. L'histoire officielle a longtemps désigné la guerre de Vendée comme le foyer principal d'une contre-Révolution royaliste et catholique, dévouée au roi et aux prêtres réfractaires. En fait, les origines de cette guerre menée essentiellement par des paysans sont plus complexes et difficiles à démêler. Si les Vendéens réclament le retour de la monarchie, la volonté de rétablir l'Ancien Régime est moins la cause première de l'insurrection que la conséquence de multiples facteurs.
En effet, la Vendée ne s'est pas soulevée à la chute de l'Ancien Régime, et l'exécution de Louis XVI n'a pas provoqué de troubles particuliers. Les Vendéens participent et acceptent la Révolution, même si c’est sans grande ferveur. En revanche, le sort des paysans, très pauvres, ne s'est guère amélioré depuis 1789, et tend même à se dégrader. De surcroît, les biens ont changé de mains sans profiter au peuple. Par ailleurs, les inégalités de traitement entre monde urbain et monde rural attisent les rancœurs. En fait, cette situation n'est pas propre à la Vendée, des foyers d'insurrection existent un peu partout en France, notamment à Lyon, pour les mêmes raisons.
L’espérance des réformes de la révolution devait rompre avec les injustices du régime précédent, mais la peur qui lui succède, avec les premières mesures prises par l’État, s’annoncent finalement bien plus restrictives que ce qui avait précédé. Et puis, la colère et la révolte montent face à la hausse des impôts et surtout à la privation de la liberté de culte. Car une des particularités de la Vendée est la ferveur de la religion chrétienne, qui n'a pas vraiment accepté la Constitution Civile du Clergé et qui accueille et défend de nombreux prêtres réfractaires.
. Le dimanche 10 mars 1793, après la défaite de Neerwinden et la perte de la Belgique, l'assemblée de la Convention recourt à la levée en masse autoritaire de 300 000 hommes dans tout le pays, pour faire face au retour en force des armées européennes coalisées contre la France révolutionnaire. Les paysans vendéens, jusque-là indifférents à l'agitation parisienne, ne supportent pas qu'on leur demande de verser leur sang pour une cause qu'ils exècrent.
Aussitôt ce sont les premières vagues de persécutions, exécutions et assassinats. Dès lors, ce ne sera qu’escalade devant les injustices et procédés dictatoriaux menés par l’État républicain. C'est le début de longues épreuves qui feront au total plus de 120.000 victimes vendéennes (plus de 15% de la population), laissant l'ouest vendéen exsangue. Par leur férocité, les guerres vendéennes n'auront rien à envier aux guerres étrangères de la Révolution.
Si certains de ses acteurs rejoindront la chouannerie, il ne faut pas confondre les Chouans (essentiellement bretons), agissant sous forme de guérilla, et les insurgés vendéens avançant de villes en villes en colonnes armées. Par ailleurs, le centre des événements n'est pas véritablement en Vendée : en fait, la révolte part des Mauges (sud Anjou) et s'étend à la fois à l'ouest dans le Marais breton (sud de la Loire-Atlantique), au sud dans la Vendée, et à l'est vers le Poitou.
Les paysans contre la Convention
. Dans le bocage du Bas-Poitou (le département de la Vendée d’alors), les paysans pratiquent leur religion avec piété et sérieux, comme le leur ont appris les disciples du père Louis-Marie Grignion de Monfort (décédé en 1716, après avoir « ré-évangélisé » le Bas-Poitou), qui ont revivifié les pratiques religieuses dans ces régions alors qu'elles régressaient dans le reste de la France.
10 mars 1793 : début de la réquisition
. Le jour même de la réquisition, le 10 mars 1793, ces paysans, échaudés par l'exécution du roi Louis XVI et les mesures anti-religieuses des révolutionnaires parisiens (en particulier l'abolition du calendrier grégorien pour déraciner à jamais les rites chrétiens, repos dominical et fêtes religieuses), assaillent les autorités municipales.
Spontanée, la rébellion s’étend aux Mauges, au Choletais, au bocage vendéen, au marais de Challans et au pays de Retz, soit toute une région du sud de la Loire qui prendra bientôt le nom de Vendée militaire. 23 insurgés sont arrêtés par les gardes nationaux à Saint-Philbert, dans le pays de Retz, en Loire-Inférieure (aujourd'hui Loire-Atlantique).
