L’Ahramat et les 31 pyramides égyptiennes
Des enfants promènent à dos d'âne près de la pyramide à degrés de Djéser à Saqqarah, en Égypte. Construite vers 2650 avant notre ère, à une époque où le Nil était suffisamment « calme » pour permettre la navigation, cette dernière est considérée comme la plus ancienne pyramide d'Égypte.
Il y a 12.000 ans, en raison de l’élévation du niveau de la mer, la Sahara se transforme en une savane hospitalière avec de grands systèmes fluviaux quant à eux impropres à l’habitat humain du fait des inondations et des marécages Commence une période, parfois qualifiée de « