5-2 – Chine, les Républiques

La République de Chine (1912-1949)

.            Sun Yat-sen, un médecin converti au protestantisme, ayant étudié à Hawaï, est convaincu qu’il faut se débarrasser de la Chine des Mandchous. Il fomente un coup d’Etat, qui échouera et le conduira en exil. Il quittera l’étranger, où il a rencontré en Occident d’autres proscrits chinois, après l’insurrection d’octobre 1911 et débarquera à Shangaï en décembre. Le 1er janvier 1912, à Nankin, il proclamera la république de Chine et sera un éphémère président.

Le pays du Milieu se disloque, les provinces sont aux mains de chefs locaux et n’obéissent plus au pouvoir central. A la Conférence de la Paix de Paris, début 1919, le Japon obtient le droit d’annexer les anciennes concessions allemandes du Shandong en territoire chinois qu’il occupait depuis 1914. Le 04 mai 1919, 3.000 étudiants manifestent à Pékin, devant la porte Tian'anmen : « Le territoire de la Chine peut être conquis, mais il ne peut être donné ! Les Chinois peuvent être tués, mais ils ne veulent pas être soumis ! » ; un mouvement considéré comme majeur dans l’histoire asiatique du XX° siècle, car à l’origine du nationalisme chinois moderne.

En 1921, dans une maison de la concession française de Shanghaï, se tient, secrètement, le premier congrès d’un parti communiste, alors minuscule d’une dizaine de délégués, dont un bibliothécaire de l’université, de 28 ans, totalement inconnu, Mao Tsé-toung.

Sun Yat-sen, revenu d’exil en 1917, dirige un gouvernement à Canton et pousse son parti, le Kuomintang (parti nationaliste chinois), dans la voie des « trois principes du peuple » (démocratie, nationalisme, justice sociale) et, honnissant l’impérialisme occidental, obtient l’aide de Moscou. A sa mort en 1925, Tchang Kaï-chek, lui succédera, bien que méfiant envers les révolutionnaires.

En 1926, le Kuomintang allié au jeune Parti communiste chinois lance l’expédition du Nord contre les seigneurs de la guerre afin d’unifier le pays. Mais Tchang Kaï-chek alors commandant de l’Armée nationale révolutionnaire, refuse la collaboration avec les communistes et souhaite les écarter du Kuomintang. Or, en avril 1927, à la suite d’une révolte ouvrière, ces derniers arrivent à prendre la ville de Shanghai jusqu’alors contrôlée par les seigneurs de la guerre.

.             Tchang Kaï-chek, avec le soutien armé d’une triade, la Bande Verte (société secrète mafieuse), fait arrêter et massacrer les dirigeants communistes de la ville et tire sur la foule. Le « massacre de Shanghai » (12 avril 1927 et suivants) fait 5 000 « disparus » et marque le début de la guerre civile qui va opposer le Kuomintang (KMT) au Parti communiste chinois (PCC) jusqu’en 1950.

Il lance alors son armée à l’assaut des provinces rebelles du Nord tout en pourchassant les communistes, rompt avec les Soviétiques, et obtient le soutien des Occidentaux. En 1927, après avoir pris Pékin et unifié le pays, Tchang Kaï-chek, au pouvoir avec son Parti nationaliste le Kuomintang, installe la capitale à Nankin.

.            Mao, désormais chef des communistes, se réfugie dans le Jiangxi, au sud-est du pays (nord de Canon) et proclame une république soviétique chinoise (1931). L’armée de 750.000 hommes de Tchang Kaï-chek les contraindra à fuir à partir de 1934, entamant à pied pendant 12 mois un périple de 12.000 kilomètres à destination du Shanxi montagneux, plus au nord à l’ouest de Pékin, à l’abri des montagnes. Cet épisode mythique de l’histoire du maoïsme, la « Longue Marche », aura couté la vie à 100.000 personnes, ne laissant que 20 à 30.000 survivants à l’issue le 19 octobre 1935.

