D’après : Saint-Germain Magazine n°34 – Martine Perrée - sep 2019 & « La forêt de Marly » de Roger Berthon. _ https://lycee-international-stgermain.com/presentation/histoire-du-lycee-international/
. La colline d’Hennemont remonte à l’histoire pluriséculaire, voire millénaire, de l’Ile-de-France. Un culte païen se trouve avant la christianisation sur ce mont, (point haut de la commune de Saint-Germain-en-Laye, à près de 200 mètres, surplombant de 60 mètres le rû du Buzot), limite entre deux tribus gauloises : les Parisii et les Carnutes, près de Fourqueux. La route gallo-romaine Lutèce-Normandie passe au nord de cette colline. Sous les Mérovingiens, aux VIIe et VIIIe siècles, le mont, qui sera christianisé, disposait d’une tour de guet, érigée pour contrôler le passage étroit de l’ancienne route de Normandie qui sépare les deux forêts, vastes et presque impénétrables de Marly (alors appelée « forêt de Cruye » -jusqu’au XVIIIe siècle-) et de Saint-Germain. Cette tour faisait en outre partie, avec les châteaux de Bethemont, de la Montjoie, de Retz et de Feucherolles, de la ligne de défense de la forêt royale de Cruye.
. Vers le milieu du XI° siècle, et probablement avant, existait sur ce site à un quart de lieue de la ville de Saint-Germain-en-Laye, sur le bord méridional de la route de Mantes, un château royal, le plus ancien de la ville. En 1182, une chapelle y est construite par le chevalier d’Hennemont, précédant la construction en 1260 d’une chapelle gothique dédiée à Saint-Thibaut de Marly.
. A la fin du XIIIe siècle, le roi Philippe le Bel désire récompenser les longs et loyaux services de Petronilla de Giriaco, d’abord attachée à sa mère Isabelle d’Aragon, puis à sa femme, Jeanne de Navarre, en qualité de gouvernante des enfants royaux. Il lui donne, par acte de mai 1289, cette demeure qui porte le nom d’Hannemont (mont d’Hannus) et plus tard d’Hennemont. Le château royal est alors presqu’entièrement ruiné. Seules subsistent les ruines de la grosse tour de guet, qui resteront visibles jusqu’au XVlll° siècle, entourée de décombres.
En 1299, Mlle Petronille de Gery forme le projet de créer une fondation religieuse en utilisant cette propriété. Philippe le Bel, par lettres patentes de mai 1299 approuve ses intentions. C’est ainsi qu’est fondé, en mars 1308, un prieuré d’une vingtaine de moines de l’ordre du Val-des-Ecoliers. Par testament, en 1324, la fondatrice confirme ses donations et en ajoute de nouvelles. Moyennant quoi, elle est enterrée dans la chapelle.
Le prieuré d’Hennemont avait le droit de nommer à la cure de Limay (près de Mantes), puis en échange à celle de Saint-Léger, voisine de ses dépendances. Le gouvernement de la chapelle royale du château de Saint-Germain lui appartint aussi pendant longtemps.
. Au début de la guerre de Cent Ans, en août 1346, le monastère est dévasté par les armées d’Edouard de Woodstock, dit le Prince Noir. Le 20 août 1377, Charles V fait un don de 100 francs-or pour réparer les dommages. Les moines prient et ont la charge de la chapelle royale du château de Poissy, puis du château de Saint-Germain-en-Laye, jusqu’au règne de Louis XIII. De nombreux moines et seigneurs y seront enterrés, comme Antoine de Buade-Frontenac, ami d’Henri IV, gouverneur de Saint-Germain-en-Laye, grand-père du comte Louis de Frontenac, un des plus célèbres français créateurs de la Nouvelle-France au Québec.
. Puis après une période de relâchement, durant laquelle les prieurs, séculiers, négligent quelque peu le petit monastère, en 1662, l’abbé de Conches-Longueil reconstruit le prieuré et redresse la situation avec cinq ou six religieux. En 1789, les biens de l’abbaye constitués par une ferme et deux ou trois maisons sont aliénés et en partie affectés à la cure de Port-Marly et d’autres (une vingtaine d’hectares) vendus comme bien nationaux à 10 propriétaires, dont au XIXe siècle : une anglaise Howatson en 1820, Charles Gosselin l’éditeur d’Honoré de Balzac, également président de la Société d’horticulture de Saint-Germain-en-Laye et Paul Baron-Larcanger qui construira le premier château, avec comprenant un jardin paysager et deux orangeries partiellement conservées mais très dénaturées.
. Dans ce lieu privilégié, sur le site du petit prieuré médiéval d’Hennemont à peu de distance de son lointain prédécesseur disparu, pour le compte du pharmacien Henri-Edmond Canone (1867-1961), inventeur de la pastille Valda, l’architecte Duchampt, en 1907, démolit le château pour en construire un nouveau. Plus grand, à l’architecture très éclectique, fait de pierres, de briques et d’ardoises, son escalier en vis à jour à noyau creux, semble inspiré de celui de Chambord, même s’il ne comporte pas de double révolution. Un vaste parc est aménagé tout autour.
. En 1928, Yeshwant Rao Holkar II (1908-1961), maharadjah de la principauté indienne d’Indore, capitale commerciale et la plus grande ville de l’État indien du Madhya Pradesh, achète le château d’Hennemont où vit son père, et l’appelle le château Holkar, dont il restera propriétaire jusqu’en 1951. Il s’y installe avec son épouse et 25 domestiques et y donne des réceptions brillantes mais parfois étranges. Lors d’une soirée, le chemin qui conduit au château est couvert de pétales de roses, et chaque dame découvre sous sa serviette de table une pierre précieuse !
