La monarchie absolue en France

La monarchie absolue en France

D'après : Futura Sciences - Isabelle Bernier – 24 jan 2022

La monarchie absolue est un régime politique dans lequel le roi a tous les pouvoirs ! Comment la monarchie française a-t-elle réussi à incarner l'absolutisme royal de droit divin qui rayonne véritablement avec Louis XIV ? Du règne de François Ier à celui de Louis XVI, nous assistons à la mise en place et à l'apogée d'un système politique incarné dans la personne du roi, qui cesse définitivement d'exister en 1789. 

Couronne de Louis XV, créée en 1722 à Paris par les joailliers Duflos et Rondé. Joyaux de la Couronne de France, musée du Louvre, galerie d'Apollon.

.            Une souveraineté monarchique ne peut être qu'unique. Le roi l'a bien compris, tous les sujets lui doivent obéissance !

François Ier fut-il le premier monarque absolu ? Il engagera de nombreuses réformes qui seront poursuivies par Henri II. Suivront des années de violents conflits entre catholiques et protestants jusqu'à l'accès au pouvoir d'Henri IV. Son successeur Louis XIII redéfinit l'absolutisme royal. Puis son fils Louis XIV, dit le Roi Soleil, figurera l'absolutisme rayonnant. À sa mort, Louis XV devient roi sous la régence de Philippe d'Orléans qui transmet au jeune roi un royaume en bon état de marche. Le régent Philippe d'Orléans aura relancé les échanges commerciaux et favorisé le désendettement de l'État et de la population. Avec Louis XV, l'État royal doit faire face à la montée des oppositions et la monarchie absolue prend fin avec Louis XVI, un roi réformateur incompris.

 

Le roi est souverain en son royaume

La définition du roi comme seigneur apparaît au moment de son sacre, dans le matériel chevaleresque qui lui est remis (l'épée et les éperons) avec la formule : « Le roi ne tient son royaume que de Dieu et de son épée ». Le royaume devient un bien privé que le monarque reçoit par hérédité et sur lequel il exerce son plein pouvoir.

.            Le roi est souverain, c'est-à-dire que lui seul peut reconnaître les droits attachés à une terre, à une ville, à une province ou encore à un individu exerçant une fonction au nom du roi. Il admet ainsi un fractionnement de la puissance publique et l'utilise finalement comme pièce maîtresse de la société de privilèges.

Symbolisé par la main de justice et le dais lors de la cérémonie du sacre, le roi détient le pouvoir de juge suprême. Lorsque le roi fait régner l'ordre et la justice, il agit comme Dieu et la loi royale se confond avec la loi divine. Elle suggère l'idée de principes supérieurs à la volonté du monarque, ce sont les lois dites fondamentales.

L'épée du sacre, dite de Charlemagne ou Joyeuse (pommeau du XIe siècle). Trésor de l'abbaye de Saint-Denis, musée du Louvre, département des arts décoratifs. © Musée du Louvre.

Éperons du sacre des rois de France. © Musée du Louvre.

Les lois fondamentales

.            Elles sont au nombre de trois et fixent les règles d'accession au trône de France :

  • la primogéniture mâle : la fonction monarchique est indivisible et déléguée héréditairement, de mâle en mâle, à la lignée régnante par ordre de naissance, à l'exclusion des femmes et de leur descendance. Elle inclut la loi « salique » qui interdit la succession au trône par les femmes ;
  • le roi est majeur à treize ans révolus (depuis une ordonnance royale de 1374) ;
  • le roi est catholique.

La loi salique permet par exemple à Philippe VI de Valois, neveu du roi Philippe IV le Bel, de monter sur le trône de France en 1328 à la place du prétendant masculin le plus direct, le roi d’Angleterre Edouard III, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle. La loi salique impose aux rois un ordre de succession qu'ils ne peuvent pas modifier ; c'est la notion de royaume immuable et indépendant de la personne du roi.

Sceptre de Charles V représentant Charlemagne assis sur un lys : utilisé pour tous les sacres sauf pour Charles VII et Henri IV, jusqu'à Charles X en 1825. © Musée du Louvre.

L’évolution vers la monarchie absolue

.            Dès le XVIe siècle, de nouvelles formules s'élaborent pour préciser la notion de monarchie absolue et finissent par consolider la théorie de l'absolutisme de droit divin (qui resplendira sous Louis XIV).

  • L'unification des deux corps du roi : le corps mortel du roi et le corps immortel du royaume fusionnent dans la personne du souverain ; on retrouve ce principe dans la maxime : « Le roi ne meurt jamais ».
  • La souveraineté est absolue : c'est le juriste Jean Bodin qui pose la notion de souveraineté absolue en 1576, durant la période de guerres de religion. Il estime que la souveraineté est « la puissance absolue et perpétuelle » et qu'elle ne peut appartenir qu'à une personne. Tous les hommes doivent se soumettre à la loi du roi. En 1632, un autre juriste français, Cardin Le Bret, parvient à cette définition très concise : « La souveraineté n'est pas plus divisible que le point en géométrie ».
  • Le droit divin des rois : dans un monde où tout vient de Dieu, les rois déclarent d'abord n'avoir de compte à rendre qu'à Dieu puis prétendent être l'image de Dieu aux yeux des hommes. Le droit divin des rois de France s'est certainement construit par imitation de l'exemple pontifical. Les Jésuites (Compagnie de Jésus fondée en 1540) s'opposent à ce développement qu'ils jugent sacrilège et vont jusqu'à justifier le régicide si le monarque se comporte comme un tyran.

 

François Ier : premier monarque absolu ?

Lorsque François Ier monte sur le trône de France au printemps 1515, il est encore considéré comme un seigneur féodal mais il est le souverain au-dessus de tous les seigneurs du royaume. Il bénéficie du long travail des juristes de l'entourage royal depuis le XIIIe siècle, qui ont réinterprété le droit romain pour mieux définir la notion de souveraineté et de monarchie. Depuis le règne de Saint Louis, les légistes affirment que le roi est « empereur en son royaume » ou que « le roi est souverain par-dessus tous ».

Portrait du roi François Ier par Le Titien en 1539. Musée du Louvre, salle de la Joconde. © Musée du Louvre.

.            Au début du XVIe siècle, nombreuses sont les publications d'ouvrages juridiques qui tentent de définir les pouvoirs du souverain.

La progression vers l’absolutisme

.            Le juriste Claude de Seyssel explique dans son œuvre La Grande Monarchie de France, parue en 1519, que la monarchie française est réglée par trois grands principes qui l'empêchent de dégénérer en tyrannie : la foi chrétienne, la justice et la police. Trois contre-pouvoirs en quelque sorte : l'Église, les parlements et l'administration du royaume, qui fonctionnent comme des freins à la puissance absolue du monarque.

Guillaume Budé (grand juriste et fondateur du futur Collège de France) établit une définition de l'autorité royale absolue, dans son Institution du Prince, parue en 1547. Il souligne que le roi est le seul à pouvoir déterminer la nature de son gouvernement, qu'il n'est pas sujet aux lois du royaume ; il tient son autorité de Dieu et non des hommes. Grâce aux juristes, l'absolutisme royal prend forme mais la notion de personne sacrée du roi existe déjà au moment du sacre, par son union avec Dieu.

Le gouvernement royal

.            Pour faire admettre son autorité de souverain sur l'ensemble du royaume, François Ier est un roi législateur qui multiplie les actes (édits, ordonnances...), innove en matière d'institutions et lance de nombreuses réformes.

.            Parmi les quelque 32.000 actes législatifs du monarque, l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 est demeurée la plus célèbre : composée de 192 articles, elle exige la rédaction de tous les actes administratifs en langue française et généralise la tenue des registres paroissiaux. Cette grande ordonnance concerne tous les domaines et veut unifier les procédures mises en place par le pouvoir royal.

.            Le fonctionnement du gouvernement est basé sur l'existence d'un Conseil étroit, réuni presque quotidiennement autour du roi, composé de membres de la haute noblesse et capable de s'adapter aux nombreux déplacements du souverain. Il traite avant tout des affaires militaires et diplomatiques, pendant qu'un Conseil privé siège en permanence à Paris pour gérer les affaires dites ordinaires.

C'est toujours le souverain qui décide en dernier ressort, après avoir consulté les représentants de la « société politique ». En plus de la haute noblesse, François Ier sait s'entourer de conseillers spécialistes qui annoncent déjà le développement d'une administration d'État.

Le roi s’assure le contrôle de l’Église de France

.            L'accord conclu entre François Ier et le pape Léon X, par le concordat de Bologne de 1516, va devenir un instrument déterminant du renforcement de l'autorité royale. Le monarque obtient le droit de nomination de toutes les charges ecclésiastiques du royaume : archevêchés, évêchés, abbayes et prieurés. Il dispose du pouvoir temporel sur l'Église de France (c'est ce que l'on appelle le gallicanisme), le pape conservant le pouvoir spirituel. Le concordat prévoit le prélèvement d'un impôt (les « décimes ») sur les revenus du clergé, qui est reversé dans les caisses du Trésor royal. De plus, le roi peut soumettre et fidéliser la noblesse en lui offrant des charges ecclésiastiques (prestigieuses et lucratives) contre services rendus, militaires ou politiques.

Les réformes engagées par François Ier

.            L'importance des réformes financières engagées par le souverain s'explique par les dépenses croissantes de la monarchie, notamment en période de guerres. Les impôts (dont la taille créée en 1439) sont devenus permanents et nécessitent la mise en place d'institutions centralisées (Ann. 1). Le Trésor de l'Épargne est créé en 1523, tous les revenus y sont désormais versés.

Une recette des finances extraordinaires est créée en 1524 : le personnel spécialisé se met en place avec des offices de contrôleurs, receveurs et comptables. Seize recettes générales sont créées en 1542, répondant à un cadre géographique déterminé ; elles seront vingt-trois sous Louis XIV puis trente-deux en 1789. Elles sont dirigées par le Conseil du roi et contrôlées par la Chambre des comptes. L'ancêtre du Trésor public est né !

À côté des réformes financières, François Ier entreprend des réformes de justice : en 1520 est créée la maréchaussée (ancêtre de la gendarmerie) représentant l'autorité royale sur l'ensemble du territoire, destinée à sécuriser les grands chemins du royaume et à juger les malfaiteurs. De nouveaux offices de justice sont créés, permettant d'accroître les capacités judiciaires des parlements (qui sont des organes de justice).

Page 1 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : Ordonnances royaulx sur le faict de justice et abreviation des procès par tout le royaume de France faictes par le Roy [...]et publiées en la cour de parlement à Paris le sixième jour du mois de septembre l'an mil cinq cent trente-neuf, rédigé en français moyen par Guillaume Poyet. Archives Nationales de France, cote AE/II/1785. © Archives de France

La création des offices au service de la monarchie

.            François Ier a véritablement consolidé le système des offices en instaurant leur vénalité. L'office est une délégation de service public par l'autorité royale : c'est une fonction administrative permanente à laquelle sont attachés des revenus et des privilèges pouvant aller jusqu'à l'anoblissement (Ann. 2). La multiplication et la vente d'offices (en deux vagues : 1522-1523 et 1542-1547) permet au roi d'approvisionner les caisses de l'État, de renforcer le contrôle du territoire par la création d'institutions de justice, de police, de finances..., d'assurer la promotion sociale des notables urbains et d'en faire des serviteurs du roi. Les offices peuvent être comparés à une fonction publique d'Ancien Régime, pour le plus grand bien de la monarchie en marche vers l'absolutisme.

Cependant cet ensemble de transformations décisives sous François Ier, ne doit pas masquer les obstacles auxquels l'appareil d'État naissant et le souverain sont confrontés : le territoire du royaume constitue un espace immense qui se parcourt très lentement. L'application des ordres et leur contrôle par les agents royaux est toujours en décalage avec la loi du roi. Les institutions de l'État sont encore au XVIe siècle, des institutions parmi tant d'autres locales mais le roi a l'avantage de pouvoir les dominer si besoin est, par l'usage de la force armée.