18 sep 1931 : Deux officiers japonais décident de saboter une partie du chemin fer qui relie Changhun à Harbin, la capitale. Ce sera le prétexte pour Tokyo d’accuser les « bandits chinois » d’avoir perpétré cet attentat, pourtant mineur, d’occuper tout ce territoire en quelques mois et d’expliquer à la Société des Nations qu’ils répondent aux demandes d’un peuple ostracisé par les nationalistes. Dans le cadre d’une politique de domination de l’Asie orientale, depuis la Corée, le Japon, arguant de cet incident de Moukden, annexe alors la Mandchourie, prélude à l’invasion de cette province par les troupes de l’empire du Soleil Levant de l’empereur Hiro Hito. L’occupation d’une partie du pays qui dura 14 ans reste un traumatisme inscrit dans la mémoire nationale.

18 fév 1932 : Le Japon crée un état fantoche indépendant de jure en Mandchourie qu'il occupe, le Mandchoukouo Terre des mandchous »), et installe Aisin Gioro Pu Yi régent, puis empereur, le dernier, fantoche, en 1934. Il subsistera dans ce « pays, l’un des plus brutalement gouvernés au monde", jusqu’au 16 août 1945, lorsqu’il abdiquera et tentera de se rendre au Japon, avant d’être capturé par l'Armée rouge qui le mettra en captivité dans la ville sibérienne de Chita. En 1950, Mao Zedong l'enverra dans un camp de rééducation ; pour la première fois, il devra se brosser les dents et s'habiller tout seul, travailler et apprendre le communisme. En 1960, il lui accorde un sursis spécial : la citoyenneté et la libération. L'homme qui a dirigé le pays le plus peuplé du monde travaille ensuite comme assistant jardinier dans les jardins botaniques de Pékin et comme rédacteur en chef de la Conférence consultative politique du peuple chinois à partir de 1964. Le 17 octobre 1967, Aisin Gioro Puyi meurt des suites d'un cancer

07 jul 1937 : Incident du « triple 7 ». Prétextant qu'un de leurs soldats aurait été enlevé par les Chinois près du pont Marco Polo, à 15 kilomètres de Pékin (il s'était en fait attardé dans un bordel), les Japonais se lancent dès le lendemain à la conquête de la Chine; Pékin tombe. C'est le début de la deuxième guerre sino-japonaise (voire de la Seconde Guerre mondiale). Jusqu'en 1945, les Japonais y perdront 400.000 militaires et les Chinois 15 millions de personnes, essentiellement des civils.

13 aoû / 26 nov 1937 : Bataille de Shanghai, le premier des vingt-deux affrontements majeurs entre l'Armée révolutionnaire nationale (NRA) de la République de Chine (ROC), bras militaire du Kuomintang, et l'armée impériale japonaise (IJA). Ce fut l'une des batailles les plus importantes et les plus sanglantes de toute la guerre, environ 300.000 morts, décrite plus tard comme "Stalingrad sur le Yangtze". Les Japonais l'emporteront après avoir bombardé Shanghaï à l’exception du quartier des concessions occidentales.

13 déc 1937 : "Viol de Nankin". Remontant de Shanghai, l'armée japonaise entre dans la ville de Nankin (ou Nanjing), au centre de la Chine, après un pilonnage de trois jours. Commencent des massacres à grande échelle : exécutions à la baïonnette, au sabre ou à la mitrailleuse; viols, prostitution contrainte et mutilations. Au total, durant six semaines, sans doute plus de 100.000 victimes (les autorités chinoises affichent le chiffre de 200.000 ou 300.000).

Les armées nippones contrôlent le nord-est de la Chine, mais, replié à Chongqing au centre de la Chine, Tchang Kaï-chek tient bon et se réconcilie avec son frère ennemi communiste.

A partir de la fin 1941, pour venir à bout de la résistance chinoise, les Japonais optent pour la stratégie des « Trois tout » : « Tue tout, brûle tout, pille tout » : famine et épidémies font des millions de morts. En Mandchourie, des milliers de prisonniers servent de cobayes à des expérimentations ; tabou, longtemps tu, des milliers de jeunes « femmes de réconfort » sont livrées aux soldats.