. Le château et la propriété voient la venue de deux ministres en 1939. Le premier est Jean Zay, ministre de l’Education nationale, qui, à l’invitation du maire Jean Seignette, imagine un « Oxford français » à Saint-Germain-en-Laye, avec un grand projet de lycée de garçons pour tout l’Ouest parisien. Le deuxième est George Mandel, ministre des Colonies, lors de la « Drôle de Guerre », quand le château tient lieu d’hôpital des troupes coloniales. Dès la mi-1940, il est réquisitionné par l’armée allemande.
. L’unité qui organise l’occupation allemande de tout le Nord-Ouest français y rassemble plusieurs centaines de soldats et d’officiers. Le personnel français (femmes de ménage, cuisiniers, jardiniers, chauffeurs) pratique la résistance passive et informent la Résistance. Des graffiti anti-hitlériens sont écrits sur les murs de la propriété dans la nuit du 24 au 25 juillet 1942. Fin 1943, des abris anti-bombardements sont construits. Un avion américain, abattu par la DCA allemande, s’écrase le 28 mai 1944, très près du château : 6 Américains sont tués. Lors de l’attentat raté contre Hitler le 20 juillet 1944, la confusion règne dans ce château parmi les Allemands, partagés sur la tenue à suivre ; une répression s’ensuit. Enfin dans la nuit du 5 au 6 août 1944, la Gestapo, la Feldgendarmerie, des auxiliaires français y organisent l’attaque du maquis d’Orgerus à partir du château : 32 résistants dans ce maquis de l’ouest de la Seine-et-Oise sont pris et déportés, deux seulement reviennent.
. Réquisitionné par les Alliés en septembre 1944, le château devient le quartier général de l’amlral Ramsey, (l’organisateur du rembarquement à Dunkerque en juin 1940, puis second du Débarquement du 6 juin 1944), commandant des forces navales alliées, qui y organise son état-major. Le château prend le nom de « H.M.S. Liberty » du nom du vaisseau amiral le jour du Débarquement. L’amiral Ramsay meurt le 2 janvier 1945 dans un accident d’avion à Toussus-le-Noble et est enterré au pied de la colline d’Hennemont, au nouveau cimetière de Saint-Germain, en présence des généraux Eisenhower et Koenig, le 8 janvier 1945. En janvier 1945, les Américains remplacent les Britanniques.
. A la Libération, il accueille en effet des hauts responsables des forces alliées, puis connaît une nouvelle période d’abandon, de 1948 à 1951, durant laquelle il sert toutefois de décor au tournage d’un film.
. La volonté conjointe du général Eisenhower, Supreme Allied Commander Europe (SACEUR) et des autorités françaises de développer dans un même esprit une véritable communauté internationale donne naissance sur la colline d’Hennemont à une résidence pour les officiers, à une chapelle (le général, très croyant, avait toujours une bible sur son bureau, dit-on) et à une école installée dans les communs du château.
. Le principe fondateur de l’école était de combiner une éducation en français avec un enseignement dans une autre langue représentée par les différentes nations faisant partie de l’OTAN. Le 17 janvier 1952, l’école du SHAPE (sa dénomination jusqu’en 1965) accueille ses 18 premiers élèves, enfants des militaires. Ils sont déjà 400 à la rentrée 1952-1953. La majorité des élèves sont Américains, Britanniques et Français (200 de Saint-Germain), et un quart des effectifs est composé de Hollandais, de Danois, de Norvégiens, de Belges, d’ltaliens, de Turcs, de Grecs et de Canadiens. L’établissement accueillera jusqu’au départ de l’OTAN en 1965 les enfants des familles de quelques 1.500 militaires de 13 nationalités différentes ainsi que des enfants français résidant à proximité, en respectant la règle 50% d’étrangers 50% de français. À cette époque, le turnover est important, le personnel restant rarement au-delà de 2 ans aux services du SHAPE.
. Les premiers élèves sont accueillis dans deux bâtiments très modestes, constitués de dépendances du château d’Hennemont qui avaient dû être une ferme, de poulaillers, et d’une grande volière, aménagés en salles de classe. Puis des enseignements seront dispensés dans le château, sans que celui-ci s’y prête : pièces en enfilade, parfois minuscules, salles à manger au-dessus des cuisines installées au sous-sol. Une douzaine de préfabriqués, dont l’accès est difficile en hiver, chauffés à l’aide de poëles à mazout dans les premières années, accueillent une vingtaine de classes. C’est la période héroïque !
L’école est rebaptisée successivement École internationale de l’OTAN en 1954, puis Lycée international de l’OTAN en 1962. Elle sera couramment nommée Lycée du SHAPE jusqu’en 1966.
Ecole du SHAPE, 1965. Visite du commandant suprême (SACEUR) le Général Lyman Lemnitzer
. En mars 1966, avec le départ de l’OTAN pour Mons en Belgique, l’école se trouve brutalement amputée des deux tiers de ses élèves. Une nouvelle vie débute alors pour l’école primaire internationale, qui restera hébergée au château d’Hennemont jusqu’au début des années 1990. Le nouveau proviseur opère la reconversion du lycée avec un nombre d’élèves considérablement réduit en s’appuyant sur les deux sections civiles restantes allemande et néerlandaise. Le lycée attire des « expatriés économiques ». Le lycée international sera créé par un arrêté de ministre de l’Education Nationale, Christian Fouchet, le 30 mars 1967. En 1968, il comprendra six sections (allemande, néerlandaise, anglaise, américaine, danoise et italienne).
Le statut d’« établissement public à sections privées » a été créé spécifiquement pour le lycée international. Depuis, d’autres établissements ont adopté ce statut. Désormais le lycée est séparé en deux entités juridiques distinctes : l’école et le collège-lycée. Cependant, l’appellation traditionnelle « lycée international » perdure pour la totalité des structures.