De l’eau pour Saint-Germain !

De l’eau pour Saint-Germain !

L’aqueduc de Retz

D’après : Pierre Emile Renard Président d’HISCREA (Histoire de Chambourcy, Retz et Aigremont)

.             Au VIe siècle, à Sainte Radegonde, jeune princesse de Thuringe, épouse de Clotaire 1er, fils de Clovis, une chapelle fut dédiée en 1215. La source à proximité est bientôt appréciée de la cour royale et réputée miraculeuse, ses eaux guérissant les maladies des yeux ; elle deviendra lieu de pèlerinage au XVIIIe siècle.

La fontaine porte aussi le surnom « des Pieds Pourris » car, à la période moyenâgeuse, les voleurs étaient condamnés à rester les pieds attachés sous l’eau très froide de la fontaine jusqu’à ce que leurs membres accusent des signes de pourriture.

Jusqu’au XIII° siècle, les habitants du bourg de Saint-Germain, les religieux du prieuré d’Hennemont et la cour elle-même étaient obligés de s’approvisionner en eau potable à la Seine, celle du ru de Buzot, croupie, et des deux puits de la ville n’étant pas bonnes à boire. Le sieur Guillaume de la Pissotte, l’un des officiers de la reine Blanche de Castille, se rendit acquéreur de la belle source, au bas du coteau, presqu’en face de la chapelle Sainte-Radégonde. Les eaux excellentes de cette source furent mises en vogue à la cour de France et son heureux propriétaire la fit clore pour que seule la table du souverain puisse en disposer. L’usage de venir y puiser l’eau quotidiennement dans de grandes bouteilles en plomb, restera, même après le départ de Louis XIV pour Versailles. Cette fontaine renommée subsiste encore de nos jours.

            Le château vieux de Saint-Germain-en-Laye est donc, si l’on peut dire, le fruit d’un contre-sens urbanistique, construit pour la chasse, malgré l’absence d’eau, si l’on excepte quelques sources, parfois à peine potables, dans la vallée de Feuillancourt. Aussi sous François I (r. 1515-1547), un premier aqueduc en grès vernissé de 15 cm de diamètre, enterré, avait été construit, pour satisfaire les besoins en eau de Saint-Germain-en-Laye. Il canalisait sur la colline de Chambourcy qui domine Poissy, les eaux de source qui s’écoulaient ainsi gravitairement du sud-ouest vers le nord-est.

.            Ce réseau historique avait été précédé d'autres ouvrages destinés à recueillir l'eau pour le château de Saint-Germain-en-Laye, comme le "Grand Cours", réalisé avec des canalisations enterrées en grès.

.            Cependant vers 1680, la quantité d'eau fournie ne suffisait plus à couvrir les besoins de la commune de Saint-Germain-en-Laye et surtout de la cour du Roi Louis XIV installée au château. On commença alors la construction d'un nouvel aqueduc, formé par une galerie souterraine, munie d'une rigole où circulait l'eau. Placé sous la directive du maitre-fontainier Francini, avec l'aide de Nicolas le Jongleur, il exploita toutes les techniques modernes de l'époque, comme elles le seront à Versailles et Meudon.

.            Cet « aqueduc de Retz », depuis Chambourcy alimenta Saint-Germain-en-Laye en eau collectée sur les plateaux bordant la vallée du Ru de Buzot (Plateaux des Alluets et de Marly), situés à 80 m d'altitude au-dessus de la Seine.

.            Après une construction laborieuse en trois phases tout au long du XVIII° siècle, l'aqueduc de Retz sombrera dans l'indifférence pendant les trois premières décennies du XIX° siècle.

Il est la propriété de la ville de Saint-Germain-en-Laye et classé à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1988.

Les Sources de Retz

.            Seules deux sources (source de Retz et de Joyenval) affleuraient de façon naturelle avant les travaux d'adduction d'eau.