11 mars 1793 : massacre à Machecoul
. Le lendemain, la population se rassemble et décide de marcher sur Machecoul, principale bourgade de l'endroit, où se tiennent la garde nationale et la commission de recrutement. Lorsque les patriotes en charge de la conscription arrivent à Machecoul, la population accueille les tirages au sort avec des fourches. Le conflit tourne à l'affrontement entre paysans et patriotes. À l'entrée du bourg, la foule armée de fourches fait face aux gendarmes et aux gardes nationaux. Ceux-ci, bien qu'au nombre de plusieurs centaines, prennent peur et refluent dans les rues. La foule les poursuit. Plusieurs gardes nationaux sont massacrés (les premiers morts se comptent surtout chez les "Bleus" lynchés par la population) ainsi que quelques bourgeois, connus pour leurs sympathies républicaines, et le curé assermenté (il a approuvé la Constitution civile du clergé).
12 mars 1793 : vers la confrontation
. Le 12 mars, les autorités nantaises exigent la reddition des coupables. Les insurgés se raidissent et rapidement s'organisent. Ils constituent un Comité royal et proclament : « Le peuple du Pays de Retz... déclare... qu'il ne reconnaît et ne reconnaîtra jamais que le Roy de France pour son seul et légitime souverain... qu'il ne reconnaît plus la prétendue Convention nationale, ni les départements, ni les districts... »
C'est le début des guerres de Vendée. Les insurgés sont des gens du pays. La moitié sont des paysans, des laboureurs ou des gens de la terre, les autres des petits artisans. Ils choisissent leurs chefs dans leurs rangs. Ainsi Stofflet, garde-chasse des Colbert à Maulévrier ou Jacques Cathelineau, simple colporteur voiturier et sacristain au Pin-en-Mauges. Celui-ci prend la tête d'une véritable armée paysanne qui s'empare de Cholet le 14 mars.
La guerre de Vendée commence ainsi par une succession de victoires des « Blancs ». En pleine débâcle politique, les Girondins (groupe politique alors à la tête de la Convention nationale) ne parviennent pas à réagir. Les insurgés vendéens progressent à pas de géant et ont désormais choisi leur camp. Ils veulent mettre à bas une Révolution qui a destitué leurs prêtres et semble ne pas avoir tenu ses promesses.
La Vendée prend les armes
. Mais les paysans et leurs chefs manquent d'expérience militaire. Ils vont quérir en complément des chefs plus expérimentés : le comte Henri de La Rochejaquelein, d'Elbée, lieutenant de cavalerie, le royaliste Charette de La Contrie, ancien officier de marine, le marquis de Bonchamps, d'Autichamp, Lescure, Sapinaud, Talmond .... Ces aristocrates se montrent au départ assez réticents à prendre la tête d'une armée de paysans mais ils ne tardent pas à faire la preuve de leur sincérité militante.
Henri de La Rochejaquelein, Pierre-Narcisse Guérin, 1817, Cholet, musée d'Art et d'Histoire.
Le plus hardi de ces nobles est le jeune Henri du Vergier, comte de la Rochejaquelein (20 ans). Ce sous-lieutenant de cavalerie, issu d'une famille de haute noblesse, avertit ceux qui viennent le solliciter : « Allons chercher l'ennemi : si je recule, tuez-moi ; si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ».
Armés de faux et de fourches, résolus et enthousiastes, les insurgés chassent les « Bleus » (les soldats de la République ainsi nommés en raison de leur uniforme) et rétablissent le culte catholique dans leurs villages.
Henri de La Rochejacquelein au combat de Cholet le 17 octobre 1793, Paul-Emile Boutigny, XIXe siècle, Cholet, musée d'Art et d'Histoire.
Massacres pour massacres
. Le 19 mars 1793, une colonne républicaine de 3.000 hommes conduite par le général Marcé s'engage dans un défilé, au Pont-Charrault, près de Saint-Vincent. Attaqués depuis les hauteurs, contre toute attente, les soldats se débandent et s'enfuient. Le même jour, la Convention prend un décret punissant de mort les personnes arborant la cocarde blanche du roi. Qu'à cela ne tienne, les Vendéens ont désormais le champ libre.
