La cérémonie du thé

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.            Une définition simple et courte de la cérémonie du thé : un rituel extrêmement codifié au cours duquel un petit groupe de personne savoure un bol de thé matcha soigneusement préparé par un maitre du thé. La cérémonie du thé est appelée Chanoyu en japonais, ce qui veut dire littéralement « eau chaude pour le thé ». Ce rituel culturel découle de quelque chose de bien plus grand, d’une philosophie et d’une discipline connue sous le nom de Chadô, la « Voie du thé ».

.            Une extrême exigence esthétique est de rigueur dans la célèbre cérémonie du thé. Le cadre, la disposition du service de table, le rituel ressemblent à une véritable liturgie. Chaque mouvement est réglé par un code soigneusement établi et qui contribue, par ailleurs, au ciment social car ces rites, sophistiqués ou non, sont communs aux riches comme aux pauvres, aux princes comme aux simples.

Petite histoire de la cérémonie du thé au Japon

.            Au 4e siècle, les premières graines de thé furent introduites au Japon par des moines bouddhistes chinois (les deux pays étaient alors en très bons termes, favorisant ainsi les échanges).

Lorsque le Japon se mit à cultiver lui-même ses propres plants de thé, la consommation de cette boisson était alors réservée essentiellement aux moines bouddhistes à des fins médicinales. Peu de temps après, le thé fut adopté par les nobles et les samouraïs qui avaient l’habitude de boire une tasse de thé à chaque fois qu’il se rendait dans un monastère. Jusqu’en 1192 (ère de Kamakura), le thé était une denrée rare et précieuse.

Au 12e siècle, le thé matcha -un thé vert réduit en poudre- fit son apparition en Chine. C’est le moine Myoan Eisai, fondateur du bouddhisme zen, qui introduisit le thé matcha au Japon après un voyage en Chine pour étudier la philosophie et la religion. Eisai fut le premier à affirmer que la consommation de thé était un remède efficace contre les maladies. Le thé matcha connu un grand succès au Japon et remplaça peu à peu le thé vert ordinaire.

Il faut attendre le 16e siècle pour que la consommation de thé se répande à tous les niveaux de la société japonaise. Au même moment, trois moines établirent les fondations de la cérémonie du thé qui, jusque-là, répondait encore aux règles et formalités chinoises.

.            Murata Shuko (1422-1503), surnommé le père de la cérémonie du thé, fut le premier à faire le parallèle entre dégustation du thé et exercice de méditation. Ce moine bouddhiste zen consacra sa vie à l’apprentissage et au perfectionnement de la cérémonie du thé. Grâce à lui, les ustensiles richement décorés d’origine chinoise furent remplacés par des ustensiles plus simples. Cette idée fut reprise par le moine Takeno Jô (1504-1555).

Enfin, le concept majeur de la cérémonie du thé fut développé par le plus célèbre des maîtres de thé, Sen No Rikyû (1522-1591). C’est lui qui rédigea les quatre grands principes de ce rituel : Wa pour harmonie, Kei pour respect, Sei pour pureté et Jaku pour sérénité.

Pour l’instant, l’histoire présente la cérémonie du thé comme un rituel pratiqué par les hommes, les moines et les samouraïs, alors que la première image qui vient à l’esprit quand on évoque ce rituel est l’image d’une femme ou d’une geisha.

.            C’est sous l’ère Meiji (1868-1912), tandis que la classe guerrière disparaissait peu à peu, que le gouvernement décida de redonner un second souffle au chanoyu en l’incluant dans le cursus scolaire des jeunes filles et dans l’apprentissage des maiko pour devenir geisha. Au Japon, les principes de la cérémonie du thé sont encore étudiés, notamment au sein de trois écoles de chadô fondées par les trois arrière-petits-fils de Sen No Rikyû. Aujourd’hui, les maîtres de cérémonies sont plus souvent des femmes que des hommes. Si on les entend, l’apprentissage de la cérémonie n’est pas encore achevé à la mort des adeptes !

La voie du thé

.            La voie du thé ou chadô est souvent confondue avec la cérémonie du thé. Cette dernière pourrait se définir simplement comme un moment de partage basé sur l’humilité et le plaisir, tandis que la voie du thé correspond à une idée plus large, une discipline ou une manière de penser.

A l’origine, la cérémonie du thé vient de Chine et a été adoptée par les Japonais au même titre que la boisson. Cependant, le rituel chinois était très sophistiqué avec des ustensiles richement décorés et, pour Sen No Rikyû, ce luxe ne correspondait pas à la mentalité japonaise. Dans un sens, il « nipponisa » ce rituel en le basant sur un nouveau principe, le wabi ou la simplicité élégante.

.            La voie du thé permet de comprendre l’état d’esprit japonais, permet de saisir l’essence même de la culture japonaise, un monde où le raffinement suprême côtoie la simplicité extrême.

La voie du thé est à la fois un art et une philosophie, un des nombreux chemins qui existent pour atteindre l’accomplissement, la sérénité spirituelle. Bien que cette discipline ne soit pas religieuse à proprement parler, elle ne peut être dissociée de la philosophie zen.

Pour finir, apprendre le chadô permet de s’ouvrir aux nombreuses autres voies de l’accomplissement, d’autres formes d’art qui mènent l’Homme dans un voyage spirituel. En effet, la cérémonie du thé implique l’art de la composition florale, l’art de la céramique, l’art de la calligraphie mais également l’art gastronomique, architectural et vestimentaire.

Le lieu de la cérémonie du thé

.            Le rituel du thé au Japon a lieu dans un modeste pavillon (chashitsu) situé au milieu d’un jardin. La pièce dans laquelle a lieu le rituel n’est pas très grande, elle mesure environ 7,5m² (soit quatre tatamis et demi). La porte d’entrée (nigiriguchi) est très basse et oblige les invités à se courber pour entrer, en signe d’humilité.

Dans le pavillon, le décor est sobre et épuré mais soigneusement préparé par l’hôte avant l’arrivée de ses invités. Dans une alcôve (tokonoma), un rouleau de parchemin (kakemono) est accroché au mur à côté d’une composition florale (chabana) déposée dans une céramique. Ces deux éléments doivent être assortis et en accord avec la saison. Le parchemin peut être une calligraphie, une peinture ou un poème, il permet d’annoncer aux invités le thème de la cérémonie.

Le thé matcha

.            Pas de cérémonie du thé sans thé matcha. C’est un thé vert broyé entre deux pierres pour en faire une poudre, mais ce n’est pas n’importe quel thé vert.

Quelques semaines avant la récolte des feuilles de thé, les arbustes sont couverts pour les protéger du soleil. Les feuilles, privées de lumière, deviennent plus petites et plus foncées car elles s’enrichissent en chlorophylle et acides aminés. Cette étape permet d’adoucir l’amertume naturelle du thé. Après la récolte, les feuilles portent le nom de tencha. Celles-ci sont chauffées à la vapeur puis broyées lentement et finement pour obtenir une fine poudre du nom de matcha.

La poudre de thé matcha est fouetté avec de l’eau chaude pour obtenir une boisson mousseuse, bien différente des boissons de thé vert ordinaires obtenus après infusions des feuilles.

Le déroulement de la cérémonie

.            Pour mener la cérémonie dans les règles de l’art, le maître du thé doit respecter les 7 règles de la voie du thé, dictées par Sen No Rikyû :

  • Préparer un délicieux bol de thé
  • Déposer le charbon de bois pour qu’il puisse chauffer l’eau
  • Arranger les fleurs comme elles sont dans les champs
  • Évoquer la fraîcheur en été, la chaleur en hiver
  • Devancer en chaque chose le temps
  • Se prépare-toi à la pluie même s’il ne pleut pas
  • Porter la plus grande attention à chacun de tes invités

La préparation d'une cérémonie du thé implique une attention totale aux mouvements prédéfinis. L'hôte de la cérémonie tient toujours compte des invités dans chacun de ses mouvements et gestes. Même le placement des ustensiles à thé est considéré du point de vue des invités.

