L’épopée du premier câble transatlantique

L’objectif et une équipe

            William Cooke et Charles Wheatstone avaient construit le premier télégraphe électrique terrestre opérationnel en 1839. Dès 1840, Samuel F. B. Morse était convaincu de la faisabilité d'une ligne télégraphique sous-marine à travers l'océan Atlantique. Dans les années 1840 et 1850, plusieurs personnes, dont Edward Thornton et Alonzo Jackman, proposèrent la construction d'un câble télégraphique à travers l’Atlantique,

Le financier et entrepreneur américain Cyrus West Field et la société Atlantic Telegraph Company furent à l'origine de la construction du premier câble télégraphique transatlantique entre Terre-Neuve et l'Irlande (environ 3.500 km). Les études préalables à la pose de ce premier câble ont débuté en 1854 et ce projet a abouti en 1858.

           Cyrus Field a dirigé l’étude puis la pose du premier câble transocéanique avec Charles Tilston Bright comme ingénieur en chef. L’objectif étant de réaliser une liaison télégraphique entre le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, il réunit une équipe qui compte le physicien William Thomson (plus tard, Lord Kelvin) un autodidacte passionné des problèmes théoriques que pose la télégraphie sous-marine. Ce dernier a ses « théories » et ses propres appareils pour les expériences ; il est prêt à relever un défi que le milieu scientifique … juge irréaliste. 

Le tracé du câble.

            On envisage d'abord une ligne directe entre New York et le Royaume-Uni ou la France. Jusqu'à ce que les sondages réalisés par l'US Navy viennent changer la donne, en montrant qu’entre Terre-Neuve et l'Irlande, le fond marin est un plateau qui semble fait pour qu'on y installe des câbles de télégraphe sous-marins ! Dieu a dû le créer pour y déposer un câble ! On a tendance à voir la main de Dieu partout ; c'est la destinée humaine à l'époque : permettre à l'humanité d'améliorer ses conditions de vie.  L'argument topographique l'emporte et c'est donc d’Irlande que partira le câble.

Une première étude a donc été faite, qui a montré qu'un câble entre l’Irlande et l'île de Terre-Neuve était réalisable. Il prolongerait et connecterait les câbles sous-marins qui existent depuis 1856 entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse et entre l’Irlande et la Grande-Bretagne.

Mais où exactement ? Cyrus Field le décidera après une rencontre avec Peter Fitzgerald, 19e chevalier de Kerry. C’est un homme progressiste et féru d'innovation qui vit sur son île de Valentia et contrairement aux autres propriétaires terriens britanniques, il se préoccupe de ses fermiers irlandais et de la population locale. Il avait investi dans la culture et le tissage du lin pour l'exportation ainsi que dans l'industrie ardoisière locale, ce qui a épargné à la population, quand le mildiou a détruit la pomme de terre entre 1845 et 1852, les désastres de la famine qui a fait un million de morts et poussé 2 millions d'Irlandais à émigrer.

Le chevalier de Kerry siège au Parlement à Londres. Il convaincra que sa petite île paisible est l'emplacement nécessaire pour sa base européenne. 

Carte du tracé du 1er câble transatlantique en 1858.

            Ses relations dans la capitale lui font décrocher de gros contrats (ainsi, le palais de Westminster et le métro londonien se fournissent en ardoise à Valentia) et lui ouvrent des portes pour lever des fonds. Cyrus Field lui-même fournit le quart du capital nécessaire et ensemble ils sollicitent des investisseurs privés, rabâchant les bienfaits qu'amènera leur technologie ; on va aider les gens et le monde à communiquer avec les nombreux avantages qui en découleront  Des fonds provenant de sources américaines et britanniques sont levés en particulier par la vente d’actions de l'Atlantic Telegraph Company, la compagnie ad-hoc créée le 06 Novembre 1856 pour l’exploitation commerciale de ce câble transatlantique.

La fabrication du câble

            L'équipe est formée et le site de lancement choisi. Encore faut-il produire un câble solide et souple à la fois capable de résister à la pression de l'eau au fond de l'océan et à la traction. 

Le câble se composait de 7 fils de cuivre torsadés, pesant chacun 26 kg/km ; il était recouvert de 3 couches de gutta-percha, pesant 64 kg/km, le tout enrobé dans du chanvre goudronné, une armature spiralée de 18 filins de 7 fils métalliques, protégeant mécaniquement l’ensemble. Il fallait donc près de 30.000 km de fil de cuivre (de Cornouaille et du Chili) isolé par une gomme issue du latex naturel d’Indonésie (le gutta-percha), le tout protégé par 525.000 km de fil métallique. L'ensemble pesait près de 600 kg/km, était relativement souple et pouvait résister à une traction de plusieurs dizaines de tonnes.