Le 23 mars, une bande de paysans tentent d'investir Pornic. Ils sont repoussés par les républicains qui font environ 300 prisonniers. Ces derniers sont exécutés sans façon.
Le 27 mars, les Vendéens repartent à l'attaque de Pornic et l'emportent sous la conduite de Charette. Lorsque celui-ci revient à Machecoul avec 30 prisonniers, ces derniers passent devant un tribunal « royaliste » et sont condamnés à mort, ainsi que plusieurs dizaines de républicains locaux. Liés deux à deux par une corde, ils sont agenouillés près d'une fosse et fusillés. On parle à cette occasion des « chapelets de Machecoul » !
Le 22 avril, après la fuite de Charette et des insurgés, la ville est reconquise par les républicains, sous la conduite du général Beysser. Mais, entre-temps, la guerre civile s'est étendue à toute la région.
Les Massacres de Machecoul, François Flameng, 1884, musée d'Art et d'Histoire de Cholet.
La guerre civile s’étend
. Dans les villes de la région, à Beaupréau, à Vihiers, à Cholet le 17 mars, Chemillé le 11 avril, Thouars le 1er mai, Bressuire le 12, Thouars le 5, Fontenay (alors ville, préfecture de la Vendée, d'importance dans le sud de la région) le 25, Saumur le 9 juin, les insurgés trouvent les fusils et les canons qui leur manquent. Mais après avoir progressé plus au sud, les colonnes vendéennes atteignent les limites de leur progression vers l'est : les troupes ne passeront guère la ligne Saumur – Thouars – Parthenay.
Prenant de l'assurance, ils constituent une « armée catholique et royale ». Cette armée est formée d'environ 40.000 hommes indisciplinés et sans expérience militaire à l'exception d'une dizaine de milliers d'anciens soldats. La plupart ne se privent pas de rentrer chez eux quand cela leur chante ou sitôt que le danger est passé. Cette armée va néanmoins aller de succès en succès jusqu'à conquérir Angers le 18 juin. Face à elle, les 40.000 à 70.000 Bleus n'ont dans l'ensemble guère plus d'expérience militaire. Ce sont pour la plupart des volontaires issus des différentes régions du pays.
Cathelineau, le général en chef vendéen, échoue devant Nantes le 29 juin. Blessé, il est transporté à Saint-Florent et y meurt le 14 juillet 1793. D'Elbée le remplace comme généralissime.
Le 1er août, le Comité de salut public décide de réagir en rassemblant des troupes : c'est l'armée de l'ouest. Sous les ordres de Kléber, celle-ci inclue notamment l'armée de Mayence, des soldats d'élite qui ont capitulé « avec honneur » à Mayence, en juillet, sur le Rhin. Ce même jour, un décret de la Convention ordonne la destruction et l'incendie de la Vendée en état d'insurrection. La mise en oeuvre de ce plan est confiée au général François-Joseph Westermann, nommé commandant en chef de l'armée des côtes de la Rochelle.
La Convention décrète... (Extrait du décret de la convention nationale du 1er août 1793, Art 1, A.D.V., 52J4) :
… le ministre de la guerre donnera sur-le-champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée. Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce, pour incendier les bois, les taillis et les genêts... Les femmes, les enfants et les vieillards, seront conduits dans l'intérieur ; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l'humanité... Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la république.
Le 14 août, l'« armée catholique et royale » défait les républicains dans la plaine de Luçon. En deux jours, plus de 100 villages de l'Ouest se rebellent. Dès la fin du mois, 20.000 insurgés se rendent maîtres de la région et en excluent ou massacrent les républicains. Ils menacent de marcher sur Paris.
. Prenant la mesure du péril, la Convention envoie en Vendée 100.000 hommes, dont les invincibles « Mayençais ». Ils sont placés sous les ordres de Jean-Baptiste Kléber et Nicolas Haxo, deux généraux estimables qui rechignent aux massacres inutiles, à la différence de Westermann, justement surnommé le « boucher de la Vendée ».
