D’après : Journal of American History - Sarah S. Elkind - 01 jun 2012 / The University of Chicago Press - Nancy Quam-Wickham – 1998 / www.westland.net - Jeffrey Stanton – 06 avr 1998 / www.bloomberg.com – Julia Fanzeres- 25 jan 2023 / The Conversation - Jill Johnston & Bhavna Shamasunder - 30 jan 2023

Oil derricks in Signal Hill, 1937. (Source: Library of Congress)

 “Un paradis de soleil, de fruits et de fleurs” …

.         une terre où "des cieux sans fumée et sans nuage laissaient le soleil pénétrer dans le cœur des hommes". Telles étaient les caractéristiques typiques du bassin de Los Angeles au début du vingtième siècle. Mais ce paysage paradisiaque devait connaître, dans les années 1920, le développement le plus intensif des champs pétrolifères de l'histoire, produisant "le plus grand déversement de richesses minérales que le monde ait jamais connu". L'énorme industrie pétrolière de la Californie du Sud a représenté plus de 20 % de la production mondiale de pétrole brut pendant une partie des années 1920. Elle a à ce point généré la croissance économique du sud de l’Etat au cours de cette décennie, que l'histoire du développement pétrolier de la région, est selon les termes de John Ise, un économiste de l’époque, "presque l'histoire de l'industrie pétrolière du pays tout entier".

« Aujourd'hui, les derricks pétroliers se dressent comme des arbres dans une forêt ... Les derricks de forage à vapeur rugissent sur de nombreux terrains vagues ... 180 permis de forage pétrolier ont été accordés et 25 autres sont en cours de procédure ... Si cette fièvre continue, ce qui est probable, on peut raisonnablement s'attendre à voir pratiquement toute la ligne de front de mer des propriétés privées de Washington Street à la Soixante-sixième avenue ou à Playa del Rey peuplée de derricks pétroliers ».

Venice Battle Attests Oil and Water Do Mix," Los Angeles Times, 29 juin 1930

.          C'est ainsi que le Los Angeles Times décrit le champ pétrolifère de Venice Beach-Del Rey en 1930, six mois après le début d'un boom pétrolier qui a déplacé des maisons, pollué des plages et transformé la Venice résidentielle en une zone de production pétrolière. Cette frénésie de forage, bientôt qualifiée de "destruction de Venice", a provoqué d’âpres débats sur le forage pétrolier et le zonage à Venice, et a été invoquée par les opposants à l'exploitation pétrolière à Los Angeles pendant les deux décennies qui ont suivi. Les débats sur la production pétrolière à Venice et dans d'autres quartiers de Los Angeles reflètent la longue lutte des villes américaines pour réglementer les industries polluantes, … mais avec une différence.

Les débuts du pétrole californien et … de ses dérives

.          En 1855, George Bissell et Jonathan Eveleth apprennent que le pétrole qu'on trouve très facilement dans le Nord-Est des États-Unis, en Pennsylvanie, (et qui était utilisé jusque-là par les Indiens et les premiers colons pour l'éclairage) pouvait fournir du pétrole lampant par distillation. Les deux hommes créent alors la société Pennsylvania Rock Oil Company. En 1856, après avoir vu des photos de derricks (mâts de forage) forant le sol à la recherche de sel, Bissell imagine de forer pour extraire le pétrole plutôt que de passer par des mines comme il était alors d'usage.

.          À la même époque, l'industrie pétrolière naît en Roumanie, avec la première raffinerie en 1857 à Ploieşti, qui alimente les 1.000 lampes de l'éclairage public de Bucarest.

.          La Pennsylvania Rock Oil Company devenue en 1858 la Seneca Oil engage alors Edwin Drake, un retraité des chemins de fer, comme prospecteur (principalement parce qu'il bénéficie d'une gratuité de transports). Celui-ci, contrairement à une idée répandue (surtout aux États-Unis), n’est donc pas à l'origine du forage du premier puits de pétrole en 1859. Il était simplement l'employé de la première société à produire du pétrole depuis un puits spécifiquement foré dans ce but.

Drake fore donc son puits à Titusville en Pennsylvanie, dans une région connue pour ses affleurements de pétrole, et produit les premiers barils américains. Les États-Unis en produisent 274 tonnes dès 1859, époque de la ruée vers l'or noir en Pennsylvanie. Jusqu’à cette date, le seul pays producteur était la Roumanie avec 200 tonnes. Dès 1862, les États-Unis produisent 3 millions de barils / an (environ 400.000 tonnes), devançant tous les autres.

.          Plusieurs industriels américains de l'huile d'éclairage, comme le New Yorkais Charles Pratt, renoncent peu à peu à l'huile de baleine (une espèce déjà en voie de disparition !) pour raffiner du pétrole.

.          Le premier puits de pétrole a été inauguré en Californie en 1890. En 1894 a été découvert le champ pétrolifère de Midway-Sunset dans la vallée de San Joaquin, dans le comté de Kern au nord de Los Angeles, actuellement le plus grand champ pétrolier connu de la Californie et le 3e plus étendu des Etats-Unis, exploité principalement par la société Chevron.