.            Pour alimenter en eau l'aqueduc de Grand Cours, une première série de sources du plateau des Alluets furent captées. Puis lorsque l'on prit la décision de construire l'actuel aqueduc de Retz, la prospection de nouvelles sources fut confiée à Nicolas Le Jongleur. Plusieurs solutions techniques furent mises en oeuvre de façon simultanée :

- On décida d'aller chercher des sources complémentaires situées à plusieurs kilomètres,

- Le départ de la galerie souterraine de l'aqueduc de Retz fut relié à des pierrées, dont la fonction était d’assurer un drainage pour collecter les eaux d’infiltration,

- Puis on construisit une deuxième galerie souterraine parallèle à l'aqueduc proprement dit. Cette galerie est située sur l'autre versant du ru de Buzot, sur le plateau de la forêt de Marly-le-Roi. Elle forme une longue pierrée qui draine les eaux du second plateau, bien plus étendu que celui des Alluets. L'eau parvient dans l'aqueduc de Retz par un système de tuyau siphon qui passe sous le golf de Joyenval et donc du ru de Buzot. Cette seconde galerie souterraine est à l'origine du nom "les aqueducs de Retz".

.            Les pierrées sont de petites galeries maçonnées d'environ 40 cm de haut pour une largeur de 15 à 40 cm. Ce sont des drains constitués de pierres sèches, c'est à dire des pierres sans mortier qui reposent sur une couche imperméable, comme de l'argile. Ces ouvrages sont à environ 2 ou 3 mètres de profondeur sous la surface du sol. Pour éviter la diffusion d'eau trouble provenant directement de la surface, la pierrée est recouverte d'une chape de glaise.

Le tracé de l’aqueduc de Retz

.            Il chemine en suivant les courbes de niveau sur près de 6 km. L'eau s'y écoule de façon gravitaire.

.            Bien que l'aqueduc soit souterrain, certaines parties de l'ouvrage sont visibles. Il est ponctué, sur son trajet, de quatre regards de visite, construits au fur et à mesure de l'avancement de la partie souterraine : à Chambourcy le regard "Vieux" et le regard "Neuf", à Saint-Germain-en-Laye le regard Dauphine et le regard d'Hennemont. Ils prennent la forme de petits édifices en pierre de taille à l'architecture soignée.

Sur les deux réservoirs qui existaient il subsiste uniquement le réservoir de Montaigu, situé sur la commune de Chambourcy.

Construction et évolution de l’aqueduc de Retz

.            Sa construction s'est déroulée en quatre phases successives et très étalées dans le temps :

- 1ère phase 1685-1688 : En décembre 1685, Nicolas Le Jongleur est chargé de trouver de l'eau supplémentaire pour la cour du roi. Il décide de faire construire une première portion de galerie souterraine, d'environ 2 km, qui remplace une partie des tuyaux en grès du Grand Cours. Elle démarre aux étangs de Retz et se termine par la construction du premier regard, le regard "Vieux". Le reste du parcours jusqu'à Saint-Germain est maintenu sous forme de simples tuyaux de grès. Les années suivantes, la galerie est entretenue régulièrement et les étangs sont pavés afin de limiter les pertes d'eau. Mais avec le départ de Louis XIV à Versailles, l'aqueduc va alors sombrer dans l'indifférence pendant une trentaine d'années et être oublié ; la cunette va s'ensabler, les racines d'arbres vont s'y engouffrer et des dérivations illégales vont s'y greffer.

Mais la demande en eau continue d'augmenter avec le nombre croissant d'habitants de la ville royale. D’abord, de nouvelles mesures vont être prises. Toutes les concessions frauduleuses (ferme de Retz, ferme de Montaigu, la Faisanderie...) vont être traquées et supprimées. Les dérivations dans la ville qui desservaient des concessions privées vont aussi être coupées. Enfin, un périmètre de sécurité, sous forme d'une bande de 6 m de large, est instauré sur tout le trajet de l'aqueduc. On ne peut ni y cultiver, ni y bâtir, ni y planter des arbres.