21 jan 1949 : En Chine, Tchang Kaï-chek abandonne le pouvoir à Mao Zedong. Les troupes de Lin Piao entrent dans Pékin.

La République populaire de Chine (depuis 01 nov 1949)

.            L’alliance patriotique qui s’était établie entre les nationalistes et les communistes, face à l’envahisseur japonais, durant la Seconde Guerre mondiale vole en éclat à l’issue de celle-ci, et après 4 années de lutte les communistes chassent Tchang Kaï-chek de Nankin. Avec 2 millions de chinois, il se réfugie à Taïwan.

Le 1er octobre 1949, Mao Tsé-toung, du haut de la porte sud de la Cité Interdite proclame l’avènement de la République populaire de Chine, qui s'inscrit dans le bloc communiste. Il met ainsi fin à plus de 20 ans de guerre civile avec le Kuomintang et provoque la fuite de Tchang Kaï-chek dans l'île de Formose (la future Taïwan). La capitale est déplacée à Pékin. La Chine va se replier derrière son "rideau de bambou" pour faire sa révolution ! Les Russes vont évacuer la Mandchourie (puis Port-Arthur plus tard).

Mao fera de la Chine, jusqu’à sa mort le 09 septembre 1976, un Etat totalitaire, dont il sera le maître absolu. A côté d’Hitler et Staline, il sera l’un des grands criminels de masse du XX° siècle, dont nombre de philosophes et intellectuels occidentaux auront la malhonnêteté de dénier la tyrannie. Pour adapter le communisme à la réalité chinoise, il donne un rôle fondamental aux masses paysannes et adopte une stricte et sévère planification économique. À partir de 1949, la République populaire développe son industrie avec l'aide de l'URSS, qui est alors son modèle et son allié.

1951 / 1952 : Campagnes des « trois-anti » puis des « cinq-anti » : mouvements de réformes entrepris par Mao Tsé-Toung peu de temps après l'établissement de la République populaire de Chine pour nettoyer les villes chinoises de la corruption et des « ennemis de l'État. » Elles visaient les membres du Parti communiste chinois, les anciens membres du Kuomintang, les officiels bureaucratiques qui n'étaient pas membres du parti, puis les 'capitalistes'. Environ 20.000 cadres et 6.000 travailleurs formés à l'étranger, soutenus par les médias, ont commencé à espionner les affaires de leurs concitoyens.

Les jeunes Chinois sont écartelés : les jeunes issus des classes paysannes et ouvrières sont nombreux à devenir les auxiliaires zélés du régime tandis que les plus instruits, accusés d’être des traîtres ou « droitiers », sont envoyés dans des camps de rééducation. Mao Zedong estime en effet que « c’est à la jeunesse de conduire la révolution ». Dès les premiers mois de l’administration communiste dans des villes chinoises exsangues, l’embrigadement de la jeunesse est patent.

Le « Grand Timonier », pour calmer ce peuple de 500 millions d’individus récalcitrants, lance en 1957 la campagne des « Cent Fleurs ». Pour leur plus grand malheur, de nombreux intellectuels, universitaires, écrivains, journalistes, par conviction … ou crainte, vont multiplier les critiques publiques de leurs concitoyens. Mais bien vite pour pallier le risque de débordement, le pouvoir décrète une « rectification », liquidant plusieurs centaines de milliers de ces « zélés » ou les envoyant mourir à petit feu dans des camps de rééducation (!).

Mais avec la mort de Staline en 1953 et la relative libéralisation de Nikita Khrouchtchev, Mao rompt avec le modèle soviétique et lance en 1958 le « grand bond en avant », un projet qui contre « 3 ans d’efforts et de privations pour 1000 ans de bonheur » devrait permettre de rejoindre économiquement les plus puissantes des nations occidentales. Les campagnes, jusqu’à la moindre casserole, sont collectivisées ; des millions de paysans, dont les familles sont brisées, sont rassemblés dans des « communes », avec dortoirs, cantines, … soumis à des ordres délirants. Pour réindustrialiser, on détruit les forêts pour alimenter, partout dans le pays, une multitude de petits hauts-fourneaux … qui produisent un métal inutilisable ... pour soutenir des projets d'infrastructures pharaoniques. Ce projet sera un fiasco, qui va engendrer un effondrement de l'économie et des famines qui pourraient avoir décimé des millions de Chinois.