Edward Doheny, a osé forer les premiers puits dans le champ pétrolier de Los Angeles City, et en 1892, au milieu d’un pâté de maisons à environ un mile (1,6 km) à l'ouest du centre-ville, c’est le premier puits productif. Ce succès a déclenché un boom pétrolier en Californie du Sud et lui assura une fortune lorsqu'il vendit ses actifs en 1902. Il est ensuite devenu un magnat du pétrole, tristement célèbre lors du scandale du Teapot Dome dans les années 1920. Même s’il a finalement été acquitté des accusations selon lesquelles il aurait soudoyé le secrétaire à l'Intérieur Albert Fall en échange de concessions pétrolières dans les réserves pétrolières marines d'Elk Hills et du Teapot Dome.

.          Les lois régissant la propriété des terres et du pétrole dans la Californie du début du vingtième siècle encourageaient une forte densité de forages, réalisés à la va-vite, y compris dans les zones urbaines. En Californie, cette situation a handicapé les efforts du gouvernement et de l'industrie pour atténuer les dommages liés au pétrole et met en évidence le caractère central des droits de propriété dans la réglementation industrielle locale.

.          Alors que les abattoirs, les tanneries et autres industries « sales » pouvaient être déplacés loin des riches propriétés et des zones densément peuplées, les gisements de pétrole sont là … où ils sont ! Ainsi le premier épisode de la lutte de Los Angeles contre le pétrole a commencé dès le tout premier puits « urbain » foré par Doheny

Les élus ne tardent pas à adopter des règles pour empêcher les puits de pétrole d'empiéter sur les parcs publics. Cela n'a guère contribué à faire cesser la prospection pétrolière, que ce soit au centre-ville ou, plus tard, à Venice, car en Californie, les propriétaires fonciers ne sont guère limités dans leurs droits d'exploiter les ressources minérales. Surtout qu’en vertu de la law of capture (loi de la capture), le pétrole n'appartient qu'à la personne qui l'a "capturé" ou extrait. Le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol et de sa production minière, quand bien même le gisement de pétrole, atteint depuis son terrain, s'étendrait-il au-delà des limites de sa propriété. Ainsi, dans un champ pétrolifère subdivisé en centaines de propriétés distinctes, comme l'était Venice, ces lois incitaient les compagnies pétrolières à louer le maximum de lots de terrain, à ériger autant de derricks et à produire rapidement autant de pétrole qu'elles le pouvaient.

.          Constatant la destruction progressive de Venice, l'opinion publique a fini par se mobiliser contre les forages mais cette réaction a été interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Les compagnies pétrolières, soutenues par les fonctionnaires fédéraux, ont augmenté la production pendant la guerre. Elles ont toutefois tenté de réagir à l'opposition du public en introduisant de nouvelles technologies pour atténuer les principaux dangers des forages pétroliers.

L'intérêt de cette histoire réside toutefois dans la façon dont l'industrie pétrolière a détourné les contraintes réglementaires et, ce faisant, a affirmé ses prérogatives en matière de « résolution » des problèmes environnementaux urbains.

Le champ pétrolier Venice-Del Rey

.          Venice est situé dans la baie de Santa Monica, à 15 miles (~ 25 km) à l'ouest du centre de Los Angeles. L’aménagement du quartier a commencé en 1905 avec une fantaisie immobilière spéculative - et largement infructueuse – à base de canaux et de gondoles. En 1926, Los Angeles a annexé Venice.

Creusement des canaux en 1905.

.          Lorsque l'Ohio Oil Company a trouvé du pétrole au sud-est de Venice le 18 décembre 1929, les règlements de zonage de Los Angeles ont interdit le forage pétrolier dans les zones résidentielles et commerciales de la communauté. En pratique, le forage dans ces zones ne pouvait se faire sans un permis spécial du conseil municipal. Cette exigence a incité les agents des compagnies pétrolières à se déployer immédiatement pour négocier des baux de forage … dans les quartiers résidentiels de Venice. Et le conseil municipal a estimé … qu'il était pratiquement impossible "d'interdire à un propriétaire d'aller chercher une fortune sous son terrain" ; ainsi en mars 1930, « naturellement », des dizaines de permis spéciaux avaient été accordés. Les restrictions de zonage se sont bien évidemment progressivement effondrées avec l’usage et dès l'année suivante, l'exploitation pétrolière s'est faite « un peu au hasard » prétextant la loi de la capture : propriétaires et prospecteurs de pétrole considéraient que tout retard réduisait leur production de pétrole et donc leurs profits.

.          Dans les premiers mois du boom pétrolier, J. C. Barthel, un membre du conseil municipal de Venice, a déclaré que le forage pétrolier était "l'un des sujets les plus populaires et les plus unanimes" qu'il ait jamais vus. La Del Rey Beach Improvement Association et 5.000 habitants de Playa Del Rey et de Venice ont effectivement demandé la levée des restrictions sur le forage à Venice. En juin, quelque 3.000 habitants de Venice sont allés encore plus loin, en demandant par voie de pétition la suppression des restrictions sur le forage pétrolier partout dans la ville de Los Angeles. Les partisans du forage ont fait valoir que les propriétaires fonciers avaient des droits spécifiques pour exploiter leurs droits miniers ou pour louer leur propriété à qui ils le souhaitaient.

Ceux qui ont sollicité des permis de forage spéciaux en 1930 voyaient le zonage et les règlements à travers un prisme économique. Ils s'opposaient aux règles qui limitaient leur capacité à exploiter le pétrole sous leurs terres ou à tirer profit des booms immobiliers liés au pétrole. Barthel, ne fit pas exception à la règle : sa femme a demandé un permis de forage sous son nom de jeune fille, profitant que son mari demandait à la ville de Los Angeles de lever les restrictions de zonage à Venice.

Quand Los Angeles était une forêt… de derricks

.          Toutefois des opposants considéraient les puits de pétrole comme des nuisances publiques qui de surcroit empiétaient sur les droits de propriété d'autrui. Ils demandaient l'application intégrale du zonage afin de protéger le "bien public, sans considération des manques à gagner individuels". Ils affirmaient également que les électeurs de Venice avaient approuvé l'annexion de leur comté à Los Angeles en 1926, en particulier pour bénéficier des avantages des ordonnances de zonage de Los Angeles.

Des puits de pétrole sont construits des deux côtés du canal de Venice, au sud de Washington Street. - 1932

La plupart des plaintes des opposants au forage à Venice reflétaient les problèmes courants des "town lot fields", comme on appelait les terrains avec des derricks érigés … jusque dans les jardins des maisons. Ces opposants étaient de natures variées. Les propriétaires de Venice qui craignaient l'impact négatif du pétrole sur la valeur de leur propriété et sur la croissance économique liée au tourisme, ou frustrés d’avoir essayé sans succès d'obtenir un bail pétrolier, se sont coalisés pour protéger leurs investissements immobiliers des forages sur les terrains adjacents. Charles H. Randall, un membre du conseil municipal, représentant un district proche du centre-ville, a préconisé une interdiction légale de tous les puits dans les quartiers résidentiels de Los Angeles, car les dérogations au zonage y étaient bien trop faciles et fréquentes. En même temps, le Los Angeles Board of Playground and Recreation Commissioners s'inquiétait de la contamination des plages de loisirs par le pétrole.

.          Tous les champs pétrolifères du début du vingtième siècle ont effectivement été le théâtre de fréquentes marées noires, d'incendies, de jets de gaz, d'explosions et d'éruptions. Les pressions élevées du gaz dans les gisements de pétrole exacerbaient ces risques, tout comme les pratiques commerciales consistant à retarder au maximum la construction des réservoirs et des pipelines jusqu'à la production commerciale des puits, ou à laisser les jets de gaz se répandre sauvagement, comme le faisait une entreprise de Venice, "à des fins publicitaires" ! Dans les lotissements très peuplés des villes, la proximité des habitations par rapport aux derricks amplifiait ces dangers, alors même que la loi de la capture encourageait les pratiques de forage palliant ainsi la baisse de rendement de ces gisements de pétrole.

Gérer autrement (mieux gérer !) la production pétrolière

.          Au moment où le forage a commencé à Venice Beach, plusieurs décennies d'exploitation pétrolière effrénée ailleurs aux États-Unis avaient poussé de nombreuses compagnies pétrolières à proposer de nouvelles pratiques de forage qu'elles qualifiaient de mesures de conservation du pétrole. Ces méthodes avaient pour but de réduire les inconvénients liés à la forte densité des derricks, de stabiliser les prix du pétrole et de maintenir la pression du gaz naturel dans le gisement pour assurer suffisamment longtemps la poussée nécessaire à l’extraction de l’huile. Plus précisément, les partisans de la conservation préconisaient d'établir des distances minimales entre les puits, de fixer des limitations de production et de répartir le pétrole entre les titulaires de baux dès avant le début du forage.

Certaines de ces mesures auraient permis de réduire l'impact du champ pétrolifère de Venice, mais cette stratégie en faveur de la conservation du pétrole s'est heurtée aux profondes divisions de l'industrie pétrolière en Californie. Si les grandes entreprises, telles que la Standard Oil, prônent la conservation du pétrole, en revanche les petites entreprises indépendantes s'opposent à ce que des règles ralentissant ou répartissant par anticipation la production viennent ainsi menacer leurs profits. Ces petites entreprises soupçonnaient également les grandes entreprises de n’en faire qu’un prétexte pour monopoliser les ressources et les marchés pétroliers.

Le champ pétrolifère de Venice se trouvait au sud de Washington Street, sur la péninsule de Venice. Les rails des tramways de la Pacific Electric passent le long de Trolley Way (aujourd'hui Pacific Avenue). - 1931

.          En l'absence de nouvelles règles d’exploitation ou de conservation, à Venice, les « baux communautaires » furent une alternative de développement rationnel et de conservation du pétrole. Dans le cadre d'un bail communautaire, les propriétaires fonciers privés louaient leurs terres en bloc à une seule société et en partageaient ensuite les recettes. Ces baux plus importants et volumineux signifiaient moins de puits, plus espacés, un gain d’échelle dans les coûts de forage et une production pétrolière globale plus importante. Les baux communautaires permettaient également de répartir les revenus plus équitablement entre les propriétaires fonciers, en considérant notamment ceux qui, seuls, n'auraient autrement pas pu tirer profit du pétrole sous leurs terres.

Par contre, les baux communautaires exigeaient au préalable des propriétaires fonciers qu'ils se mettent d'accord sur les détails du bail, qu'ils acceptent des règles de partage des revenus, qu'ils cèdent une partie du contrôle de leurs terres à leurs voisins et qu'ils acceptent des rendements plus lents. Ces exigences rendaient ces baux extrêmement difficiles à conclure, en particulier en pleine frénésie pétrolière.