Puis, l'aqueduc va faire l’objet d’un certain nombre de travaux pour répondre à la demande croissante en eau. Ces travaux, qui se déroulent sur une cinquantaine d'années, visent à améliorer le débit de l'aqueduc.

- 2éme phase 1731-1732 : le 27 février 1731, le roi Louis XV ordonne une estimation des travaux à effectuer, afin d'augmenter à nouveau la capacité de l'aqueduc de Retz. Une nouvelle portion de galerie souterraine est construite et se termine par un deuxième regard le regard "Neuf".  Ces travaux portent le débit de l'aqueduc à "15 pouces de fontainier", soit 200 litres par minute. Enfin il est exigé que la conduite se partage en deux afin de séparer l'eau pour le roi et l'eau pour la ville.

- 3ème phase 1778-1798 : En 1778, l'ingénieur-architecte Guillaumot (également 1er inspecteur de l'Inspection générale des carrières –IGC- l’homme « qui sauva Paris » de l'effondrement) fait un bilan de l'aqueduc. Il préconise de remplacer les tuyaux en grès restants entre le regard "Neuf" et le centre-ville, par des tuyaux en fonte d'un diamètre de 12 pouces (environ 30 cm). Cette mesure ne sera - réalisée, faute d'argent, que 5 ans plus tard.

- Puis débute la troisième extension de la galerie souterraine qui aboutit à un troisième regard dénommé le regard d'Hennemont. Les travaux durent 3 ans et sont financés par M. de Monville et le Duc de Noailles qui reçoivent chacun, en compensation, une concession d'eau. Le débit de l'aqueduc est alors de 266 litres/mn.

Extrait de carte (1714) montrant le tracé de l’aqueduc et l’emplacement des regards.

En 1798, un réservoir est construit sur la place du marché de Saint-Germain afin de régulariser le débit. En 1832, on construit le réservoir de Montaigu afin de stocker les eaux surabondantes de l'hiver. En 1855, un quatrième étang est construit au départ de l'aqueduc, afin de stocker d'avantage d'eau des sources …

L’architecture de l’ouvrage

.            L'aqueduc de Retz est constitué d'une galerie souterraine voûtée dont la hauteur varie de 2 m à 80 cm. Elle est maçonnée avec des meulières non taillées. Au centre de la galerie, se trouve une cunette dans laquelle circule l'eau. Cette rigole est bordée de deux trottoirs appelés banquettes. Le tout repose sur une chape de béton le radier. Sur certaines portions, l'eau s'écoule directement sur le radier. Etant donné que l'aqueduc suit les courbes de niveau, il n'a pas été nécessaire de construire un pont aqueduc. De ce fait, les regards de visite et le réservoir de Montaigu sont les seules parties visibles de l'ouvrage.

On peut distinguer aujourd'hui deux parties différentes :

- Un premier tronçon de galerie, allant des sources jusqu'au regard "Neuf", où l'eau circule librement dans la cunette. Cette portion en fait le plus vieil aqueduc encore actif de France. L'eau libre termine ensuite son trajet en s'engouffrant dans la conduite forcée qui conduit au réservoir de Montaigu. Cette partie est entretenue par la Lyonnaise des eaux, selon une convention du 1er janvier 1943.

- Le deuxième tronçon part du réservoir de Montaigu. A partir de 1834, l'eau y circulait sous pression dans une conduite forcée en fonte. Cette conduite fut reconsidérée en 1951 et il en reste des portions éparses. Aujourd'hui, cette zone est désaffectée et totalement laissée à l'abandon. Des portions de voûte se sont effondrées et la galerie est coupée en plusieurs endroits par des routes secondaires.

Les puisards ponctuent le trajet

.            Tout le long du trajet des puisards ont été aménagés. Le puisard (ou soupirail) est un puits permettant d'accéder à l'aqueduc par le haut de la voûte. Quand l'aqueduc est profond, le puisard prend l'aspect d'un petit puits maçonné trapézoïdal. Afin de pouvoir y descendre, les parois sont pourvues d'encoches permettant d'y mettre les pieds. En surface, les puisards sont fermés par un tampon de pierre. Au19ème siècle, certains ont été fermés par du béton ou des plaques en fonte. Ils sont bien plus nombreux que les regards car ce sont des ouvrages plus modestes. Leurs rôles sont multiples car ils permettent :

- d'accéder à l'aqueduc pour son entretien.

