Confiance dans les experts vs connaissance des faits !

Foundation for Economic Education - Patrick Carroll - 02 déc 2022

La plupart des choses que nous pensons savoir sont construites sur une longue chaîne de confiance.

.            Si quelqu’un vous demandait comment vous savez que l’Australie existe, que répondriez-vous ? Si vous n’y êtes pas allé vous-même, il peut être étonnamment difficile de répondre à cette question. Vous pourriez citer le professeur de géographie de votre école primaire qui vous a parlé du pays pour la première fois. Vous pourriez dire : « Je sais que ce pays existe parce que mon professeur me l’a dit ». Vous pouvez également mentionner un ami qui a visité le pays et qui peut témoigner de son existence. Enfin, vous pouvez signaler que vous avez consulté un atlas et confirmé que le pays figure bien sur la carte.

Bien que chacune de ces justifications puisse sembler convaincante, elles reposent toutes sur un pilier essentiel : la confiance. « Faites-moi confiance », dit votre professeur, « j’ai étudié la question ». « Fais-moi confiance », dit ton ami, « je l’ai vu de mes propres yeux ». « Faites-nous confiance », disent les éditeurs d’atlas, « nous avons consulté des experts. »

Certes, ces sources sont souvent dignes de confiance mais il est important de reconnaître que dans un sens fondamental vous choisissez de croire ce que les autres vous ont dit. Si vous ne l’avez jamais vérifié vous-même, vous ne savez pas vraiment que l’Australie existe, vous croyez simplement qu’elle existe.

Confiance et autorité

.            Cette question est importante car elle révèle à quel point on se remet à l’autorité dans notre façon de penser. Il est facile de se considérer comme incroyablement bien informé, mais pour être honnête, en réalité nous sommes incroyablement confiants. On accepte ce que « l’autorité » nous dit dans à peu près tous les domaines et avec très peu de recul.

Comme le souligne l’écrivain irlandais C.S. Lewis Lewis dans son livre Mere Chirstianity, il n’y a rien de mal à croire des choses sur la base de l’autorité :

« Ne soyez pas effrayé par le mot autorité. Croire les choses d’autorité signifie seulement les croire parce qu’elles vous ont été dites par quelqu’un que vous pensez être digne de confiance. 99 % de ce vous croyez sont des croyances d’autorité. Je crois qu’il existe un endroit appelé New York. Je ne l’ai pas vu moi-même. Je ne pourrais pas prouver par un raisonnement abstrait que cet endroit doit exister. Je le crois parce que des personnes fiables me l’ont dit. L’homme ordinaire croit d’autorité au système solaire, aux atomes, à l’évolution et à la circulation du sang – parce que les scientifiques le disent. Toutes les déclarations historiques du monde sont crues d’autorité. Aucun d’entre nous n’a vu la conquête normande ou la défaite de l’Armada. Aucun d’entre nous ne pourrait les prouver par la logique pure comme une preuve en mathématiques. Nous les croyons simplement parce que des gens qui les ont vus ont laissé des écrits qui nous en parlent : en fait, sur la foi de l’autorité. Un homme qui se moquerait de l’autorité dans d’autres domaines, comme certains le font en religion, devrait se contenter de ne rien savoir toute sa vie. »

Mais s’il n’y a rien de mal en soi à faire confiance à diverses sources (nous le faisons tout le temps et cela aide à faire son chemin dans le monde), nous avons pourtant tendance à être un peu trop confiants. Nous prenons les autorités au mot, même quand nous ne devrions probablement pas.

La lutte contre la pandémie Covid en est un bon exemple. Combien de preuves ont été nécessaires pour convaincre l’individu lambda de se faire vacciner ? Très peu, c’est embarrassant. Les gens ont également adhéré à des mesures de confinement et de port du masque simplement parce que certains « experts » ont dit que ces politiques étaient une bonne idée.

De même la transmission du coronavirus par voie manuportée ou même par voie directe, qui a justifié l’utilisation massive de gels est restée extrêmement faible, selon l’étude des 660 millions de cas de Covid-19 rapportés à ce jour de par le monde. En effet, dans la littérature scientifique tout porte à penser que la voie de transmission quasi-exclusive du coronavirus est la transmission par les aérosols contaminés de notre respiration, et c’est sans doute vrai aussi pour la plupart des virus respiratoires, comme celui de la grippe ou le virus respiratoire syncitial (VRS).