Mais du 19 au 22 septembre, les royalistes remportent encore cinq victoires en cinq jours, à Torfou, le Pont-Barré, Montaigu, Clisson et Saint-Fulgent. Ils mettent les républicains en déroute. La Convention, qui doit dans le même temps faire face à une offensive des Autrichiens sur la frontière du nord, promulgue le 1er octobre 1793 une loi dite « loi d'extermination » et réunit l'armée des côtes de Brest et celle des côtes de la Rochelle dans une seule armée dite « armée de l'Ouest », montée pour mettre fin à la contre-révolution sous le commandement du général Jean Léchelle.
La loi est présentée aux députés par Bertrand Barrère, au nom du Comité de Salut public gouverné par les Montagnards de Robespierre (le groupe politique qui a renversé les Girondins le 31 mai 1793). L'objectif affiché dans son rapport est sans concession : « Citoyens, l'inexplicable Vendée existe encore, et les efforts des républicains ont été jusqu'à présent insuffisants contre les brigandages et les complots de ces royalistes (...). La Convention doit donner à toute l'armée révolutionnaire de l'Ouest un rendez-vous général, d'ici au 20 octobre, à Mortagne et à Cholet. Les brigands doivent être vaincus et exterminés sur leurs propres foyers... »
La Terreur est instaurée le 05 septembre 1793, une « paranoïa révolutionnaire » exacerbée par la loi des suspects du 17 septembre : "ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ; ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d'existence et de l'acquit de leurs devoirs civiques ; ceux qui n'auront pu obtenir de certificat de civisme ; les ci-devant nobles qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, les émigrés, même s'ils sont rentrés, les prévenus de délits, même acquittés (...)".
. Dans le camp adverse, les chefs vendéens commencent à se disputer et c'est ainsi que, le 17 octobre 1793, ils éprouvent à Cholet leur premier revers grave face à l'armée de l'Ouest. Léchelle traverse là-dessus la Loire et tente d'arrêter les 30.000 Vendéens de la Virée de Galerne. Mais il est battu, mis en accusation par ses chefs, et incarcéré à Nantes où il se suicide.
Le 7 novembre 1793, par un trait d'humour singulier, les députés rebaptisent le département de la Vendée « Vengé » !
Le 23 décembre 1793, Westermann remporte une bataille décisive à Savenay sur les survivants de la folle « Virée de Galerne » qui les a menés jusqu'à Laval et Granville. Il écrit à la Convention un fameux message qui illustre son état d'esprit, quoique son authenticité soit mise en doute : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m'aviez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les sabots des chevaux, massacré les femmes, qui, au moins pour celles-là n'enfanteront plus de Brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J'ai tout exterminé. ». Le général ne tirera guère profit de ses crimes. Rappelé à Paris, il est guillotiné le 5 avril 1794 sur ordre de Robespierre, avec les dantonistes.
. Le pire reste à venir quand, le 19 janvier 1794, la Convention donne carte blanche au général Louis-Marie Turreau pour appliquer sa politique d’extermination. Elle prend la forme de plusieurs « colonnes infernales » qui vont ravager méthodiquement le pays vendéen avec un résultat contre-productif : les paysans, n'ont plus rien à espérer. Bien que leurs chefs tombent (d'Elbée capturé et fusillé sur la plage de Noirmoutier le 06 janvier 1794 ; Henri de La Rochejaquelein tué au détour d'un chemin par un Bleu en embuscade le 28 janvier), ils rejoignent les rangs de la rébellion. C'est ainsi que le 28 février 1794, quand les Bleus entrent dans le village des Lucs-sur-Boulogne, ils s'indignent de n'y voir aucun homme valide et, de rage, vont exterminer tous ceux qui sont restés : femmes, enfants, vieillards, curé. Au total 564 personnes.
Ultimes soubresauts
. Avec la fin de la menace extérieure et la chute de Robespierre en juillet 1794, le gouvernement révolutionnaire se fait plus conciliant. Lazare Hoche (25 ans) prend le commandement de l'armée de l'Ouest. Le général proscrit sévèrement les pillages et les vengeances.