La disparition des outils, voire des cultures, au profit de la « sidérurgie » fait chuter la production. La solution est dans la campagne des « Quatre Nuisibles » : éliminons ceux qui mangent les graines : mouches, rats, moustiques, moineaux. A force de vacarme et d’épuisement pour éviter la capture, les volatiles disparaissent et … la vermine et les parasites s’installent !

Les dirigeants sont aveuglés par les rapports truffés de faux rendements annoncés par les responsables locaux tétanisés à l’idée de déplaire ou pour se faire valoir. Aussi c’est parce que les paysans volent leur production qu’il y a problème ! De 1959 à 1961, en trois hivers d’apocalypse, durant officiellement les "Trois années de catastrophes naturelles", faites de terreur, de privations et de tortures, la famine s’installe et tue entre 30 et 40 millions de personnes, jusqu’à un tiers dans certaines contrées.

Pendant deux années, Mao qui reste président du Parti, quitte la présidence du pays et va se mettre en retrait laissant émerger deux dignitaires du régime : Liu Shiaoqi et Deng Xiaoping (« Peu importe que le chat soit noir ou gris, pourvu qu’il attrape les souris ! ») qui vont tenter de remonter le pays en tempérant les délires.

Cependant les fidèles du Timonier publient en 1964, un recueil de ses citations, qui le place entre Jésus-Christ et Mahomet, que les occidentaux baptiseront Le Petit Livre Rouge. Distribué à des millions d’exemplaires dans les écoles et les universités, élèves et étudiants devront l’apprendre par cœur. Désormais il va s’appuyer sur toute cette frange de jeunes, fer de lance de sa reconquête, pour se débarrasser … des anciens.

Eté 1966, la « Révolution Culturelle » est lancée ; l’embrigadement monte encore d’un cran. Afin de punir ses adversaires, dont Deng Xiaoping, et relancer son charisme politique, Mao Zedong encourage les jeunes écoliers et étudiants à s’enrôler au sein des « gardes rouges », « des petits soldats de la Révolution », armée zélée formée sur le modèle de l’Armée rouge. Biberonnés au Petit Livre rouge, ces jeunes gens acclament Mao par millions sur la place Tian An’men en août 1966, placardent des dazibao, grandes affiches dénonçant professeurs et étudiants accusés d’être des bourgeois ou des révisionnistes. À l’Université Beida de Pékin, à la mi-octobre 1966, près de 3.000 étudiants ont formé 92 associations de gardes rouges, souvent rivales. À partir de janvier 1967, les gardes rouges fanatisés échappent à tout contrôle, vont mettre leur propre pays à sac avec une cruauté et une inventivité sans pareilles.et se livrent à des exactions contre les intellectuels chinois dans leur ensemble. Anciens, professeurs, cadres, intellectuels, « traitres », voire dignitaires en disgrâce, sont exposés à la vindicte publique avant le cachot, le lynchage, la torture. Il s’agit de détruire les « Quatre Vieilles » : idées, cultures, coutumes, habitudes ! L’ancien et la civilisation. Dans le même temps, 17 millions de « jeunes instruits » sont envoyés de manière autoritaire à la campagne dans le but de se faire rééduquer.

Désormais, anarchie, affrontements entre les groupes, climat de guerre civile … Pour rétablir l’ordre que le désordre des gardes rouges à fait disparaître, l’armée est appelée, qui utilisera même l’artillerie contre … les gardes rouges. Pour maîtriser la génération devenue ingérable, Mao ordonnera l’envoi des jeunes citadins à la campagne. Cet épisode des « jeunes instruits », pendant plusieurs années, brisera une génération de millions d’individus.

