Les carrières du “PC de l’OTAN”

D’après : Boreally.org / Actu 78 - Renaud Vilafranca / Diverses sources

.            Pour compléter son dispositif militaire de surface, le SHAPE décida d'installer en 1952 une base souterraine dans les 40 hectares des anciennes carrières de calcaire situées sur les territoires de Mesnil-le-Roi et Carrières-sous-Bois, sous la forêt de Saint-Germain-en-Laye. L'objectif était de réaliser un ensemble pour installer en autonomie complète, de manière sécurisée et protégée, environ 1.000 militaires. La base fut équipée d'installations radio très puissantes pour l'époque afin de pouvoir remplir son rôle de centre d'écoute et de poste de commandement des installations de surfaces.  L’OTAN installe également dans cette carrière un vaste bunker anti-atomique capable d’accueillir et isoler le haut commandement européen de l’OTAN, en cas de nécessité de déplacement et de mettre à l’abri le quartier général implanté à Louveciennes.

.            Elle restera opérationnelle durant la période de la guerre froide, entre 1952 et 1967.

.            Comme pour toutes les carrières de calcaire des boucles de la Seine, les carriers ont utilisé les voies navigables à proximité pour délivrer leur pierre tendre et leurs moellons. La pierre du Mesnil-le-Roi fût utilisée dans la construction d’immeubles à Paris, de maisons à Saint-Germain-en-Laye et dans le village même du Mesnil-le-Roi.

Lorsque l’exploitation de la pierre s’arrête en 1880, ce sont les champignonnistes qui prennent possession des lieux.

.            Ces anciennes carrières creusées au XVIIIe siècle ont été fortifiées et exploitées par l’armée allemande en 39-45. Les deux réseaux de carrières souterraines étaient reliés entre eux par un tunnel, percé en 1898 par les carriers, qui fût muré pendant l’occupation par les militaires. À la fin de la guerre, avec l’arrivée de l’OTAN à Louveciennes, qui en a fait l’une de ses bases de repli avec la construction du bunker de l’EUCOM, l’activité de culture des champignons resta limitée au réseau nord de la carrière.

Le PC de l’Otan s’articule autour d’un axe principal goudronné afin de pourvoir se déplacer avec des véhicules lourds, type chars, renforcé aux murs et plafonds par boulonnage. Il court sur 3 km de l’entrée principale au fond de la carrière où se trouve un escalier en béton armé d’une vingtaine de mètres de hauteur. De cet escalier part une galerie avec un sas de sécurité et des portes blindées pour rejoindre, dans la forêt, un bunker de surface. Ce bunker équipé d'une mitrailleuse lourde servait de poste surveillance mais également de sortie de secours.

.            Après le retrait des forces de l’OTAN, l’armée française, sans en avoir une réelle utilité, reprend les lieux. L’occupation de la carrière par les forces françaises n’a pas conduit à des changements au niveau des installations. La seule trace de leur passage est leur insigne gravée dans la roche à côté de celle de l’Otan. On apprend donc que le 2ème régiment du génie a pris possession des lieux, mais aucune archive sur le régiment ne parle de cette occupation.

.            La carrière fut abandonnée à la fin des années 90.

10 kilomètres de couloirs sous terre

.            Malgré sa lourde porte et le fait qu’il soit particulièrement risqué de s’y aventurer, l’endroit, interdit d’accès, s’est retrouvé sous les feux des projecteurs le 31 décembre 2010. Ce soir-là, Le Mesnil-le-Roi a vu déferler 3.000 teufeurs venus célébrer la Saint-Sylvestre en souterrain, dans cette ancienne base militaire implantée dans des carrières.

.            Depuis cette rave party non autorisée, on n’a plus entendu le moindre « boum boum » dans ces 10 kilomètres de couloirs lugubres. Un véritable labyrinthe coupé du monde ; pas de réseau téléphonique, pas de bruit, pas d’électricité, pas de source de lumière naturelle. On est à 25 mètres de profondeur, il fait entre 14 et 16°C pour 90 % de taux d’humidité. Et pas un animal, ni le moindre insecte à l’horizon.

Dans l’allée principale, qui mesure 968 mètres de long, débouchent de nombreux couloirs, donnant accès à des salles plus ou moins grandes, creusées dans le calcaire. La hauteur sous plafond atteint parfois plusieurs dizaines de mètres. Des puits d’aération, remplis de silex, par l’armée, pour filtrer l’air, permettent de respirer sans difficulté.

.            Le temps s’est arrêté depuis le départ des militaires. On observe des restes des fortifications allemandes, notamment sur les plafonds constellés de plots métalliques, gage de sécurité en cas de bombardements. Des canalisations serpentent toujours le long des galeries : le tuyau gris pour l’alimentation en eau courante, le rouge pour la sécurité incendie.

Les soldats pouvaient vivre ici en totale autarcie, autonomes en eau, en électricité et en chauffage. Craignant par-dessus tout une attaque chimique, l’Otan déploya un système de ventilation en surpression. Les ventilateurs ont disparu, laissant derrière eux des trous béants dans les parois. Une partie des installations servait aux transmissions. On trouve aussi d’anciens dortoirs, les restes d’un réfectoire, de vieilles citernes rouillées.

Les cinq bâtiments aménagés à l’époque sur une surface de cinq hectares sont toujours debout. Mais en partant, les Américains ont pratiqué la politique de la terre brûlée. Ils ont découpé le moindre robinet, désactivé les installations électriques. En revanche, contrairement à la légende, l’Otan n’est pas parti en abandonnant chars et jeeps. Sur Internet pourtant, on trouve des photos prises par des explorateurs urbains montrant ce type de véhicules entreposés dans la carrière., mais en réalité stockés ici par des collectionneurs.

.            Des traînées de suie laissées par les carriers, aux reliquats d’installations militaires, en passant par les cadavres de bouteilles de la rave party, les graffitis et le fil d’Ariane d’un promeneur, la balade en souterrain se transforme en voyage magique dans le temps.

L’accès se fait par un escalier métallique de 25 mètres de hauteur, puis par un autre étroit, en béton, depuis un bunker planté au beau milieu de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. La porte métallique qui sécurisait l’endroit est toujours là, rouillée et impossible à refermer. Bien que solidement cadenassée, régulièrement, des curieux à la recherche de sensations fortes s’introduisent ici, probablement en passant par des carrières voisines. Une fois à l’intérieur, on se perd facilement et il est impossible d’appeler à l’aide.

Cet escalier donne sur un bunker en forêt de Saint-Germain. (©Renaud Vilafranca)

.            La carrière a été rachetée en 2001 par un particulier, Marc Laug, qui a laissé l’endroit en l’état. Ce militaire à la retraite souhaitait y placer un serveur informatique ! Après s'être rendu compte que c'était trop humide, il loue le site à une association militaire qui y entrepose des véhicules militaires et à un maraicher qui utilise une partie de cette carrière.