Enfin, les chefs vendéens, à commencer par François Charette de la Contrie, se résignent à un accord de paix signé au manoir de La Jaunaye, près de Nantes, le 17 février 1795. Hoche ordonne à ses troupes d'observer strictement les stipulations de la Jaunaye concernant la liberté religieuse, ce qui lui vaudra d'être surnommé le « pacificateur de la Vendée ».
Les paysans, constatant que le culte catholique n'est plus menacé, n'ont en général plus envie de se battre... Mais Charette projette pour des raisons mal élucidées de rallumer les hostilités. Le 25 juin 1795, il conclut à Belleville une alliance avec des émigrés royalistes en vue d'un débarquement en Vendée. Les Anglais, engagés dans une guerre inexpiable avec le gouvernement de Paris, condescendent à lui apporter leur soutien. La tentative de débarquement, sur la presqu'île de Quiberon, se solde par un cruel échec. Charette se retrouve isolé dans le bocage avec une poignée de partisans.
Un peu plus tard, un autre chef vendéen, Stofflet, rentre en guerre en janvier 1796 sur ordre des princes émigrés. Mais il est capturé et fusillé à Angers le 25 février 1796. Quant à Charette, traqué comme une bête, il est pris le 23 mars à la Chaboterie de Saint-Sulpice-le-Verdon et fusillé le 29 mars 1796.
Les combats sont finis, mais le souvenir des atrocités va alimenter les rancoeurs et les conspirations chez de nombreux Vendéens et Chouans. Le plus célèbre de ces derniers, Georges Cadoudal, entrera bien plus tard dans un ultime complot royaliste.
La Virée de Galerne.
. Cette campagne militaire de la guerre de Vendée s'est déroulée dans le Maine, en Bretagne, en Normandie et en Anjou.
L'expédition est lancée par l'armée catholique et royale conduite par Henri de la Rochejaquelein qui ne compte pas rendre les armes après la défaite à la bataille de Cholet le 17 octobre 1793. Acculés sur les bords de la Loire par les forces républicaines, l'objectif est d'atteindre Laval, puis de remonter à Granville. Les Vendéens espèrent en effet trouver des troupes anglaises dans le port normand.
C'est la Virée de "Galerne", terme celtique désignant un vent du nord-ouest. La colonne hétéroclite de 30.000 hommes franchit la Loire avec des milliers de blessés, de femmes et d'enfants. Ce sont entre 60.000 et 100.000 personnes qui traversent le fleuve pour prendre la direction de la Bretagne. Ne rencontrant que de faibles résistances, ils s'emparent de Laval le 22 octobre. Après plusieurs victoires, et aussi quelques exactions, notamment au sein des troupes stationnées à Château-Gontier, les Vendéens se rendent à Granville, sur les côtes de la Normandie, dans l'espoir de voir débarquer des renforts de la part des Britanniques et des émigrés.
Bien qu'ils soient en nette supériorité numérique, les Vendéens ne parviennent pas à s'emparer de Granville, qui était leur objectif premier lors du lancement de la Virée de Galerne. Les Anglais ne semblent pas disposés à débarquer en France dans l'immédiat. A partir de ce 14 novembre 1793, la Virée de Galerne va tourner au cauchemar pour les Vendéens. L'armée vendéenne se replie et est décimée avec la perte de la moitié de ses hommes au Mans le 13 décembre, avant d'être anéantie le 23 décembre 1793 à Savenay où l'armée républicaine les rattrape. Les hommes commandés par Kléber, Marceau et Westermann maîtrisent totalement la situation et ont pour mission de supprimer les contre-révolutionnaires. Seulement 4.000 personnes parviennent à s'échapper, alors que près de 15.000 corps vendéens, hommes, femmes et enfants, joncheront Savenay et les bois environnants.
La guerre de Vendée n'est pas terminée, mais l'épisode des grands combats prend fin.
