Structure physique du câble optique
. La technologie fibre optique permet une transmission sans perte de vitesse car la lumière captée par la silice y est enfermée dans une gaine à faible indice de réfraction. L’onde lumineuse qui entre dans la fibre est réfléchie de multiples fois à l’intérieur de la fibre et cette onde va ensuite être propagée par diode laser, avec un parcours en « zigzag » : la lumière « confinée » se propage par la simple utilisation du système naturel de réfraction. Le réseau n’occasionne ainsi qu’un affaiblissement minimal du signal. La distance n’est plus un obstacle pour la vitesse de transmission, et de surcroit, la fibre optique n’est pas sensible aux perturbations électromagnétiques.
. La fibre elle-même est un fil en verre très fin (250 micromètres, 2 à 3 fois le diamètre d’un cheveu) qui assure par la propagation de la lumière, le transport des données d’un point à un autre.
Au cœur des câbles sont disposées, par paires, les fibres optiques noyées dans du silicone le tout protégé par un tube plastique. Une épaisseur de fils torsadés métalliques, hyper résistants à la traction, entoure l’ensemble, le tout étant placé à l’intérieur d’une autre gaine elle-même protégée par un fourreau en cuivre qui, si besoin, permet également d’acheminer l’électricité nécessaire aux répéteurs. Cet ensemble est isolé et protégé par de la fibre de nylon bitumée. C’est la structure typique d’un câble de grands fonds, légère, d’un diamètre de 15 à 18 mm Etonnamment rudimentaires, enduits de goudron et déroulés par des navires selon le même procédé que celui utilisé dans les années 1850 pour poser le premier câble télégraphique transatlantique, ces câbles, aussi épais qu’un tuyau d’arrosage, sont des merveilles de haute technologie. Ainsi, le plus rapide, le câble transatlantique Amitié, peut acheminer 400 térabits de données par seconde.
Aux abords des côtes ou sur des fonds peu profonds, des couches successives additionnelles de nylon et de nappes de fils métalliques torsadés assurent, la résistance aux attaques et aux chocs extérieurs, notamment des ancres et des chaluts.
Le diamètre du câble optique lui-même n’excède généralement pas 1,7 cm, et une fois recouvert avec les couches de protection mécanique, il peut atteindre environ 10 cm de diamètre.
. Le transport d’information dans une fibre optique sous forme d’impulsions de lumière laser, comme par tout autre système, subit une atténuation avec la distance. Cette contrainte physique nécessite de ré-amplifier le signal régulièrement par l’installation de répéteurs tous les 50 à 80 km. Ces répéteurs ont besoin d’une alimentation électrique, jusqu’à 18 000 volts, qui est fournie par les câbles cuivre qui sont incorporés dans le câble optique.
Ces répéteurs amplifient non seulement le signal, mais malheureusement aussi tout bruit introduit en cours de route, ce qui bride l'intérêt d'augmenter l'énergie. Ces répéteurs sont intégrés, pour leur protection, dans des boitiers qui ressemblent à une ogive de l’ordre de 1 m de long pour 30 cm de diamètre d’un poids pouvant atteindre 300 à 400 kg, et coûtent jusqu'à 1 million $ pièce.
. On compte quatre principaux fabricants/poseurs de câbles sous-marins dans le monde : ASN (Alcatel Submarine Networks) l’ancien joyau français d’Alcatel racheté par Nokia en 2015, puis repris par l’Etat français mi-2024, TE SubCom LCC, issu de l’opérateur américain historique AT&T, NEC Submarine System au Japon et le Chinois Huawei Marine. ASN, le leader mondial, qui fabrique à Calais, détient environ un tiers du marché.
A quel coût ?
. Il existe différents types de câbles. Les petits mesurent entre 50 et 100 km et coûtent autour de 30 millions d’euros. Ils sont dits non répétés, c’est-à-dire qu’ils ne nécessitent pas de répéteurs pour amplifier le signal. Les plus longs s’étendent sur plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de km et sont dits répétés. Ces derniers peuvent coûter jusqu’à 600 ou 700 millions d’euros, voire 1 milliard.