.          Deux mois seulement après la découverte du pétrole par l'Ohio Oil Company, le conseil municipal de Los Angeles a rapidement envisagé un bail communautaire pour Venice. L'ordonnance proposée aurait permis aux compagnies pétrolières de louer des pâtés de maisons entiers, à condition que la majorité des résidents l'approuvent. En réduisant la densité des derricks sur le terrain, ce plan de location par blocs aurait atteint bon nombre des objectifs de conservation du pétrole et aurait pu préserver davantage le caractère résidentiel de Venice. Le développement par blocs aurait également fait passer le forage d'un calcul économique privé à une décision démocratique communautaire.

Mais la proposition n'a reçu que peu de soutien de la part du public, voire au sein du conseil municipal, précisément parce qu'elle menaçait les profits immédiats des propriétaires et s'écartait radicalement du régime des droits de propriété qui régissait à l'époque le pétrole et les baux. L'échec de l'ordonnance sur la location en bloc et l'absence de baux communautaires ou d'autres mesures de conservation du pétrole ont laissé Venice sans protection lorsque les propriétaires fonciers ont demandé au conseil municipal de déroger aux règlements de zonage et de délivrer des permis de forage spéciaux.

Exploiter les plages

.          En juin 1930, en raison de ce que le Los Angeles Times a qualifié de forage « sans discernement », le boom pétrolier avait empiété sur la plage publique de Venice. Le conseil municipal de Los Angeles et la Playground and Recreation Commission, horrifiés par la pollution pétrolière et les derricks qui se dressaient au-dessus de l'une des rares plages publiques du comté de Los Angeles, ont proposé que la ville loue la plage pour le forage et utilise les revenus pour acheter un rivage plus vierge ailleurs. Selon les lois californiennes sur la propriété, la ville est propriétaire du pétrole qui se trouve sous la plage. Les commissaires espéraient que la location de la plage permettrait de tirer un bénéfice public en compensation de la destruction de Venice. Aussi la commission fut-elle irritée par le fait que non seulement les compagnies pétrolières privées détruisaient la plage, mais qu'elles s’accaparaient aussi du pétrole qui appartenait légitimement au public.

Champ pétrolier sur la péninsule de Venice. Au moment où le champ atteint son apogée en 1932, il compte 340 puits de pétrole. - Août 1930

Des groupes immobiliers tels que la Del Rey Beach Improvement Association se sont joints à la section locale de la Izaak Walton League, une organisation de protection de la nature, pour protester contre ce plan de location de la plage publique. Lewis Stone, un acteur qui possédait une maison près de la plage, a intenté un procès pour empêcher la location de la plage au motif que les puits de pétrole sur la plage endommageraient sa propriété et « constitueraient une nuisance publique ». Le tribunal a donné raison à Stone ; cela préfigurait un changement majeur - bien que bref – de la réglementation.

.          En 1932, de vastes sections de Venice Beach, cette ville à vocation touristique, avaient été transformées en sites industriels. Des biens immobiliers autrefois riches de leur isolement par rapport aux nuisances de la production industrielle et de leur proximité avec l'océan étaient désormais entourés de derricks de forage bruyants, de pétrole déversé et du vrombissement incessant des pompes diesel. En transformant Venice Beach, le pétrole a également forcé les propriétaires à réestimer leurs biens. Ils ne pouvaient plus tirer de valeur des investissements immobiliers résidentiels et de vacances. Ils ne pouvaient que spéculer sur le pétrole s'ils le pouvaient, ou bien louer leurs terres en perdant leurs investissements. Les responsables de Los Angeles ont d'abord reconnu l'exploitation minière au détriment des autres droits de propriété, mais comme l'épisode de la location de plage l'a suggéré, la destruction de Venice a fait basculer l'opinion publique.

Los Angeles contre le forage en ville

.          Venice fut le dernier champ pétrolifère ainsi géré en Californie du Sud. Au cours des années 1930, les conflits se sont poursuivis entre ceux qui affirmaient leurs droits de propriété pour forer et ceux qui demandaient à être protégés des forages, mais l'équilibre des forces entre ces groupes a changé. Les profits privés ont commencé à pâtir de la baisse de la valeur des propriétés et de l'augmentation des coûts de maintien de l'ordre, de lutte contre les incendies et de réparation des infrastructures nécessaires dans les champs de la ville.

La production de pétrole a pratiquement cessé à Venice en 1932, car la prolifération des puits de pétrole a réduit la pression du gaz souterrain nécessaire à l’extraction du pétrole. L'effondrement rapide du champ a amené encore plus d'Angelenos à s'interroger sur la règle du privilège du droit à forer face aux autres priorités ; cela semblait causer de vastes dommages, pour des profits très brefs et inégalement répartis. Les valeurs de la propriété résidentielle et les intérêts de la communauté ont pris le pas sur l'exploitation privée des droits miniers pendant dans la suite des années 1930.

.          Le premier signe de la nouvelle politique pétrolière est apparu à Santa Monica. Au plus fort de la frénésie de Venice-Del Rey, Santa Monica légalisa l'exploration pétrolière dans les zones industrielles. Bien qu’aucun pétrole ne fut trouvé dans ces zones, en juillet 1931, la commission d'urbanisme de Santa Monica interdit de nouveau l'exploration pétrolière, estimant qu’une telle exploration ferait baisser la valeur des propriétés et ralentirait la construction de nouveaux logements dans la ville.

Peu après, la proposition de Ramsey Petroleum de forer un puits d'exploration près d'Elysian Park et du centre-ville de Los Angeles a échoué lorsque la Vermont-Shire Development Association a fait valoir que le forage dans les quartiers résidentiels violait le droit des propriétaires à jouir de leur propriété. Le conseil communautaire de Wilshire est intervenu, qualifiant les champs pétrolifères urbains de « nuisibles au développement esthétique de la ville en tant que havre de paix pour les propriétaires ». La découverte de nouveaux gisements de pétrole dans les collines de Del Rey en 1932 et à Redondo Beach en 1936 a suscité des réactions similaires et véhémentes pour la protection des propriétés résidentielles.

Le signe le plus manifeste que les Angelenos avaient reconsidéré les forages pétroliers et les droits de propriété est peut-être apparu en 1938, lorsque le conseil municipal de Los Angeles a approuvé un puits d'exploration dans une section non explorée de Venice. A l’opposé des clameurs en faveur d'une politique de forages illimités huit ans plus tôt, la Légion américaine locale, le Women's City Club et 830 résidents de Venice ont adressé une pétition contre le nouveau puits.

Oil fields in Signal Hill - Circa 1941

.          Dans le centre-ville de Los Angeles, à Del Rey Hills, à Redondo Beach et à Venice même, ceux qui s'opposaient au forage faisaient référence à la destruction de Venice en 1930 et 1931. Les nouvelles campagnes visant à exclure les puits de pétrole des zones résidentielles ont réussi en partie parce que les groupes d'affaires étaient désormais également favorables à l'imposition de limites sur le lieu et la manière dont les compagnies pétrolières pouvaient forer. Le monde des affaires s'est concentré sur la protection de la valeur des propriétés dans les zones côtières et dans d'autres endroits où le développement pétrolier menaçait à la fois la spéculation immobilière et la croissance économique liée au tourisme.

Par exemple, en 1927, les milieux d'affaires ont contribué à interdire le forage à partir de jetées qui s'étendaient sur les plages. Ces forages bloquaient l'accès du public et augmentaient l'érosion le long de certaines parties de la côte de Los Angeles. À la suite de la débâcle de Venice, les communautés de Malibu à Palos Verdes ont tenté à plusieurs reprises d'interdire le forage à moins de 2.500 pieds (760 m) des rivages ; les groupes d'affaires ont rejoint ces campagnes avec enthousiasme.

.          Les efforts visant à protéger la valeur des propriétés côtières ont cependant subi un revers majeur en 1936, lorsque la Standard Oil a soutenu une proposition de vote visant à légaliser le forage dévié dans les gisements de pétrole sous-marins depuis la terre ferme. La Standard Oil espérait que cette mesure, appelée Proposition 4, lui permettrait de retrouver l'accès au pétrole hors d'atteinte depuis l'interdiction des quais de 1927. Pour aider à surmonter l'opposition à ce nouveau type de forage côtier, le géant pétrolier a inclus dans la Proposition 4 une disposition prévoyant l'affectation d'une partie des redevances provenant de ces nouveaux puits côtiers au développement des parcs d'État.

Cette disposition astucieuse a permis à la proposition 4 d'obtenir l'aval du département des parcs d'État et le soutien d'une majorité de Californiens. Malgré les objections des électeurs du comté de Los Angeles, et les mise en garde des journaux de Venice et de Playa Del Rey contre la légalisation du forage dévié qui ouvrirait les plages et les quartiers à un forage effréné, la Proposition 4 fut adoptée. La chambre de commerce de Hermosa Beach a qualifié la Proposition 4 de « moyen de satisfaire l'avidité privée de certains grands intérêts pétroliers... [et] de véhicule par lequel la ruine et la destruction seront transportées sur nos plages ».

Bien que la Proposition 4 n'autorisait le forage oblique que le long des plages, elle fit planer le spectre d'une nouvelle ruée vers le pétrole à Los Angeles, ce qui explique pourquoi tant d'Angelenos ont voté contre cette mesure. Le boom ne s'est toutefois pas matérialisé immédiatement. En 1937, le sénateur du Dakota du Nord, Gerald P. Nye, a proposé au Congrès américain de déclarer les gisements de pétrole sous-marins de Californie, de Louisiane et du Texas comme faisant partie du domaine public. Plus tard dans l'année, le secrétaire à l'intérieur Harold Ickes a proposé de faire de tout le pétrole sous les eaux territoriales américaines une réserve pétrolière maritime. Il a fini par intenter un procès pour déterminer si le gouvernement fédéral ou les États avaient compétence sur ce pétrole. Les instances ont timidement régulé les gisements de pétrole près des côtes y compris ceux couverts par la Proposition 4, dans un vide juridique et cela jusqu'en 1953.

Le retour des forages en ville

.          La Seconde Guerre mondiale a contraint les habitants de Los Angeles à reconsidérer à nouveau l'équilibre entre la propriété résidentielle et le développement pétrolier urbain. La guerre en Europe et dans le Pacifique a augmenté la demande et les prix du pétrole. Ces prix plus élevés n'auraient peut-être pas changé à eux seuls la politique pétrolière locale, étant donné la position des milieux d'affaires sur le forage urbain dans les années 1930. Mais après l'attaque de Pearl Harbor, le 07 décembre 1941, le pétrole a été intimement lié aux objectifs de guerre nationaux et au patriotisme. Ainsi, les fonctionnaires fédéraux ont fait pression sur les gouvernements locaux pour qu'ils autorisent le forage dans toute la ville de Los Angeles et ont remis en question les réglementations locales.