 

D’Henri II à Henri IV : le triomphe de la raison d’État

Henri II, roi de 1547 à 1559, va poursuivre les réformes entreprises par François Ier : il met en place des ministères, crée la fonction de secrétaire d'État, institue les intendants qui vont représenter la monarchie dans les domaines de la justice, la police et les finances, sur l'ensemble du royaume. Sous son règne, les progrès de la construction monarchique commencent à diviser les adeptes du pouvoir royal absolu et ceux qui souhaitent une intervention des États généraux et des Parlements dans une monarchie partagée.

.            La période 1559-1594 peut être considérée comme dangereuse pour la monarchie française : la faiblesse de l'autorité royale (minorité des rois François II et Charles IX, régence de Catherine de Médicis) est accentuée par trois décennies de violents conflits religieux entre catholiques et protestants. Après l'assassinat du roi Henri III en 1589, Henri IV va lutter pour restaurer l'unité du royaume : pour lui, l'État absolu doit être le garant de l'intérêt commun.

Portrait du roi Henri II par François Clouet en 1559. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles), Gérard Blot

.            En mars 1563 s'achève la première guerre civile entre catholiques et protestants (il y a en aura sept autres (Ann. 3)); pour la régente Catherine de Médicis et le chancelier Michel de L'Hospital, il est impératif de rétablir l'autorité royale fragilisée par les troubles religieux. La majorité de Charles IX est décrétée à ses treize ans révolus (septembre 1563) et le roi entreprend avec sa mère et la Cour, « le tour de France royal », qui permet au monarque de réaffirmer son autorité en rappelant à tous les sujets leur devoir d'obéissance. C'est le plus long voyage entrepris par un roi de France (de février 1564 à mai 1566) et c'est un instrument essentiel du gouvernement monarchique : un lien direct s'établit entre le roi et le territoire du royaume ; le souverain manifeste aux yeux de tous la majesté de son pouvoir en exercice.

Portrait du roi Charles IX par François Clouet, vers 1566. Musée de la Fondation Bemberg, Hôtel d'Assezat, Toulouse. © Musée de la Fondation Bemberg,

L'internationalisation et la politisation du conflit religieux français vont fragiliser les fondements du pouvoir monarchique, en provoquant après la Saint-Barthélemy (août 1572) et la cinquième guerre civile (1574-1576), un véritable plaidoyer pour une souveraineté partagée entre le roi, le Conseil élargi aux membres de la haute noblesse et les États généraux. Ce concept de monarchie mixte s'oppose à celui de monarchie absolue défendue par des juristes comme Jean Bodin qui publie sa doctrine de la souveraineté en 1576. Il soutient que les États généraux doivent se cantonner à un rôle consultatif et que la souveraineté partagée constitue un danger pour l'obéissance due au roi. Et de conclure que le souverain seul fait la loi, cela lui permet d'imposer sa volonté dans tous les domaines.

Henri III, un roi mal aimé

Depuis la mort de Charles IX en mai 1574, Henri III tente de reprendre le royaume en main, en se déclarant « prince souverain non assujetti aux États ». Henri III sait s'entourer de conseillers compétents et va abondamment légiférer durant son règne. Un recueil de toutes les ordonnances françaises est publié en 1587, c'est le Code Henri III.

La période qui suit la Saint-Barthélemy voit naître une organisation des villes protestantes du sud du royaume en « Provinces-Unies du Midi », véritable contre-pouvoir de la monarchie : Henri de Bourbon (futur Henri IV) est désigné comme protecteur de cette entité politique. Par réaction à la « faiblesse » du pouvoir royal qui a rétabli les droits des protestants, avec la signature de la Paix de Beaulieu en mai 1576, les premières ligues ultra-catholiques apparaissent dans les principales villes du nord. La création de la Sainte Ligue en 1584, dont le but principal est d'empêcher l'arrivée du prince protestant Henri de Bourbon sur le trône de France, va enclencher un mouvement ligueur qui s'étend à tout le royaume. Il est soutenu par l'Espagne de Philippe II et la puissante famille de Guise, donc très dangereux pour la monarchie. Henri III convoque les États généraux (assemblée des trois ordres : noblesse, clergé, tiers-état) à Blois en octobre 1588 : l'assemblée, sous l'influence des Guise, décrète que les décisions prises unanimement par les trois ordres deviennent des lois fondamentales ! Les 23 et 24 décembre 1588, Henri III fait assassiner le duc et le cardinal de Guise. Après ce double évènement, le roi est considéré comme un tyran exposé à la théorie du régicide, émise par les Jésuites : il est assassiné le Ier août 1589.

Portrait du roi Henri III par François Quesnel, après 1580. Musée national de Varsovie, Pologne. © Musée national de Varsovie,

Henri IV ou le triomphe de la raison d’État

.            Lorsque Henri IV devient roi de France en 1589, il est encore protestant, donc en contradiction avec l'une des trois lois fondamentales du royaume qui exige la catholicité du souverain. La conversion d'Henri IV est la première étape de la réconciliation entre le roi et ses sujets, dans un royaume divisé en partis politiques et religieux rivaux. De nombreux historiens s'accordent sur le fait que l'abjuration du roi en juillet 1593, représente un acte fondateur de la reconstruction de la monarchie. L'étape suivante est celle du sacre (rendu possible par l'abjuration) qui a lieu à Chartres en février 1594 : le roi accède ainsi par cette cérémonie, à la « plénitude de la dignité monarchique ». En septembre 1595, Henri IV reçoit enfin l'absolution du pape : c'est la réconciliation entre le roi et l'Église catholique.

Portrait du roi Henri IV portant en écharpe la bannière blanche et la croix de l'Ordre du Saint-Esprit, par Frans Pourbus le Jeune vers 1620. © Château de Versailles, Wikimedia Commons, domaine public

La raison d'État triomphe avec l'unité du royaume retrouvée et elle se concrétise dans la signature de l'édit de Nantes, le 30 avril 1598. Conclu après deux années de négociations difficiles, cet édit de tolérance accorde notamment des droits civils et politiques aux protestants ; il affirme la liberté de conscience pour tous mais privilégie cependant l'Église catholique. Par ce texte, l'État absolu incarné par le roi, contrôle la religion et devient le garant de l'intérêt général. L’édit de Nantes est le premier texte à distinguer le citoyen qui obéit à la loi du roi et le croyant qui est libre de son choix religieux privé.

Henri IV est qualifié de « restaurateur de la monarchie » : une nouvelle conception de l'autorité royale défendue par le juriste Jean Bodin (fin XVIe siècle), présente le roi légitime comme seul détenteur de la souveraineté et du monopole de la loi. Le couronnement d'Henri IV coïncide avec le retour de la paix dans le royaume et la naissance d'un sentiment patriotique attaché à sa personne. Les partisans d'Henri IV défendent le gallicanisme royal : le monarque règne seul sur son royaume et sur l'Église de France, il n'admet pas d'empiétement du pape sur son autorité.

 

Louis XIII (1610-1643) : redéfinir l’absolutisme royal

Henri IV est assassiné le 14 mai 1610 à Paris ; son fils Louis XIII étant mineur, une période de régence s'installe (avec Marie de Médicis, mère du roi), risquée pour la monarchie car elle est accompagnée de fortes turbulences politiques qui se poursuivent jusqu'en 1630.

.            La majorité du roi à treize ans révolus, en septembre 1614, intervient au moment où une partie de la haute noblesse se révolte contre le pouvoir monarchique. Les « grands » représentent un danger potentiel car ils contrôlent des provinces entières du royaume grâce au « gouvernement », commandement militaire qu'ils ont reçu du roi. Le plus important des opposants (à Marie de Médicis) est le prince Henri de Condé, cousin du roi, prétendant au trône en cas d'extinction de la famille royale. Il estime que la régence est illégitime car la loi salique s'oppose à ce que le pouvoir soit détenu par une femme. Le rapport de force est en faveur des « grands » qui obtiennent l'accès au Conseil du roi, des postes de commandement prestigieux et la convocation des États Généraux (assemblée des trois ordres : noblesse, clergé et tiers-état).

Portrait du roi Louis XIII par Peter Paul Rubens vers 1622. Norton Simon Museum, Pasadena, Californie, États-Unis. © Norton Simon Museum.

La monarchie se trouve face à deux options du pouvoir : absolu ou partagé. La deuxième option, le pouvoir partagé, suppose que l'exercice du pouvoir royal admette la notion de « conseil », ensemble de personnes revendiquant le droit de participer avec le roi au processus de décision politique. La haute noblesse estime devoir disposer de ce droit mais les instances représentatives de la « nation » aspirent également à conseiller le souverain : ce sont les États Généraux, les assemblées de notables, les états provinciaux et les parlements (aux pouvoirs renforcés en 1610).

Richelieu, un homme d’État au service de la raison d’État

.            C'est dans le contexte des États Généraux qu'apparaît Richelieu, remarqué pour son discours de clôture en mars 1615. Devenu secrétaire d'État aux affaires étrangères en 1616, il apprend « l'art de la survie politique » à la Cour : il est condamné à l'exil en 1617, avant d'être nommé au Conseil du roi en avril 1624.

Par sa longévité au service du pouvoir (jusqu'à sa mort en décembre 1642), Richelieu réussit à briser les résistances à l'ordre royal, principalement aristocratiques, parlementaires et religieuses. Les années 1620 sont marquées par la reprise des guerres de religion : la prise de La Rochelle protestante en octobre 1628, suivie de l'édit de grâce d'Alès en juin 1629, marque la volonté de pardon royal car Louis XIII (dit le Juste) maintient le principe de tolérance de l’édit de Nantes, mais les privilèges politiques des protestants sont abolis. Richelieu, qui se considère comme un « catholique d'État », estime que l'intérêt politique exige la sauvegarde de l'unité religieuse du royaume : la religion catholique doit rester le fondement de la monarchie.

Portrait du cardinal-duc Armand Jean du Plessis de Richelieu, par Philippe de Champaigne avant 1640. National Gallery, Londres. © National Gallery, Wikimedia Commons, domaine public

Les années 1630 sont celles de la raison d'État, réaffirmée par Richelieu et confirmée par les écrits de juristes contemporains. Après la « journée des Dupes » du 11 novembre 1630, le cardinal est nommé principal ministre, ses adversaires politiques sont éliminés dont la reine mère qui est contrainte à l'exil. Richelieu place le service de la monarchie au premier plan : « la raison doit être la conduite et la règle d'un État », écrit-il dans son Testament politique. La raison d'État devient la clef de voûte de son gouvernement, de sa conception de la politique et de la diplomatie. Richelieu est considéré comme l'un des fondateurs de l'État moderne en France, par son action continue pour un renforcement du pouvoir royal.

L’absolutisme royal et la guerre

En mai 1635, le roi déclare la guerre à l'Espagne des Habsbourg, dans un conflit européen entamé depuis 1618 (guerre de Trente Ans (Ann. 4)). Les mesures d'autorité imposées par l'État dans l'urgence de la guerre, vont confirmer l'absolutisme de la monarchie française : le bien commun est identifié à celui du roi.

Les arrêts du roi sont immédiatement exécutables, les parlements de justice n'ont plus le droit de remontrances contre les édits royaux ; les intendants supervisent toutes les questions de police, justice et finances dans les provinces et les villes ; les « grands » abandonnent leur pouvoir territorial pour contribuer à la défense du royaume. La guerre forge l'union entre le roi et la nation, dans l'intérêt supérieur de l'État.

