L’ikebana

D’après : https://ikebana-international-paris.com / https://universdujapon.com/blogs/japon/ikebana

Compositions florales selon l'école Ikenobo

.            L’ikebana (生け花), composition florale nippone, est une pratique artistique très répandue au pays du soleil levant, faite de délicatesse et d’élégance. Cet art floral crée une structure naturelle.

L’amour des japonais pour la nature

.            L’arrangement floral nommé ikebana (la voie des fleurs, « art de faire vivre les fleurs »), ou kadô au Japon, ne consiste pas simplement à placer les fleurs dans un récipient. Il s’agit d’une discipline artistique dans laquelle la composition est une œuvre vivante où nature et humain se rencontrent. Pratiquer l’ikebana c’est s’imprégner d’une philosophie qui rapproche de la nature. Les matériaux utilisés dans une même composition sont des éléments vivants et de plusieurs types, en donnant la primeur aux feuilles, aux branches nues et aux fleurs naissantes, graminées, mousses ou fruits. Les feuilles flétries, les gousses de graines, les bourgeons sont autant valorisés que les fleurs épanouies. L’émotion qui se dégage d’un ikebana résulte d’une combinaison de couleurs et de formes voulues par la nature et respectées comme telles. Par conséquent l’ikebana est bien plus qu’une simple décoration florale. C’est une mise en scène d’éléments naturels destinée à livrer un message.

.            Chaque élément à son importance : le vase, les tiges, les branches, le feuillage, les fleurs, … L’harmonie entre matériaux, récipient et la composition elle-même sont également fondamentaux. Adepte du minimalisme, l’Ikebana privilégie la qualité à la quantité. Les lignes et les formes sont travaillées pour respecter les codes esthétiques et spirituels de l’art zen nippon. La Terre, l’Homme et le Ciel sont toujours représentés à travers les sculptures végétales. Le Ciel sera le point culminant de la composition, représenté avec une branche rigide par exemple. Au milieu, une jolie fleur pourra symboliser l’Homme. Plus bas, on disposera des végétaux pour représenter la Terre.

Contrairement aux usages occidentaux, l’arrangement floral à la Japonaise ne se concentre pas uniquement sur la beauté des fleurs qui composent le bouquet, mais valorise l’intégralité de la structure. D’où les principes de base qui caractérisent l’ikebana pour mettre en valeur cette structure. L’asymétrie, la simplicité, l’harmonie, l’utilisation des lignes et du vide sont les fondamentaux de cette discipline artistique.

D’abord réservée à des usages religieux, la pratique de la composition florale au Japon s’est développée jusqu’à devenir un art à part entière au même titre que la calligraphie ou la sculpture. L’ikebana se trouve dans les maisons, les lieux publics et les édifices religieux.

.            Le développement remarquable de l’art floral peut être lié à l’amour des Japonais pour la nature. Cet émerveillement tient de la religion. Les japonais ont depuis toujours développé un lien très fort et très intime avec leur environnement naturel, lien que l’on retrouve dans les préceptes du shintoïsme.

Malgré le développement de l’urbanisation, le lien avec l’Univers est resté fort ; les habitants de l’archipel aiment s’entourer de végétaux et de fleurs. Ils sont nombreux à pratiquer l’ikebana pour garder un lien avec la nature au sein de leurs habitations. En principe, l’ikebana ne vise pas à apporter un petit bout de la nature dans la maison mais plutôt à rappeler la nature en créant ce lien entre l’intérieur et l’extérieur pour transmettre une véritable émotion à celui qui contemple la création.

Histoire de l’ikebana

Arrivée du bouddhisme au Japon

.            L’ikebana, un des arts traditionnels japonais, est pratiqué depuis plus de 600 ans. Il s’est d’abord développé autour du rituel bouddhiste lorsque des fleurs étaient données en offrande. Les premiers professeurs et étudiants furent des religieux et des membres de la noblesse. Si depuis le milieu du 15ème siècle, avec l’apparition des premiers styles classiques, l’ikebana est reconnu comme une forme d’art indépendant de ses origines religieuses, il conserve malgré tout des accents symboliques et philosophiques.

.            En Inde, lors des cultes religieux, pour honorer Bouddha, des fleurs étaient disposées autour de l’autel, éparpillées de façon informelle et parfois seulement des pétales. Au 6ème siècle avec l’arrivée du bouddhisme au Japon, cette tradition se perpétua au Pays du Soleil Levant par le biais des moines bouddhistes japonais qui décoraient les temples. Vers le VIIIe siècle, ces derniers se mirent à agencer de beaux bouquets de fleurs en suivant des principes religieux très précis. Et, vers le 10ème siècle, les japonais présentèrent leurs offrandes dans des récipients.

L’origine de l’ikebana : Ikenobo

.            La première école d’ikebana est attribuée à un prêtre du temple Rokkaku-do à Kyoto. Il montra un tel savoir-faire en matière de composition florale que d’autres prêtres se tournent vers lui pour apprendre. Il habitait à proximité d’un lac, d’où le terme « Ikenobo » qui signifie « lac », et qui deviendra associé à ces prêtres, chargés de la décoration des autels.

Estampes japonaises mettant en scène l'Ikebana (artistes : Utagawa Toyokuni à gauche, Shiro Kasamatsu au centre, Kitagawa Utamaro à droite)

L’évolution des styles

.            L’aristocratie s’inspira de leurs créations pour décorer leurs intérieurs. L’ikebana devint alors un art codifié réservé à la noblesse. Seuls les moines, les shoguns, les samouraïs et les hommes de haut rang avaient accès à cette forme d’expression créative. Petit à petit, les bouquets sortiront des temples pour éclore dans les rues lors des cérémonies et des fêtes nippones. C’est ainsi qu’au cours du XVe siècle l’ikebana s’étendra à toutes les classes sociales. Les configurations et les styles évoluant, à la fin du 15ème siècle, les arrangements floraux seront connus et appréciés de la population en général, et non plus réservés à la seule famille impériale et à ses serviteurs.

.            C’est ainsi que commence à se développer cette forme artistique avec ses règles propres. En 1445, le plus vieil ouvrage régissant les usages de l’art floral japonais apparaît. Il s’agit du Sendenshô, une compilation de 53 arrangements à concevoir en fonction des événements de la vie. Chaque composition de fleurs correspond à une cérémonie particulière au Japon comme le mariage, le Nouvel An ou encore la fête des garçons.

.            Au fur et à mesure que les années passent, l’ikebana prend une place grandissante parmi les festivals traditionnels et des expositions d’ikebana sont organisées périodiquement. Des règles sont instaurées et les matériaux doivent être utilisés d’une certaine manière. A cette époque une tige de grande taille placée au centre devait être associée à 2 tiges plus petites ; celles-ci étaient censées représenter le Ciel, l’Homme et la Terre.

Différents termes japonais apparaissent alors selon les écoles. Vers 1460, le maître Senkei Ikenobo instaure des règles de composition florale. Son école Ikenobo devient célèbre en fixant les principes des combinaisons de forme triangulaire nommées rikka fleur droite »), une grande référence pour la décoration florale des châteaux au Japon. Le premier style rikka, qui symbolisait le mythique mont Meru de la cosmologie bouddhique, représentait 7 éléments : pic, cascade, colline, ... Il donnera un nom spécifique à chacune des 7 branches utilisées dans ses compositions.

.            L’époque de la réunification du pays Azuchi Momoyama (1573-1603) était connue, en particulier, pour ses décors excessifs. C’est à cette époque que la cérémonie du thé fait son apparition. Celle-ci se caractérise au contraire par une simplicité rustique et un style d’ikebana lui sera naturellement associé pour décorer les lieux, le style chabana, qui va contraster fortement avec les excès associés au style Momoyama.

A partir des années 1600, la signification religieuse de l’ikebana régresse et progressivement l’art floral devient profane. Durant la période Edo, du début du 17ème au milieu du 19ème siècles, la simplicité du chabana participe à la création d’un nouveau style « assez libre » appelé nageire.
C’est ce genre de conception non structurée qui va mener au courant Wabi qui prône le retour à l’essentiel et à l’apparition du style seika ou shoka au sein de l’école Ikenobo. Ce style se caractérise par un faisceau de tiges serrées formant une structure à trois branches triangulaires et asymétriques. Cette forme est alors considérée « classique » et les écoles qui l’enseignent sont appelées « écoles classiques ».

Au cours du 18e siècle, la pratique de l’Ikebana se démocratise. Les femmes ont alors le droit d’exercer l’art floral jusqu’ici réservé aux hommes.