- de favoriser l'aération de la galerie, notamment pendant la construction de l'aqueduc.

- de permettre l'évacuation des déblais lors de la construction. On trouve notamment des entailles, dans les voûtes, formées par la traction des blocs dans le regard par des cordes.

Le regard “Vieux”

.            Le regard "Vieux" a été construit en 1668, lors de la première phase de travaux. Il est situé sur la commune de Chambourcy dans un jardin privé. Il est muni d'un toit à double pan. Une petite fenêtre d'aération est présente sur le fronton.

A l'intérieur se trouve le bassin de décantation qui permet aussi d'aérer l'eau. Ce bassin est connecté à un trop plein débouchant sur l'extérieur. On y trouve également de nombreuses signatures et graffitis. La date "1668" aurait été apposée le jour de l'inauguration. On peut également observer une caricature d'un noble qui pourrait être Louis XIV.

Jauge de fontainier

Ce dispositif est situé au niveau de l'arrivée de l'eau dans le bassin du regard. De nos jours, ces jauges sont très rarement en place dans les aqueducs. La jauge sert à mesurer le débit d'eau de l'aqueduc. Elle est faite d'une lame de cuivre percée de trous. Leur diamètre est égal à un pouce, le "pouce de fontainier" (ou "pouce fontainier" ou encore "pouce d'eau". L’unité de débit (de l'Ancien Régime) correspond au débit d'eau d'un trou d'un pouce de diamètre (soit 2,7 cm = 12 lignes ou 144 points = la 12e partie du pied et la 72e partie de la toise.), se situant dans une paroi verticale, sous l'effet d'une hauteur d'eau de 7 lignes d'eau (15,75 mm) au-dessus du centre du trou. On obtient alors un débit de 13,30 l/min, soit 19.152 litres / 24 heures.

Pour mesurer le débit de l'aqueduc, on bouche le nombre de trous nécessaires pour que l'eau atteigne la hauteur de 7 lignes d'eau. Ensuite, il suffit de compter le nombre de trous de "pouce de fontainier" ouverts. Ex : si 20 trous sont ouverts, on a un débit de 20 « pouces de fontainier » soit 266 l/mn.

Le pouce d'eau ancien a été remplacé, lors de l'établissement du Système métrique (1795), par une unité de même espèce, à laquelle on a conservé le même nom, mais dont la définition s'exprime en fractions décimales du mètre. M. de Prony, à qui l'on doit le choix de cette unité, suppose que l'on perce dans la paroi verticale d'un bassin un orifice circulaire de 2 centimètres de diamètre, dont le centre soit à 4 centimètres au-dessous du niveau du bassin ; mais au lieu de supposer cet orifice percé en mince paroi, on le suppose muni d'un ajutage de 17 millimètres de longueur ; le produit de cet orifice est le nouveau pouce d'eau. En appliquant la formule relative à l'écoulement de l'eau par un ajutage cylindrique, on trouve qu'en 24 heures ce produit est de 20 m3. Le pouce d'eau nouveau est donc un peu plus grand que le pouce d'eau ancien. Il se subdivise en centièmes.

Le regard "Neuf"

.            Le regard "Neuf" date de 1732. Il fut construit lors de la deuxième phase de travaux. Il fut inauguré le 4 décembre 1732 avec la mise en place de la première pierre et le dépôt dans les fondations de médailles en cuivre et en argent aux armes du roi. Il fut laissé à l'abandon, au milieu d'un verger, pendant de nombreuses années. Lors de l'étude de l'aqueduc de Retz, il fut classé par arrêté du 17 mai 1988 et restauré. Aujourd'hui, il se trouve dans un jardin privé situé sur la commune de Chambourcy.