La question du changement climatique est un autre excellent exemple de la confiance aveugle que nous accordons aux autorités intellectuelles. Comme la plupart d’entre nous n’a aucune expertise en la matière, nous nous résignons à croire les experts sur parole. Mais ce n’est pas grave, nous assure-t-on, car « 97 % des climatologues sont d’accord ». Puisque nous savons qu’il y a un consensus, nous pouvons leur faire confiance, n’est-ce pas ?

Pas si vite. Il faut au préalable se demander s’il y a vraiment un consensus à 97 %. A-t-on examiné soi-même les données brutes concernant les opinions des experts ? Si non, c’est que l’on s’en remet à l’autorité ; on fait confiance à la source de ce chiffre de 97 %. Plus précisément, on fait confiance aux personnes qui ont avancé ce chiffre pour ne pas nous induire en erreur, parce que nous admettons que leur collecte et leur représentation des données sur les opinions des experts sont raisonnables, impartiales, précises et complètes.

Rappelez-vous, vous ne savez pas réellement, mais vous croyez que 97 % des climatologues sont d’accord (il se trouve que ce chiffre est plus douteux, et sans doute plus proche de 75%, que la plupart des gens ne le pensent, car l’on a tendance à regrouper dans un seul chiffre une large gamme d'opinions qui ont beaucoup de nuances). Il n’y a rien de mal à faire confiance. Mais il faut faire attention à ne pas y céder trop facilement car les choses ne sont pas toujours ce qu’elles sont censées être.

La culture de la « citation nécessaire »

.            Alors comment éviter de faire confiance trop facilement ? On pourrait adopter ce qui serait une culture de la « citation nécessaire ». Comme son nom l’indique, il s’agit de créer une culture qui exigerait habituellement des preuves, en particulier pour les idées controversées. Chaque fois que quelqu’un fait une affirmation, la réponse instinctive devrait être « citation nécessaire ».

Nous avons appris à prendre les choses au pied de la lettre, à croire le professeur sur parole. Mais il serait bon de se libérer de cette habitude réflexe. Il faudrait adopter un scepticisme sain et tout remettre en question même les sujets sur lesquels tout le monde semble d’accord.

La culture de la « citation nécessaire » consiste également à se rapprocher le plus possible de la source primaire afin de minimiser le nombre de personnes à qui il faut faire confiance. Lorsque l’on obtient des informations auprès de politiciens, la chaîne de confiance est probablement politico-journaliste-scientifique-données. Cela représente beaucoup de possibilités de déformation (intentionnelle ou non). Si possible, il est préférable de s’adresser directement au scientifique ou mieux encore aux données brutes elles-mêmes (en supposant que l’on puisse les interpréter).

.            Une autre partie de la culture de la « citation nécessaire » est l’humilité intellectuelle. Peu importe à quel point une chose semble évidente, si l’affirmation se résume à « je fais confiance à une autorité », on ne devrait probablement pas être trop dogmatique à ce sujet. Ceci est particulièrement pertinent pour les idées hétérodoxes comme les théories du complot. L’Holodomor a-t-il eu lieu ? Je pense que oui, mais je ne l’ai pas vérifié moi-même. Je fais confiance aux personnes qui l’ont subi, ou pire qui l’ont fait, tout comme je fais confiance aux géographes qui me disent que l’Australie existe.

Le problème est que les gens défendent souvent des affirmations de manière dogmatique en se basant sur le fait que « tout le monde sait » que c’est vrai, ou que « les experts sont d’accord » que c’est vrai. Mais les appels à la majorité ou à l’autorité ne passent pas dans la culture de la « citation nécessaire ». Montrez-moi les reçus et je vous croirai.

En plus de l’expression « citation nécessaire », l’autre phrase qui devrait être un refrain commun est « Je n’ai pas assez de connaissances pour avoir une opinion éclairée sur ce sujet ». Il est de loin préférable d’admettre son ignorance que de prétendre savoir quelque chose alors qu’en réalité vous l’avez juste entendu à la télévision.

.            L’économiste et philosophe Murray Rothbard l’a bien exprimé, en commentant le domaine de l’économie :

« Ce n’est pas un crime d’être ignorant en économie qui est, après tout, une discipline spécialisée et que la plupart des gens considèrent comme une science lugubre. Mais il est totalement irresponsable d’avoir une opinion affirmée et véhémente sur des sujets économiques tout en restant dans cet état d’ignorance. »

Il en va de même pour tous les autres domaines, que ce soit l’histoire, la science du climat, les maladies infectieuses ou la géographie. Faites confiance aux autorités si vous le souhaitez, mais attention à ne pas confondre confiance et connaissance.