Anciennes photos colorisées de jeunes japonaises pratiquant l'Ikebana.

Les écoles se multiplient

.            L’école Ikenobo, la plus ancienne, fait, bien sûr, référence à la lignée de moines de la famille Ikebono qui perpétue la tradition de l’art floral japonais depuis le 7e siècle. Véritable maître de la composition florale, Senmu fut le premier moine à enseigner l’art de l’arrangement floral dans le temple de Rokkakudo. Parmi ses héritages, le tatebana (« fleur droite », également), une sculpture florale fondée sur des principes religieux évoquant des notions abstraites telles que l’éternité ou encore la relation entre l’Homme et son environnement.

A cette époque apparaissent également de nouvelles écoles, chacune interprétant à sa manière le style seika. Si Ikenobo, orientait la base des tiges directement vers le bas en utilisant un komi, genre de tuteur fourchu, pour les maintenir en place, l’école Koryu va, elle, placer le komi avec un angle ; l’extrémité des tiges est coupée de façon oblique et forme un tuteur le long du récipient. L’école Enshu va exagérer la courbure des branches en y faisant des incisions pour les plier et insérer des raccords de façon à ce que les branches gardent la courbure désirée.

Au fil du temps, plusieurs courants artistiques contribueront à l’évolution et à l’essor de cet art créatif. Mais les différents styles d’ikebana qui en résulteront partageront cependant des traits communs entre eux, quelque-soit l’école.

Le style moribana : l’école Ohara

.            Au début du 20ème siècle, l’ikebana était devenu un passe-temps très prisé, pratiquement « obligatoire » pour la femme japonaise distinguée. C’est alors que le mouvement moribana propose une version plus moderne de l’ikebana qui révolutionna les styles. Son fondateur Unshin Ohara, professeur d’Ikenobo à Kobe, invente une forme d’ikebana qui utilise des fleurs venant d’occident, introduites au début de l’ère Meiji. Il incorpore l’utilisation de pique-fleurs dans ses combinaisons, ainsi que des coupes plates et des végétaux colorés.

Il demande à l’école Ikenobo d’inclure cette conception dans son programme d’enseignement, mais l’école refuse. Cependant, étant donné son succès, il sera finalement autorisé à enseigner cette nouvelle forme au sein de sa propre école, à la condition … qu’il trouve des élèves. Personne n’y croyait.

Son exposition dans un grand magasin de Kobe allait connaître un succès retentissant ; l’école Ohara était en marche. Ohara allait appeler son style moribana (littéralement « empiler »), au contraire du style seika « tout droit ». Le style moribana devient tout de suite populaire au point que dès 1915, la majorité des écoles d’ikebana l’avaient incorporé dans leur enseignement ; il reste toujours aussi populaire aujourd’hui.

Les autres écoles modernes

.            D’autres écoles se sont créées.

  • Koshu Tsujii, un adepte du style moribana, a été encouragé à créer de nouveau une école de fleurs dans le Temple Daikakuji à Saga (tout près de Nagasaki), qui existe encore de nos jours sous le nom de l’école Saga.
  • Choka Adachi a lancé le « style Adachi » en utilisant la forme moribana pour « disposer les fleurs comme des fleurs ».
  • Plus ou moins en même temps, un autre style intitulé « style lettrés » a commencé à susciter de l’intérêt grâce à son approche libre et pleine de couleurs. Issotei Nishikawa en est l’auteur et a ouvert la voie à des compositions libres et créatives.
  • Le principal représentant de ce style libre est Sofu Teshigahara qui a créé l’école Sogetsu en 1926. Il met l’accent sur la personnalité de l’artiste. Les créations se parent de nouveaux matériaux (tissus, écorce, verre…). Ce style plus libre se distingue par sa verticalité et ses lignes obliques. Les arrangements floraux ressemblent davantage à des sculptures artistiques.
  • Le fondateur de l’école Ichiyo figure dans ce mouvement moderne qui a fait sortir l’ikebana des tokonoma (cette petite pièce de réception, dans la maison japonaise, dédiée à la présentation d'objets exposés pour le plaisir des yeux).

Les 3 écoles dominantes aujourd’hui sont Ikenobo, Ohara et Sogetsu. Cependant plus de 2.000 écoles d’ikebana sont enregistrées auprès du Ministère Japonais de l’Education.