Les éoliennes – Icônes des Grandes Plaines.

Atlas obscura - Ryan Schnurr - 15 jan 2018 / Histoire des éoliennes - Zachary Shahan – 21 nov 2014 / Ignacio Mártil de la Plaza / American Legend # 28 / www.nps.gov

L’éolienne (windmill), aujourd’hui appelée aussi « aérogénérateur » ou « turbine », reste encore un des outils incontournables des fermes américaines, une référence historique et sentimentale dans les Grandes Plaines, la Prairie. L’histoire de ces moulins à vent, de leur apparition jusqu’au début du XXI° siècle.

Origine des moulins à vent.

.            L'homme exploite l'énergie éolienne depuis que l'on sait ce qu'il en est : elle était déjà utilisée pour propulser les bateaux le long du Nil en 5000 av. J.-C.

.            L'histoire des moulins à vent remonterait au 17° siècle avant J.-C., lorsque le souverain babylonien Hammurabi aurait fait part de son projet de convertir la puissance du vent, la seule source d’énergie contrôlable à l’époque, en utilisant un réseau « automatisé » de moulins à vent pour l’irrigation de ses terres. Mais son projet n'a jamais été réalisé, et les historiens n'ont jamais trouvé de preuve concrète qu'il en ait lancé la réalisation.

En 600 avant J.-C., les Perses innovateurs utilisaient l'énergie éolienne pour actionner des dispositifs rudimentaires destinés à pomper l'eau et à moudre leurs précieuses céréales.

.            Dans l'Égypte occupée par les Romains, Héron d'Alexandrie, un ingénieur mécanicien et mathématicien grec du Ier siècle après J.-C., a conçu entre autres machines hydrauliques, l'un des premiers exemples d'instrument de musique appelé « orgue » en exploitant la puissance du vent pour actionner une roue et dont le principe a cependant pu être utilisé de manière plus productive.

Au Tibet et en Chine, les "moulins à prières" actionnés par le vent ont fait leur apparition dès l'an 400.

Les premiers appareils à vent de type panémone découverts par les archéologues datent de 500 après J.-C. Ils étaient souvent utilisés comme éléments décoratifs, notamment en Chine et en Asie, plutôt que comme sources d'énergie.

  Principe du panémone

Du VII° au IX° siècle, les panémones sont utilisés dans la région du Sistan en Iran, près de l'Afghanistan et en Crète, pour moudre le blé, et pour écraser les olives afin d'en extraire l'huile. Elles étaient fixes, car calées définitivement dans une structure solidaire du sol, et on attendait donc les vents dominants d'équinoxe de septembre pour traiter la récolte.

Puis, vers l’an mil, des moulins à vent rudimentaires à axe horizontal munis de voiles en roseau sont conçus en Perse et au Moyen-Orient, pour moudre le grain. Popularisés par les musulmans ils sont rapidement arrivés en Inde, en Chine et en Sicile où ils seront adoptés pour moudre le maïs (moulin -machine à moudre- à vent), pour pomper l’eau (pompe à vent), en particulier l’eau de mer pour en extraire le sel.

Les moulins à vent en Europe

.            Au XIe siècle, ces nouvelles façons d'utiliser l'énergie éolienne se répandent dans le monde entier : les marchands et croisés qui reviennent d’Orient rapportent cette idée en Europe. Les moulins à vent, apparaitront en Angleterre d’abord ; l'un des plus anciens moulins du Royaume-Uni qui a aujourd'hui disparu se trouvait à Weedley, une petite communauté près de South Cave, dans le Yorkshire et peut être daté de 1185. Leur utilisation s'y est répandue et à la fin du XIVe siècle, il y avait au moins 70 moulins à vent dans la région de l'East Yorkshire. L'une des raisons de leur popularité dans cette région était l'absence de ruisseaux et de rivières à débit rapide, qui empêchait l'utilisation de l'énergie hydraulique.

Dès le XII° siècle l’installation des moulins à vent s’est généralisée dans toute l’Europe, en particulier en France et aux Pays-Bas pour pomper l’eau, moudre les grains et drainer les lacs et les marais du delta du Rhin. En 1840, il y aura plus de 8.000 moulins à vent en Hollande, souvent alignés en chapelets pour drainer les polders, soir 2.000 moulins de moins qu’en Angleterre.

Quand Henri II devient roi de France en 1547, le pays dispose de 20.000 moulins à vent (et aussi de 600.000 moulins à eau). Ces 620.000 moulins produisaient une énergie équivalant à 400.000 tonnes de pétrole !

En Espagne, les moulins à vent de Campo de Criptana, deviendront célèbres au XVIIe siècle grâce à l'ingénieux gentilhomme Don Quijote de La Mancha. Ces emblématiques moulins à vent à voiles servaient à pomper l'eau ou à moudre le grain, et leur utilisation s’est répandue jusqu'au XIXe siècle.

Moulins à vent à Campo de Criptana, Castille-Manche, Espagne

Les premiers windmills aux Etats-Unis.

.           Au début du XIX° siècle, les premiers homesteaders (colons auxquels ont été attribuées des terres sous réserve qu'ils y résident et l'exploitent) s’établissent dans l’Ouest américain.

Jusque-là, les Great Plains étaient considérées comme impropres à la culture. Les sécheresses succédaient aux périodes de pluie et le soleil et le vent asséchaient les sols. Cette vaste région était appelée le “Great American Desert”. La majorité des eaux s'écoulait en profondeur, souvent à plus de 300 pieds (~ 100 m.) sous la surface.

En plus des difficultés de pompage, les premiers colons pouvaient à peine transporter assez d'eau pour leurs besoins personnels, sans parler de faire pousser des cultures ou d'abreuver le bétail. Les homesteaders vont donc naturellement construire des moulins à vent pour pomper cette eau afin d’alimenter leurs fermes et leurs ranchs.

Les immigrants européens qui s’y sont installés en Amérique du Nord ont apporté avec eux la connaissance de la fabrication des moulins à vent.

La colonie russe, établie en 1812 au Fort Ross, à 80 km au nord de l’actuelle San Francisco, dans ce qui allait devenir la Californie, utilisa très tôt deux moulins à vent, les premiers à l'ouest du Mississippi. Le premier moulin a été construit en 1814, peu de temps après que les Russes se soient installés à Fort Ross. Le deuxième moulin a été construit en 1841. Ces moulins à vent avaient deux fonctions : moudre le grain en farine pour la cuisson du pain destiné à la fois à la colonie de Ross et aux colonies russes en Alaska, et alimenter l'estampage de l'écorce de tan locale, utilisée dans l'industrie du tannage des peaux.

.            Mais les moulins à vent de type européen n'étaient pas pratiques dans les plaines américaines. Ils étaient grands, coûteux et nécessitaient un entretien constant car leurs voiles en tissu étaient relativement fragiles et devaient être enroulées manuellement.

Ils construisirent donc leurs premiers moulins à vent, tout en bois, installés sur de petites structures avec de simples palettes de bois en guise de pales.

L’évolution industrielle des éoliennes.