Portrait du roi Louis XIII en armure, il porte la bannière blanche et la croix de l'Ordre du Saint-Esprit (comme Henri IV), par Philippe de Champaigne (peint vers 1655 après la mort de Louis XIII). Musée du Prado, collection royale, Madrid. © Musée du Prado, Wikimedia Commons, domaine public

Le changement le plus radical pour l'ensemble de la population est l'alourdissement considérable des impôts pour financer la guerre. L'impôt direct, la taille, passe de 10 millions de livres en 1632, à 53 millions en 1643. Lorsque la pression fiscale est trop forte, elle provoque des révoltes populaires qui justifient la répression armée du pouvoir royal. On peut parler de violence d'État entre 1638 et 1640, en Aquitaine et en Normandie, pour ramener la population à son devoir d'obéissance.

Monnaie-jeton de Conseil du roi Louis XIII, de 1633. Ces jetons sont distribués en étrennes au souverain et à ses proches, ils constituent une manière de glorifier le pouvoir du roi ; « Nil nisi Consilio » : « rien sans le Conseil ». Poinsignon numismatique. © Poinsignon 2013

La guerre contribue également à renforcer le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Conseil du roi ; le souverain se réserve désormais les « affaires d'État ». De nombreux traités politiques paraissent dans les années 1630, pour définir et justifier le pouvoir de Louis XIII qui fait figure de roi « de justice et de puissance ». Le juriste Cardin Le Bret (qui siège au Conseil du roi dès 1630) peut être considéré comme le théoricien de la monarchie absolue avec son traité De la souveraineté du roi (paru en 1632).

 

Louis XIV ou l’absolutisme rayonnant

Louis XIV est âgé de quatre ans lorsque son père Louis XIII décède en mai 1643 : nouvelle période de minorité du roi et de régence pour la monarchie française ! Louis XIII a fait du cardinal Mazarin le parrain de son fils et le successeur de Richelieu : il devient le principal conseiller de la régente Anne d'Autriche. De 1648 à 1652, le royaume traverse la Fronde, ensemble de mouvements contestataires d'abord parlementaires puis princiers, qui ne parviennent pas à entamer le prestige de la monarchie absolue. Louis XIV va incarner l'absolutisme de droit divin : il crée un mythe autour de sa personne, centralise la puissance de la monarchie en un lieu unique, monumental et symbolique, le château de Versailles.

Louis XIV jeune, par Jean Nocret vers 1655. Musée du Prado, collection royale, Madrid. © Musée du Prado, Wikimedia Commons, domaine public

.            En mars 1661, à la mort de Mazarin, Louis XIV entame une mutation décisive qui ressemble fort à une « prise de pouvoir absolu » : le roi élimine de son Conseil, les membres de la famille royale, le haut-clergé et la haute noblesse. Les personnes qui intègrent le Conseil du roi sont choisies pour leurs compétences parmi la noblesse de robe. La fonction de chancelier est marginalisée : celui qui était le « secrétaire général de la monarchie », à la tête des officiers de justice, s'efface derrière le poste capital de contrôleur général des Finances, détenu par Colbert à partir de décembre 1665 (jusqu'en septembre 1683) ; aujourd'hui on dirait qu'il cumule les fonctions de ministre des Finances et de l'Intérieur. Cependant le roi prend seul les décisions : il entend les avis de ses conseillers mais il n'est pas tenu de les écouter.

Cardinal Jules Mazarin par Pierre Mignard, avant 1660. Musée Condé, Chantilly. © RMN (Domaine de Chantilly), Harry Bréjat

La noblesse est fixée à Versailles depuis 1682 (comme le gouvernement) : elle est contrôlée par le souverain qui la valorise en restaurant les privilèges attachés à la naissance (importance de la notion de rang pour pouvoir approcher le roi). Elle retrouve sa fonction première qui est le service armé dans les nombreuses guerres entreprises par le roi.

Les années 1690 marquent l'achèvement de la construction de l'État absolu : Louis XIV décide, à la mort de son ministre principal Louvois (en septembre 1691), de gérer seul le gouvernement et le fonctionnement de l'administration ; les conseillers-ministres sont désormais réduits au rôle de commis. Concrètement le roi prend l'habitude de régler les affaires en dehors du Conseil, directement avec le ministre concerné. L'État royal se confond avec la personne du roi : on peut qualifier Louis XIV de « roi-État » !

Le roi de guerre

.            La guerre est un outil majeur de l'absolutisme : elle est identifiée à la souveraineté, elle joue un rôle déterminant au XVIIe siècle, dans la vie politique et sociale du royaume de France. Louis XIV parle de « nécessités de l'État » lorsqu'il évoque en 1715, les nombreuses guerres européennes qu'il a menées. Durant son très long règne de soixante-douze ans (de 1643 à 1715), le monarque a consacré quarante années à la guerre.

Les rois de France considèrent l'affrontement armé comme la forme nécessaire des relations entre souverains, un équivalent du duel qui est l'affaire des nobles par excellence. Décider de la guerre relève uniquement de la volonté royale : l'ensemble des sujets en prend connaissance lorsqu'il y a levée de soldats et d'impôts pour financer la guerre. C'est la mise à l'épreuve du pouvoir royal et l'expression de sa magnificence : la ligne générale de la politique monarchique est tournée vers l'agrandissement du royaume et la conception de la guerre entre dans le cadre fixé par la pensée chrétienne, qui l'assigne à une fonction de justice. Seul le souverain en décide car il est représentant de Dieu, muni par lui de l'épée lors du sacre.

Louis XIV en armure, par Charles Le Brun vers 1661. Château de Versailles, salle Louis XIV. © RMN (Château de Versailles), Franck Raux

Pour justifier la guerre, le roi de France (comme les autres souverains) cherche une « juste cause », les deux principales étant les droits de la parenté (utilisation des alliances matrimoniales avec échanges de filles de souverains) et les alliances politiques (la rivalité avec les Habsbourg domine l'activité diplomatique depuis François Ier jusqu'à Louis XV). La « juste cause » coïncide de plus en plus avec la grandeur du royaume, à ne pas confondre avec le sentiment national qui n'existe pas encore. Il s'agit plutôt de la notion de « bien commun » qui se définit pour la majorité des Français, par la sécurité et la stabilité de la fiscalité, ce que les guerres du roi contredisent complètement.

Les difficultés de fin de règne

.            Les années 1690-1715 voient la multiplication des difficultés économiques : le gouffre financier des guerres impose la création de nombreux offices (qui s'achètent et sont taxés), d'impôts nouveaux (la capitation en 1695, le dixième en 1710), de taxes, d'emprunts (rôle primordial du financier protestant Samuel Bernard, « banquier » de la monarchie française entre 1701 et 1709) et de dévaluations successives du louis d'or et de l'écu d'argent.

La société française doit faire face à des années terribles entre 1692 et 1694 : une crise de subsistance de grande ampleur (liée à des récoltes catastrophiques, au prix du blé qui grimpe en flèche, aux famines et aux épidémies) entraîne la disparition de près de deux millions de personnes sur une population estimée à vingt millions. On peut parler de catastrophe démographique. Une deuxième crise frappe le royaume durant l'hiver 1708-1709 ; le schéma reste identique : hiver polaire, printemps pourri, récoltes insuffisantes, envolée des prix du blé, famines, épidémies, décès. Les effets sont désastreux dans le nord et l'est du pays, avec plus de 600.000 décès mais cette fois, le nombre de baptêmes repart largement à la hausse dès1711.

Louis XIV en habits de sacre, par Hyacinthe Rigaud, vers 1702. Musée du Louvre. © RMN (Musée du Louvre), Gérard Blot

Dans une conjoncture de fin de règne difficile, Louis XIV n'est pas épargné : une véritable hécatombe (liée à la variole puis à la rougeole) frappe la famille royale, le Dauphin et son fils aîné. Le seul héritier potentiel adulte est le roi d'Espagne, Philippe V petit-fils de Louis XIV, mais il a renoncé à ses droits au trône de France pour monter sur celui d'Espagne. Lorsque Louis XIV meurt le Ier septembre 1715, le très jeune roi Louis XV (il a cinq ans) est son arrière-petit-fils : l'avènement d'un roi mineur peut annoncer une période de fragilité pour la monarchie. Louis XIV a tenté de conjurer ces difficultés en rédigeant un testament en août 1714 et l'a remis au président du Parlement de Paris. Cet acte prévoit que le pouvoir appartiendra à un conseil de régence, présidé par le duc Philippe d'Orléans, neveu de Louis XIV.

 

Le roi en son Conseil : la monarchie au travail

L'autorité du monarque réside dans sa personne, il a reçu au moment de son sacre, le pouvoir de commander, de juger et celui de dire la loi. Tous les pouvoirs émanent du roi et celui-ci n'est responsable que devant Dieu. La monarchie conduit donc à la centralisation du pouvoir puisque le fonctionnement de l'autorité repose sur le roi seul. Louis XIV n'a pas déclaré « L'État c'est moi ! » mais Bossuet a bien écrit « Tout l'État est en lui ».

.            Concrètement l'absolutisme royal ne peut pas être le fait d'une personne ; le principe du gouvernement royal est incarné par le système des Conseils qui atteint sa forme aboutie sous Louis XV. Voici comment fonctionne le gouvernement après la « prise de pouvoir » par Louis XIV en 1661.

Le système des conseils

.            L'instance majeure est le « Conseil d'en Haut » (baptisé ainsi depuis 1643) : composé au plus de sept membres sous Louis XIV, c'est le groupe des conseillers d'État réunis autour du roi (ou ministres, terme ayant sa signification actuelle à partir des années 1730) ; ils délibèrent secrètement des affaires du royaume, intérieures et extérieures. On devient conseiller d'État sur simple ordre verbal du souverain et la concurrence est redoutable : Louis XIV a toujours choisi des ministres concurrents pour éviter le risque d'avoir un corps ministériel soudé qui pourrait former un contre-pouvoir. Les ministres conseillent mais ne détiennent aucun pouvoir de décision. Les principaux responsables de l'exécutif sont les quatre secrétaires d'État (créés par Henri II en 1547) en charge des affaires étrangères, de la guerre, de la marine et des ordres du roi. Le Contrôleur général des finances dont l'autorité s'affirme durant le règne de Louis XIV, s'occupe des finances du royaume, de l'administration générale, la police, les travaux publics, du commerce et de l'industrie. C'est un véritable ministre de l'Intérieur qui dirige l'administration du royaume par le biais des intendants (Colbert est à ce poste de 1665 à 1683). À côté des ministres peuvent également figurer au Conseil d'en Haut, des personnalités choisies pour donner leur avis sur la politique du souverain : il s'agit de membres de la noblesse, plus rarement du clergé mais plus aucun représentant de la famille royale.

Jean-Baptiste Colbert par Philippe de Champaigne en 1655. Metropolitan Museum of Art, New York. © Metropolitan Museum of Art, Wikimedia Commons, domaine public

Les affaires intérieures sont examinées par le deuxième conseil, celui des Dépêches. Les quatre secrétaires d'État entrent au Conseil des Dépêches où leur concours s'avère indispensable. Chacun gère un ensemble de provinces et apporte une unité dans l'administration des différentes généralités du royaume, en centralisant notamment tous les rapports envoyés par les intendants. Le Contrôleur général des finances et le Garde des sceaux y siègent également. Ce conseil joue également le rôle de tribunal administratif suprême, en examinant les plaintes déposées contre des officiers royaux. Il peut casser les arrêts du Parlement, c'est ce que l'on appelle le pouvoir de cassation.

Le troisième conseil du gouvernement royal est celui des Finances : il a été mis en place par Louis XIV en septembre 1661, après l'arrestation du Surintendant des Finances Nicolas Fouquet. Ce conseil gère plus spécialement les impôts directs et indirects ; les décisions importantes en matière fiscale et financière y sont prises mais également lors d'entretiens entre le roi et le Contrôleur général des finances.