A partir de 1969, après un nombre de victimes de la Révolution Culturelle estimé entre 20 et 50 millions, un calme relatif est rétabli. La Révolution culturelle s’achève en 1971. En 1972, Richard Nixon est le premier président américain à se rendre en Chine populaire. Mais Mao malade ne peut que constater les querelles intestines du régime, dont la moindre n’est pas celle fomentée par la « Bande de Quatre », un petit clan détesté par les Chinois et mené par Jiang Qinq, une ancienne actrice devenue sa troisième épouse (parmi de nombreuses maîtresses). Cette triste période se terminera avec la mort de Mao Tsé-toung le 09 septembre 1976.

Le camp réformiste reprend des couleurs et l'ancien secrétaire général du PCC Dien Xiaoping est réhabilité au sein des instances dirigeantes. À partir de 1977, le nouveau dirigeant chinois entreprend de moderniser l'économie tout en maintenant le cadre politique d'une dictature communiste. C'est le début du « socialisme de marché ». Des petites entreprises sont créées, les grandes organisations publiques sont en partie privatisées tandis que les sociétés étrangères sont invitées à investir. C'est aussi le début de la politique de l'enfant unique destinée à améliorer les conditions de vie de la population. Pour la Chine, c'est le début d'un développement économique spectaculaire qui continue jusqu'à aujourd'hui.

Mais le cadre politique demeure celui d'une dictature. En 1989, alors que l'Union soviétique chancelle et que le mur de Berlin tombe, la Chine résiste à la libéralisation.

Entre le 15 avril et le 4 juin 1989, 200.000 étudiants se rassemblent à nouveau place Tian’an Men, là où, en 1949, Mao Tsé-toung avait proclamé la naissance de la Chine communiste. La demande de démocratie est alors forte en Chine, et profite de plusieurs événements pour s’exprimer, dont la visite dans le pays du réformateur soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Les étudiants, souvent fils et filles de dirigeants du Parti communiste, souhaitent commémorer le rassemblement du 4 mai 1919, et entament une grève de la faim. Les intellectuels, quant à eux, réclament « une cinquième modernisation, la démocratie » et pour la première fois, la presse se retourne contre le Parti communiste. Malgré la médiation du secrétaire général du PCC, Deng Xiaoping tranche dans le vif. Il décrète la loi martiale et envoie l’armée sur la place Tian’an Men dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Ce moment est immortalisé par la photographie d’un jeune homme dressé seul face à l’avancée des tanks. L’image, interdite en Chine, devient le symbole de la répression qui aurait fait près de 10.000 morts.

 La célèbre photo de l'homme arrêtant la colonne de chars en 1989, place Tian'Anmen. Crédits Photo: JEFF WIDENER/AP JEFF WIDENER/AP

À partir des années 1990, la Chine devient « l'usine du monde », se concentrant sur son développement économique avec une croissance de 8-9% par an. De 1989 à 2002, Jiang Zemin prolonge la politique d'ouverture de Dien Xiaoping. Sous ses mandats, il assiste à la rétrocession à la Chine de Hong Kong et de Macao qui échappent respectivement à la couronne britannique et à la république portugaise. Son successeur, Hu Jintao, qui dirige la Chine de 2002 à 2012, vise un « développement harmonieux » du pays face au développement croissant des inégalités sociales dans le pays entre les campagnes, très pauvres, et les zones urbaines, où croît une importante classe moyenne. La Chine rejoint l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 et, en 2010, devient la deuxième économie mondiale devant le Japon.

Si le développement économique de la Chine n’a rien de miraculeux, car tous les pays sérieux font de même, il est néanmoins impressionnant de voir un pays de 1,4 milliard d’habitants prendre aussi rapidement sa place normale, c’est-à-dire 20 % de la planète à tous les points de vue, militaire compris.