.           En 1854, un vendeur, John Burnham, et Daniel Halladay, un machiniste-inventeur du Connecticut, mettent au point en Nouvelle-Angleterre le moulin à vent de type américain. Il était plus petit, moins cher et pouvait être expédié et construit facilement. Ses voiles étaient maintenues dans le vent par un contre-poids, qui se levait lentement et automatiquement pour réduire la surface des voiles lorsque le vent était trop rapide.

.            Les voiles traditionnelles en tissu ont rapidement été remplacées par des lames de bois plus petites. Ce fut la première éolienne autorégulée à pales multiples. Contrairement aux moulins à vent européens plus traditionnels, elle comportait 4 pales et un dispositif de queue ou girouette. Autonome, elle pouvait pivoter pour faire face au vent dominant et fonctionnait aussi bien par vent rapide que par vent lent, grâce à la possibilité d’incliner les pales pour varier la vitesse de rotation, évitant ainsi la casse en cas de rafale, un avantage énorme ; et tout ceci, par la simple exploitation de la force du vent sans intervention humaine. Et pour couronner le tout, elle nécessitait peu d'entretien par rapport aux moulins à vent européens. Cette éolienne pouvait en outre pomper l'eau des grandes profondeurs à un rythme régulier quelque furent les conditions de vent. Innovation brillante, son succès fut énorme.

.            Malgré l'utilisation intensive des moulins à vent dans les salines de Cape Cod en Nouvelle-Angleterre, la demande de pompes à eau restait marginale dans le Nord-Est, riche en cours d'eau. Burnham et Halladay réalisent que le véritable besoin se situe dans le Midwest et l'Ouest où les colons qui s'installaient de plus en plus dans les prairies et les grandes plaines du pays avaient besoin d'une source d'eau fiable et indépendante. Pour mieux accéder à ces marchés en expansion, Burnham déplaça l’entreprise à Batavia, près de Chicago, dans l'Illinois, à la Frontier, au plus près des clients ranchers.

T.O. Perry, ingénieur chez LaVerne Noyes, un fabricant d'équipements agricoles de Chicago, après 5.000 tests effectués sur 61 types de roues, a démontré dans les années 1870 que des pales incurvées métalliques, étaient plus résistantes, mais surtout jusqu’à 87% plus efficaces que les traditionnelles en bois. Puis les structures métalliques remplacèrent progressivement celles en bois, bien que ces dernières soient restés disponibles dans le commerce jusque dans les années 1940. Au cours des années suivantes, les moulins à vent ont proliféré, beaucoup étant utilisés à des fins agricoles ou pour puiser de l'eau dans des endroits tels que les puits artésiens.

L’éolienne génératrice d’électricité.

.           Le terme « éolienne » a été utilisé pour la première fois en 1885 par l’inventeur français Ernest-Sylvain Bollée lorsqu’il présenta son innovation : une éolienne destinée au pompage de l’eau. Mais ce n'est qu'à la fin du 19e siècle que les scientifiques et les inventeurs ont commencé à considérer l'énergie éolienne comme une source potentielle d'électricité. L’impulsion a été donnée en Écosse où la première éolienne pour la génération électrique apparait en 1887.

.            Elle est imaginée par le professeur James Blyth de l’actuelle Strathclyde University (ex. Anderson College) de Glasgow. Haute de 10 m et dotée d'une voile en tissu, elle était installée dans le jardin de son chalet de vacances à Marykirk, dans le Kincardineshire, et a servi à charger durant 25 années des accumulateurs mis au point par le français Camille Alphonse Faure, pour alimenter l'éclairage de son chalet, faisant ainsi de celui-ci la première maison au monde à être alimentée en électricité par l'énergie éolienne. Blyth a offert son surplus d'électricité aux habitants de Marykirk pour l'éclairage de la rue principale, mais ceux-ci ont décliné l'offre croyant que l'électricité était "l'œuvre du diable". Blyth a toutefois continué à fournir de l'énergie à un asile local.

.            Et pourtant l'idée d'une turbine éolienne pour la production « industrielle » d'électricité n'a pas été envisagée à l'époque. Toutefois, quelques mois plus tard, durant l'hiver de 1887-88, Charles F. Brush, un scientifique de Cleveland (Ohio) construisit pour alimenter son manoir ce qui est aujourd'hui considéré comme la première éolienne à fonctionnement automatique destinée à la production d'électricité. Géante - la plus grande au monde –, avec une ossature bois, elle avait un rotor de 17 m de diamètre équipé de 144 pales fabriquées en bois de cèdre.

La première machine de Brush. Remarquez la "petite" personne en train de faucher l'herbe à droite de l'éolienne.

 Elle produisait du courant pour 12 batteries installées dans le sous-sol de sa maison, 350 lampes à filament, 2 lampes à arc à charbon et 3 moteurs et fonctionna pendant 20 ans. Malgré la taille géante de l'éolienne, la puissance de sa génératrice était seulement de 12 kW en raison du peu d’efficacité de sa rotation lente.

.            A peu près au même moment, Poul La Cour « L’Edison danois » construisit une éolienne sur le terrain de l’école d’Askov avec un nombre moindre de pales mais tournant plus vite pour améliorer l’efficacité de l’engin. Il fit preuve de plus de clairvoyance que ses homologues américains et anglais en transformant son invention initiale en prototype de centrale électrique actionnée par la force du vent. Ce sera le premier aérogénérateur dit industriel.

Il découvrira ensuite comment contrôler le flux d'énergie produite par son éolienne en utilisant un régulateur, un Kratostate. La Cour s'intéressait également beaucoup au problème de stockage de l'énergie. A cet effet, il utilisa l'électricité produite par ses éoliennes pour produire de l'hydrogène par électrolyse pour éclairer au gaz son école. Plusieurs explosions d'hydrogène causées par l'existence de petites quantités d'oxygène dans l'hydrogène obligèrent Poul La Cour à remplacer les fenêtres de l'école à plusieurs reprises !

Deux des éoliennes d'essai de Poul la Cour à la haute école populaire d'Askov en 1897. Ces premiers aérogénérateurs sont d’une conception très similaire à celle des célèbres moulins à vent recréés par Cervantès dans son roman Don Quijote, quatre siècles plus tôt.

.            Le développement révolutionnaire de l'énergie électrique éolienne s’est donc fait au Danemark. En 1900, environ 2.500 moulins à vent d'une puissance de pointe combinée de 30 mégawatts seront utilisés dans ce pays à des fins mécaniques, comme le broyage des grains et le pompage de l'eau. Ces machines ont connu un essor considérable dans le premier quart du 20e siècle, et ont contribué à la construction d'un modèle décentralisé pour l'électrification du pays. En 1908, on y comptait 72 aérogénérateurs, d'une puissance comprise entre 5 et 25 kW.

Deux grands constructeurs américains.

.            Aux Etats-Unis, les éoliennes ont commencé à apparaître en nombre considérable dans les Grandes Plaines au cours des années 1870, mais l'apogée de leur utilisation s'est étendue des années 1880 aux années 1920. Avec le temps, des dizaines de milliers de ces machines à vent ont été mises en service. Des centaines d'entreprises, la plupart installées à l'est des Grandes Plaines ou dans le Midwest, fabriquaient alors des éoliennes. Rien que dans un rayon de 80 miles (130 km) autour de Kendallville (Indiana), on dénombrait pas moins de 94 fabricants d’éoliennes de conceptions variables et de différentes tailles.