On y ajouta également une plaque de cuivre aux armes du duc de Noailles qui était le gouverneur de Saint-Germain-en-Laye et capitaine des chasses depuis le 27 octobre 1717.Le fronton du regard est orné d'un bas-relief. On y distingue le grand "cordon de l'ordre de Saint-Michel", rappelant que le duc de Noailles est titulaire de cette décoration. Cet ordre est composé des chevaliers de l'ordre de Saint-Michel. Il reste l'emplacement d'une inscription sans doute burinée lors de la révolution.

L'intérieur du regard est partiellement endommagé car il est subdivisé par un plancher en béton. Au niveau du bassin de décantation, on peut apercevoir le support de la jauge de fontainier qui a disparue. Sur la droite, se trouve le départ de la conduite forcée qui se dirige vers le bassin de stockage de Montaigu. Sur la façade arrière, se trouve une fenêtre d'aération.

 

Le regard Dauphine

.            Le regard Dauphine, datant de 1797 est situé sur la commune de Saint-Germain-en-Laye, à proximité du chemin du même nom, est très atypique. Habituellement les regards ont l'aspect d'un petit édifice comprenant un bassin de décantation accessible par un escalier. Là, le regard est réduit à un simple édicule rond à double entrée et sans bassin à l'intérieur. Son toit est formé par d'énormes pierres taillées en demi-cercle.

Le regard d’Hennemont

.            Le regard d'Hennemont datant de 1797 est situé sur la commune de Saint-Germain-en-Laye. Il fut construit dans le prieuré d'Hennemont (petite communauté religieuse rattachée à une abbaye), qui fut dédommagé par un droit de prélèvement de 3 "lignes d'eau" au niveau du regard. A cet emplacement aurait été construit, par ces religieux, un premier regard en 1733.

Il a été classé à la liste des monuments historiques en 1983. Aujourd'hui, ce regard est situé, rue de la Croix de Fer, dans l'enceinte du château Saint-Léger construit en 1886 (IXcampus, ex-IRSID).

 

C'est le plus grand des 4 regards de l'aqueduc de Retz. Il fut construit à la demande de Louis XVI par l'architecte Cellerier. Il possède un toit en berceau et de beaux trous d'aération intégrés dans une frise ornementale. On peut noter également la présence d'une plaque indiquant l'altitude à laquelle se trouve le regard (74.950 m). Cette hauteur se réfère au "zéro" situé sur l'échelle du pont de la Tournelle.

 

Sur le fronton, une plaque commémorative fut apposée lors de la construction du regard. Le texte énumère les travaux réalisés et pris en charge par la ville de Saint-Germain-en-Laye gouvernée, à l'époque, par le duc de Noailles.

"DU REGNE DE LOUIS XVI - Louis duc de Noailles et maréchal de France gouverneur de St Germain en Laye. Ce regard de prise d'eau, deux autres regards de décharge, 580 toises d'aqueducs : neuf cent soixante toises de tuyaux de fonte de 6 pouces de diamètre, ont établis et plus de 3000 toises des anciennes conduites réparées par les soins du corps municipal en 1797"

A l'intérieur, on retrouve une architecture proche des autres regards : un double escalier droit menant au bassin de décantation. Cependant, la galerie qui en repart ne possède pas de cunette, mais abrite uniquement le tuyau de distribution d'eau pour Saint-Germain.

Les réservoirs de l’aqueduc de Retz

.            Dans un souci de régulariser le débit d'eau de l'aqueduc de Retz, plusieurs systèmes de réservoirs furent construits.

Les étangs de Retz :

.            Situés au départ dans la vallée du ru de Buzot, ils furent pendant très longtemps le seul système de régulation des eaux de Retz. Ils servaient à stocker les eaux d'hiver afin de les restituer progressivement sur le reste de l'année. Par la suite, on pava ces trois étangs afin de limiter les fuites d'eau. En 1836, on construisit un quatrième étang pour augmenter la réserve d'eau et répondre aux besoins d'une population toujours croissante.

