La bataille des bases spatiales est engagée

.            La Starbase de Boca Chica de SpaceX et le centre de lancements de Blue Origin, la société spatiale de Jeff Bezos, au Texas ; le Spaceport America de Virgin Galactic au Nouveau-Mexique ; le cosmodrome russe Vostotchny, en Sibérie ; la nouvelle base d’Esrange en Suède (à 200 km du cercle polaire arctique, ce qui permet de lancer sur des orbites spécifiques, dont polaires) ; Wenchang sur l’île chinoise de Hainan… Depuis le début des années 2010, de nouveaux ports spatiaux ont ouvert leurs portes pour accueillir des fusées issues du « New Space ». Une révolution liée à l’arrivée d’acteurs privés dans un domaine auparavant dominé par les États.

.            Au-delà de répondre aux besoins des fusées géantes comme Starship de SpaceX, ou au développement de marchés émergents, comme le tourisme spatial, ces nouveaux sites vont permettre de lancer les petits satellites sur des orbites spécifiques et à des dates précises. On entre dans l’ère du taxi spatial, en complément de l’offre du bus spatial portée par les lanceurs lourds

La multiplication des pas de tir va se poursuivre. 30 nouvelles bases devraient entrer en service entre 2023 et 2035, ce qui portera à 53 le nombre de complexes de lancement en service dans le monde. La majorité des nouveaux ports spatiaux s’installent en Europe, aux États-Unis, en Chine et en Russie, qui sont tous des puissances spatiales. Dans cette course mondiale aux pas de tir, l’Europe est le continent qui en bâtit le plus, avec 12 nouvelles bases, dont la moitié au Royaume-Uni, qui, ne faisant plus partie de l’Union européenne, veut disposer de ses propres installations. L’Asie (10, dont 2 en Chine) et les États-Unis (5) suivent.

.            En 2022, 186 tirs orbitaux ont été effectués dans le monde, et 2.469 satellites déployés, un record historique. C’est vingt fois plus qu’en 2012. Le seul SpaceX lance des « grappes » de satellites pour sa constellation d’internet haut débit Starlink à un rythme effréné. Le 28 juillet 2022, une fusée Falcon 9 a réalisé le 28e lancement de 22 satellites Starlink depuis janvier, portant la flotte à 4.866 exemplaires sur les 12.000 prévus à moyen terme (et 42.000 à plus longue échéance). C’était la 94e mission Starlink depuis 2019.

.            Plus de 26.000 petits satellites de moins de 500 kg seront lancés entre 2023 et 2032. On anticipe même jusqu’à 40.000 engins sur la période, avec le déploiement de nouvelles constellations telles que l’européenne Iris2, Kuiper de Blue Origin/Amazon (3.400 satellites), ou encore LightSpeed du canadien Télésat. D'autres constellations satellites concurrentes doivent aussi voir le jour, telle les 13.000 satellites du gouvernement chinois et encore les 10.000 d’une compagnie privée chinoise. Des dizaines de projets de ce genre sont en route.

À cela s’ajoutent les tirs à vocation scientifique : 170 missions d’exploration sont prévues entre 2022 et 2031, soit trois fois plus que lors de la dernière décennie. Sans oublier les missions militaires, qui se multiplient dans un espace devenu un terrain de confrontation entre grandes puissances.