Echantillons des câbles transatlantiques de 1858, 1865 et 1866.

Les contrats de fabrication ont été attribués à deux fabricants anglais de cordage et de câble, Glass, Elliot & Co. et R. S. Newall & Co. Le sud-est de Londres comptait de nombreux chantiers navals ainsi que des corderies. Assez naturellement, ils pouvaient s’adapter pour fabriquer des câbles métalliques. On assiste aux prémices de ce qu'on appelle aujourd'hui la mondialisation.

1857, une première tentative.

            Les navires mis à disposition par les gouvernements, britannique et américain sont des navires de guerre spécialement aménagés pour transporter le câble. Le HMS Agamemnon et l'USS Niagara ont chacun une moitié du câble à leur bord, leur charge maximum. Le Niagara déroulera sa moitié, puis à mi-chemin on fera la jonction avec le câble de l’Agamemnon qui prendra le relais. (Une épissure qui nécessitera des ajustements techniques, les moitiés de câbles des deux fabricants ayant été torsadées par erreur, l’une à droite, l’autre à gauche !) 

            Le 4 août 1857 alors qu'une foule de curieux et de journalistes internationaux se pressent sur l'île de Valentia, l'Atlantic Telegraph Company s'apprête depuis Valentia à changer la face du monde. Il y a des orchestres, des peintres qui immortalisaient l'événement, un banquet et un bal, bref, une grande effervescence autour de ce câble transatlantique.

Le lendemain matin c'est le grand départ. Comme un mauvais présage, le câble coupera au bout de quelques heures seulement, mais il put être récupéré au grappin. Retour à Valentia pour réparation. L'expédition reprend la mer le lendemain, cette fois beaucoup plus discrètement. Mais à 450 km de la côte, là où le fond marin plonge soudainement, le câble s'avère trop lourd et se dévide sur le fond à -3.200 m. Le système de freinage n'est pas assez performant et devient incontrôlable.  

Ce premier câble n'était décidément pas adapté, trop fin et trop fragile pour l'Atlantique. La mission de 1857 est un échec et elle a englouti une bonne partie des fonds.

            Au cours de l'hiver, des améliorations sont apportées au système de freinage qui régule la vitesse de déroulement du câble et sa tension. Puis une nouvelle levée de fonds est organisée sous la forme d'une émission d'actions à 20 livres sterling proposée à des investisseurs privés britanniques et américains. Un an plus tard, l'équipe est prête à retenter l'aventure.  

1858, une deuxième tentative.

            Le 10 juin 1858, nouvelle tentative : les deux navires partent cette fois de Plymouth en Angleterre. La procédure a changé : la pose du câble commencera cette fois au milieu de l'océan. Les deux bâtiments, chacun transportant la moitié du câble, se dirigent ensemble vers un point situé à mi-chemin entre les deux côtes. Une fois les deux extrémités du câble assemblées avec soin, les navires partiront dans des directions opposées l'un vers l'Irlande et l'autre vers Terre-Neuve.  

Les deux navires se rendent comme convenu à équidistance des deux continents, puis s’éloignent. Mais quelques heures plus tard, nouveau coup du sort.

Les 4 navires ayant participé à la pose du câble de 1858 : USS Niagara et H.M.S. Agamemnon au premier plan

L’Agamemnon est malmené par les vagues s'inclinant jusqu'à manquer de peu de chavirer. Tout part à la dérive. La tempête met 2 jours à se calmer. Les navires remis en ordre regagnent le milieu de l'océan. La mission reprend : l'épissure centrale est faite le 26 juin, mais le sort s'acharne par deux fois. Le câble sera encore sectionné ; de longs tronçons disparaissent au fond de l'eau à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Au bout d'un mois, les réserves de charbon et de vivre s'épuisent dangereusement. Les navires doivent regagner l'Irlande. La compagnie est au bord de la ruine.

1858, une troisième tentative.

            4 semaines plus tard les navires réapprovisionnés en urgence reprennent la mer. Mais la malédiction continue : trois fois encore les câbles couperont. L'équipage parviendra à le repêcher au grappin dans les profondeurs de l'océan.  