Le quatrième conseil désigné comme Conseil d'État privé (ou Conseil des parties) est en fait une cour chargée de juger en dernière instance, les litiges opposant des particuliers et des collectivités à l'État royal, dans tous les domaines. On peut dire qu'il est à la fois l'ancêtre du Conseil d'État actuel et de la Cour de Cassation. Il peut casser les avis du Parlement, se prononcer sur des jugements rendus par tous types de tribunaux. Ce Conseil d'État privé est composé de conseillers d'État assistés de « maîtres des requêtes ordinaires » : 350 à 400 arrêts y sont rendus chaque année. Il devient un instrument essentiel entre les mains du roi qui l'utilise pour toutes les affaires de justice, au détriment du Parlement de Paris qui est pourtant la cour souveraine de justice pour tout le royaume.

Afin de préparer le travail des conseils, la monarchie dès Louis XIII s'est progressivement dotée de bureaux et de commissions du Conseil. Chaque secrétaire d'État dispose d'une dizaine de bureaux, dirigés par les premiers commis. Du secrétaire d'État au dernier greffier, le personnel ministériel est d'une remarquable stabilité : on entre dans les bureaux du roi uniquement par faveur et on y reste jusqu'à la mort. Chaque emploi vacant est transmis à un proche du précédent titulaire, par recommandation et non au mérite.

Les décisions prises par le roi en son Conseil

.            De la décision prise en Conseil à l'application des actes royaux (ordonnances, édits, déclarations, lettres patentes), la procédure est toujours la même : l'acte contresigné par le roi, est porté par le chancelier devant la Grande Chambre du Parlement de Paris, pour enregistrement. Inscrit sur les registres, l'acte est diffusé dans chacune des juridictions du royaume (bailliages et sénéchaussées), puis affiché dans un endroit public et lu par un juré-crieur pour être connu de tous. Dans chaque ville et village, il appartient au curé de faire part des décisions royales à ses paroissiens ; à partir de 1695, les actes royaux ne sont plus lus pendant la messe mais affichés sur la porte de l'église. On sépare espace civil et espace religieux. Les décisions royales peuvent être classées de la manière suivante.

Les décisions générales :

  • ordonnances : règlements d'ordre général (justice, administration, armée) ;
  • édits, déclarations ou lettres patentes : points particuliers ou ponctuels (fiscalité, valeur des monnaies, droit accordé à un individu...).

Les modes d'expression rapide de l'autorité royale :

  • lettre missive : l'ordre donné est exécutable immédiatement ; ce type de lettre non publiable est clos par un cachet de cire d'où le nom « lettre de cachet » (grand cachet : convocation du Parlement pour un enregistrement autoritaire ; petit cachet : enfermement, exil ou libération d'un particulier) ;
  • arrêt du Conseil : jugement irrévocable s'appuyant sur le Conseil du roi comme tribunal ; mode d'expression privilégié des décisions prises au sein du Conseil dès les années 1700.

Un outil de l’absolutisme royal : le « lit de justice »

.            Dès la fin du XVIe siècle, les rois prennent l'habitude de s'appuyer sur cet impressionnant cérémonial pour imposer des décisions d'ordre pratique. Les Parlements ne détiennent pas de pouvoir législatif mais ils concourent en principe à la publication des lois : elles sont lues solennellement en présence du roi, dans la Grande Chambre du Parlement, avant d'être enregistrées c'est-à-dire transcrites sur les registres ; c'est le « lit de justice ». À cette occasion, les Parlements peuvent émettre des observations appelées « remontrances » et demander au roi des modifications au texte de loi.

Lit de justice tenu par le jeune roi Louis XV (cinq ans) après la mort de Louis XIV en septembre 1715, par Louis-Michel Dumesnil. © Château de Versailles.

Lorsque le Parlement de Paris se révolte durant la Fronde (1648-1652), il doit faire face à des arguments qu'il a contribué à élaborer, à savoir la souveraineté incarnée dans la personne du roi et indépendante de l'âge du souverain. En 1673, les parlementaires perdent leur droit de remontrance qu'ils retrouvent en 1715, à la mort de Louis XIV. Mais le lit de justice ne perd jamais de son efficacité : l'apparition du roi devant le Parlement impose la soumission des parlementaires à la volonté du souverain.

 

La Régence (1715-1723)

La période de la Régence qui s'étend de 1715 à 1723 (année de la majorité de Louis XV) débute avec l'annulation du testament de Louis XIV par le Parlement de Paris. Le règne du « Roi Soleil » s'achève avec la banqueroute de la monarchie, le Trésor royal est en cessation de paiements ; le régent Philippe d'Orléans (1674-1723) et son ministre-conseiller, l'abbé Dubois, vont pourtant réussir à innover en matière politique, économique et financière.

Portrait du régent Philippe d'Orléans par Jean-Baptiste Santerre, vers 1716. Musée du Prado, Madrid, Espagne. © Musée du Prado, Wikimedia Commons, domaine public

.            On distingue deux phases politiques de la Régence :

  • la phase libérale de 1715 à 1717 inclus, avec le système de la polysynodie, forme de gouvernement (sur le modèle de la monarchie espagnole) où les ministres sont remplacés par plusieurs conseils ;
  • la phase autoritaire de 1718 à 1723, dont l'artisan est l'abbé Dubois, archevêque de Cambrai et ancien précepteur de Philippe d'Orléans.

L’expérience de la polysynodie

.            Le 15 septembre 1715, le régent restitue au Parlement de Paris son droit de remontrance perdu en 1673, c'est-à-dire le droit d'adresser au souverain des observations sur un texte de loi avant sa promulgation. Ce droit de remontrances confère au Parlement un vrai pouvoir politique car il peut retarder voire bloquer l'application d'un texte législatif. Le roi passe outre en tenant un « lit de justice » qui contraint à l'enregistrement. Louis XIV en supprimant le droit de remontrances, s'est assuré le silence du Parlement de Paris ; Philippe d’Orléans restaure ce droit et par là même, renforce le pouvoir parlementaire.

En septembre 1715, il instaure également la polysynodie avec un gouvernement composé de sept conseils : Affaires intérieures, Guerre, Affaires étrangères, Marine, Finances, Commerce et Conscience (affaires religieuses). Mais le Conseil de Régence composé d'une dizaine de personnes forme le véritable organe de gouvernement. La polysynodie correspond aux vœux des membres influents de l'aristocratie qui vont faire partie de ces sept nouveaux conseils. C'est le retour de la haute noblesse que Louis XIV avait pris soin d'écarter ; inversement le personnel mis en place par le roi défunt est révoqué. Cependant le personnel politique et administratif des provinces n'est pas modifié, ce qui assure une continuité de l'exercice de l'autorité.

Certains conseils mis en place par le régent vont se distinguer par leur compétence et leur volonté de réformes : le conseil des Finances va tenter une remise en ordre, en supprimant des offices et en diminuant les pensions royales. Il propose également une réforme de la taille (impôt direct), en la rendant proportionnelle aux revenus des personnes (idée émise par Vauban en 1707). Malheureusement cette tentative de nouvelle imposition échoue dans la généralité de Paris qui servait de circonscription test et elle est abandonnée.

La volonté politique du régent est en réalité d'affaiblir les conseils, pour les transformer en simples organes consultatifs. Philippe d'Orléans les vide progressivement de leur contenu en multipliant les entretiens individuels au détriment de la consultation collective ; comme le soulignera Voltaire, il s'est comporté en « régent absolu ». De fait, les conseils sont supprimés en 1718.

La phase autoritaire de la Régence

.            L'artisan de l'autoritarisme renforcé de l'État royal est certainement l'abbé Dubois, ancien précepteur du régent qui va devenir le principal conseiller de Philippe d'Orléans. En août 1718 a lieu une véritable épreuve de force entre le régent et le Parlement de Paris : les parlementaires sont convoqués pour un lit de justice qui se déroule exceptionnellement au château des Tuileries, où réside le jeune Louis XV.

Portrait (commandé par le régent) du roi Louis XV enfant en grand costume royal, par Hyacinthe Rigaud, en 1715. Louis XV sera sacré en 1722. Château de Versailles. © RMN (Château de Versailles), Gérard Blot

Face aux remontrances du Parlement, le régent va opposer la notion de prérogative royale et d'absolutisme : les lois existent par la volonté du souverain, leur enregistrement et leur promulgation sont un acte d'obéissance des parlementaires. Le roi, par l'intermédiaire de Philippe d'Orléans, supprime le droit de remontrances du Parlement et l'oblige à enregistrer les édits royaux ; il reprend ce qu'il a donné en septembre 1715.

La phase suivante est la suppression du gouvernement par conseils (la polysynodie) en septembre 1718. On voit réapparaître les fonctions de secrétaires d'État et les anciens chefs des conseils entrent au Conseil de Régence qui passe de dix à vingt-deux membres. Mais ce Conseil conserve uniquement un rôle approbateur de décisions déjà prises avant de lui être soumises.

Le gouvernement de la Régence a pris un virage autoritaire dès l'automne 1718 et ce qui reste d'opposition va se concentrer sur les affaires étrangères, où une partie de l'aristocratie ne tolère ni le rapprochement avec l'Angleterre ni la mauvaise entente avec l'Espagne de Philippe V. L'abbé Dubois décède en août 1723, suivi de près par Philippe d'Orléans en décembre. De fait, la Régence s'est achevée le 16 février 1723, avec la majorité de Louis XV : elle s'accompagne de la restauration du Conseil du roi qui comprend alors cinq personnes dont le cardinal Fleury, précepteur de Louis XV, qui devient son principal ministre jusqu'en 1743.

Versailles, les écuries du château vues depuis la cour de marbre, par Jean-Baptiste Martin l'Ancien. © RMN (Château de Versailles), Hervé Lewandowski

Le bilan de la Régence

.            Philippe d'Orléans transmet à Louis XV un royaume en bon état de marche : il a réussi la transition entre un État de guerre en cessation de paiements, vers un État de paix sorti du surendettement. La polysynodie confirme le retour au gouvernement de la haute noblesse ; le droit de remontrance rendu au Parlement en 1715 et repris en 1718, suivi de la suppression des conseils, rouvrent la voie à la monarchie autoritaire. Après 1718, on revient progressivement au système « louis-quatorzien » considéré comme un modèle incontournable. La tentative de réforme financière de l'économiste John Law (le Système de Law), bien qu'elle ait fâché les Français avec le papier-monnaie, a relancé les échanges commerciaux et favorisé le désendettement de l'État et de la population. Le royaume de France est lancé sur les rails de la croissance économique dès les années 1720.

 

Louis XV : l’État royal face à la montée des oppositions

Le 16 juin 1726, Louis XV décrète devant son Conseil qu'il entend gouverner par lui-même et décide de supprimer le titre de principal ministre. En fait, le roi âgé de seize ans, estime qu'il n'est pas assez expérimenté pour gérer seul les affaires du royaume. Il va accorder un rôle fondamental au cardinal de Fleury, au sein de son gouvernement : son nom reste associé à une période de prospérité économique qui offre à la France un rayonnement international.

Essai d'écu en or de Louis XV « au bandeau », 1740, d'après le modèle du sculpteur Edme Bouchardon. © cgb.fr.

.            Le premier travail du nouveau « ministre » est d'achever et de promulguer la réforme monétaire : en juin 1726, un Arrêt du Conseil du roi fixe les valeurs nominales du louis d'or et de l'écu d'argent, qui ne varieront plus jusqu'en 1789. La monnaie stabilisée redonne confiance à la finance et au commerce.

L’ère de Fleury et Louis XV le Bien-Aimé

.            Louis XV décide également de réformer le système de perception des impôts, en instaurant la Ferme générale en août 1726 : les fermiers généraux avancent annuellement le montant global des impôts au Trésor royal, lui procurant ainsi des ressources sûres et régulières. De 1730 à 1740, la situation économique du royaume est à marquer d'une pierre blanche : depuis 1600, cette décennie constitue le seul moment d'équilibre financier pour la monarchie. Le ministère Fleury constitue une période de récupération et de prospérité économique, mais également un temps de paix pour le royaume de France.

Le bilan des années 1715-1740 est très flatteur pour la France en matière de politique étrangère : ce sont vingt-cinq années de paix après quarante années cumulées de guerres louis-quatorziennes ; ensuite l'alliance avec l'Angleterre (voulue par le Régent et l'abbé Dubois puis confirmée par Louis XV et Fleury) constitue l'évènement majeur, accompli dans les deux pays à contre-courant de leur opinion publique.