Les compagnies pétrolières ont exploité les possibilités offertes par la guerre. Dès Pearl Harbor, Shell Oil a été la première à demander l'autorisation de forer un nouveau puits dans une zone jusqu'alors interdite à l'extraction pétrolière. En janvier 1942, Shell a demandé au conseil municipal de Los Angeles l'autorisation de forer sur une bande de terre jouxtant des zones résidentielles à l'intérieur des limites de la ville. Lorsque les habitants de ces quartiers protestèrent contre ce qu'ils considéraient comme un projet motivé par le seul profit et non le patriotisme, le maire de Los Angeles, Fletcher Bowron, opposa son veto au permis de Shell.

Shell répondit que le puits était requis par l'effort de guerre. Le secrétaire à la Marine Frank Knox et le bureau fédéral de gestion de la production ne se contentèrent pas d'exhorter les responsables de la ville de Los Angeles à approuver le puits de Shell, ils leur demandèrent également d'autoriser l'exploration pétrolière partout dans la ville. À la fin de 1942, le conseil municipal de Los Angeles, convaincu que l'urgence de la guerre justifiait de nouveaux forages dans les zones résidentielles, adopta la mesure de justesse en dépit du veto de Bowron.

.          Dans les douze mois qui suivent, le conseil municipal de Los Angeles reçut 9 autres demandes de puits d'exploration dans des zones résidentielles. Seaboard Oil, par exemple, a demandé et finalement obtenu la permission de forer dans le quartier près d'Elysian Park où Ramsey Oil s'était vu refuser un permis en 1932. Dans les villes productrices de pétrole de Wilmington et de Venice, les « puits de guerre » sont devenus un enjeu majeur des élections municipales de 1943 et ont contribué à la réélection des titulaires de ces districts, opposés au forage. Deux membres du conseil municipal en particulier, Wilder W. Hartley et David Stannard, rapportent que leurs électeurs organisèrent des réunions de protestation chaque fois que le conseil municipal semblait prêt à autoriser de nouveaux puits dans leurs districts.

.          Pendant ce temps, Shell, Seaboard et les autres compagnies qui ont profité de l’état de guerre ont tenté de détourner les craintes des riverains du champ de Venice-Del Rey en arrangeant des baux communautaires et en couvrant leurs derricks pour réduire le bruit et les fuites et embruns de pétrole causés par l’exploitation. Ces stratégies, insistaient-elles, leur permettraient de répondre aux besoins du temps de guerre « sans porter atteinte à la valeur de la propriété des résidents ».

.          Cédant aux pressions des compagnies pétrolières, de la Petroleum Administration for the War, du War Productions Board et de la marine, le conseil municipal de Los Angeles a approuvé un grand nombre de nouveaux puits de pétrole. Les membres du conseil insistent sur le fait qu'ils interdissent que les forages affectent les propriétés résidentielles, mais ils ne restreignent cependant pas les forages pendant la guerre. Le maire Bowron, en revanche, était convaincu que les objectifs de guerre nationaux ne devaient pas l'emporter sur les réglementations locales, les valeurs foncières ou les besoins de la communauté. En plus d'opposer son veto aux permis de forage spéciaux, M. Bowron a proposé une législation visant à renforcer les exigences de sécurité en matière de forage et à exclure les puits de pétrole des zones résidentielles pendant la durée de la guerre.

Lorsque le conseil municipal a rejeté ces mesures, il a accusé les compagnies pétrolières de faire du profit sans patriotisme et a tour à tour exigé et supplié qu'elles ferment leurs puits de guerre au retour de la paix. Il ne réussit dans aucun de ces efforts pour empêcher le pétrole d'envahir les quartiers résidentiels, en partie à cause de la force de persuasion de la nécessité militaire et en partie parce que de nombreux Angelenos considéraient désormais les champs de pétrole, les derricks et les forages comme des inconvénients mineurs par rapport aux autres sacrifices nécessaires pour gagner la guerre.

.          Ce type de réévaluation de la réglementation environnementale en temps de guerre ne fut pas propre aux politiques pétrolières ou à Los Angeles. Pour répondre aux besoins militaires, le War Productions Board et le ministère de l'Intérieur avaient également autorisé l'exploitation du sel dans le Death Valley National Monument et l'exploitation du tungstène dans le Yosemite National Park. Cependant, contrairement à l'exploitation minière dans les parcs nationaux, l'exploration pétrolière dans les quartiers résidentiels de Los Angeles s'est poursuivie après la fin des hostilités. La Seconde Guerre mondiale a effacé l'impact environnemental et politique de Venice Beach.

En résumé

.          La montée en puissance de la production pétrolière en Californie au début de la Grande Dépression (qui débuta par le krach boursier américain le jeudi 24 octobre 1929 –black Thursday- et dura jusqu'à la Seconde Guerre mondiale) à une époque où l'industrie du divertissement de Venice ne procurait encore que très peu de revenus, a créé un potentiel de richesse incalculable pour cette communauté.