Malgré les épreuves l'USS Niagara poursuit sa route. Enfin, le 4 août 1858 au soir, il fait son entrée dans la baie de la Trinité à Terre-Neuve avec son bord Cyrus Field, l'homme qui a tenu à bout de bras cette aventure. Quelques heures plus tard, l'arrivée au port de Valentia du HMS Agamemnon est saluée par une longue salve de coups de canon.  

C'est l'aboutissement de 5 années de dur labeur de persévérance et d'inventivité. L'Ancien et le Nouveau Monde sont enfin reliés par un câble de communication sous-marin.  

1858, un succès provisoire

            Premiers échanges de messages à travers l'Atlantique.

            Cyrus Field réserve son premier message à son épouse à New-York avec leur 7 enfants : « Arrivé hier tout va bien. Câble télégraphique sous l'Atlantique posé avec succès. Veuillez me télégraphier ici sans attendre. » Quelques heures plus tard il reçoit un télégramme du président des États-Unis James Buchanan : « Je vous adresse mes chaleureuses félicitations pour la réussite de cette grande entreprise. Sous la bénédiction de la divine Providence, elle contribuera je l'espère à promouvoir la paix perpétuelle et l'amitié entre les rois et les nations. » 

Le 16 août 1858, un premier message, en dehors des messages techniques envoyés par les électriciens qui établissaient le système, fut envoyé par le câble. Depuis l'Angleterre, la reine Victoria félicita le président James Buchanan dans sa résidence d'été à l'hôtel Bedford Springs en Pennsylvanie : « … le ferme espoir que le câble électrique qui connecte la Grande-Bretagne aux Etats-Unis sera un lien supplémentaire entre les nations dont l'amitié repose sur leur intérêt commun et leur estime réciproque ».

Le président Buchanan lui répondit que « c'est un triomphe plus glorieux, parce que beaucoup plus utile à l'humanité, que ceux gagnés par des combattants sur le champ de bataille. » et « Que le télégraphe transatlantique, avec la bénédiction du ciel, se révèle être un lien perpétuel de paix et d'amitié entre les nations apparentées, et un instrument destiné par la Divine Providence à répandre la religion, lacivilisation, la liberté et la loi dans le Monde ».

Ces messages ont engendré une explosion d'enthousiasme. Le monde entier est séduit et enthousiaste. Festivités à Valentia, Dublin et Londres, ... Les rues de New York sont en fête. Un tir de salut de 100 canons retentit à New York, les rues sont décorées de drapeaux, les cloches des églises sonnent, et la nuit la ville était illuminée. Un gigantesque feu d'artifice provoque un incendie sur le toit de l'Hôtel de Ville. Une demi-journée de congés est décrétée. On a fait parader un échantillon de câble sur la 5th avenue. On a aboli le temps et l'espace !

Pourtant la qualité de la réception était très mauvaise sur le câble de 1858. Ces premiers messages codés en morse, envoyés par un opérateur, ont été difficiles à déchiffrer malgré l'utilisation du galvanomètre à miroir très sensible, une invention nouvelle à l'époque. Il fallait deux minutes pour transmettre un seul caractère (une seule lettre ou un seul numéro), soit un débit d'environ 0,1 mot par minute. Celui de la reine Victoria fait 103 mots. Il fallut 16h30 pour le transmettre.

Le câble s'est avéré peu fiable, et les médias commencent à dénoncer une supercherie, une arnaque.

Abandon du premier câble et amélioration du nouveau

            Le fonctionnement du nouveau câble fut compromis par le fait que les deux principaux ingénieurs électriciens de la société qui ne communiquaient que par le câble lui-même, avaient des idées très différentes sur la façon dont le câble devait fonctionner.

Lord Kelvin, situé à l'extrémité ouest (Terre-Neuve), pensait qu'il était suffisant d'utiliser une tension basse et de détecter seulement le front montant du courant qui sortait du câble et qu’il était inutile de surveiller la suite du signal (le code morse utilisait un courant électrique positif pour un « point » et un courant négatif pour un « tiret »). Le galvanomètre à miroir qu’il venait d’inventer pourrait détecter rapidement le changement de sens du courant.

À l'extrémité est du câble (en Irlande) se trouvait Wildman Whitehouse. Docteur en médecine, bien qu’autodidacte dans le domaine de l’électricité, il était l'électricien en chef de la compagnie. Whitehouse estimait que, pour que la détection du changement du sens du courant en réception soit la plus rapide possible le câble devrait être alimenté à partir d'une source à haute tension.