La Chouannerie
. La Virée de Galerne renforce la Chouannerie. Entre 1794 et 1800, le mot chouannerie désigne une série d'insurrections et de mouvements contre-révolutionnaires qui affectent l'ouest de la France. Les contre-révolutionnaires chouans pratiquent en fait une forme de guérilla avant l'heure, harcelant le pouvoir grâce à des attaques ponctuelles. L'origine de ces chouanneries est la même que celle des guerres de Vendée, avec lesquelles elles sont souvent confondues. Ce mouvement débouche sur de véritables insurrections locales en Bretagne, en Mayenne, dans le Morbihan, en Loire-Inférieure, entraînant parfois morts d'hommes. Il rejoint, sans préméditation, le courant ouvertement contre-révolutionnaire animé essentiellement par le chevalier de La Rouérie, qui a organisé les nobles de tout l'Ouest et qui a été responsable des incidents graves qui se sont produits en août 1792, avec la participation de groupes de ruraux.
C'est notamment le cas à Saint-Ouen-des-Toits, en Mayenne, où se distingue alors la petite bande armée d'un contrebandier, un temps poursuivi par la justice royale et passé depuis la Révolution dans l'opposition antirévolutionnaire. Ce contrebandier, Jean Cottereau, surnommé Jean Chouan, sans doute parce qu'il utilise le cri du chat-huant comme signe de ralliement de sa bande, va donner son surnom à l'ensemble des insurrections.
Celles-ci éclatent vraiment en février-mars 1793 en même temps que les révoltes qui débouchent dans la « guerre de Vendée » ; mais le succès au nord de la Loire est éphémère et les troupes républicaines reprennent rapidement le contrôle de toute la région. La présence de fortes garnisons et l'efficacité des généraux républicains ont eu raison de l'absence de coordination entre les insurrections comme de la médiocrité de leur armement. Cependant, les causes du mécontentement n'ont pas disparu. Une petite partie des ruraux vaincus s'engage dans les armées vendéennes, comme Cadoudal. La plus grande partie attend le passage des Vendéens au nord de la Loire, au cours de la Virée de Galerne (oct.-déc. 1793), pour se joindre à eux et se soulever à nouveau. Les forêts entre Maine et Bretagne servent ainsi de foyers de résistance et de bases de repli. C'est alors que le mot « chouannerie » commence à être utilisé comme terme générique.
Les bandes chouannes, de médiocre envergure, quadrillent les campagnes, opèrent des coups de mains contre les administrateurs locaux et les partisans de la Révolution L'agilité est essentielle, en même temps que la dissimulation. Nombre de jeunes chouans apparaissent dans la journée comme de paisibles paysans. Seule une petite partie des effectifs, dont les chefs, vivent dans la clandestinité, cachés dans les forêts, voire dans des souterrains.
Les colonnes infernales
. Après la dislocation de l'armée vendéenne à Savenay, la Convention décide de poursuivre la "pacification" de la Vendée. Pourtant pendant la Terreur, on exécute à tour de bras. A la bataille de Noirmoutier (03 janvier 1794), la capitulation des Vendéens n’est pas respectée par les républicains qui font fusiller les 1.200 à 1.500 prisonniers en quelques jours. Plus de 2.000 Vendéens, dont la moitié de femmes, qui encombraient les nombreuses prisons d’Angers trouvent la mort au cours des 9 fusillades qui se succédèrent du 12 janvier au 16 avril 1794. Aux carrières de Gigant près de Nantes, essentiellement en décembre 1793 et janvier 1794, le représentant en mission Jean-Baptiste Carrier, fait fusiller 1.800 prisonniers. Ce même Carrier, qui procédera durant cet hiver 1793-1794 à 7 ou 11 noyades dans la Loire faisant 5000 victimes.
L'insurrection vendéenne semble en voie d’être définitivement matée et si le temps des affrontements militaires est passé, les hostilités ne s'arrêtent pas. Car les députés de la Convention ont du mal à se remettre de leurs frayeurs. Si les Vendéens se sont distingués par leurs massacres, le gouvernement de Robespierre réplique avec une violence extrême. La population soutient les insurgés, il faut donc la faire payer : telle est l'idée qui ressort de la contre-attaque du gouvernement.