La cérémonie du thé, dans sa version complète, peut durer jusqu’à 4 heures. Ce rituel se veut intime, ainsi le maître de cérémonie n’invitera jamais plus de 5 personnes à la fois. Le déroulement d’une cérémonie peut être différent selon la région, la saison ou encore l’heure de la journée, mais celui-ci suit généralement les mêmes étapes.

Avant toute chose, il faut savoir que l’hôte et les invités doivent être vêtus d’un kimono (ou au moins une tenue sobre pour les invités). La tradition veut que les invités soient munis d’un petit éventail (sensu) et de papier traditionnel japonais (kaishi).

Etape 1 : Les invités sont accueillis à l’entrée du jardin par l’hôte (ou maître de thé) qui les salue silencieusement. Ils empruntent un petit sentier qui mène au pavillon de thé et, à mi-chemin, les invités doivent se laver les mains et se rincer la bouche à une petite source d’eau claire pour se purifier du monde extérieur.

Etape 2 : Les invités attendent que l’hôte leur fasse signe pour les convier à l’intérieur du pavillon. Pour entrer, les invités passent par une porte très basse, les obligeant ainsi à s’incliner en signe d’humilité et de respect pour l’hôte. Les chaussures sont bien évidemment laissées à l’extérieur. Une fois rentrés, les invités peuvent admirer la décoration sobre mise en place par l’hôte avant leur arrivée. Après avoir pris le temps d’observer la pièce et de ressentir le calme et l’harmonie qui y règne, les invités vont s’agenouiller à même le tatami. Ils déposent devant eux l’éventail fermé, parallèle à leurs genoux, afin de délimiter leur espace.

Etape 3 : Dans la version complète, le maître sert un repas léger (kaiseki) qui se termine avec des pâtisseries et sucreries douces (wagashi). L’invité utilise le papier kaishi, un papier épais japonais, pour saisir les pâtisseries.

Etape 4 : Le cœur de la cérémonie du thé peut enfin commencer. Le maître apporte les ustensiles nécessaires à la préparation du thé matcha et les dispose autour de lui. Tandis que l’eau chauffe dans la bouilloire en fonte (kama), le maître nettoie symboliquement les ustensiles avec un linge de soie (fukusa). Personne ne parle, seul le bruit des ustensiles se fait entendre. Le maître rince le bol de thé (chawan) et le fouet en bambou (chasen) avec de l’eau chaude.

Etape 5 : Avec une cuillère en bambou (chashaku), le maître prélève de la poudre de thé matcha qu’il dépose dans le bol. Il ajoute de l’eau chaude puis fouette la préparation avec le chasen jusqu’à obtenir une boisson mousseuse.

Etape 6 : Une fois le thé préparé, le maître présente le bol à l’invité d’honneur. Ce dernier saisit le bol à deux mains, salue le second convive puis lève le bol en direction de l’hôte en signe de respect. Il faut savoir que le bol est un élément important dans la cérémonie. En céramique, cet objet présente une face décorée et une face neutre. Avant de boire, l’invité doit tourner le bol dans ses mains pour que la face décorée soit vue par tout le monde. Boire du côté de la face décorée est une erreur à ne surtout pas commettre. Une fois que l’invité d’honneur a bu ses 3 gorgées, il passe le bol au second convive qui fait de même. Le bol passe de mains en mains jusqu’à ce que tous les invités aient pris 3 gorgées, puis il revient dans les mains du premier convive. Celui-ci prend le temps d’admirer le bol, sa forme, ses dessins et ses imperfections avant de le rendre au maître.

Etape 7 : Le maître lave minutieusement les ustensiles et les présente un par un aux invités. Ces derniers peuvent alors admirer la simplicité élégante de chaque ustensile et demander à en savoir plus sur leur origine.

Etape 8 : L’hôte raccompagne ses convives à l’extérieur et les salue en silence. Pour finir, il défait la composition florale, décroche le parchemin et s’assure de la propreté du lieu. La cérémonie du thé est finie.