Les conséquences de ces mauvaises manipulations et de la conception imparfaite du câble, conjuguées aux tentatives répétées de Whitehouse d’alimenter le câble sous haute tension (jusqu’à 2.000volts) ont compromis l'isolation du câble ; il fallait de plus en plus de temps pour envoyer les messages. Vers la fin, l'envoi d'une demi-page de texte de message prenait jusqu'à un jour.

Le câble grilla et le 05 septembre 1858 devient inutilisable.

            Une enquête publique est ouverte à Londres. La première du genre, qui auditionne les scientifiques concernés, William Thomson, Samuel Morse et Michael Faraday en vue de comprendre pourquoi le projet n'a pas abouti. Le Dr Whitehouse fut jugé responsable de l'échec et la société n'a pas échappé aux critiques pour avoir employé un ingénieur électricien sans qualifications reconnues. Certains ont aussi fait valoir que la fabrication, le stockage au soleil et la manipulation défectueuse du câble auraient de toute façon conduit à une défaillance prématurée.

            Publiées au terme de deux années de travaux, les 500 pages du rapport sont accablantes : manque de rigueur scientifique, gaspillage d'argent. Elle se conclut cependant sur une note optimiste : un câble bien isolé, correctement protégé, avec une densité spécifique, et testé au fur et à mesure en milieu sous-marin serait vraisemblablement apte à transmettre des signaux efficacement pendant de longues années.

Désormais, William Thomson (Lord Kelvin) est le seul qui semble pouvoir sauver le projet grâce à ses connaissances scientifiques. Il demande de recourir à un cuivre aussi pur que possible. De plus, les futurs câbles devront être à la fois plus souples et plus résistants Et il dispose de son galvanomètre à miroir. 

            La défaillance rapide (3 semaines) de ce premier câble mina la confiance du public et des investisseurs et retarda les efforts pour établir une nouvelle connexion transatlantique. La Guerre de Sécession, entre 1861 et 1865 contribua aussi à retarder les projets de nouveaux câbles.

Malgré tout, Cyrus Field field engage les préparatifs pour une troisième tentative. En 1864 pour s'assurer le financement intégral du projet, Cyrus Field soutient la fusion de la Gutta-Percha Company et du câblier Glass Elliott. 

1865, une quatrième tentative avec le Great Eastern

            Avec l’expérience du câble de 1858, un câble amélioré fut conçu sous la responsabilité de Samuel Canning. Le noyau consistait en 7 brins torsadés de cuivre très pur pesant 73 kg/km, enduits d’un composé de Chatterton, puis recouverts de trois couches de gutta-percha, alternant avec trois couches minces d’un composé cimentant l'ensemble et portant le poids de l'isolant à 98 kg/km. Le noyau était recouvert de chanvre saturé d’une solution de conservateur ; sur le chanvre étaient enroulés en spirale 10 brins de fils d'acier à haute résistance (48.000 km) produits par Webster & Horsfall Ltd de Hay Mills (Birmingham), chacun recouvert de fins filaments de manille imprégnés de conservateur. Le poids du nouveau câble était de 980 kg/km, soit près du double du poids de l'ancien câble.

Great Eastern au mouillage devant le village de Heart's Content au Canada.

Cette troisième expédition dispose toutefois d’un sérieux atout le Great Eastern, le plus gros paquebot du monde lancé en 1858. Il était si grand (211 mètres de long) qu’on avait dû le mettre à l’eau sur la Tamise par le côté ! Avec ses 6 voiles, ses 2 roues à aube et son hélice, le navire était conçu pour 4.000 passagers et pour emporter assez de charbon pour traverser l’Atlantique sans s’approvisionner.

Le Great Eastern est racheté par les promoteurs du projet de câble transatlantique ; il entame alors sa nouvelle vie de câblier. On va le réaménager pour installer les équipements du pont pour la manutention du câble et pour stocker dans la cale la totalité des 4.000 tonnes des 4.020 km de câble ainsi que les 200 membres d'équipage. 

À minuit le 15 juin 1865, le Great Eastern, chargé du câble, quitta l'estuaire de la Tamise pour rejoindre l’ile de Valentia, là où se fera la connexion avec le câble télégraphique pré-existant reliant l'Irlande à l'Angleterre.

Le Great Eastern trop massif pour entrer dans le port jette l’ancre au point le plus occidental de l'île de Valentia. C'est un autre bateau qui amorce le déroulage du câble pour le connecter au poste télégraphique spécialement construit à cet effet. Le 23 juillet 1865, la presse internationale est une fois de plus présente sur l'île de Valentia pour assister à la quatrième tentative de relier l'Europe au continent américain par câble. Le Great Eastern met le cap sur Terre-Neuve. 