.            Parmi eux, Flint, Walling, and Company qui commercialisa l’éolienne en bois à roue pleine, la Original Star, inventée par David C. Walling en 1878. Ce sera le deuxième moulin à vent en bois le plus populaire dans les Grandes Plaines, des années 1880 à la première guerre mondiale. C’était une éolienne de 12 pieds (3.66 m). Sa roue pleine tournait dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, contrairement aux autres moulins à vent de l'époque.

L'Original Star était peinte en blanc avec les extrémités des pales rouges et des étoiles rouges et bleues sur la girouette. Les modèles standards étaient disponibles dans des tailles de 10, 12 et 14 pieds de diamètre, et le modèle ferroviaire dans des tailles de 16, 18, 20, 24 et 26 pieds. En 1887, les moulins de 10 pieds se vendaient 90 dollars, tandis que le 26 pieds coûtait 700 dollars. En 1892, il s’en était déjà vendu 20.000.

.            La première éolienne entièrement métallique a été commercialisé en 1876. Ce type d’éolienne avait des pales incurvées qui permettaient de mieux capter le vent que les pales plates en bois. Leur conception utilisait souvent des pignons au lieu d'un mécanisme à course directe. Ces innovations ont permis aux moulins métalliques de surpasser de nombreux moulins en bois. Et pourtant le succès commercial resta timide jusqu’aux 1890.

L'Original Star tout métallique a été proposé en 1907. Encore aujourd’hui, c’est la « Cadillac » des windmills, et on en trouve encore en fonctionnement dans le Midwest et les Grandes Plaines.

.            Aermotor était aussi l’un des grands parmi les 94. Son éolienne, developpée en 1888 par Thomas O. Perry débauché de chez LaVerne Noyes (après ses débuts chez la U.S. Wind Engine Company, de Batavia, dans l'Illinois) était le plus avancé de son époque. La première année ont été vendus 24 exemplaires de ce nouveau moulin à vent, "mathématique" comme l'appellent par dérision les concurrents, car intégrant tous les développements des expériences précédentes,. En 1904, le 8 pieds se vendait environ 25 $ et le 20 pieds environ 300 $.

En 1912, apparait le windmill dit « auto-lubrifiant » qui apporte une amélioration majeure. Cette innovation, de la société qui deviendra la fameuse Aermotor Windmill Corporation, en diffusant l’huile de graissage sur les engrenages enfermés dans un carter et les pièces mobiles, réduisait ces opérations d’entretien à une par an au lieu d’une par semaine. Les ranchers n’avaient plus à se déplacer avec du lubrifiant dans des bouteilles de bière attachées à la selle de leur chevaux !

Le modèle, connu sous le nom de « moulin de Chicago –la Windy City-» fut largement copié. La société s’est implantée à San Angelo (Texas) en 1986, au plus près des bétails à abreuver. Dans cet Etat qui est le plus grand utilisateur d’éoliennes ; par exemple, le fameux King Ranch, installé sur 3.340 km2, utilise à lui seul plus de 260 Aermotor. Elle y est toujours ; c'est la seule grande et unique entreprise qui fabrique encore aujourd’hui des éoliennes pour pompe à eau, au rythme de 2.000 unités par an, soit la moitié du nombre total de moulins à vent agricoles vendus aux États-Unis annuellement.

Les innovations de l’entre-deux Guerres.

.           Le Français George Darrieus a breveté en 1927 la première éolienne à axe vertical. En 1931, il la fait breveter aux États-Unis. Ce modèle, souvent appelé "éolienne à batteur d'œufs" en raison de l'apparence de ses deux ou trois pales a l’avantage d’être robuste et de fonctionner peu importe la direction du vent. L’éolienne de ce type la plus emblématique a fonctionné pendant près de 10 ans au Québec. Elle faisait près de 10 mètres de haut. Ce type est encore utilisé aujourd'hui.

.            Les bases théoriques de l'utilisation de l'énergie éolienne pour produire de l'électricité ont été développées en Allemagne dans la deuxième décennie du 20e siècle, et sont principalement l'œuvre du physicien Albert Betz à l'origine en 1919 de la loi qui porte son nom (voir chapitre infra).

En 1931, une éolienne horizontale moderne et performante est mise en oeuvre à Yalta (ex-URSS), délivrant une puissance de 100 kW. La turbine a une tour de 30 m et un facteur de charge remarquable de 32 %, même au regard des normes actuelles.

La première éolienne au monde d’une puissance de l’ordre du mégawatt (mW) au monde est construite et connectée au réseau électrique à Castleton, dans le Vermont en 1941. Elle a des pales de 75 pieds (~ 23 m) et pèse 240 tonnes.

.            Johannes Juul, un ancien élève de Poul La Cour, construit en 1956 à Gedser (Danemark) une turbine tripale de 200 kW qui a inspiré de nombreuses conceptions ultérieures de turbines, et l'invention de Juul - les ruptures d'extrémité aérodynamiques d'urgence (!)- est toujours utilisée dans les turbines aujourd'hui. La turbine a fonctionné jusqu'en 1967 et a été remise à neuf au milieu des années 1970 à la demande de la Nasa.

L’éolienne : la survie dans les Grandes Plaines.

.           Aux Etats-Unis, les windmills sont rapidement devenus l’outil incontournable des fermiers établis dans les grandes plaines desséchées. Le pompage de l’eau, autonome, rendu possible et bon marché signifiait pour la population rurale la sécurité de l’approvisionnement en eau des ranchers eux-mêmes, et des abreuvoirs pour le bétail et le développement des cultures irriguées. Les éleveurs ont pu augmenter leurs troupeaux, les agriculteurs ont pu planter et récolter davantage. C’était une source d'énergie incontournable pour diverses tâches des agriculteurs et des éleveurs : pomper l'eau des puits forés bien sûr, mais aussi de plus en plus, disposer d’une énergie rotative pour faire fonctionner de petites machines agricoles telles que des broyeurs de fourrage, des égreneuses de maïs et des scies à bois, ... et bien évidemment des génératrices d’électricité à des fins domestiques.

6 millions d'éoliennes rustiques étaient installées à la fin du XIXe siècle dans les plaines du Middle West américain.

Dans ces contrées aux étés chauds et secs, on gardait au frais les boissons dans les abreuvoirs et beaucoup d’enfants de cowboys y apprirent à nager. Pour cette population de ranchers, sans artifice,  avec l’esprit pratique des premiers pioneers, l’éolienne doit être une machine pratique, simple, et fiable comme … une paire de blue jeans. Est-il trop pauvre pour acheter une éolienne, le fermier s’en construit une, rudimentaire, mais efficace. Les moulins à vent faisaient souvent partie des biens les plus précieux des homesteaders.

Eolienne "Currie" pompant l’eau pour l‘abreuvoir du bétail à Lincoln County, Colorado

Si la nature et le climat de ces régions avaient rendu l’éolienne profitable, l’invention du barbelé l’a rendue indispensable, car en clôturant les parcelles il devenait impossible pour beaucoup d’avoir accès aux points d’eau naturels.