.            Xi Jinping, qui remplace Hu Jintao en 2013, marque un tournant dans la politique chinoise. Partisan d'un pouvoir plus autoritaire, l'« empereur rouge » souhaite que son pays s'impose davantage sur le plan international dans un contexte de course économique avec les États-Unis et de vives tensions régionales en Mer de Chine. En 2015, la Chine promettait de ne pas militariser la mer de Chine ; en 2020, la mer pullule d’îlots artificiels fortifiés. On assiste à la reprise en main violente de Hongkong, allant à l’encontre de l’accord de rétrocession signé avec le Royaume-Uni en 1997. 

.            Le développement impressionnant qui a nourri l’orgueil de Xi, et probablement celui d’une majorité de Chinois, semble l’avoir convaincu que son système était le meilleur, ou du moins qu’il pouvait s’appuyer sur ses résultats pour consolider son pouvoir. Très symboliquement ce dirigeant chinois considéré comme le plus puissant depuis quarante ans peut théoriquement rester président pour une durée illimitée, suite à une modification de la Constitution en mars 2018. La « pensée » de Xi Jinping n’est-elle pas inscrite dans la doctrine et la constitution du Parti communiste, un privilège jusqu'ici réservé à Mao Zedong et Deng Xiaoping ? Pourtant des difficultés se font jour.

Après les avoir longtemps laissés profiter d’un environnement peu régulé, dans les années 2020’s le gouvernement reprend en main les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), ces groupes technologiques devenus trop puissants, surtout en ce qui concerne les finances où, par nature, ils s’affranchissent des règles prudentielles imposées aux banques. Pékin s’inquiète des risques qu’ils font peser sur le système.

Parmi les innombrables victimes, Ren Zhiqiang ; ce dernier, membre du PCC et magnat de l’immobilier chinois, fut accusé en 2016 de « salir l’image du Parti et de la Chine », officiellement pour des faits de corruption, mais en fait pour avoir critiqué la censure croissante que le Président Xi Jinping faisait subir aux médias chinois. Il a été ajouté à ses premiers torts celui de critiquer la gestion de la Covid-19. Il fut condamné en septembre 2020 à 18 ans de prison.

.            On connait la dérive dictatoriale de Xi, avec le durcissement du contrôle social : généralisation de la reconnaissance faciale pour les actes courants, contrôle des réseaux sociaux, contrôle politique, dont celui de Hong Kong, et celui de la pensée et du travail des 11,5 millions de Ouïgours musulmans dans le Xinjiang, ce vaste territoire aux frontières de l’Asie centrale. Ils sont victimes d’un totalitarisme « orwellien » très sophistiqué et d’un endoctrinement dit de « transformation par l’éducation » au moyen de camps où sont détenus au moins 1 million de Ouïgours : bourrage de crâne, travail forcé, esclavage dans les champs de coton, mauvais traitements, torture, stérilisation forcée des femmes, …

A cette répression s’ajoute le retour des cellules du Parti communiste au sein des entreprises privées, et le président a insisté pour que l’avis de ces cellules soit pris en compte par la direction de l’entreprise. Autant de pratiques qui en rappellent de similaires pas très vieilles !

.            Le succès chinois vient en partie du dividende démographique. Quand la population d’un pays pauvre voit sa fécondité baisser alors qu’il y a peu de personnes âgées du fait de la pauvreté, voire de la misère, la proportion de personnes actives est forte pendant quelques décennies, la hausse des salaires est répartie entre moins de personnes et les charges de retraite sont faibles … d’autant qu’une partie de la population ne perçoit pas de pension.

Mais c’est une période transitoire qui se termine en Chine. Les enfants uniques sont maintenant adultes. Comme dans bien d’autres pays, la pyramide des âges est de plus en plus gonflée dans les grands âges et se creuse à la base. Et le phénomène va s’accentuer avec la diminution du nombre de parents. Mathématiquement il ne peut pas y avoir de salut par l’immigration, aucun pays au monde n’ayant de quoi boucher les trous de la pyramide des âges d’un pays de 1,4 milliard d’habitants. D’aucuns soupçonnent une « importation » clandestine de femmes, genre qui manque en Chine, puisqu’à l’époque de l’enfant unique, il fallait un fils et donc on s’arrangeait pour ne pas avoir de fille.