C'est ainsi que le général Louis-Marie Turreau présente son plan d'extermination. Le 15 janvier 1794, il écrit aux représentants en mission : « Mon intention est de tout incendier et de ne préserver que les points nécessaires à établir nos cantonnements propres à l'anéantissement des rebelles, … » Comme ses interlocuteurs ne paraissent pas convaincus par l'argumentation, le fougueux général écrit directement au Comité de Salut Public, à Paris : « Je le répète. Je regarde comme indispensable de brûler villes, villages et métairies, si l'on veut entièrement finir l'exécrable guerre de Vendée, sans quoi je ne pourrai répondre d'anéantir cette horde de brigands … » La réponse vient enfin le 19 janvier 1794 : « … extermine les brigands jusqu’au dernier ; voilà ton devoir »
24 colonnes pénètrent en Vendée avec la consigne de tout brûler et de tout massacrer. Les horreurs perpétrées par ces colonnes leur vaudront dans l'Histoire le qualificatif d'infernales, dont les exactions prennent la forme de viols, exécutions sommaires et tortures, avec l'accord implicite de la Convention, qui a voté la "destruction de la Vendée".
Comme Turreau l'avait prévu, la Vendée est mise à feu et à sang. Les excès des républicains réveillent les ardeurs des malheureux Vendéens. Les survivants de la guerre redressent la tête et se regroupent derrière deux chefs : Charette et Stofflet. Les massacreurs sont massacrés à leur tour à Chauché, aux Clouzeaux et ailleurs. La colonne de Crouzat, en l'absence de Stofflet, tue 1.500 personnes dans la forêt de Vezins, le 25 mars. Elle est exterminée, trois jours après, aux Ouleries. C'est la période la plus noire de cette guerre.
A Nantes, un tribunal révolutionnaire est créé avec à sa tête Jean-Baptiste Carrier. Avec plusieurs milliers de prisonniers arrêtés à Savenay, le tribunal est suspendu pour faire place à des exécutions sommaires. On fusille sans procès, avant d'opter pour les noyades : des centaines de personnes sont embarquées sur des barques fermées que l'on coule : 4 800 personnes auraient ainsi rejoint le fond du fleuve entre le 17 novembre 1793 et le 30 janvier 1794.
Mais le plan de Turreau a complètement échoué. Il a même eu un effet contraire à celui qui était recherché : la Vendée meurtrie est redevenue redoutable. Le 13 mai 1794, Turreau est destitué. La Convention qui a besoin de toutes ses troupes aux frontières, évacue la Vendée.
Le traité de paix de La Jaunaye
. La chute de Robespierre en juillet 1794 met fin à la Terreur et amorce une solution moins radicale. Le traité a été conclu dans le manoir de La Jaunaye, à Saint-Sébastien-sur-Loire, le 17 février 1795, après plusieurs jours de discussions. En contrepartie de la reconnaissance de la République et de la remise de leur artillerie, les insurgés obtiennent l'amnistie, la liberté de culte, une exemption d'impôts et de conscription pour une durée de dix ans, la reconnaissance de leurs propriétés, l'organisation d'un corps de 2.000 gardes territoriaux vendéens, le remboursement des bons émis durant la rébellion et 18 millions d'indemnités pour la reconstruction de la Vendée. La question de la libération du roi Louis XVII reste en suspens !. Charette, Sapinaud et Cormatin signent le traité, mais ils ne sont pas suivis par certains de leurs officiers hostiles à la paix. Charette s'empresse alors de retourner à Belleville pour mettre de l'ordre dans ses troupes.
Stofflet, arrivé à son tour à La Jaunaye le lendemain, refuse catégoriquement de reconnaître la République. Le 22 février, il rompt les négociations et regagne l'Anjou. Cependant son armée est également l'objet de dissensions et plusieurs de ses officiers signent la paix le 26 février, promettant de ne plus jamais prendre les armes contre la République. Le même jour Charette et Sapinaud font une entrée solennelle dans Nantes et participent à un défilé réconciliateur aux côtés des généraux et des représentants républicains. Le 14 mars, les accords de La Jaunaye sont ratifiés par la Convention nationale.
Ce traité a été difficilement appliqué, rapidement dénoncé par des républicains d'un côté, par des chefs vendéens – ou chouans –de l'autre, puis rendu caduc par la reprise de la guerre dès l'été 1795 jusqu’à la paix de Montfaucon en 1800.