Une éolienne, pompe à eau, (Californie, vers 1900). USC Libraries/ California Historical Society/ CC BY 3.0

Indispensable également au chemin de fer.

.            Le chemin de fer fut également un excellent client pour les éoliennes. Les locomotives à vapeur devaient en effet être alimentées en eau régulièrement. Le premier chemin de fer transcontinental fut donc équipé, tous les 20 miles environ, de réservoirs alimentés par des pompes entraînées par des éoliennes.

Illustration d'un moulin à vent Halladay dans une gare ferroviaire, 1885.

Les éoliennes autorégulatrices, dont certaines étaient également auto-lubrifiantes, nécessitaient peu ou pas d'entretien et pouvaient donc fonctionner sans surveillance, ce qui les rendait idéales pour les longs trajets entre les villes. La version la plus courante, avec une base plus large et de plus grande capacité, était la Railroad Eclipse une invention de 1867 du Révérend Leonard H. Wheeler, un missionaire dans la tribu Ojibwe. L'élément principal de sa pompe à eau était un cylindre immergé. En se déplaçant de haut en bas, à la manière d'un piston, le plongeur captait l'eau (dans le sens de la descente) et la remontait vers la surface (dans le sens de la montée). La clé du système était le clapet fait de cuir de vache qui capturait puis libérait l'eau du cylindre.

.            Naturellement les municipalités environnantes ont également utilisé ces pompes, d’autant plus que le fait de savoir que l'on pouvait compter sur les éoliennes pour l'approvisionnement en eau a contribué à accélérer la migration vers l'Ouest.

Canon Ranch Railroad Eclipse Windmill. Construite en 1898,  l'une des quatre encore exitantes ; la dernière située au-dessus de son puits d'origine (Texas).

Le déclin après la première Guerre mondiale.

.            En Europe, l'une des premières raisons du déclin fut l'utilisation croissante de la vapeur. Au début, des machines à vapeur mobiles étaient utilisées pour fournir un appoint de puissance lorsque le vent n'était pas assez fort, mais progressivement, avec l’arrivée des combustibles pétroliers, la vapeur est devenue la principale source d'énergie et des salles des machines furent annexées aux moulins existants.

Aux Etats-Unis, la Première Guerre mondiale (même si des armées ont entrainé leur machines à laver avec des éoliennes !) puis la Grande Dépression des années 1930 ont provoqué la baisse des prix des produits agricoles ; le prix des essences a chuté ; la création le 11 mai 1935 de la Rural Electrification Act Administration chargée du raccordement au réseau électrique des campagnes américaines a permis à de nombreuses personnes vivant en milieu rural dans les Plaines de commencer à obtenir de l'électricité relativement bon marché ; autant d’éléments qui ont réduit drastiquement la demande d’éoliennes.

Puis la prolifération des petits moteurs à combustion interne, utilisés par certains agriculteurs et éleveurs pour des travaux mécaniques a contribué au déclin de l'utilisation des éoliennes traditionnelles. Il faudra attendre les chocs pétroliers des années 1970, puis plus tard, l’engouement pour les énergies renouvelables, pour que ce marché soit relancé.

.            Au cours du demi-siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, les éoliennes sont restées des éléments importants de l'environnement bâti dans les Grandes Plaines. Comme beaucoup de technologies anciennes mais toujours utiles, elles sont cependant encore utilisées dans divers contextes de niche, souvent à petite échelle et en milieu rural pour des projets hors réseau, notamment celui des éleveurs pour abreuver leur bétail, et beaucoup d'entre elles font encore le travail pour lequel elles ont été conçues il y a plus d'un siècle.

.            Il existe encore des dizaines de milliers d’éoliennes agricoles sur le continent nord-américain, mais personne ne sait exactement combien ; il y en aurait plus de 1.000 en activité sur la seule nation Navajo, la plus grande réserve amérindienne aux États-Unis. Dans la plupart des comtés des Plaines, les "windmillers" poursuivent leur activité d'installation et de réparation des éoliennes, qui restent disponibles auprès des fabricants des Grandes Plaines et d'ailleurs.

Hathaway Ranch Mud Butte (South Dakota)

Une icône des Grandes Plaines.

.            Au fil des années, les éoliennes sont devenues des icônes visuelles dans les Grandes Plaines, dont elles avaient fait le grenier à blé de la nation. Ces tours y étaient probablement l’un des rares éléments verticaux dans cet environnement horizontal et plat où les grands moulins à vent étaient souvent les signes les plus évidents de civilisation. Elles sont devenues le symbole de la vie solitaire des pionniers et des cowboys dans la Prairie.

.            De nombreux habitants du Midwest associent de bons souvenirs aux éoliennes et à leur eau vivifiante, qu'il s'agisse de boissons fraîches après de longues heures de travail aux champs ou de l'apprentissage des enfants à la natation dans les réservoirs. Aujourd'hui encore, de nombreux habitants des Plaines expriment leur attachement émotionnel aux moulins à vent en tant que survivances historiques et esthétiques liées aux temps anciens et, sentimentalement, préservent les éoliennes comme des liens tangibles avec leur passé.

Quelques notions techniques.

Eléments d’une éolienne

Les pales : en fibre de verre, époxy ou carbone composite, voire de balsa, pour assurer le meilleur compromis possible entre légèreté et rigidité, elles disposent d’un profil proche de celui d’une aile d’avion qui permet de créer une différence de pression entre chacune de ses deux faces. C’est cette différence de pression qui entraîne son mouvement. Fixées à un axe central par le biais du rotor, elles transforment l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique. Les éoliennes récentes disposent de pales orientables qui permettent de modifier leur incidence, et donc d’optimiser le rendement de l’éolienne en fonction de la force du vent. Cette fonction permet également de limiter la prise au vent de l’éolienne lorsque celle-ci est à l’arrêt.

Le rotor : ensemble composé des pales, généralement au nombre de trois, et du nez de l’éolienne, il est fixé à la nacelle. Entraîné par l’énergie du vent, il est relié directement ou indirectement, au système mécanique (rotor) qui transmettra l’énergie recueillie : pompe, générateur électrique, … .

La nacelle : située au sommet du mât, elle comprend un arbre de transmission entraîné par le rotor et actionnant la génératrice électrique. Elle abrite les composants mécaniques et pneumatiques, et certains composants électriques et électroniques nécessaires au fonctionnement de la machine (multiplicateur qui augmente la vitesse de l’arbre, …). La majorité des éoliennes, dites « asynchrones », dispose d’une boîte de vitesses (parfois appelé multiplicateur) qui permet d’augmenter la vitesse de rotation de l’axe, afin d’optimiser le rendement du générateur. Toutefois, les éoliennes à « entraînement direct » (aussi appelées « direct drive ») gagnent du terrain, car elles disposent d’un meilleur rendement énergétique et de coûts d’entretien amoindris, le générateur tournant à la même vitesse que le rotor. Dépourvues de boîte de vitesses, leur nacelle est plus petite.

L’axe de rotation de l’éolienne reste sensiblment parallèle à la direction du vent, grâce à un système d’orientation de la nacelle.

Le mât : En acier ; il constitue la structure de l’ensemble et place le rotor à une hauteur lui permettant d’être entraîné par un vent plus fort et régulier qu’au niveau du sol. Il peut mesurer de 80 à 150 m de hauteur et peser jusqu’à 80 tonnes.

Une véritable plate-forme technique est agencée à l’intérieur du mât : composants électriques et électroniques, monte-charge, échelle, … .

L’anémomètre : capteur de mesure de la vitesse du vent permettant l’orientation de la nacelle et des pales.

La fondation : Les éoliennes terrestes ont des fondations de 600 m3 (env. 1.500 tonnes), 15 m de diamètre x 3 m de hauteur, à 1.500 m3 de béton armé. Pour les éoliennes offshore, il existe une grande variété de fondations. Le choix du modèle est défini par plusieurs facteurs comme la profondeur ou la portance du fond marin. Les fondations pour éoliennes offshore dites « posées » ne sont cependant pas utilisables pour des profondeurs supérieures à 50 mètres. Au-delà, l’on utilise des flotteurs, à l’image des plateformes pétrolières.

La distribution électrique : l’énergie électrique produite est transportée par câble souterrain sous une tension comprise entre 400 et 690 V depuis les armoires, jusqu’aux postes de livraison qui élèvent la tension à une tension à 20 000 V, pour être ensuite injectée dans le réseau.

Une transmission des données : par fibre optique pour une maintenance à distance.

Données approximatives pour une éolienne de 2 MW :

Longueur d’une pale : 45 m

Largeur hors tout : 90 m

Hauteur hors tout avec un mât de 100 m : 145 m

Poids d’une pale : 7 tonnes

Vitesse de rotation : 9 à 20 tours/min pour un vent de 3 à 25 m/s

Diamètre de base de la tour : 4,2 m

Diamètre de l’extrémité haute de la tour : 2,4 m

Poids du rotor : 20 tonnes

Poids de la nacelle : 90 tonnes

Deux grands types d’éoliennes

.            Les éoliennes à axe horizontal (HAWT), le modèle le plus répandu, a des pales assemblées en hélice qui tournent autour d’un mât monté parallèlement au sol. Si elles sont plus lentes à démarrer, elles affichent toutefois le meilleur rendement. D’une hauteur allant de 25 à 180 mètres, La plupart des éoliennes génératrices modernes de ce type aujourd’hui installées ont une puissance allant de 1 à 7,5 MW et sont rassemblées en fermes d’éoliennes avec une puissance cumulée allant de 6 à 210 MW. Le générateur, actionné par la rotation de l’hélice, et situé en haut de l’éolienne.

Les pales des éoliennes à axe horizontal subissent l’effet combiné de la force centrifuge et de la gravité. La direction de la force inertielle est sujette à variations, tandis que la gravité est stable, de telle sorte que les pales des éoliennes horizontales supportent une charge alternative. C’est une importante contrainte de fatigue pour ce type d’éolienne. De plus, l’éolienne par conception est à plusieurs dizaines mètres au dessus du sol et cela entraine de nombreux problèmes de réparation et de maintenance de ce générateur.

Le rapport de la vitesse du vent et des pales des éoliennes horizontales est généralement de 5 à 7, variable selon l'orientation pilotable des pales autour de leur axe ("shift"). A une telle vitesse, un important bruit aérodynamique est produit par les pales fendant l’air.

.            Les autres du type à axe vertical (VAWT) (Darrieus et Savonius) ont des pales verticales qui tournent autour d’une tige positionnée verticalement. Elle peuvent capter des vents plus faibles, démarrent et s'arrêtent très vite, mais ont des puissances qui n’excèdent que très rarement 1 MW. Elles nécessitent moins d’espace qu’une éolienne horizontale et peuvent fonctionner quel que soit le sens du vent. Les directions respectives de la force inertielle et de la gravité sont toutes deux constamment stables. En conséquence, les pales subissent une charge constante durant la rotation, et la longévité s’en trouve grandement améliorée par rapport aux éoliennes à axe horizontal.

Le rapport de la vitesse du vent et des pales des éoliennes verticales est habituellement de 1,5 à 2, ce qui est nettement plus faible que les modèles horizontaux. De telles faibles vitesses de rotation ne génèrent pas de bruit aérodynamique, et sont par conséquent silencieuses. Le générateur des éoliennes verticales quant à lui est généralement placé juste sous le rotor ou à même le sol. Il est ainsi aisé de le réparer ou de pratiquer sa maintenance ordinaire.

Puissance théorique d’une éolienne

.            Récupérer toute l'énergie du vent impliquerait qu’il ait une vitesse nulle derrière les pales, ce qui est impossible. La loi de Betz (1919) détermine qu'une éolienne ne pourra jamais convertir plus de 16/27èmes (soit 59,3 %) de l’énergie cinétique du vent  (puissance incidente du vent qui traverse l'éolienne), en énergie mécanique, ce coefficient permettant de calculer la puissance théorique maximum de l’éolienne, pour des caractéristiques du vent et de l’air et une dimension des pales déterminées. Ceci s’explique par deux effets contraires : on récupère d'autant plus d'énergie que le vent est freiné ; mais plus le vent est freiné, moins le débit est important. Cette limite maximum est atteinte lorsque la vitesse du vent est divisée par 3 entre l'amont et l'aval de l'éolienne. Pratiquement, le maximum réel est plus faible.

.            La puissance cinétique du vent varie comme le carré de la longueur (L) des pales (x 2 => x 4) et le cube de la vitesse (V) du vent (x 2 => x 8) :

P(w)  =  π/2 * ρ (kg/m3) * L2 (m) * V3   (m/s)ρ étant la masse volumique de l’air (en moyenne 1,2 kg/m3 dans les conditions les plus courantes)

qu’il faut corriger pour considérer la limite de Betz. La puissance disponible est donc au maximum :

P(w)  =  8π/27 (~0,93) * ρ (kg/m3) * L2 (m) * V3   (m/s)

Ex : des pales de longueur 20 m soumises à un vent de 36 km/h (10 m/s) dispenseront une puissance disponible de : 458 kW au maximum.

Puissance utile d’une éolienne

.            Les éoliennes ont un nombre variable de pales de formes différentes. Celles-ci ont donc une portance et une trainée différentes ce qui explique qu'elles aient des plages de fonctionnement optimum différentes.

.            Pour produire de l'énergie le vent doit avoir une vitesse minimum (souvent 3 m/s, soit ~10 km/h). Par sécurité, si le vent est trop fort l'éolienne est déconnectée (souvent à partir de 90 km/h). Entre les deux l'énergie produite augmente exponentiellement jusqu'à atteindre un plateau, on atteint alors la puissance nominale. Ce plateau est atteint avant la vitesse maximum. Des dispositifs freinent alors le rotor.

