « quantités » : un, deux et beaucoup. Le un représente l’humain. Le deux, l’altérité. Le beaucoup est quantifié à partir du un et du deux. Ainsi, trois est un-deux, quatre est deux-deux, etc. Les langues antiques et modernes ont gardé en mémoire ce fait. En grec ancien, ho lukos signifiait « le loup », tō lukō « les deux loups » et hoi lukoi « les loups ». En anglais, le mot thrice a deux sens : « trois fois » et « plusieurs ». Three (« trois ») et throng (une foule) ont la même racine étymologique. Un procédé qui ne permet pas de quantifier les grands nombres.

Autre façon de « compter », les encoches sur un support. A la Préhistoire, les bergers utilisaient la méthode de l’entaille : compter à l’aide d’une entaille dans un bâton d’os avec un silex. On a découvert des os vieux de 20.000 à 35.000 ans, porteurs de séries d'encoches, qui sont sans doute les plus anciennes «machines à compter». Aux côtés de fresques représentant des animaux ont été également trouvés des traits dans la pierre figurant un tableau de chasse.

 .            Finalement, l’invention empirique des nombres correspond au désir de compter, s’assurer du nombre de bêtes dans un troupeau, faire un inventaire des vivres, outils, armes, etc. ; créer des correspondances unité par unité d’objets similaires pour en faire des ensembles d’entités équivalentes. Comprendre l’impossibilité d’associer certains objets est à la base d’un besoin de « nombres ».

L’idée de compter le temps qui passe par les phénomènes cycliques de la nature révèle aussi le besoin du nombre. Chez certaines peuplades, on « marque » le temps par des signes distinctifs sur certains des organes du chef de village. Par exemple, le 13e jour du 8e cycle de lune sera marqué par un trait sur l’œil gauche chez certaines tribus.

.            Ce processus arithmétique demande l’attribution d’un rang à l’objet, lui permettant d’être une « entité » d’un ensemble et d’introduire une « mémoire » pour créer un ordre. Et le nombre entier devient une collection d’unités abstraites à partir de un ; c’est le principe de récurrence. C’est donc un concept permettant d’évaluer et de comparer des quantités ou des rapports de grandeurs, mais aussi d’ordonner des éléments par une numérotation.

Souvent écrits à l’aide d’un ou plusieurs chiffres, dont ils sont combinaison, les nombres interagissent par le biais d’opérations qui sont résumées par des règles de calcul. Les propriétés de ces relations entre les nombres sont l’objet de l’étude de l’arithmétique, qui se prolonge avec la théorie des nombres.

Le besoin d’une « base »

.             Une fois les notions de nombre ordinal (1, 2, 3…) et cardinal (1er, 2ème, 3ème…) adoptées, comment se représenter par des symboles les grands nombres ? C’est en voulant compter de grandes quantités que la notion de base fut inventée. Le réflexe naturel appliqué par beaucoup de systèmes de numération en base 10 a été d'utiliser les 10 doigts des mains qui nous ont en quelque sorte « appris » à compter.

En groupant par paquets de 10, puis de 100, on fabrique la base « 10 ».  Notre système de numération de base 10 emploie une notation positionnelle, les dix chiffres allant de 0 à 9. Elle représente la plus utilisée, la plus répandue et requiert un effort satisfaisant en termes de mémorisation et technique de calcul (en base « 2 » -faite de 0 et 1-, aurait-on du mal à voir que 100110010000 vaut 2 452 en base 10 ?). Pour autant, d’autres bases ont existé : la base 5 aux Nouvelles-Hébrides, la base 20 (en rajoutant les 10 orteils des pieds) chez les Malinkés en Afrique, les Esquimaux au Groenland et les Mayas en Amérique, la base 12 chez les Sumériens…

Mais aussi une mystérieuse base 60, connue et utilisée aujourd’hui, pour compter minutes et secondes et degrés du cercle. Sumériens et Babyloniens au IIIe millénaire av. J.-C., en seraient à l’origine, comme en témoignent certains vestiges. Les historiens ont avancé que l’intérêt de cette base était purement mathématique : « 60 » est le plus « petit » nombre pouvant être complètement divisé par 2, 3, 4, 5 et 6 ; mais aussi par 10, 15, 20 et 30.

A gauche : le principe de la base « 60 ». A droite : la tablette Plimpton 322, un des spécimens les plus connus des mathématiques babyloniennes. Cette tablette, parmi 500.000 découvertes, daterait d'environ 1800 av. JC.

Le zéro, ce rien si important.

..            Un chiffre qui ne représente rien, ce n'est pas rien. En plusieurs endroits du monde, des mathématiciens ont conceptualisé cette notion, des Indiens aux Mayas, jusqu'à en faire un chiffre (presque) comme les autres. Fondamental, le zéro, qui est d'ailleurs à l'origine du mot « chiffre » !

.            Dès 500, dans son traité Āryabhaṭīya, Aryabhata (476 / 550), le premier des grands astronomes de l'âge classique de l'Inde, dit du « 0 » : "d’une place à l’autre, chacun est dix fois le précédent". C’est Brahmagupta (598 / 668), l'un des plus importants mathématiciens et astronomes tant de l'Inde que de son époque, qui, dans son livre Brāhmasphuṭasiddhānta, « l'Ouverture de l'Univers » (écrit entièrement en vers), comprend le mieux la valeur du 0. Le mot indien désignant le zéro était śūnya (çûnya), qui signifie « vide ». Le zéro y est représenté par un petit rond (on ne sait pas vraiment pourquoi un rond !). Quand zéro est ajouté ou soustrait à un nombre, ce nombre ne change pas. Il découvre aussi les nombres positifs et négatifs en utilisant respectivement les mots sanscrits pour « fortune » et « dette » : une dette moins zéro est une dette ; une fortune moins zéro est une fortune ; une dette soustraite de zéro est une fortune ; zéro moins zéro est zéro. Il comprend aussi parfaitement les règles de multiplication : zéro multiplié par n’importe quel nombre donne zéro.

.           Le zéro positionnel, en forme de rond ou de point, remplaçant l'espace qui l'a précédé, a été trouvé dans l'actuel Cambodge en 683 et à Sumatra en 684. Ces régions sont, à l'époque, sous influence chinoise, et la première bénéficie alors de nombreux échanges avec l'Inde. En Inde, la première inscription comportant distinctement ce zéro, date de 876.

Le « zéro » a ensuite voyagé. Son arrivée en Occident a pour origine l’œuvre colossale des mathématiciens arabes, notamment les travaux d’al-Khwārizmī (~780 / ~850). Membre de la « Maison de la Sagesse », un centre de recherches situé à Bagdad, ce dernier peut être considéré comme un des fondateurs des mathématiques arabes. C’est son livre sur les nombres indiens qui a fait connaître la numération indienne (le système décimal) en Occident, par sa traduction latine : le titre latin est Algoritmi d’où viennent les mots « algorithme » et « algèbre ». Il reprend le symbole « o » pour le représenter. Il en fera un vrai nombre qu'on peut additionner et multiplier, comme les autres.

.           Le mathématicien italien Leonardo Fibonacci aura une influence déterminante pour l’adoption du « 0 ». Il traduira le zéro en italien, sifr (le vide en arabe) qui donnera zefirum qu'il utilisera, en 1202, dans son recueil Liber Abaci qui rassemble toutes les connaissances mathématiques de son temps. Zefirum sera utilisé jusqu'au 15e siècle. Après quelques modifications, ce mot aboutit à zéfiro, qui donnera zéro à partir de 1491. L’Eglise interdira les chiffres indo-arabes, et en particulier zéro, alors considéré comme un chiffre diabolique ! Jusqu'à déterrer, au XVII° siècle, les os du pauvre pape Sylvestre II, qu'elle considéra comme le premier à avoir introduit ce système de numération et donc accusé de sorcellerie …

Ensuite, l’histoire des mathématiques sera une suite de prise de conscience de cette révolution. Le calcul infinitésimal inventé par Newton et Leibniz traite de grandeurs qui « tendent » vers 0. Eux-mêmes bouleversent leurs disciplines.

.            Depuis, le 0 est un chiffre presque comme les autres, qui s'additionne, se multiplie et se soustrait. L'opération puissance ne lui fait pas peur mais quel que soit le nombre, une élévation à la puissance zéro vaut 1, à ceci près que 00 divise les mathématiciens. Et la division lui résiste encore, nous emmenant vers l'infini. Dans la plupart des langues, il se note aujourd'hui par un cercle ou un ovale, symbolisant la voûte céleste ou le vide (origine du mot arabe). Les Chinois lui préfèrent un idéogramme et l'arabe littéraire le représente par un gros point.

.           Le zéro est donc une invention récente dans l'histoire de l'humanité et il n'est ainsi pas étonnant qu'il pose tant de problèmes aux élèves : en effet quand ils le rencontrent pour la première fois on leur explique que "zéro c'est rien", du coup 2 divisé par 0 est égal pour certains à 2, logique puisqu'on divise 2 par rien ce qui revient à ne pas le diviser ; pour d'autres 2 divisé par 0 égal 0 puisqu'en divisant par rien on doit obtenir rien ! Chez certains 0 divisé par un nombre est impossible car on ne peut diviser le rien ! Finalement les élèves rencontrent les mêmes difficultés qu'ont rencontrés les hommes au cours de leur histoire, il n'est pas évident de concevoir 0 comme un nombre à part entière.

Le « 0 » n’a pas plu à tout le monde. Parmi ses détracteurs historiques, on trouve Aristote et avant lui les Pythagoriciens.

Les nombres réels

.             Un nombre réel, c’est soit un nombre entier, un nombre rationnel (qui peut être représenté par un quotient –fraction- de deux nombres entiers), ou un nombre irrationnel (qui ne peut pas s’écrire sous forme de fraction de deux nombres entiers). Par exemple, la racine de 2 qui mesure la longueur de la diagonale d’un carré de coté 1 est un nombre irrationnel ; c’est aussi un nombre dit algébrique car il est solution d’une équation algébrique à coefficients rationnels : x2 − 2 = 0.

.             Mais, la plupart des nombres réels sont en fait transcendants : ils ne sont solution d’aucune équation algébrique à coefficients rationnels. La plupart signifie ici avec une probabilité voisine de 1, car en réalité, si on choisit au hasard un nombre réel on obtient avec une probabilité voisine de 1 un nombre transcendant. Certains nombres réels, dont l’existence a été prouvée à partir des axiomes utilisés par les mathématiciens, comme Pi ou e, sont en fait, pour la plus grande part, transcendants.

.             Mais, ils sont bien plus étranges encore. Ils sont aussi non calculables avec une probabilité voisine de 1. Un nombre réel est non calculable s’il n’existe aucun algorithme qui peut générer toutes ses décimales.

.             Pire, ces nombres réels sont aléatoires : l n’existe aucun algorithme pour calculer ses N premières décimales avec une probabilité voisine de 1, et qui puisse s’exprimer de façon bien plus concise qu’en listant ces N décimales. Autrement dit : il n’y a pas de structure identifiable dans les décimales du nombre et qui permettrait de le décrire de façon plus concise.

.             Les nombres réels sont non dénombrables donc on ne peut nommer chacun d’entre eux. Ainsi, les nombres utilisés en pratique, que l’on peut nommer, constituent une partie infinitésimale des nombres réels.

Et les signes opérateurs arithmétiques ?

.            La plupart des signes opérateurs mathématiques ont été inventés entre le XV° et le XVII° siècles. Les signes « plus + » et « moins – » ont été introduits par l’allemand Johannes Widmann, vers 1460, ; le signe « égal = » par l’anglais Robert Recorde en 1557 ; le signe « multiplié x » par l’anglais William Oughtred en 1631 et le signe « divisé ÷ (obèle) » par le suisse Johann Heinrich Rahn en 1659.

Pourquoi la lettre "X" désigne-t-elle l’inconnue en maths ?

.            En mathématiques, le symbole “x” est utilisé pour désigner une inconnue (ou une variable). Une utilisation si répandue que l’on dit même dans le langage courant, hors des maths donc, « monsieur X », « naissances sous X » ou « plainte contre X » pour désigner, là encore, un inconnu.

.            L’histoire de ce « x » remonte au 3ème siècle. A cette époque le mathématicien grec Diophante décide d’appeler l’inconnu “arithmos” qui signifie “le nombre”. Mais ensuite les arabes à l’époque médiévale le modifient. Ainsi au 9ème siècle, Al-Khawarizmi l’appelle “shay”, qui veut dire « la chose ». Dans les équations il est représenté par la première lettre de ce mot : « sh ».

Cependant les espagnols, et plus précisément les Andalous non arabophones, alors sous influence maure, l’écrivent différemment ; en caractères latins cela donne “xay”.

Enfin, dernière évolution, Descartes au 17e simplifie “xay” en ne conservant que l’initiale “x”.

.            D’ailleurs c’est à Descartes que l’on doit l’utilisation des lettres minuscules du début de l’alphabet latin a, b, c, d… pour les nombres connus ; p, q… pour les entiers et celles de la fin de l’alphabet pour les inconnues x, y, z.

Pythagore, la mystique et la musique des nombres

.           Initialement, les premiers nombres inventés sont un, deux, trois, quatre, et … beaucoup. Les pythagoriciens érigeaient les mathématiques en spiritualité et les nombres en symboles mystiques. Pythagore développa toute une symbolique associant nombre, élément géométrique mais aussi gamme musicale et organisation du Cosmos. Philolaos de Crotone (470 - 385 av. J.-C), membre du groupe des pythagoriciens, établit ainsi une synesthésie (association de deux ou plusieurs sens à partir d’un seul stimulus) entre la géométrie et le chiffre. Le « Un » était symbolisé par le « point » et représente l’humain, le tout, l’unique. Le « Deux », était symbolisé par la « droite » et représente la dualité, l’altérité. Le « Trois » englobe dualité et unicité ; c’est le « plan ». Le « Quatre » est la tétrade (saisons, éléments) ; c’est un volume géométrique. La somme des 4 premiers nombres donne 10. Ils forment le Tétraktys, symbole pythagoricien par excellence. A la Renaissance, il sera repris dans la philosophie néoplatonicienne de Nicolas de Cues.

   Le Tétraktys, la symbolique pythagoricienne.

Les pythagoriciens érigeaient les mathématiques en spiritualité et les nombres en symboles mystiques. Pythagore développa toute une symbolique associant nombre, élément géométrique mais aussi gamme musicale et organisation du Cosmos. Platon, via Socrate, identifie Idées et Nombres en distinguant ces derniers de leur valeur purement arithmétique : ce qui est Un participe à l’Idée de « 1 » (Monade), ce qui est Deux à l’Idée de « 2 » (Dyade). Pythagore sépare la valeur purement arithmétique du nombre pour le transformer en « Idée ». Celle-ci pourra être utilisée en tant que symbole auquel on ffectera différentes propriétés géométriques, philosophiques, etc. : « les choses sont des nombres » ; les principes des mathématiques sont les principes de tous les êtres.

Dans le Timée, Platon décrit comment le Démiurge modèle le Cosmos à l’aide d’une habile structure harmonique basée sur des calculs d’influence pythagoricienne : une double progression géométrique de raison 2 (1, 2, 4, 8) et 3 (1, 3, 9, 27). La première donne les octaves par doublement successifs des intervalles (1, 2, 4, 8 = Do1, Do2, Do3, Do4…), alors que la suivante forme les douzièmes justes (1 = Do, 3 = Sol, 9 = Ré, 27 = La, 81 = Mi, 243 = Si…). On peut alors combler les intervalles musicaux doubles ou triples pour former la gamme complète dite de Pythagore. Toutes ces idées seront reprises bien plus tard par Kepler.

La pensée pythagoricienne se résume par une formule : « les choses sont des nombres ». Les principes des mathématiques sont les principes de tous les êtres.