C’était alors une ressource abondante, présente en surface ou peu s’en fallait. Dans la Californie du début du XXe siècle, l’extraction des minéraux était régie par des lois disparates ; pour le pétrole, le premier à forer, … et trouver, ramassait la mise et les droits d’exploitation. Cela a marqué le début d’une période de forages effrénés, avec la multiplication anarchique des puits et équipements associés.

.          L'Ohio Oil Company a creusé un puits d’exploration (wildcat well) le 18 décembre 1929 sur une propriété située à l’est du Grand Canal, Avenue 35 (aujourd'hui Eastwind sur la péninsule de la Marina), à seulement deux pâtés de maisons de l'océan. Le puits a d'abord produit 3.000 barils par jour (477 m3/j) de pétrole depuis une couche sablonneuse à une profondeur de 6.200 pieds (1.890 m). Très vite la compagnie a demandé une dérogation de zonage afin de forer du pétrole dans les limites de la ville sur la péninsule de Venice.

.          Monte alors la fièvre du pétrole. Les parcelles de terrain et les droits miniers s'échangent rapidement. Les habitants ne parlent que de pétrole et de l'argent que l'on peut gagner en forant un puits dans son jardin. Le 09 janvier 1930, une foule de 2.000 personnes rencontre les responsables de la ville et demande un rezonage pour faciliter les forages pétroliers. Près de 95 % des habitants sont en faveur de cette mesure, bien que ceux de Santa Monica se soient heurtés au refus de leur municipalité.

Les urbanistes de Los Angeles, le 28 janvier, lèvent l'interdiction de forer dans les limites de la ville mais, prudents, uniquement au sud de Leona (Washington Street). Ils délivrent 15 permis, avec un maximum de 2 puits par pâté de maisons. Deux semaines plus tard, la ville approuve ces permis.

.          L'Ohio Oil Company commence à forer son deuxième puits en mars 1930 et trouve à nouveau du pétrole le 03 mai. C'est un petit puits qui ne produit que 1.500 barils par jour (238 m3/j). Les propriétaires de Star #1 ont eu plus de chance un mois plus tard lorsque leur puits situé à l'angle de Avenue 35 et du Grand Canal a produit 5.000 barils par jour (795 m3/j). En juin, la masse salariale dans le secteur pétrolier s'élevait déjà à 75.000 dollars par semaine. Fin septembre, alors que près de 50 puits sont en exploitation, le champ pétrolifère se classe au 6e rang de l'État.

Evidemment la plage fut bientôt polluée, et ce quartier résidentiel, jusque là très prisé, a rapidement été abandonné par nombre des habitants, car devenu bruyant, malodorant, laid et dangereux. Des déchets pétroliers étaient constamment déversés dans le canal et le lagon, et fin août une explosion détruisit une plate-forme pétrolière. Une école de la péninsule dut fermer et les enfants transférés dans d'autres écoles.

.          Au milieu des années 1920, la cité des Anges était ainsi l’une des plus grandes régions exportatrices de pétrole au monde. Une décennie plus tard, les installations pétrolières étaient tellement omniprésentes que le Los Angeles Times les décrivait, en 1930, comme « des arbres dans une forêt ».

En 1924, les derricks formaient une véritable forêt au niveau de la municipalité de Signal Hill (Los Angeles). Water and Power Museum Archive

.          Le champ pétrolifère  de Los Angeles est si prospère que les propriétaires des compagnies pétrolières n’envisagent plus d’augmenter la production, mais au contraire de la réduire pour stabiliser les prix. La concurrence locale sur l'essence avait fait baisser les prix à 8 cents (0,08 $) le gallon (3,79 l) amenuisant les profits. Les 148 puits en exploitation produisaient quotidiennement 46.932 barils (7.462 m3) et 2.000.000 de pieds cubes (56.634 m3) de gaz. Le champ pétrolifère de Venice, le comté voisin, comporte lui 340 puits de pétrole et en 1931 devient le 4ème champ pétrolifère le plus productif de l'État. Toutefois, il commencera à s’épuiser dès le début de 1932 faisant chuter la production de pétrole. Fin 1942, 47.488.128 barils (7.550.000 m3) auront été pompés, alors que la production était tombéet à seulement 688 barils par jour (~ 110 m3/j).

.          De plus en plus, les compagnies pétrolières ont aussi cherché à camoufler leurs activités. Par exemple, en installant leurs infrastructures d’exploitation à l’intérieur de bâtiments, derrière de grands murs ou sur des îles artificielles au large de Long Beach, ou par tout autre moyen leur permettant de se fondre dans le paysage. Toujours présent, le forage pétrolier était désormais caché à la vue de tous. Les derricks pétroliers disgracieux de la péninsule de Venice ont été peu à peu évacués à mesure que les habitants se réinstallaient le long de la plage, dans cette zone appelée à redevenir touristique. En 1959, il ne restait plus que 64 derricks et le dernier a été retiré en 1962.

.          Avec l'augmentation de la valeur des propriétés, le quartier a connu de nombreuses transactions et a été aménagé, tandis que les derniers puits étaient bouchés. Il y avait bien sûr du pétrole résiduel dans le sol, et les quelques puits restants, appartenant pour la plupart à la Graner Oil Company de Signal Hill, produisaient encore, pompés comme des sauterelles, quelques dizaines de barils par semaine chacun.