Réservoir de la place du marché :

.          Jouxtant l’ancienne halle aux grains (au blé) -édifiée entre 1769 et 1771 et démolie en 1911 pour la construction de la poste-, afin régulariser le débit d’eau, un réservoir en bois est construit en 1798 sur le terrain de l’ancien cimetière, l’actuelle place du Marché-Neuf de Saint-Germain-en-Laye. Ce réservoir fut remplacé, en 1866, par un réservoir métallique carré de 276 m3 (12,66 m x 6,66 m x 3,43 m). Il était surélevé de 3,60 m, par des poutrelles métalliques et des piliers en pierres. Le tout était placé dans un bâtiment, en pierre de taille, accolé au marché couvert. Cet ouvrage ne fut pas inauguré, du fait des tensions au sein du conseil municipal, quant à son utilité. Il a été équipé, en 1895, d'une tourelle de surpression métallique qui s’élevait jusqu’au niveau du 3ème étage des immeubles afin de les alimenter gravitairement en eau potable.

Réservoir de la place du marché au début du 20ème siècle, avec sa tourelle de surpression.

Ce réservoir a été démoli dans les années 1920’s. A son emplacement, a été construit, en 2007, un parking public enterré au profit d'une nouvelle place du marché piétonne.

Réservoir de Montaigu :

.            En 1832, il fut décidé de construire le réservoir de Montaigu, afin de stocker les eaux surabondantes de l'hiver. On le construisit sur un terrain de 2.500 m2, qui fut acheté à M. Louis Ducastel par la commune de Chambourcy. Le bassin a une contenance de 2.500 m3 (48 m de longueur x 21 m de largeur x 2,60 m de hauteur). L'eau y arrive par une "tulipe d'eau".

Arrivée de l'eau par la "tulipe d'eau"

En 1867, le bassin sera rehaussé afin d'atteindre un volume de 3.000 m3 d'eau. Il est alors relié au réservoir de la "place du marché" par une conduite forcée en fonte de 40 cm de diamètre, posée au-dessus de la cunette, qui ne sert alors plus à rien.

Le bassin est rehaussé une seconde fois, en 1895, lorsque la tourelle de surpression est installée sur le réservoir de la" place du marché". Le bassin devait être rehaussé une troisième fois pour atteindre un volume de 12 000 m3, mais cette décision ne sera jamais adoptée par le conseil municipal. Il était également prévu de le couvrir afin d'assurer une meilleure potabilité de l'eau.

Vue actuelle du réservoir de Montaigu

.            A compter du 22 janvier 1910 l'eau du réservoir connaitra un usage supplémentaire avec l’irrigation du golf de Saint-Germain-en-Laye à raison de 90 m3/j. Une convention précise qu'en dehors des heures d'arrosage du golf, l'eau servira à alimenter, sans garantie de débit, ni de potabilité : 3 bornes fontaines en ville, une bouche d'incendie et quelques riverains.

Aujourd'hui le réservoir de Montaigu fonctionne toujours pour irriguer le golf. Le surplus d'eau du bassin s'écoule dans le ru de Buzot. La Lyonnaise des eaux vidange le bassin tous les trois ans, afin de le nettoyer. La bordure nord du bassin présente des signes de faiblesses, malgré des contreforts.

Curiosités sur le trajet

.            Outre les regards, deux curiosités méritent d'être soulignées. Tout d'abord la présence d'une grille constituée d'énormes barreaux qui ferme la galerie souterraine. Elle se situe juste sous l'aplomb de la limite du parc d'Hennemont. Cette grille servait vraisemblablement à empêcher l'accès au château d'Hennemont par la voie souterraine.

D'autre part, il existe trois petites "marches" dans la cunette, destinées à briser la vitesse du courant à un endroit où la pente est sensiblement plus forte que la moyenne.