Les progrès technologiques ont fait diminuer le coût du bit transporté d’un facteur 2.000, en passant de 5 Gbit/s par canal à 100 Gbit/s !
Mise en œuvre
La pose
. Outre les fatals montages financiers et les partenariats entre opérateurs de télécommunication, la première étape consiste à étudier le tracé par une opération de reconnaissance des fonds (survey).
Puis par la méthode analogue à la pose des pipe-lines sous-marins, la mise en place des câbles sous-marins se fait au moyen de navires câbliers. Il n'existe en réalité qu’une dizaine de véritables câbliers dans le monde, la trentaine d’autres navires ayant souvent été refondus ou adaptés pour leurs missions. Ils sont armés, en général, d’une cinquantaine de marins et d’une équipe spécialisée d'une douzaine d'ingénieurs/techniciens.
En se déplaçant, le navire déroule le câble qui est ainsi déposé par gravité au fond de l’océan. Ces câbles ont été préalablement disposés dans d’immenses tourets horizontaux, d’une vingtaine de mètres de diamètre et une dizaine de hauteur, dans lesquels sont "lovés" pas moins de 6 à 7.000 tonnes de câbles, soit 4.000 km de câbles légers ou 1.500 km de câbles blindés. Le raccordement des câbles et de tous ses composants, est effectué par des équipes de techniciens embarqués, à chaque changement de touret et installation d’un répéteur, et aussi parfois, … en cas de rupture !
. Dans les zones sensibles, les câbles sont ensouillés (enfouis sous les sédiments entre 1 et 3 mètres de profondeur), sauf dans les zones sismiques où ils risqueraient d’être rompus par les secousses. Cette procédure est en particulier nécessaire en cas d’obstacles naturels dommageables, et en eau peu profonde, où les chaluts et les ancres pourraient les endommager. L’ensouillage nécessite une « charrue » spéciale qui, tirée par le navire câblier, creuse une tranchée pour ainsi lui assurer une protection, et une fois le câble déposé au fond, ce sillon se comble naturellement très vite. Près des côtes, l’ensevelissement est effectué à l’aide de jet d’eau haute pression, en général par des plongeurs, et un tube protecteur est installé.
Ensouilleuse « Orange »
1925 - Atterrissement à New York du premier câble sous-marin reliant depuis Rome l’Italie à l'Amérique du Nord. Ce câble passait par les Açores et Malaga
. Les navires câbliers de dernière génération sont capables de poser de 150 à 200 km par jour, sauf en cas d’ensouillage où l’on ne dépasse pas les 20 km par jour.
. En ce qui concerne la pose et la maintenance, ASN (Alcatel Submarine Networks) est parmi les leaders (il a déployé à ce jour un tiers des réseaux sous-marins dans le monde), tout comme Orange Marine, filiale du groupe Orange avec ses 7 navires qui représentent 15% de la flotte mondiale et qui serait par ailleurs membre d’une quarantaine de consortium propriétaires. Derrière ASN, les États-Unis occupent la deuxième place avec 30 % (SupCom). Les Japonais suivent, avec NEC qui assure 26 % de la pose des tuyaux ; le Japon bénéficie d’une position favorable, car c’est aussi l’un des deux seuls pays au monde fournisseurs de fibres optiques (Sumitomo), avec l’américain Corning. La Chine grimpe vite Alors qu’elle n’a que dix ans d’ancienneté sur ce secteur, Hengtong Marine Networks (ex-Huawei) représente 10 % de la pose câblière. Et de plus en plus, les GAFAM eux-mêmes !
. La France, avec France Télécom Marine qui détient une part du marché mondial d'environ 12%, est le point d’entrée de la plupart des câbles reliant l’Europe au reste du monde, avec l’exploitation de 13 stations d’atterrissement sur son territoire côtier pour connecter les réseaux filaires nationaux à 23 câbles sous-marins. La plupart de ces câbles océaniques atterrissent en Bretagne (Plérin, Lannion, Penmarc’h), sur la côte atlantique (Saint-Hilaire-de-Riez, Bruges, Cap-Ferret, …), ou encore à Marseille/La Seyne-sur-Mer.