La puissance utile dépend aussi du rendement de la transformation mécanique :

Hélice :                                                                 0,20 < η < 0,85

Le multiplicateur ou le réducteur :                 0,70 < η < 0,98

soit, environ ηm = ~ 50 % cumulés (les meilleurs rendements atteignent 60 à 65 %, mais certaines éoliennes n’ont des rendements que de 30 à 50%).

et de la performance de la transformation électrique :

L'alternateur ou la génératrice continue :      0,80 < η < 0,98

Le transformateur :                                             0,85 < η < 0,98

Le redresseur :                                                     0,90 < η < 0,98

soit, environ ηe = ~ 75 % cumulés.

.            Le rendement électro-mécanique est donc de l’ordre de 37 % (50% x 75%), soit, in fine compte-tenu de la loi de Betz, un rendement global de l’ordre de ~ 18 % (37% x 50%) par rapport à l’énergie cinétique théorique du vent.

Le facteur de charge

           C’est la production annuelle de kWh rapportée à la production théorique maximale si l’éolienne fonctionnait à sa puissance nominale (maximale) pendant l'ensemble des 8.766 heures (365,25 x 24) que compte une année.

.            En France, le facteur de charge d’une éolienne se situe entre 1.500 (17%) et 3.500 heures (40%), ce dernier ratio notamment réalisé en off-shore. Dans la pratique, dépendant du vent, il est, en France, en moyenne cumulée de l’ordre de 22 à 25% (terrestre). En réalité, les éoliennes fonctionnent plus de 6.000 heures par an mais à des régimes plus ou moins élevés.

Notre exemple d’éolienne (pales de 20 m soumises à un vent de 36 km/h) ne fournira in fine annuellement au réseau de distribution électrique que 18 % * ~24 %, soit à peine 4 % de l’énergie cinétique théorique du vent.

Combien de pales ?

.           La plupart des éoliennes de puissance sont tripales (3 pales orientables) à axe horizontal. Ce choix s’explique essentiellement par un compromis entre le rendement de l’éolienne, ses contraintes de fonctionnement et ses coûts de fabrication.

Plus le nombre de pales est élevé, plus le couple transmis à l’arbre du rotor est grand et plus l’éolienne peut démarrer à une vitesse de vent faible. Mais chaque pale provoque des turbulences pour les autres, ce qui oblige à limiter la vitesse de rotation de l’éolienne (les pales d’une éolienne « standard » tournent à une vitesse de 5 à 25 tours par minute). Par ailleurs, un nombre élevé de pales entraîne une plus grande prise au vent qui interdit leur fonctionnement lorsque le vent est fort, et augmente les nuisances sonores et les coûts de fabrication. Les éoliennes à nombreuses pales démarrent donc vite mais étant de petites tailles, elles sont essentiellement utilisées pour le pompage.

.            L’éolienne sans pale ? Il s’agit donc plutôt d’une vibration : un cylindre vertical de trois mètres de haut articulé sur son embase, oscillant en résonance avec les turbulences du vent, alimentant un alternateur linéaire. En réalité, il lui manque le principal !

.            Une seule pale produirait un maximum d’énergie, mais l’ondulation rendrait l’éolienne déséquilibrée et instable et impacterait l’efficacité de l’éolienne par ses rotations irrégulières et incontrôlées.

.            Dans le cas d’une éolienne bipale, la production d’énergie serait plus importante qu’avec trois pales. Plus bruyante, elle nécessite des vents plus importants pour démarrer. Mais la vitesse du vent, freinée par les obstacles du sol (arbres, bâtiments...), augmente avec l’altitude. La différence des forces qui s’appliquent sur la pale du haut et la pale du bas crée une torsion au niveau de l’axe du rotor et du moyeu de l'éolienne. Il en résulte des contraintes mécaniques, une usure plus rapide et la nécessité de mettre en place des mécanismes spécifiques (balancier du rotor). Dans les zones cycloniques, où on la couche au sol à l’occasion, elle a ses avantages.

.            Un nombre impair de pales (donc sans opposition verticale) diminue cette contrainte tout en diminuant les vibrations et donc le bruit émis par l’éolienne.

.            Le meilleur compromis entre la fiabilité technique, le rendement, le coût, la minimisation de la nuisance sonore et la vitesse de démarrage de l’éolienne est ainsi souvent trouvé avec trois pales, qui en outre démarrent et s'arrêtent plus vite que les bipales. Les éoliennes tripales « upwind », qui font face au vent au-devant du mât qui les soutiennent, constituent donc une solution optimale, et sont désormais devenues le standard. Une éolienne « downwind », derrière le mat ? Justement, le mât coupe un peu le vent et créé des turbulences.

.            En mer, on teste des éoliennes doubles, mais côte à côte, avec un mât qui se dédouble en Y pour supporter deux rotors avec une seule base flottante.

.            Et voilà la double éolienne « coaxiale » Sairui construite et bientôt mise en service par le groupe chinois Huaneng. Sur un mât unique, deux rotors de trois pales, l’un en avant du mât et de la nacelle, l’autre en arrière. D’une puissance de 2,7 MW.  Pourtant, en aval d’une éolienne, le vent est affaibli. Il a perdu l’énergie qu’il a communiqué à l’éolienne en amont. Normalement, si l’on veut placer une autre éolienne en aval par rapport aux vents dominants, on l’éloigne de cinq fois le diamètre des rotors…

Malgré tout, le concept, initié il y a une quinzaine d’années par la startup suisse Eotheme, pourrait avoir des avantages. D’abord, celui de dépasser certaines limites, malgré tout, du modèle tripale dominant. La longueur des pales, plus courte, d’abord, qui, à terre, pose des problèmes de logistique. Par ailleurs, la vitesse linéaire à leur extrémité devient problématique : on évite en général de dépasser 300 km/h en bout de pales.

Bien sûr, l’éolienne arrière est moins productive que celle de devant. Mais la nacelle est équipée d’une génératrice dont le stator … n’est pas statique, mais tourne en sens inverse du rotor, augmentant la puissance malgré des vitesses absolues plus faibles, et des engrenages multiplicateurs moins nombreux.

Avec ce « double rotor », à puissance totale égale, la longueur des pales serait sensiblement diminuée. Il peut y avoir des améliorations d’efficacité dans la nacelle grâce au générateur « contrarotatif », mais elles ne compensent probablement pas les plus faibles vents utilisés par l’hélice « arrière ». En revanche, avec des pales plus courtes, les éoliennes pourraient être plus proches les unes des autres, permettant ainsi d’augmenter la production par unité de surface au sol.

Ce concept avait déjà été élaboré il y a une quinzaine d’années par la start-up suisse Eotheme, et on peut trouver trace de brevets plus anciens encore sur des concepts proches. La start-up norvégienne World Wide Wind travaille, elle, sur un concept d’éolienne double à axe vertical, peut-être plus astucieux : aucun rotor ne coupe le vent à l’autre, et on garde le bénéfice d’un stator « contrarotatif ».

Ou encore, cette drôle de structure métallique, haute de 305 mètres, abritant plusieurs dizaines de petites turbines quadripales, qui promet de générer 5 fois plus d’électricité que les éoliennes offshores les plus puissantes. Ce concept est développé par la start-up norvégienne Wind Catching Systems. Une structure sur laquelle on viendrait fixer pas moins de 115 turbines d’une puissance de 1 mégawatt (MW) chacune. Des éoliennes d’un diamètre d’environ 30 mètres. Un pilote doit être installé en 2024 sur le parc éolien offshore de Mehuken (Norvège).