 

Signal Hill

.          En 1958, le gouvernement de la ville de Los Angeles, toujours à la recherche de revenus, a demandé aux compagnies pétrolières de faire une offre pour des concessions de forage pétrolier sur l’estran de Venice. On estimait possible de procéder avec des forages déviés sans polluer la baie de Santa Monica. En 1962, les urbanistes ont approuvé les forages déviés dans la zone de North Beach. Les résidents recevraient 50 dollars par mois si du pétrole était trouvé.

En 1963, les County Supervisors ont soutenu un projet de forage pétrolier dans la baie, escomptant que les baux leur rapporteraient 25 à 50 millions de dollars. Les compagnies pétrolières prévoyaient de construire deux îles artificielles. Cependant, en septembre 1964, la State Lands Commission rejeta à l'unanimité lce projet du comté.

La même année, la Standard Oil, qui avait foré un puits et trouvé du pétrole à l'angle de Pacific et de North Venice Blvd (elle avait déjà échoué à l'angle de Rose et de la 7e Av.), voulut créer une emprise de 600 acres (~2,4 km2) pour effectuer des forages. Elle affirmait avoir contracté avec 75% des résidents. ET alors que le service d'urbanisme de la ville accordait une autorisation conditionnelle pour 6 emprises de forage supplémentaires totalisant 1.800 acres (~7,3 km2), l'association des propriétaires de Venice commença à s'opposer à ces projets.

.          Les seuls contrats pétroliers qui ont été signés l'ont été entre le service des parcs et loisirs de la ville et Socony-Mobil pour une zone de la plage où se trouvait autrefois la jetée de Venice. La compagnie pétrolière a offert 1.650.000 $ pour acheter les droits de pomper le pétrole dans cette zone au moyen de forages déviés offshore. La ville, en sus, recevrait 1/6e des bénéfices bruts et 50 % des bénéfices nets du champ.

Et du pétrole a été trouvé en mars 1966, et dès juin, 2.000 barils par jour (318 m3/j) étaient produits avec 3 puits déviés. L'inesthétique derrick de pétrole a été camouflé en phare « trompe-l’œil » et la zone adjacente au Venice Pavilion aménagée. Une grande partie des revenus pétroliers était destinée à la région de Venice, mais la commission d'urbanisme de Venice était furieuse qu'ils ne soit pas disponibles pour la rénovation du canal, car détournés pour un projet de quai de pêche à San Pedro.

La Beverly Hills High School a gagné de l’argent grâce à un puits de pétrole caché derrière des murs couverts de dessins. Elle a fonctionné jusqu’en 2017. Luis Sinco/Los Angeles Times via Getty Images

Le gisement de pétrole de la plage a finalement été épuisé au début des années 1990. Alors que la compagnie pétrolière avait déposé une provision de 500.000 dollars pour restaurer le site en fin d’exploitation , la ville affirma qu'il en coûterait près de 2 millions de dollars … et la zone resta clôturée de murs de béton, une horreur pour Venice Beach.

Et aujourd’hui

.          Toutefois, depuis les années 2000, l’industrie pétrolière connaît un nouvel essor. Les progrès des techniques d’extraction ont en effet permis d’accéder à des gisements jusque-là complexes à atteindre… ce qui a entraîné une relance des activités. Certains secteurs dans le South Los Angeles sont particulièrement concernés par cette ré-accélération de l’extraction.

.          Alors que la production pétrolière a cours à Los Angeles depuis un siècle, la résistance à l'industrie pétrolière s'est intensifiée depuis le début des années 2000. Des réglementations environnementales plus strictes et les objectifs climatiques de l'État ont entraîné une plus grande opposition et … fatalement des coûts de forage plus élevés.

Après des années de plaintes relatives à la pollution et aux problèmes de santé causés par les forages pétroliers, et reprenant l'interdiction imposée à l'échelle de la ville en décembre 2022, le Conseil des superviseurs du comté de Los Angeles, qui représente 2 millions de résidents, a voté à l’unanimité le 24 janvier 2023, l’interdiction de toute nouvelle extraction de pétrole et de gaz et la suppression progressive des opérations existantes. … L'interdiction ne concerne toutefois pas la zone de Baldwin Hills, qui englobe le champ pétrolifère d'Inglewood, l'un des plus productifs actuellement de Los Angeles ! Le comté élabore également une stratégie pour éliminer progressivement les puits existants. La ville de Los Angeles a fixé une période d’élimination progressive de 20 ans, tandis que le comté n’a pas encore fixé de calendrier.

Concrètement, la Californie, septième plus grand État producteur de pétrole brut aux Etats-Unis, interdit le forage de nouveaux puits de pétrole à moins de 3.200 pieds (975 m) des habitations, des entreprises, des écoles et d'autres zones peuplées.

.          L'interdiction du comté a été saluée par ses partisans comme une victoire historique, une mesure que la California Independent Petroleum Association tente de faire annuler. De même Warren Resources Inc. a intenté une action en justice devant la Cour supérieure de Los Angeles, affirmant que l'ordonnance équivaut à une saisie de sa propriété sans juste compensation.

D’après les services d’urbanisme de Los Angeles, la ville compte plus de 5.200 puits de pétrole et de gaz (d’autres sources indiquent 1.046 puits actifs, 637 puits inactifs et 2.731 puits abandonnés). Ils sont essentiellement situés dans des zones habitées par des minorités ethniques et culturelles, qui sont les premières à souffrir de l’impact sanitaire, relèvent les partisans de la fermeture des puits.

 

Aerial view of the Inglewood Oil Field