Câbles et stations d’atterrissements autour de la France (source : Telegeography).
La réparation d’un câble
. C’est une opération, rare en phase de pose (rupture à la traction, accident de relief, …), mais plus fréquente au stade maintenance.
La première difficulté sera peut-être de « trouver » le câble, lequel pourra avoir subi les influences des courants, des tremblements de terre, des avalanches sous-marines, … et donc avoir dérivé de plusieurs kilomètres.
Après avoir demandé à l’opérateur la désactivation des flux de données et de l'alimentation électrique du câble, les deux extrémités ou la partie à sectionner sont remontées à l’aide d’un grappin (utilisé depuis des siècles !) sur la navire pour être raccordées. Des tests de continuité sont bien sûr effectués une fois la réparation achevée, avant de le redéposer sur le fond.
. Ces infrastructures sont aujourd’hui aussi cruciales que les gazoducs et les oléoducs. Les accidents ne sont pas anodins à l’échelle d’un pays : les banques, les compagnies aériennes, les entreprises, les médias et certains services gouvernementaux sont dépendants d’Internet pour fournir leurs services. Face aux risques, qu’ils soient d’origine malveillante ou non, il est essentiel de se prémunir des situations qui peuvent entraîner des conséquences fâcheuses.
. Les dommages aux câbles ont des causes variées. Des causes naturelles : séismes, icebergs, faune marine (morsures de poissons), ruptures liées au fond sous-marin, … ; des causes techniques : défaillances diverses, corrosion, abrasion, … ; des causes humaines : pêcheurs (chaluts), accidents liés au trafic maritime, ancres dérivantes, forages, … ; des causes « diverses » : espionnage, sabotages, vols (pour revendre les matériaux), …
Les câblo-opérateurs peuvent localiser avec précision les endroits où les câbles sont endommagés, mais les navires de réparation doivent souvent attendre les autorisations gouvernementales. Les réparations durent en moyenne deux semaines.
On recense en moyenne chaque année de l’ordre de 150 ruptures de câbles sous-marins. Neuf fois sur dix, ces problèmes sont liés à des phénomènes marins, comme les glissements de terrains ou des activités sismiques. Dans les zones peu profondes, il n’est pas rare que l’ancre de navires ne vienne percuter et couper ces câbles. En 2007, des pêcheurs vietnamiens ont coupé 50 km d’un câble sous-marin afin d’en récupérer les matériaux composites et de tenter de les revendre. Le Vietnam perdit ainsi près de 90 % de sa connectivité avec le reste du monde pendant une période de trois semaines. En 2015, c’est une ancre qui fût à l’origine d’une section de câble privant presque toute l’Algérie d’Internet pendant deux semaines. En juillet 2020, la Somalie a été totalement privée d’Internet pendant plusieurs heures en raison d’une opération de maintenance à distance du câble sous-marin EASSy qui relie la côte est-africaine au réseau. Un mois plus tard, une grue sous-marine travaillant à la collecte de sable dans la baie de Kuakata a heurté un câble sous-marin de télécommunications, se traduisant par une perte de 40 % de la vitesse du réseau internet du Bangladesh.
. La criticité de ces câbles nécessite les interventions rapides de navires câbliers puissants et agiles en cas de dommages physiques ou de cyberattaques, voire sabotages. Les délais de réparation vont en général de quelques jours à parfois un peu plus d’un mois. Il existe aujourd’hui une quarantaine de câbliers dans le monde. La France en possèderait 9, dont un seul pour la maintenance de tous les câbles de l’Atlantique Nord jusqu’à la mer Baltique : le Pierre de Fermat, basé à Brest. Ces navires sont capables d’appareiller en moins de 24 heures en cas de dommage détecté sur un câble. À bord, un équipage d’une soixantaine de marins dispose de drones sous-marins et d’autres instruments permettent la réparation.