.            Effectivement, pourquoi ne pas envisager des turbines avec plusieurs rotors, chacun plus petit ? Le concept avait déjà été présenté dans les années 1930, avec une turbine à triple rotor de 20 MW. Puis dans les années 1980. Mais des problèmes de vibrations avaient sonné le glas de ce type d’installations. Puis, c’est le fabricant danois Vestas qui s’était emparé de l’objet. En 2016, il avait expérimenté une éolienne à 4 rotors.

Les projets ne manquent d’ailleurs pas. Du côté de Bremerhaven (Allemagne), un prototype à deux rotors a été installé par EnBW sur une fosse inondée. Il sera déplacé sur la mer Baltique si les tests sont concluants. Et les ingénieurs de Offshore Renewable Energy (ORE) Catapult estiment qu’il pourrait tout à fait apparaître des structures à 40 rotors dans les eaux du Royaume-Uni entre 2030 et 2040.

Vitesse de rotation

La vitesse de rotation de l'hélice est de 12 à 15 tours/min, ce qui n'est pas suffisant à un alternateur pour fonctionner correctement. Un multiplicateur de vitesse est donc placé juste avant l'alternateur pour augmenter la vitesse de rotation à environ 1 500 tours/ min.

Le vent est par définition variable. Aussi, pour maintenir une vitesse de rotation constante, il faut que les pales captent le mieux possible le vent. Pour cela, un calculateur est intégré dans la nacelle pour :

  • orienter l'hélice perpendiculairement à la direction du vent ;
  • modifier l'angle d'orientation des pales par rapport au vent.

Plus les pales ont de surface, plus l'énergie produite est importante. Les éoliennes sont donc de plus en plus grandes. En contrepartie, cela alourdit le poids de l'hélice qui du coup, tourne moins vite.

Mais au-delà de la contrainte poids, si l’on considère une pale de 150 m de diamètre qui tournerait à 15 tours/mn, la vitesse linéaire de l’extrémité des pales atteindrait : 3.14 x 150 x 15 x 60 = ~ 424 km/h.

On conçoit aisément que le risque mécanique est un critère suffisant pour limiter la vitesse de rotation.

Peut-on construire une éolienne « tempête » ?

.            Aucune turbine n’est aujourd’hui capable de produire de l’électricité lorsque le vent dépasse 90 à 100 km/h, selon les modèles. Pour résister aux assauts des bourrasques, elles doivent impérativement être arrêtées. En cas de vents trop violents, au-delà de 25 à 30 m/s (environ 100 km/h), elles se mettent automatiquement en position de repos par action du frein du rotor : pales en drapeau pour la protection du matériel et débrayage par mesure de sécurité.

Concevoir une turbine « tempête » nécessiterait des pales capables de résister à une rotation frénétique et un générateur suffisamment dimensionné ; le mât serait nettement plus épais pour supporter des forces colossales, notamment lors d’un arrêt d’urgence. Enfin, pour assurer sa stabilité, les fondations s’étendraient davantage en largeur comme en profondeur.

.            Ses coûts de construction, d’installation et d’exploitation seraient bien trop élevés pour capter quelques jours de tempête dans l’année. En France, seulement deux localités dépassent le seuil des 15 jours annuels de rafales supérieures à 100 km/h : la Pointe-du-Raz (Bretagne) avec 24,5 jours et le Cap Corse avec 60,8 jours en moyenne. La plupart turbines actuelles atteignent leur pic de puissance à partir de 40 à 50 km/h.

Les aérogénérateurs doivent également être en mesure d’écouler l’électricité qu’ils produisent. Lors d’épisodes venteux généralisés sur l’Europe, il arrive que des parcs éoliens cessent volontairement de fonctionner. Non pas en raison de violentes bourrasques, mais pour veiller à l’équilibre entre l’offre et la demande des réseaux électriques.

Parc éolien en mer.

.            Les conditions de vent sont réputées idéales du côté de Horns Rev, au large du Danemark. C’est la raison pour laquelle le premier grand parc éolien offshore du monde y a été implanté en 2003. Horns Rev, est une zone située en mer du Nord, à une vingtaine de kilomètres au large du Danemark, où la profondeur de l’eau varie entre 6 et 14 m et la vitesse moyenne du vent est de l’ordre de 10 m/s (36 km/h).

Un parc de pas moins de 80 éoliennes implantées sur une surface de près de 20 km2. Des turbines 2,0 MW,  le tout pour une puissance installée de 160 MW. Il a aussi été le premier à utiliser des fondations de type monopieu et à placer un transformateur sur une plate-forme en mer plutôt qu’à terre. Des techniques devenues depuis la norme dans le domaine.

Différents types d’ancrage des éoliennes marines

.            Monopieu : (P < -30 m) - D’un diamètre compris entre 6 et 8 mètres (voire davantage) et pesant entre 500 et 1.000 tonnes, le monopieu est particulièrement discret et occupe peu d’espace (Saint-Nazaire)

.            « Jacket » : (–50 < P < –20 m. - Appelée également « fondation en structure métallique », ce type de socle consiste en une tour en treillis d’acier, reposant sur trois ou quatre pieux enfoncés dans le sol. Cette structure, pesant entre 500 et 1.500 tonnes, est inspirée des plateformes pétrolières. (C-Power – Belgique ; Saint-Brieuc)

.            Gravitaire : (–50 < P < –20 m) - La fondation en massif ou à base gravitaire est un socle en béton, prévu pour être simplement posé sur un lit de gravier préalablement aménagé au fond de l’eau. Cette fondation peut être entourée d’une « jupe » qui permet d’éviter sa corrosion. Chaque fondation gravitaire peut mesurer jusqu’à 50 mètres de hauteur et 30 mètres de largeur. Sa masse peut dépasser 5.000 tonnes avant remplissage par du ballast. (Fécamp)

.            Flottante (limite technique –3.500 m < P < limite économique –1.000 m) - Dans ce cas, la fondation, inspirée des plateformes pétrolières, n’est plus solidaire du sol, mais flottante et reliée au fond par des câbles en tension. L’éolienne est installée sur un énorme caisson flottant à la surface, qui est stabilisé par des câbles reliés à des ancres, pieux ou corps morts. (Kincardine au large d’Aberdeen ; Provence Grand Large à Fos-sur-Mer).

Gigantisme.

.           La course à la puissance bat son plein, du côté de l’éolien offshore, et l'entreprise chinoise MingYang Smart Energy semble avoir pris de l’avance avec la mise en service, mi-2023, de sa MySE 16-260. Cette éolienne, la plus grande et la plus puissante au monde, affiche une puissance de 16 MW et est dotée d’un rotor de 260 m de diamètre qui balaie une surface de 53.900 m². Selon le fabricant, elle sera capable de produire jusqu’à 67 GWh d’électricité par an, un chiffre pour le moins hors norme.