L’eau de la Seine

.            La demande en eau continue d'augmenter avec le nombre d'habitants croissant de la ville royale. En parallèle de l’aqueduc de Retz, va se faire jour en 1836 un projet de pompe à vapeur permettant de puiser l'eau de la Seine, en complément de celle de l'aqueduc. Ce sont 3 pompes qui seront mises en place successivement au niveau du Pecq. Elles finiront par remplacer quasi totalement l'aqueduc.

Usine de pompage du puits artésien du Pecq. Pompe à vapeur construite en 1836, pour alimenter Saint-Germain et …  les rivières du Vésinet.

Des puits artésiens

.            Enfin, la mise en place progressive (1930 à 1942) de plusieurs puits artésiens, permet à la ville de se dispenser complètement de l'aqueduc de Retz.

.            Au-delà du golf, l’aqueduc sera utilisé pour irriguer les champs de Chambourcy et fournir de l'eau à l'abattoir de Saint-Germain (construit en 1855 par Joseph Nicolle, au 120 rue du Président Roosevelt ; il sera supprimé en 1953) La Lyonnaise des eaux n'entretient que très sommairement l'aqueduc dont la galerie est envahie par les racines d'arbres et effondrée par endroit. De plus, la cunette est très envasée et ensablée.

L'écoulement de l'eau en direction de St Germain sera définitivement arrêté en 1951. En 1951, un dernier évènement coupe définitivement l'aqueduc de Retz du centre-ville de Saint-Germain-en-Laye. La mise en place d'un nouveau lotissement dans le parc d'Hennemont, destiné aux officiers du SHAPE (Haut commandement en Europe de l'OTAN), va nécessiter de faire monter l'eau sur cette colline. L'eau doit y être amenée par surpression depuis le réservoir de Saint-Germain. Les ingénieurs décident alors de réutiliser l'ancienne conduite en fonte de l'aqueduc de Retz. L'eau y circule en sens inverse puisqu'elle va du centre de Saint-Germain en direction de Chambourcy.

La nappe phréatique de l’Albien

.            Déjà propriétaire d’un forage de l’Albien (Crétacé inférieur) situé sur la commune du Pecq, la ville de Saint-Germain-en-Laye a décidé de fermer ce forage et d’en réaliser un nouveau.

.           Le 6 décembre 2021, dans le cadre d’un partenariat public-privé, a été mis en service le forage réalisé, sur le territoire de la commune. L’eau, à 29°C, est pompée via un tube inox de 800 mm de diamètre (pompe immergée, avec un débit variant selon la demande de 75 à 150 m3/h), dans la nappe phréatique de l’Albien à environ 627 mètres sous terre (nappe d’eau souterraine, présente dans tout le bassin parisien de Auxerre à Vernon). L’eau, d’abord filtrée, est particulièrement pure, bien que légèrement ferrugineuse, ce qui nécessite un traitement dans une installation spécifique. Cette eau épurée étant à environ 27 °C, il faut l’abaisser à 14 °C (la température normale de l’eau du robinet). La chaleur est récupérée (16.200 MWH à partir de 2024) dans l’installation de valorisation thermique –IVT (d’une puissance de 3 MW), par circulation dans un système de deux échangeurs à plaques. Là, ces calories sont transférées dans un circuit d’eau secondaire indépendant, puis un système de 3 pompes à chaleur (PAC) remonte la température de cette eau à 75° C. Cette eau chaude est ensuite dirigée vers la chaufferie biomasse voisine pour être ajoutée à l’eau chaude injectée dans le réseau de chauffage urbain de la ville.

            En puisant jusqu’à 980.000 m3 par an, Saint-Germain maîtrise directement 30 % de la consommation de la ville. Deux en un. Voire trois ! Le forage peut alimenter des camions-citernes pour distribuer de l’eau en cas de crise, par exemple en cas de pollution de l’eau de la Seine.

Ultérieurement, il est déjà envisagé d’augmenter la capacité de ces installations en forant à nouveau, jusqu’à plus de 1.300 mètres de profondeur dans la formation géologique du Dogger (Jurassique moyen), pour collecter de l’eau à 80°C utilisable pour déployer davantage le chauffage urbain.