Le 31 juillet après avoir posé 1.968 km de câble, ce dernier s’est sectionné et est tombé dans les profondeurs. (Il sera repêché au grappin dans une expédition ultérieure). Malgré ce contretemps, l'équipe est confiante, car jusqu'à cet incident les opérateurs parvenaient à envoyer sans difficulté des messages bien intelligibles entre le navire et l'île de Valentia. Le Great Eastern rentra en Angleterre.

Rassuré quant au bon fonctionnement du câble, Cyrus Field retourne voir ses bailleurs de fonds.  Avec beaucoup de mal il parvient à lever de nouveaux financements en mai 1866, la veille du déclenchement de la crise financière qui a en particulier causé la faillite d'importants agents de change sur les places de Londres et Paris. Un jour plus tard, il n'aurait pas pu faire affaire. 

28 juillet 1866 : le succès

Le Great Eastern se vit alors confier deux nouvelles missions par l'Anglo-American Telegraph Company. La première était la pose d'un nouveau câble entre l’Angleterre et le Canada (Heart's Content à Terre-Neuve), la seconde étant de terminer la pose inachevée du câble de 1865.

Le 13 juillet 1866, il débuta la pose d'un nouveau câble vers la Canada. Malgré une météo difficile (le navire est si mauvais à la mer qu’il rend ses passagers malades) et peu de visibilité, le navire mena à bien sa mission en 14 jours et le 27 juillet 1866, il atteignit le port du petit village de Heart's Content où un poste télégraphique flambant neuf a été construit.

Le 28 juillet 1866 à 9 heures, un message extrait de l'édito du Times en provenance d’Angleterre arriva au navire : « C'est un grand travail, une gloire pour notre nation ainsi que pour les Hommes qui ont rendu cela possible ». La connexion avec la terre fut effectuée dans la journée. Il s'ensuivit le 29 juillet un nouvel échange de télégrammes entre la Reine Victoria et le président des États-Unis Andrew Johnson.

Le 9 août 1866, le Great Eastern reprend la mer avec pour mission de retrouver le câble perdu en juillet 1865, puis de reprendre son installation jusqu'à Terre-Neuve. Retrouver un câble perdu au milieu d'un océan s’apparente à chercher une aiguille dans une botte de foin. Robert Halpin, capitaine du câblier durant cette mission, retrouva la zone où le câble avait cassé. Pendant plusieurs jours le navire ratissa lentement le fond marin à l'aide d'un grappin. Le câble fut une première fois ramené jusqu'à la surface avant de malheureusement se décrocher du grappin et repartir au fond. Quatre jours plus tard le câble fut une nouvelle fois accroché à 2.000 mètres de profondeur ; l’opération de levage durera 26 heures avant de voir le câble sécurisé à bord du navire. Après que l’intégrité du câble eut été contrôlée par des électriciens, l'ancien câble fut connecté au câble présent dans la cale du câblier. Le navire reprit sa route en déroulant le câble réparé vers Heart's Content. Terre-Neuve, fut atteinte le samedi 7 septembre 1866. Le Great Eastern avait mené sa mission à bien ; il y avait maintenant deux lignes transatlantiques de télégraphe opérationnelles.

            Le succès du télégraphe transatlantique déclenche un engouement mondial. Pour le câble de 1866, les méthodes de fabrication des câbles, ainsi que l'envoi des messages, ont été considérablement améliorés. On pouvait transmettre 8 mots par minute - 80 fois plus vite qu'avec le câble de 1858. La télégraphie fait aussi la richesse des précurseurs.

            Le prix d'un message de vingt mots ou moins, était de 100 $ or. Le prix approximatif pour envoyer un télégramme était de : 1 mot x 1 mile (1,6 km) = 0,0003809 $. Pour 20 mots en 1866, il fallait débourser 30 dollars, un prix à tripler pour inclure l'adresse, la date et la signature. Une somme pharamineuse (plus que le budget annuel d'un ouvrier d'usine). C'était un luxe inaccessible pour 99% de la population mondiale. Le service a généré des revenus de 1000 £ dès le premier jour de fonctionnement. « Hier nous avons reçu une cinquantaine de messages qui nous ont rapporté, je crois, pas moins de 12.000 livres. »

D’après : https://atlantic-cable.com/Article/1858Leslies/index.htm