Destinée à être implantée en haute mer au large de la Chine, elle a été conçue pour résister aux typhons. Elle sera capable de faire face à des vents de 79,8 mètres par seconde, soit plus de 280 km/h, d’après son fabricant.

Si la MySE 16-260 est considérée comme l’éolienne la plus puissante au monde, c’est grâce à l’association de sa turbine et de son rotor. Quelques semaines auparavant, le concurrent chinois Goldwind annonçait la mise en service de son éolienne GWH252-16MW de 16 MW. Cependant, celle-ci dispose d’un rotor de « seulement » 252 m !

Ce record pourrait, cependant, ne pas tenir longtemps. En effet, plusieurs entreprises ont récemment indiqué travailler sur des modèles de 18 MW, à l’image du fabricant chinois CSSC Haizhuang Wind Power avec son éolienne baptisée H260-18MW, ou encore General Electric qui prépare une Haliade-X de la même puissance.

Les fermes éoliennes.

.            Le ralentissement de l'air est si efficace qu'il faut espacer suffisamment les éoliennes afin que l'atmosphère reconstitue son potentiel éolien et que la turbulence produite par une éolienne ne gène pas l'éolienne en aval. La puissance produite par une éolienne est proportionnelle au carré du diamètre du rotor, alors que les espacements nécessaires entre les éoliennes sont exprimés en multiple de ce même diamètre de rotor. Par conséquent, l'énergie qui peut être extraite par surface de terrain est à peu près indépendante de la taille des éoliennes implantées.

Il s’agit de mieux maîtriser ce qu’on appelle « l’effet de sillage ». Dans le sillage d’une éolienne, « sous le vent » diraient les marins, le vent est ralenti et plus ou moins turbulent. Cela affecte la production des éoliennes proches. Les développeurs minimisent cet effet en éloignant les éoliennes les unes des autres, en général d’une distance égale à cinq ou six fois le diamètre des rotors. Mais un certain effet de sillage subsiste, notamment pour les éoliennes marines.

En fait, le problème est accentué par le fait que traditionnellement, les éoliennes sont pilotées de façon individuelle. Un dispositif les place toujours face au vent, un autre règle l’angle (le « pas ») des pales en fonction de la vitesse du vent, etc. Mais l’optimum individuel n’est pas nécessairement l’optimum collectif. Quand une éolienne en gène une autre qui se trouve directement sous son vent, il peut être intéressant d’éviter de placer son rotor exactement perpendiculaire au vent. En lui donnant un certain angle par rapport à ce plan perpendiculaire, l’éolienne la plus « au vent » va perdre un peu en puissance, mais son « sillage » va être dévié, et ainsi l’éolienne sous le vent bénéficiera de meilleures conditions. Le surcroît de puissance de l’éolienne sous le vent peut ainsi plus que compenser la perte de puissance de l’éolienne au vent.

Fermes éoliennes (Palm Spring - USA)

Les éoliennes et le vent … à bout de souffle ?

.            La puissance éolienne installée dans le monde est passée de 100 gigawatts en 2007 à 840 gigawatts en 2021. Le moyen d’augmenter la production d’électricité, outre la multiplication des éoliennes, reste la course au gigantisme, car les vents sont plus puissants en altitude. Ainsi, il y a une vingtaine d’années, les éoliennes mesuraient environ 120 mètres de haut, pales comprises, contre 200 à 220 mètres en 2022. Les éoliennes en mer sont encore plus hautes et peuvent atteindre les 300 mètres.  Ce qui explique qu’aux États-Unis mais aussi en Europe, les pales de nombreuses éoliennes, voire leur structure, s’effondrent plus fréquemment de manière spectaculaire.

Ce « vieillissement » des installations explique en partie que le facteur de charge des éoliennes terrestres anglaises passe de 22% la première année à 15% au bout de 10 ans et à 10% après 15 ans. Un autre facteur étant que les régimes de vent subissent des modifications structurelles.

.            Les "vents de surface", qui soufflent à moins d’une centaine de mètres du sol fluctuent sans cesse et sont par nature turbulents, ce qui rend cette variable du climat si difficile à observer, à analyser et à modéliser.

En 2010, une équipe de chercheurs franco-britanniques a analysé les enregistrements de vents de plus de 800 stations situées dans l'hémisphère Nord entre 1979 et 2008. Leur conclusion : les vents auraient diminué de 5 à 15 % selon les endroits, pendant ces trois décennies. Cette conclusion rejoint celle du Consortium québécois Ouranos qui en 2015 rapportait que "la majorité des stations québécoises présentent une tendance à la diminution de la vitesse moyenne des vents tout au long de l'année, entre 1953 et 2006", même si quelques stations nordiques dérogeaient à ce constat général.

En 2021, dans le premier volet de son 6ème rapport d'évaluation, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) faisait état d'une décélération des vents de l'ordre de 0,063 mètre par seconde par décennie, entre 1979 et 2018. Le GIEC prévoyait d'ailleurs qu'avec le réchauffement, cette tendance à la baisse allait se poursuivre dans la plupart des régions du monde.

Cependant, une étude internationale récente, se basant sur les données de 9.000 stations météorologiques à travers le monde, rapporte une soudaine accélération des vents dans la dernière décennie. Selon les chercheurs, cela serait dû "à des changements dans des cycles océaniques de transport de chaleur dans l'eau et l'atmosphère". Au niveau régional, l’Institut Copernicus de la Commission Européenne a récemment constaté des vents plus puissants que la moyenne dans l’Europe du Nord, mais une diminution notable du rendement (le plus bas depuis 1979) de la production d’électricité des éoliennes, suite à la baisse des régimes de vent, dans une vaste zone allant de l’Irlande et du Royaume-Uni à la Tchéquie, en passant par la mer du Nord, le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne. Or, il s’agit de régions jusqu’ici particulièrement venteuses ; certains pays d'Europe centrale ont ainsi enregistré les vitesses de vent annuelles parmi les plus faibles depuis 1979.

            Le wake effect (effet de sillage) est un phénomène redoutable pour les parcs éoliens en mer qui augmente les pertes de rendement des parcs et pose de plus en plus de problèmes.

À l’image d’un avion qui transperce l’air, une éolienne perturbe le flux d’air qui la traverse et crée une zone de turbulence dans laquelle le vent ralentit. À l’échelle d’un parc éolien, ce phénomène peut engendrer une baisse d’efficacité énergétique des éoliennes situées en aval, et même générer des contraintes sur la structure des éoliennes. Des parcs voisins de quelques kilomètres pourraient se « faire de l’ombre » en fonction de la direction du vent. Mais au-delà de cette baisse de production locale, l’effet de sillage peut avoir des répercussions sur de grandes distances. Cet effet pourrait même se ressentir sur près de 200 km.

Des solutions émergent pour réduire l’effet de sillage par une meilleure compréhension de ses effets, et la recherche de conceptions nouvelles (rotors inclinés, par exemple) et de méthodes d’implantation (orientation des turbines).

L'effet de sillage rendu visible par des nuages sur le parc éolien en mer d'Horns Rev 2 (à quelques km de la côte ouest du Danemark) / Orsted - Bel Air Aviation