La montée des oppositions

.            La période du gouvernement personnel de Louis XV correspond à une montée d'oppositions qui visent à affaiblir l'autorité absolue du monarque. En 1743, au moment de la mort de Fleury, Louis XV est appelé le Bien Aimé : il annonce son intention de gouverner seul, sans principal conseiller. Pourtant le roi doit faire face à une opposition parlementaire latente depuis les années 1730. Les parlements (cours souveraines de justice) ont retrouvé leur droit de remontrance après l'épisode autoritaire de la Régence.

Dès les années 1720, l'influence des écrits philosophiques se fait sentir avec Montesquieu et ses Lettres persanes, véritable satire des institutions et des mœurs. En 1734, Voltaire publie les Lettres anglaises dans lesquelles il vante les libertés britanniques. Le livre est brûlé car jugé opposé à l'Église et au pouvoir monarchique absolu. On assiste dès le début des années 1740 à un renforcement de la police du livre : on multiplie les inspections d'imprimeries, on détruit les livres déclarés interdits. Les ouvrages prohibés sont imprimés en Suisse, en Angleterre ou dans les Provinces-Unies puis revendus dans le royaume. La montée des oppositions se fait de plus en plus par le biais de l'écrit, qui donnera naissance à la notion d'opinion publique. Toutes les oppositions quelles qu'elles soient, visent à affaiblir le pouvoir royal sous sa forme absolue.

La guerre déstabilise l’image du souverain

.            La première cause de déstabilisation de l'État royal est à rechercher dans la participation de la France à la guerre de Succession d'Autriche, entre 1740 et 1748. La guerre remet en cause l'équilibre financier de la décennie 1730-1740 et elle amplifie les débats politiques. Les problèmes financiers vont affaiblir politiquement le roi en renforçant la fonction du Parlement de Paris : les remontrances sont nombreuses lorsqu'il s'agit d'enregistrer des édits réclamant des subsides supplémentaires pour la guerre. Le recours à l'emprunt et à la vente d'offices est réintroduit et systématisé. Le poids de la dette augmente d'autant.

Portrait de Louis XV par Maurice-Quentin de La Tour, en 1748. Musée du Louvre, département des arts graphiques. © RMN (Musée du Louvre), domaine public

L'opinion publique est mécontente des conséquences particulières du traité d'Aix-la-Chapelle de 1748 : la France occupe les Pays-Bas autrichiens et les Provinces-Unies mais curieusement, Louis XV décide de restituer ses conquêtes territoriales. Le roi estime que le territoire français n'a plus besoin de s'agrandir car il a atteint ses limites naturelles. La France sort pourtant vainqueur de ce conflit et Louis XV est considéré comme l'arbitre de la paix : l'année 1748 marque l'apogée de la prépondérance française en Europe. L'affaiblissement concerne l'intérieur du royaume : il est dû au poids de la dette et à l'opposition parlementaire. Après ce conflit européen, c'est un autre règne qui commence avec le même souverain.

L’absolutisme royal face à l’opposition parlementaire

.            En 1749, Louis XV décide de la création d'un nouvel impôt qui s'appliquerait à tous, correspondant à 5 % des revenus fonciers. Cette réforme se heurte à la résistance des privilégiés qui ne paient pas d'impôts : le Parlement de Paris présente ses remontrances au roi mais l'opposition la plus virulente vient du haut clergé qui dénonce l'empiétement du pouvoir royal sur les privilèges de l'Église. Louis XV finit par exempter le clergé et la charge du nouvel impôt vient peser très majoritairement sur les épaules du tiers-état. La monarchie se montre incapable de rénover le système fiscal et sa faiblesse vis-à-vis du clergé provoque un mécontentement général qui révèle des failles dans l'autorité absolue du roi.

Excédée par les faveurs accordées au clergé, l'opposition parlementaire parisienne entraîne avec elle, les parlementaires de province (Rouen, Rennes, Bordeaux, Toulouse...). S'ensuivent trois années d'escarmouches entre parlements et pouvoir royal, dont l'autorité du souverain ne sort pas indemne. En août et décembre 1756, le roi impose deux lits de justice : il diminue les pouvoirs du Parlement en supprimant certaines chambres de justice. Les magistrats ripostent par une grève de la justice à Paris, Rouen et Bordeaux ; conséquence : les critiques redoublent et le discrédit de l'État royal augmente. C'est dans ces circonstances, qu'a lieu l'attentat de Damiens contre la personne du roi, le 5 janvier 1757 : légèrement blessé par un coup de couteau, Louis XV est très atteint psychologiquement par ce geste considéré comme un crime de lèse-majesté.

Portrait de Louis XV en habits de sacre par Martial Frédou d'après Louis-Michel Van Loo, en 1763. © RMN (Château de Versailles), Gérard Blot

Tentatives de réformes économiques et judiciaires

.            Le duc de Choiseul devient le principal ministre de Louis XV de 1758 à 1770 : c'est un homme politique favorable à la modernisation de l'État et au renforcement du pouvoir royal vis-à-vis de l'Église. La signature des traités de Paris en février 1763, qui mettent fin à la guerre de Sept Ans (Ann.5), coïncide avec une reprise de l'essor économique que le conflit a à peine entamé.

Choiseul est à l'origine d'une réforme inédite (en 1763 et 1764) qui propose la liberté du commerce des céréales dans le royaume. Le but est d'éviter la hausse des prix et les menaces de pénurie. Du côté des parlementaires, on tente d'affaiblir le pouvoir royal en pratiquant une obstruction systématique à l'enregistrement de ces nouvelles mesures économiques.

Étienne-François de Choiseul, par Louis-Michel Van Loo, vers 1764. © Château de Versailles.

En mars 1766, devant le Parlement de Paris, Louis XV rappelle que « c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine », « c'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage » et « l'ordre tout entier émane de moi ». Le Parlement ne tient pas compte de ces principes d'autorité réaffirmés par le souverain et entre en rébellion ouverte contre le roi, à partir de juillet 1770. En 1771, Louis XV va imposer une réforme sans précédent du système juridique français, en transformant les parlements en institutions publiques : un nouveau système remplace les charges héréditaires et vénales des parlementaires par des magistrats nommés et payés par l'État ; la justice devient gratuite et accessible à tous.

Ces réformes pourtant réussies ne sont pas comprises par les contemporains. La popularité du roi s'éteint définitivement avec la fin de son règne, en mai 1774. Il a tenté de perpétuer le modèle d'absolutisme royal incarné par Louis XIV, s'est beaucoup impliqué dans les affaires du gouvernement et a offert une ère durable de prospérité économique et de paix à son royaume.

 

Louis XVI : un roi réformateur incompris

L'avènement de Louis XVI, en mai 1774, est perçu avec optimisme par ses contemporains qui attendent des réformes de grande ampleur de la part du jeune roi (né en 1754), tant en matière politique qu'économique. On peut considérer les premières années de son règne comme une période politique intense, une tentative de « modernisation par le haut ». L'ancienne équipe ministérielle de Louis XV est écartée et les parlements sont rétablis dans leurs fonctions.

Portrait de Louis-Auguste de France, duc de Berry, Dauphin, futur Louis XVI, en 1769 par Louis-Michel Van Loo. Château de Versailles. © RMN-Grand Palais, Daniel Arnaudet

Un jeune roi réformateur

.            Louis XVI est un érudit dépourvu de formation politique puisque son grand-père Louis XV qui l'a désigné comme Dauphin en 1765, ne l'a jamais admis au Conseil. Le roi envisage son règne sous le signe de l'absolutisme : ce qui signifie absence de principal ministre et totale implication dans les affaires de l'État. Depuis Louis XV existent des comités ministériels qui préparent les séances du Conseil ; Louis XVI les maintient mais préfère le travail en tête-à-tête avec un ministre.

Le roi va faire appel à deux ministres réformateurs : Jacques Turgot (1727- 1781) puis Jacques Necker (1732-1804). En août 1774, Turgot est nommé Contrôleur général des Finances : adepte du libéralisme économique, il envisage un ensemble de réformes liant politique, économie et finances car, pour lui, ses trois principes sont interdépendants. Il résume ainsi son programme : « point de banqueroute, point d'augmentation des impôts, point d'emprunts ». En voici les principales étapes :

  • septembre 1774 : rétablissement de la libre circulation des céréales dans le royaume ;
  • janvier 1775 à janvier 1776 : réduction des taxes qui frappent les marchandises à l'entrée de Paris, suppression de la corvée royale, modernisation du service des postes ;
  • janvier 1776 : suppression des corporations sur le principe de la liberté de travail.

Grands projets de Turgot qui n'auront pas vu le jour :

  • réorganisation du système d'imposition : création d'un impôt unique frappant tous les propriétaires, noblesse et clergé compris ;
  • création de municipalités (assemblées consultatives de propriétaires) chargées d'émettre des vœux dont le roi peut s'inspirer dans les domaines administratif et économique.

Turgot ne dispose pas du temps nécessaire à la mise en place de cet ambitieux programme puisqu'il est congédié en mai 1776. Auparavant, chacun de ses projets subit une opposition du Parlement, du clergé, de la noblesse ou des compagnies financières.

Portrait de Jacques Turgot par Antoine Graincourt en 1782. Château de Versailles. © RMN-Grand Palais, Daniel Arnaudet

Le compte rendu de Necker

.            Entre 1777 et 1781, Louis XVI confie les finances du royaume à Jacques Necker qui se lance dans un travail de renforcement administratif, afin de mieux contrôler le budget de l'État. Il engage également une réforme de l'impôt qu'il souhaite plus égalitaire : il crée des assemblées provinciales chargées de répartir et collecter les impôts, permettant ainsi une concertation entre le pouvoir et les administrés.

En 1781, Necker publie un « Compte rendu au roi », véritable état des lieux des finances royales. L'évènement est exceptionnel car la comptabilité de l'État ne fait jamais l'objet d'une diffusion grand public. Necker en appelle à l'opinion politique pour légitimer son action et « faire des affaires de l'État, une chose commune ». Plus de 100.000 exemplaires du « Compte rendu au roi » sont lus dans tous les villages de France. On imagine la colère de l'aristocratie voyant le montant de ses pensions royales publiées ; plusieurs ministres réclament le renvoi de Necker qui préfère démissionner en mai 1781.

Édition originale du « Compte rendu au roi » par Jacques Necker en 1781. © Lombards library, Wikimedia Commons, domaine public

La politique étrangère, domaine favori de Louis XVI

.            Louis XVI a sans doute manqué d'un conseiller capable de lui apprendre à gouverner mais la politique étrangère reste certainement son domaine de prédilection. C'est un roi géographe qui a une vision planétaire des rapports entre États mais qui néglige peut-être les enjeux de la diplomatie européenne. Depuis le début de son règne en mai 1774, le système des alliances n'a pas évolué puisque l'on a le bloc France-Autriche (alliés à l'Espagne, la Suède et l'empire ottoman) contre le bloc Prusse-Angleterre (alliées à la Russie). Louis XVI nomme le comte de Vergennes, secrétaire d'État aux affaires étrangères en 1774 : considéré comme un grand serviteur de la monarchie, il va permettre à la France de retrouver sa place de grande puissance européenne (prestige mis à mal après la guerre de Sept Ans, terminée en 1763).

  • La guerre d'Amérique

L'alliance franco-américaine est une des résolutions essentielles du règne de Louis XVI : il ne voit pas le soutien aux insurgés comme une guerre pour de nouvelles idées mais comme une revanche à prendre sur l'Angleterre. Le 4 juillet 1776, les représentants du Congrès américain votent la Déclaration d’Indépendance des États-Unis d’Amérique et constituent une armée de volontaires qui ne pourra pas tenir longtemps face à l'excellente armée de métier britannique. En février 1778, Louis XVI et Vergennes signent un traité d'alliance avec Benjamin Franklin (ambassadeur en France) et les « Provinces-Unies de l'Amérique ». Benjamin Franklin convainc Vergennes de donner un véritable appui financier, maritime et terrestre à l'armée américaine, qui permet la victoire définitive de l'alliance franco-américaine, entre 1781 et 1783. En septembre 1783 est signé le traité de Versailles entre France et Angleterre. L'opinion publique française s'est enthousiasmée pour ce conflit qui symbolise la lutte pour la liberté et l'indépendance, selon l'esprit des Lumières.

Le blocage de l’État royal

.            La popularité de Louis XVI est à son apogée, la France victorieuse de l'Angleterre s'impose comme puissance majeure à l'échelle mondiale. La conjoncture économique paraît favorable : moissons excellentes, forte reprise des échanges commerciaux. En 1786, les rentrées fiscales indirectes sont deux fois plus importantes qu'en 1756. Cette hausse traduit la croissance de la consommation des ménages, de la production et des échanges.

La politique économique et monétaire constitue un axe important de l'action du nouveau Contrôleur général des Finances Calonne (depuis novembre 1783), promoteur du développement capitaliste sous toutes ses formes. Les banques d'affaires privées apparaissent à Paris dans les années 1780 et la capitale devient une place boursière d'envergure européenne.

  • La crise financière

Elle tire son origine de l'énorme dette issue de la guerre d'Amérique et des dettes de la guerre de Sept Ans pas encore acquittées. Les intérêts de la dette représentent plus de la moitié des dépenses annuelles de l'État. Calonne ne veut pas augmenter les impôts car il estime que les Français ont atteint les limites du supportable. En août 1786, Calonne présente au roi son « Plan d'amélioration des finances » : il propose une subvention nationale sur tous les revenus fonciers (noblesse et clergé compris), une « égalité proportionnelle dans la répartition de l'impôt, sans exception ni exemption quelconque ».

La subvention territoriale sera déterminée par des assemblées provinciales, supervisées par une assemblée de grands notables du royaume, très majoritairement hostiles aux réformes projetées. La première réunion a lieu en février 1787 : les députés feignent de découvrir l'ampleur du déficit et exigent des comptes. Louis XVI approuve tous les plans soumis à l'Assemblée des notables : en plus de la subvention territoriale, Calonne a ajouté l'institution d'une banque d'État, la suppression des douanes intérieures, la création d'un gouvernement autour d'un premier ministre. Le principe de la subvention territoriale est rejeté, considéré comme une atteinte aux privilèges des nobles et du clergé. En avril 1787, Calonne fait publier son projet de réformes, en le présentant comme un appel au peuple. Il est remercié par le roi et remplacé par Loménie de Brienne, président de l'Assemblée des notables.

Louis XVI en costume de sacre par Antoine Callet en 1779, Château de Versailles. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles), Gérard Blot

  • La crise politique

Loménie de Brienne fait enregistrer par le Parlement, les décrets sur le libre-échange mais les parlementaires s'opposent à l'impôt foncier général. Louis XVI l'impose par lit de justice, le Parlement réplique par une grève. Loménie de Brienne propose l'abandon de la subvention territoriale contre l'émission de nouveaux emprunts et l'engagement de réunir les États Généraux. Il finit par démissionner en août 1788, déclarant que seule une assemblée de représentants de la nation peut imposer des réformes aux privilégiés et aux parlements. La lettre de convocation des États Généraux signée par Louis XVI, le 8 août 1788, leur demande de « surmonter toutes les difficultés en matière de finances, d'administration et de gouvernement ». Les trois ordres se réunissent à Versailles le 5 mai 1789 : le 17 juin, les députés du tiers-état accaparent le pouvoir souverain en se proclamant Assemblée Nationale. On peut considérer que ce décret constitue à lui seul une véritable révolution.

Séance inaugurale des États Généraux du 5 mai 1789 à Versailles (présence du roi Louis XVI et de la reine), peint par Auguste Couder en 1839, tableau commandé par le roi Louis-Philippe en 1836. Château de Versailles. © RMN (Château de Versailles), Gérard Blot

Épilogue

.            L'ambitieux plan de réformes qui nécessitait une transformation en profondeur des mentalités, aurait peut-être sauvé la monarchie s'il avait été vraiment soutenu par le roi. Il est suggéré à un monarque encore populaire mais prisonnier du modèle absolutiste de droit divin : Louis XVI espérait réformer l'État avec la collaboration d'une aristocratie qui a songé uniquement à la défense de ses privilèges.

Le 23 juin 1789, Louis XVI exige que les trois ordres soient maintenus et rappelle aux députés qu'aucune décision ne peut avoir force de loi sans l'approbation du roi. Le 25 juin, Louis XVI demande aux députés de la noblesse et du clergé de se joindre à ceux du tiers-état, pour former une seule assemblée : cette démarche royale signifie la reconnaissance par le souverain de la nouvelle Assemblée Nationale. Elle signifie également le début de la fin pour l'Ancien Régime : le principe de souveraineté nationale affronte le principe de l'absolutisme monarchique. Le rapport de forces qui s'installe en juin 1789, conduit à l'abolition de la monarchie absolue, le 21 septembre 1792.

 


Ann. 1 - L'impôt en France avant la Révolution

.            Parmi la multitude d'impôts et de taxes ayant existé sous l'Ancien Régime, la taille est certainement l'impôt direct le plus connu et le plus controversé. Cette taxe levée exclusivement par le roi à partir du XVe siècle, ne prend pas la même forme dans tout le royaume mais concerne tout de même plus de 85 % de la population française.

Quand on évoque l'administration fiscale avant la Révolution, il faut imaginer un découpage territorial du royaume correspondant à différents régimes fiscaux.

La répartition de l’impôt sur le territoire 

.            La taille est un impôt direct dont le montant global, appelé brevet, est fixé chaque année par le Conseil du roi. C'est également au sein du Conseil que se décide la première répartition sur l'ensemble du territoire, entre les « généralités » et les « pays d'états ».

En 1789, il existe vingt-neuf généralités : ce sont des circonscriptions financières confiées aux intendants, commissaires du roi représentant l'État dans les provinces du royaume. Les généralités sont subdivisées en « élections », entités territoriales chargées à leur tour de répartir l'impôt au niveau des paroisses fiscales. Les « généralités » représentent environ 60 % du territoire du royaume.

Les « pays d'états », quant à eux, disposent d'assemblées provinciales (les « états ») de députés des trois ordres (Tiers-État, noblesse, clergé) qui fixent l'impôt et gèrent sa perception, en le répartissant entre les diocèses fiscaux qui le transmettent aux collectes des paroisses. Au XVIIIe siècle, subsistent les « états » suivants : Bretagne, Bourgogne, Languedoc, Provence (tous quatre, appelés grands pays d'états) puis Flandre, Artois, Bresse, Bugey, Dauphiné, ainsi que les petits pays d'états du Sud-Ouest (Béarn, Bigorre).

Enfin, les « pays de libre imposition » sont directement administrés par les intendants et à l'entière disposition du souverain en matière de fiscalité : leur point commun est d'avoir été conquis depuis le règne de Charles IX (roi de 1560 à 1574). Les régions frontalières concernées se situent autour des villes de Lille, Valenciennes, Metz, Nancy, Strasbourg, Besançon, Perpignan et Bastia.

Découpage du territoire français correspondant aux trois régimes fiscaux de la taille en 1789. © historicair.

Comment définir la taille ?

.            Créée en 1439, la taille pourrait être considérée comme un ancêtre de l'impôt sur le revenu. Elle frappe plus de 85 % de la population française : noblesse, clergé et bourgeoisie des villes en sont dispensés. L'unité perceptrice de base est la paroisse : la perception de la taille produit une somme globale qu'il faut faire remonter à la généralité (via l'élection), puis au Trésor royal, grâce aux receveurs généraux. Des « asséeurs », choisis parmi les paroissiens, sont chargés de dresser la liste des imposables et de répartir l'impôt entre les « feux » (foyers fiscaux). Les habitants d'une même paroisse sont solidaires devant l'impôt : si un foyer fiscal fait défaut, c'est l'ensemble de la communauté qui s'engage à régler le montant exigé.

Il existe deux types de taille :

  • La taille réelle : l'impôt est réglé sur le bien foncier sans appréciation des circonstances personnelles (nombre d'enfants, âge, métier, revenus ...) du propriétaire.
  • La taille personnelle : l'impôt est appliqué sur les revenus de la personne en tenant compte des circonstances personnelles et de toutes ses activités (artisan, marchand, agriculteur, rentier ...). Ceci implique des enquêtes approfondies et régulières effectuées par le collecteur de la paroisse (l'asséeur).

Dès le XIVe siècle, en Languedoc, les « compoix » (ancêtres des matrices cadastrales dans les régions de langue occitane) donnent la nature, la surface et la valeur des biens fonciers, pour le prélèvement fiscal. Ils sont révisés régulièrement afin de tenir compte des changements de propriétaires ou des défrichements. La taille réelle s'applique ainsi à tous les pays disposant de compoix, c'est-à-dire Guyenne, Quercy, Languedoc, Provence, Dauphiné, Bourgogne mais aussi Alsace, Flandre et Artois.

Des déséquilibres importants existent entre pays d'élections et pays d'états : les pays d'élections assujettis à la taille personnelle sont les plus imposés. Au niveau des paroisses, la répartition de la taille subit l'appréciation arbitraire des collecteurs, puisque le calcul de l'impôt s'estime en fonction de la valeur des biens de chacun, d'où de nombreux abus.

Budget simplifié du royaume de France en 1789. La taille figure dans la catégorie « impôts directs » des recettes. © D'après le dossier « Louis XVI : faut-il le réhabiliter? », L'Histoire, n° 303, novembre 2005

Vers 1610, la taille représente environ 60 % des revenus de la monarchie, 25 % vers 1715. L'État a multiplié les sources de financement, en élargissant la gamme des impôts directs, indirects et en recourant de plus en plus à l'emprunt. En 1789, la monarchie est incapable de faire face aux dépenses courantes sans emprunter, la taille représente encore 15 % des recettes dans le budget royal. Quant au remboursement de la dette, il correspond à 50 % des dépenses dans le budget de 1789. À titre de comparaison, en 2018, la charge de la dette dans le budget de l'Etat s'élève à 11,6 % de ses dépenses.

 

Ann. 2 - Comment devenait-on noble en France sous l'Ancien Régime ?

.            En principe, la noblesse française s'hérite par la naissance : ni la richesse ni le nom, ni les armoiries ne suffisent à désigner une personne noble. L'ancienneté de la lignée demeure le principal critère jusqu'au XVIe siècle, lorsque la noblesse « de sang » est confrontée à de nouveaux nobles, créés par l'accès aux offices. Ces charges, conférées par le roi, permettent de rejoindre la noblesse sous certaines conditions.

Un office peut être considéré comme une délégation de service public par l'autorité royale : l'officier exerce une fonction administrative permanente à laquelle sont attachés des revenus et des privilèges (judiciaires et fiscaux) pouvant aller jusqu'à l'anoblissement. La nomination par « lettre de provision » souligne le lien de dépendance personnelle qui unit l'officier au roi. L'office permet l'accès à la noblesse : selon une enquête demandée par Colbert en 1664, sur 50.000 offices seuls 3.700 (qui sont les grandes charges d'État) confèrent la noblesse au premier degré (c'est-à-dire à la première génération) ; sinon l'officier doit attendre au moins deux générations avant que sa lignée n'intègre la noblesse de robe.

