Une Eglise nationale

.            L’Église d’Angleterre (Church of England), ou Église anglicane (la Communion anglicane), est une création d’Henri VIII au 16ème siècle. Ayant essuyé un refus de la part du Pape Clément VII, concernant la demande d’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon pour se remarier avec Anne Boleyn, le « roi aux six épouses », dont la personnalité implacable et sanguinaire inspirera à Charles Perrault le personnage de Barbe-Bleue, rompt avec Rome en 1530 et se proclame, par l'acte de suprématie (First Act of Supremacy) de 1534 (Note 1) qui fait du roi et de ses successeurs « le chef unique et suprême de l'Église d'Angleterre », indépendant de la papauté (Note 2).

Lorsque l'anglicanisme devint la religion officielle, les catholiques furent persécutés et privés de certains de leurs droits. Tels les 40 martyrs d'Angleterre et de Galles, la plupart prêtres séculiers ou religieux, morts par exécution capitale (entre 1535 et 1679) en raison de leur fidélité à la foi catholique, particulièrement pour leur attachement au pape, évêque de Rome, après avoir refusé leur allégeance au roi (ou à la reine) d'Angleterre comme autorité religieuse suprême. Ils furent canonisés ensemble le 25 octobre 1970 par le pape Paul VI.

.            L'Église d'Angleterre se présente comme à la fois catholique et réformée. Catholique parce qu'elle se considère comme une composante de l'église universelle de Jésus-Christ, ayant conservé la tradition et la succession apostoliques. Réformée parce qu’elle suit plusieurs principes doctrinaux et institutionnels de la Réforme du XVIe siècle.

Officiellement établie en Angleterre, de nos jours, le roi ou le reine, souverain du Royaume-Uni, est à la tête, le gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre. L’archevêque de Canterbury est, pour sa part, le primat de toute l'Église d'Angleterre, chef spirituel de la Communion anglicane, et primus inter pares (le premier parmi les pairs) de tous les primats anglicans d’un ensemble d’églises autocéphales à mi-chemin entre catholicisme et protestantisme, qui rassemble, de par le monde, quelque 85 millions de fidèles.

Même si le monarque est chef de cette Église, les décisions sont en réalité prises par le gouvernement qui est par exemple chargé d’approuver la nomination d’évêques. 26 évêques siègent de droit dans la Chambre des Lords et y font peser leur voix. L’Église anglicane ne reçoit aucune subvention de l’État.

.            L'assise territoriale de l'Église est l'Angleterre, l'île de Man (diocèse de Sodor et Man), les îles Anglo-Normandes (partie du diocèse de Winchester). Plusieurs communautés anglicanes en Europe, en Russie, en Turquie et au Maroc constituent le diocèse de Gibraltar. En 1920, les diocèses du pays de Galles se sont séparés de l'Église d'Angleterre ; autonomes, ils forment l'Église au pays de Galles (Church in Wales). De même l’Église épiscopalienne écossaise (Scottish Episcopal Church), depuis l’acte de la reine Anne, en 1712.

C'est au sein de l'Église d'Angleterre que sont nés les grands courants spirituels qui structurent l'anglicanisme :

  • l'anglo-catholicisme, succédant en grande partie au mouvement ‘Haute Église’ (High Church) historique, est marqué par une doctrine sacramentelle et une liturgie qui se rapprochent du catholicisme romain ;
  • le courant libéral (Broad Church - « église large ») qui critique la notion de tradition et qui se veut très ouvert sur le plan théologique comme sur le plan liturgique.
  • l'évangélisme d'inspiration calviniste, aussi appelé ‘Basse Église’ (Low Church), met plus l'accent sur la prédication. Ce mouvement, qui compterait environ 660 millions de croyants dans le monde, est surtout implanté en Afrique sub-saharienne (environ 40 % des évangélistes), aux Etats-Unis (30%) et aussi en Asie du sud-est.

.            Les rencontre synodales, appelées Conférences de Lambeth, tenues en principe dans ce « village » du Grand Londres (résidence de l'archevêque de Canterbury depuis le XIIIe siècle), sont prévues se tenir tous les 10 ans (ceci depuis 1867), et normalement réunissent généralement les trois quarts du millier de l'ensemble des évêques anglicans du monde entier. Mais la Communion anglicane est secouée par une profonde division. Les questions de la sexualité et du mariage de couples de même sexe sont notamment au cœur de ces divergences depuis au moins une quinzaine d’années. Certains s’élèvent contre le soutien de l’Église anglicane du Ghana à un projet de loi criminalisant l’homosexualité dans le pays. D’autres questions troublent profondément : le changement de l’enseignement sur la nature du mariage et de l’identité humaine et donc la façon de traiter les personnes en marge, l’alimentation, l’insécurité, ou encore la montée du niveau de la mer, la guerre, la persécution, la liberté de religion et de croyance, la torture, les pratiques commerciales déloyales, et un million d’autres choses, … Des commentateurs parlent d'un possible schisme, un problème qui remonte à l'ordination de l'évêque homosexuel Gene Robinson en 2003.

Début du XXI° siècle, face à cette « dérive progressiste » de l’Eglise anglicane, la fronde des conservateurs conduit des hiérarques de l’Église anglicane à rejoindre l’Église catholique, une tendance facilitée par la proximité doctrinale entre les deux Eglises. Cette possibilité est ouverte aux ministres anglicans par une décision du pape Benoit XVI de 2011, liée à la Constitution apostolique Anglicanorum Cœtibus du 09 novembre 2009, créant, avec l’accord de l’Eglise d’Angleterre, trois Ordinariats anglophones qui permettent aux prêtres anglicans souhaitant se convertir au catholicisme de conserver leurs traditions : l’Ordinariat personnel de Notre-Dame de Walsingham (Grande-Bretagne et Pays de Galles) qui compte une centaine de prêtres en 2020, celui de la Chaire de Saint-Pierre (Etats-Unis et Canada) et celui de Notre-Dame de la Croix du Sud (Australie et Japon). A noter que ces membres du clergé sont souvent mariés et chefs de famille, comme le permet l’anglicanisme.

.            L'Église d'Angleterre est aussi l'« Église mère » de la Communion anglicane traditionnelle (TAC : Traditional Anglican Communion) bien que dissidente. Celle-ci a été formée en 1990 à l'initiative de Louis Falk, prêtre originaire de l'Église épiscopale des Etats-Unis, avec la fédération internationale de 15 églises anglicanes membres qui sont indépendantes de la Communion anglicane, car en rupture pour des raisons d'ordre doctrinal. La TAC compterait environ 300.000 fidèles, même si elle en revendique 400.000, répartis en 33 évêchés. Son actuel primat est l'archevêque de l'Église catholique anglicane d'Australie.

.            A noter qu’au Royaume-Uni de plus en plus d’églises détenues par des congrégations, sont fermées et vendues. Entre 2001 et 2016, 500 églises ont été vendues dans la seule capitale britannique.

Note 1 - Le premier Parlement élisabéthain a adopté l'Acte de suprématie (Second Act of Supremacy) en 1558. Il déclarait Élisabeth Ière gouverneur suprême de l'Église d'Angleterre et instituait un serment de suprématie, exigeant de toute personne occupant une fonction publique ou ecclésiastique qu'elle jure allégeance au monarque en tant que chef de l'Église et de l'État. Toute personne refusant de prêter ce serment pouvait être accusée de trahison.

Note 2 - Il ne faut pas confondre l'« Église d'Angleterre » (Church of England), église officielle du Royaume d'Angleterre, avec l'« Église en Angleterre » (Church in England), qui désigne les Églises catholiques anglaise et galloise.