La création des offices

.            En 1467, une ordonnance du roi Louis XI rend l'office inamovible : une fois acquise, la charge est conservée jusqu'au décès de son détenteur. Cette perpétuité de l'office est complétée par sa vénalité : avec Louis XII (roi de 1498 à 1515), la monarchie prend l'habitude de conférer elle-même les charges d'officiers contre argent comptant. En 1522, François Ier crée une caisse spéciale, la « recette des parties casuelles », destinée à recevoir les revenus tirés des ventes d'offices. En 1604, Henri IV instaure une taxe annuelle fixée à 1/60e de la valeur de l'office (surnommée la « Paulette », du nom de son instigateur Charles Paulet), permettant à son titulaire de transmettre, louer, prêter ou diviser sa charge. Cette décision royale généralise l'hérédité des offices et permet ainsi à son détenteur de l'intégrer à son patrimoine. Ce principe ne s'applique pas aux grands officiers de la Couronne (chancelier, présidents des parlements...), aux charges inamovibles mais pas héréditaires.

Le chancelier est le premier grand officier de France : il est le détenteur de tous les sceaux royaux et le scellement des actes est sa première prérogative. Il est également à la tête d'une administration importante (au moins 300 personnes au XVIIIe siècle) dont la fonction est de produire les actes écrits émanant du roi (ordonnances, édits, nominations...).

L’office devient une ressource essentielle pour la monarchie

.            La conséquence de la vénalité des offices est, bien entendu, la multiplication de leur création par le roi, car ils constituent une rentrée d'argent de plus en plus importante pour la monarchie. Dans la première moitié du XVIIe siècle, le produit des offices représente en moyenne 30 à 40 % des recettes royales. Jamais la royauté n'a pu se dispenser de cette ressource à partir du moment où elle l'a introduite ; Louis XIV a multiplié les offices afin de financer ses guerres européennes.

L'office est devenu un objet de commerce : il a donc un prix fixé en fonction du bénéfice que l'on peut en tirer à partir du capital investi. Cela peut aller jusqu'au million de livres tournois pour les grandes charges d'État. Au moins 70.000 offices seront liquidés par l’Assemblée nationale lorsqu'elle abolira les privilèges, le 4 août 1789.

L’accès à la noblesse par l’office

.            Un édit royal de 1600 autorise l'anoblissement par la charge d'officier : la noblesse peut être acquise au deuxième degré (ou deuxième génération) après vingt ans de service minimum pour chaque degré. Le terme « noblesse de robe » désignant la noblesse acquise par l'office, apparaît pour la première fois dans un édit de 1602.

En dehors de la filiation, les privilèges de la noblesse sont judiciaires et fiscaux : un noble sera jugé devant un tribunal de première instance (il peut donc faire appel de la décision) et pour un crime, uniquement par le Parlement de Paris. En cas d'exécution, il aura le privilège d'être décapité !

Le privilège fiscal essentiel est l'exemption de la taille, impôt direct frappant au moins 85 % de la population française. Toutefois les nobles s'acquittent de la capitation à partir de 1695 (mais pas le clergé qui a réussi à en être dispensé contre un « don gratuit ») : cette taxe créée par Louis XIV, représente 1/11 des revenus pour les roturiers et 1/90 pour la noblesse en 1789.

Le nombre de nobles est très difficile à déterminer : ils sont plus nombreux au XVIe siècle qu'à la fin du XVIIIe siècle et représentent environ 1,5 % de la population globale. L'expansion nobiliaire ralentit dès la fin du XVIIe siècle, après la grande réforme entreprise par Colbert à partir de 1666 : la volonté de contrôle aboutit à une chasse aux « faux nobles » qui deviennent imposables. Pour l'ensemble de la noblesse, on peut avancer une baisse de 50 % entre 1650 et 1789.

 

Ann. 3 -Pourquoi les 8 guerres de religion (1562-1598) ?

.            Issu des écrits de Martin Luther qui se répandent en France dès les années 1520, le protestantisme français se fixe après 1540 sur le modèle proposé par Jean Calvin. Son développement se poursuit malgré la répression de plus en plus constante du pouvoir royal et de l'Eglise catholique. Une caractéristique essentielle de la Réforme française est sa diffusion dans les villes et au sein de la haute noblesse. L'opposition entre catholiques et protestants se transforme en conflits armés dans les années 1560.

L'adhésion au protestantisme de grandes familles nobles (Bourbon-Condé) qui se situent dans l'entourage du roi, fait naître un véritable parti et politise l'antagonisme religieux existant jusqu'à provoquer les premiers affrontements en 1562. L'implantation protestante est importante dans les milieux citadins instruits (médecins, marchands, avocats, artisans...) ; elle s'explique par les moyens de diffusion choisis par les réformateurs, le livre et la prédication.

Vers une politique de tolérance civile

.            En montant sur le trône en décembre 1560, à l'âge de dix ans, Charles IX (1550-1574) hérite d'un royaume profondément divisé. La régente, Catherine de Médicis (1519-1589), et son chancelier, Michel de L'Hospital, prennent conscience qu'il leur faut surmonter les divergences doctrinales entre catholiques et protestants pour rétablir l'unité religieuse du royaume. En septembre 1561, le colloque de Poissy, conférence religieuse qui réunit prélats catholiques et ministres du culte protestant, est un échec : Catherine de Médicis et son chancelier doivent envisager une politique de tolérance civile. En janvier 1562, l'édit de Saint-Germain-en-Laye est proclamé : il concède aux protestants (appelés en France huguenots - du suisse alémanique Eidgenossen, signifiant camarades liés par un serment, membres d'une ligue, confédérés -) la liberté de conscience et, sous certaines conditions, la liberté de culte. Dans ce texte, Charles IX autorise la célébration du culte à l'extérieur des villes et les rassemblements dans des lieux privés. Les pasteurs sont reconnus à condition de prêter serment aux autorités civiles. Problème : le Parlement de Paris refuse d'enregistrer l'édit de tolérance !

Portrait de la régente, Catherine de Médicis, daté de 1560, par François Clouet. Musée Carnavalet, Paris..

Premiers affrontements

.            Le 1er mars 1562, à l'instigation du duc, François de Guise, a lieu le massacre de protestants réunis pour prier à l'intérieur de la ville de Wassy, en Champagne. C'est l'élément déclencheur de la première guerre civile.

Au printemps 1562, certaines villes du nord de la France (Le Mans, Rouen, Troyes) et de la vallée de la Loire (Orléans, Tours, Blois), tombent aux mains des huguenots dans le contexte du massacre de Wassy. La « furie iconoclaste » des protestants se déchaîne aussi en dans le royaume : abbayes, couvents et églises sont ravagés. Toutes ces villes sont reprises les unes après les autres par les catholiques. En février 1563, le duc de Guise est tué d'un coup d'arquebuse à Orléans. Des massacres ont lieu à l'encontre des protestants : les villes de Blois, Poitiers, Tours et Rouen sont livrées au pillage durant plusieurs jours. Catherine de Médicis prend ses distances avec la puissante famille de Guise, chef de file des catholiques intransigeants : en mars 1563, elle accorde aux huguenots la Paix d'Amboise, qui prévoit une certaine liberté de culte dans les villes.

Des guerres entretenues par des rivalités politiques

.            Deux grandes oppositions politico-religieuses vont entretenir les guerres civiles et faire obstacle à la politique de tolérance entreprise par Catherine de Médicis : celle qui se révèle entre haute noblesse et pouvoir royal, et celle qui existe entre catholiques intransigeants et catholiques modérés prêts à accepter une tolérance religieuse favorisant le retour de la paix.

Portrait d'Henri de Guise dit « le Balafré », chef de file des catholiques intransigeants, vers 1580 ; auteur anonyme. Musée Carnavalet, Paris.

Jusqu'en 1579 environ, les guerres ne concernent pas l'ensemble du royaume mais surtout les grands foyers méridionaux du protestantisme, qui forment un croissant géographique allant de La Rochelle à la vallée du Rhône, en suivant la vallée de la Garonne. Des puissances étrangères vont intervenir dans le conflit et menacent directement l'autorité du roi : l'Angleterre soutient financièrement et militairement les protestants, et l'Espagne, les catholiques intransigeants.

Henri de Navarre, prince protestant et futur roi catholique

.            Dans les années 1584-1588, Henri de Navarre s'affirme comme chef du parti protestant mais également comme héritier légitime au trône de France. Les années 1588 et 1589 ouvrent une période dangereuse pour l'histoire de la monarchie : Henri III croit rétablir l'autorité royale en faisant exécuter le duc et le cardinal de Guise en décembre 1588. Mais le monarque est assassiné le 1er août 1589, le décalage qui sépare sa politique des aspirations ultra-catholiques étant insurmontable. Henri III ayant fait reconnaître Henri de Navarre comme son successeur et le nouveau roi promet de maintenir le catholicisme dans le royaume de France.

Cérémonie d'abjuration d'Henri IV, le 25 juillet 1593, en la Basilique Saint-Denis. Tableau de Nicolas Baullery, musée d'art et d'histoire de Meudon.

Après plusieurs décennies de guerres civiles, l'édit de Nantes est promulgué le 30 avril 1598 : il reprend sur de nombreux points l'édit de Saint-Germain de 1562, c'est un édit de tolérance. Il donne au protestantisme français un statut durable, assorti de garanties politiques et militaires qui seront supprimées par Louis XIII en 1629. L’édit de Fontainebleau, imposé par Louis XIV en octobre 1685, révoque l'édit de Nantes et amène près de 200.000 protestants français à prendre le chemin de l'exil entre 1685 et 1715.

 

Ann. 4 - Les causes de la Guerre de Trente Ans (1618-1648).

.            En 1618, la guerre de Trente Ans débute comme une guerre religieuse interne à l’Empire germanique mais les puissances européennes interviennent rapidement par le jeu des alliances et transforment l'Empire en champ de bataille européen. Le facteur religieux va passer au second plan, puisque les alliances politiques vont se faire et se défaire sans tenir compte des différentes confessions des belligérants.

Les origines de la guerre de Trente Ans à rechercher dans la Paix d’Augsbourg de 1555

.            La Paix d'Augsbourg, adoptée le 25 septembre 1555, signe le début d'une nouvelle ère pour l'Allemagne : elle clôt la période de la Réforme et reconnaît la coexistence de deux confessions : l'Église catholique et les luthériens ; les calvinistes ne seront reconnus qu'en 1648. La liberté religieuse est accordée aux princes, États et villes libres de l'Empire ; aucun État de l'Empire ne peut en attaquer un autre sous un prétexte religieux et on ne peut obliger un prince à changer de religion. Les sujets des États de l'Empire doivent suivre le choix de leur prince ; c'est le sens de la formule inventée à la fin du XVIe siècle : « cujus regio, ejus religio » (à tel souverain, telle religion).

Carte des possessions territoriales des Habsbourg (en vert), à l'abdication de Charles Quint le 25 octobre 1555. © Cambridge University Press

Le compromis provisoire institué par la Paix d'Augsbourg permet de neutraliser le problème religieux et assure à l'Allemagne sa plus longue période de paix de 1555 à 1618. Avec la Paix d'Augsbourg, le Saint Empire change de visage : à une structure politique s'appuyant sur l'unité religieuse, succède une mosaïque d'États catholiques et luthériens. La partition confessionnelle est adaptée à la structure politique morcelée de l'Empire mais elle l'affaiblit au profit des États qui le constituent, puisque ces derniers sont désormais en charge des questions religieuses. L'idée impériale (celle de l'Empire formé d'États soumis à l'autorité supérieure de l'empereur) demeure bien vivante jusqu'aux années 1600, mais la fracture religieuse s'agrandit progressivement en Allemagne et conduit au début du XVIIe siècle, à l'opposition de deux blocs prêts à s'affronter.

Carte de l'Empire germanique vers 1648 (elle permet de constater le morcellement territorial de cette entité politique) d'après l'Atlas historique de William Shepherd. Bibliothèque de l'université du Texas.

La guerre dans l’Empire germanique

.            Dans le royaume de Bohème au début du XVIIe siècle, la situation religieuse reste très incertaine car la Paix d'Augsbourg ne s'applique pas à ce territoire. En 1609, l'empereur germanique Rodolphe reconnaît la liberté de culte des protestants de Bohême. En 1617, l'empereur Ferdinand II (qui est roi de Bohême) entreprend la « catholicisation » à grande échelle de la Bohême et provoque la fronde des nobles protestants contre la monarchie des Habsbourg ; c'est l'épisode de la « défenestration de Prague » en mai 1618.

En août 1619, la Bohême est devenue une confédération de provinces gouvernée par un monarque élu : le roi Ferdinand est déposé et l'électeur palatin Frédéric (prince calviniste allemand) est proclamé souverain de Bohême. Frédéric prend la tête de l'Union protestante créée par son père pour sauvegarder les intérêts protestants au sein de l'Empire germanique. Le nouveau gouvernement de Bohême espère avoir le soutien de l'Angleterre, des Provinces-Unies et du Danemark. L'empereur germanique Ferdinand II obtient l'appui financier et idéologique de la Couronne d'Espagne, du pape et de la Sainte Ligue catholique allemande. La bataille de la Montagne Blanche (près de Prague), le 8 novembre 1620, se solde par la victoire écrasante de la Sainte Ligue ; elle est considérée comme une des premières et plus importantes batailles de la guerre de Trente Ans.

L'armée impériale s'empare de la Bohême et les membres du gouvernement sont arrêtés et condamnés à mort. L'échec de cette fronde des princes s'avère catastrophique pour le royaume de Bohême : la noblesse locale est décimée et le nouveau souverain accentue la centralisation du pouvoir. En 1620, la condamnation de Frédéric, prince électeur du Palatinat, sa mise au ban de l'Empire germanique et l'attribution au duc de Bavière de sa charge d'électeur, entraînent l'entrée en guerre des princes protestants du côté de Frédéric : c'est le véritable élément déclencheur de la guerre de Trente Ans.

L’attitude des puissances étrangères

.            Les régions rhénanes sont le siège de plusieurs batailles pendant les années 1621-1622 et les forces catholiques contrôlent le sud et l'ouest de l'Allemagne. Les combats sont accompagnés de destructions et d'exactions très importantes par les armées en campagne. En 1625, Christian IV de Danemark se décide à intervenir dans le conflit : monarque luthérien vassal de l'empereur germanique, il veut défendre le luthéranisme et étendre ses possessions en Allemagne du nord. La France sollicitée se limite à accorder une aide financière au souverain danois. En 1626, les Danois et leurs alliés protestants allemands sont défaits par l'armée impériale et son général en chef Wallenstein. Pour sauver son royaume, Christian IV est contraint de signer la paix de Lübeck en mai 1629 : le Danemark s'engage à ne plus intervenir dans les affaires de l'Empire ; c'est la fin de l'influence politique danoise en Europe. Débarrassé du danger danois, l'empereur germanique envoie ses troupes en Italie du nord, pour appuyer l'armée espagnole qui combat les troupes françaises envoyées par Richelieu.

Le roi de France Louis XIII prend conscience du déséquilibre politique qui s'instaure au profit des Habsbourg : il redoute une coalition entre le roi d'Espagne et l'empereur germanique, qui provoquerait un encerclement du royaume de France. La diplomatie française concentre ses efforts sur la Suède, puissance montante de la Baltique qui vient de vaincre la Pologne. En janvier 1631, Gustave Adolphe II de Suède s'engage à entretenir en Allemagne une armée de 30.000 fantassins et 6.000 cavaliers, moyennant une aide financière de la France de 400.000 écus par an. Le roi de Suède (protestant) promet de respecter le culte catholique et de ne pas faire la guerre aux alliés de la France.

Le rétablissement de la paix en Allemagne est rendu possible par la signature de la Paix de Prague en mai 1635, mais la France et la Suède s'opposent à l'accord trouvé par l'empereur germanique Ferdinand II. On assiste à une alliance surprenante du roi de France catholique avec la couronne de Suède protestante. Richelieu décide que le moment est venu de déclarer la guerre à l'Espagne. Les armées françaises, fortes de 120.000 hommes, vont intervenir dans quatre secteurs :

  • Pays-Bas espagnols (pris en tenaille entre France et Provinces-Unies) ;
  • duché de Lorraine, Alsace et Franche Comté ;
  • Italie du nord (Piémont et Valteline) ;
  • Pyrénées.

La dernière grande bataille est celle de Lens, le 20 août 1648 : Condé à la tête de l'armée française, défait les Espagnols ; l'empereur Ferdinand III accepte les formalités de paix dont les négociations durent en fait depuis cinq ans. Les traités de Westphalie concluent la guerre de Trente Ans, le 24 octobre 1648. Ils sont signés à deux endroits distincts pour des raisons d'incompatibilité religieuse :

  • à Osnabrück entre le Saint-Empire, la Suède et les puissances protestantes ;
  • à Münster entre l'Empire, la France et les puissances catholiques.

La guerre entre la France et l'Espagne n'est pas incluse dans les dispositions des traités. C'est le traité des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659 (Louis XIV), qui formalise la paix entre couronnes d'Espagne et de France.

Bilan de la guerre de Trente Ans

.            La guerre de Trente Ans a ravagé toutes les régions traversées par les armées européennes. Certaines provinces se dépeuplent de manière dramatique : la Saxe, l'Alsace, la Franche-Comté, la Lorraine ont perdu la moitié de leur population, les deux tiers pour le Palatinat. L'Allemagne du nord est particulièrement dépeuplée : en Poméranie, la population diminue de 65 % entre 1618 et 1648. La France est la « grande gagnante » de cette guerre de Trente Ans : son hégémonie européenne va s'affirmer sous Louis XIV. Elle bénéficie de plusieurs gains territoriaux très importants dont l'Alsace.

 

Ann. 5 - La guerre de Sept Ans (1756-1763), la première guerre mondiale ?

.            La guerre de Sept Ans se déroule au cœur de l'Europe, dans l'empire germanique, mais également en Amérique, en Asie et en Afrique. C'est certainement le conflit le plus coûteux du XVIIIe siècle, humainement et financièrement parlant. À l'issue du traité de Paris de 1763, la France perd le Canada et l'empire des Indes au profit de la couronne britannique ; en Europe, la Prusse s'impose comme une puissance émergente.

La guerre de Sept Ans se déploie sur deux tableaux, terrestre et maritime : de 1756 à 1763, un conflit continental européen oppose Prusse et Autriche avec leurs alliés respectifs, et cette fois-ci la France est alliée de l'Autriche (une première depuis François Ier). De 1755 à 1763, le conflit extra-européen se répartit sur deux grands ensembles : Amérique du Nord et archipel antillais d'une part, Afrique, océan Indien et Inde d'autre part. L'affrontement franco-anglais devient une guerre maritime et coloniale à l'échelle mondiale.

Bataille navale entre l’escadre anglaise des amiraux Osborne et Saunders et l’escadre française de Duquesne, au large de Carthagène (Espagne), le 25 février 1758. Collection Hennin, Estampes relatives à l’Histoire de France, tome 103, période 1758-1759, BNF.

En dépit des nombreux succès militaires anglais de l'année 1762, c'est le gouvernement du roi George III qui demande à engager des préliminaires de paix, signés à Fontainebleau en novembre 1762. Le traité définitif est celui de Paris, signé entre Angleterre, France et Espagne, le 10 février 1763 : il va servir à redéfinir leurs domaines coloniaux respectifs.

Des négociations à l’échelle mondiale

.            Du côté français, la négociation porte essentiellement sur la conservation des intérêts économiques : Louis XV et son ministre Choiseul s'efforcent de maintenir les bases du grand commerce colonial, c'est-à-dire « l'empire sucrier » français, le commerce triangulaire (la traite esclavagiste) et les comptoirs des Indes. Ils ne vont pas hésiter à sacrifier les possessions continentales d'Amérique du Nord.

Les premières discussions concernent le sort des colonies américaines, Nouvelle-France et Antilles. George III et son Premier ministre ne veulent pas conserver toutes les conquêtes : ils craignent que la Guadeloupe et la Martinique fassent de la concurrence aux intérêts commerciaux de la Jamaïque (possession anglaise). Par contre, sous la pression des colons de Nouvelle-Angleterre, ils désirent garder le Canada, ce qui coïncide avec la position française. En effet l'économie de la Nouvelle-France, comparée à celle de la métropole, est jugée sans grand intérêt hormis la traite des fourrures, seul commerce d'exportation considéré comme rentable. Les « îles à sucre » (Antilles ainsi surnommées) constituent un enjeu majeur pour le commerce colonial français et doivent être récupérées à tout prix.

Succès diplomatique pour la France

.            Louis XV et Choiseul n'hésitent pas entre Canada et Antilles : ils estiment qu'en récupérant les Antilles, ils remportent un succès diplomatique. L'analyse des clauses du traité montre que l'abandon de l'Amérique du Nord est total : la France renonce au Canada, à la Louisiane à l'est du Mississippi sauf la Nouvelle-Orléans. En fait, elle s'est engagée secrètement à rétrocéder la Louisiane occidentale à l'Espagne, en dédommagement de la cession de la Floride espagnole à l'Angleterre. La France conserve uniquement la liberté de pêche sur la côte nord de Terre-Neuve et les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon : ces concessions faites pour raison économique aux pêcheurs normands et basques seront à l'origine de conflits réguliers entre pêcheurs français et anglais à Terre-Neuve !

En Afrique, la France perd ses établissements commerciaux à Saint-Louis du Sénégal mais conserve l'île de Gorée pour le maintien de la traite esclavagiste. Le domaine des Indes, après avoir représenté les deux tiers du sous-continent indien, est désormais constitué de cinq comptoirs : Pondichéry dévasté par les Anglais en 1761, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé. La France conserve les Mascareignes (îles la Réunion, Maurice, Rodrigues) dans l'océan Indien.

Combat naval de Port Mahon en mai 1756 : l’escadre française du marquis de La Galissonière remporte la victoire sur l’escadre anglaise de l’amiral Byng, pour le contrôle de l’île de Minorque. Collection Hennin, Estampes relatives à l’Histoire de France, tome 172, période 1643-1824, BNF. © BNF, domaine public

Le gouvernement français est très satisfait du succès de sa diplomatie qui, selon lui, a permis de limiter les effets désastreux de la guerre. Voltaire approuve dans une lettre écrite à Choiseul : « Je suis comme le public, j'aime beaucoup mieux la paix que le Canada, et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. » Les ports français qui ont pratiqué un important négoce avec la Nouvelle-France, comme La Rochelle, ont tenté de protester durant les négociations du traité de Paris mais leurs plaintes apparaissent comme la défense d'intérêts privés, donc de peu d'intérêt au regard de ceux de la Compagnie des Indes, à préserver en priorité selon la monarchie française.

Première page du traité de Paris du 10 février 1763. À Paris, par l’Imprimerie royale, 1763, Bibliothèque nationale de France. © BNF, domaine public

Un bilan plutôt contrasté

.            La guerre de Sept Ans est considérée comme la première guerre mondiale par de nombreux historiens. Le bilan humain, uniquement militaire, varie entre 600.000 et 700.000 morts. Les civils ont payé un tribut encore plus élevé au conflit : le nombre de morts dépasse certainement le million. Sur le plan économique, le coût est exorbitant : plus d'un milliard de livres pour la France, le montant de sa dette est multiplié par deux ; l'Angleterre voit également son endettement doubler entre 1755 et 1763. Sur le plan politique, la Prusse et la Russie se posent désormais en puissances émergentes de l'Europe centrale alors que l'Angleterre se constitue un véritable empire colonial aux dépens de sa rivale française. La France subit un affaiblissement politique en Europe mais son empire colonial constitue, au XVIIIe siècle, une période de fort dynamisme économique que le traité de Paris de 1763 ne va pas arrêter. L'après-guerre de Sept Ans se caractérise par l'exploitation intégrale des Antilles (grâce à la traite des esclaves !) ; l'économie coloniale contribue largement à l'économie nationale jusqu'à la Révolution de 1789.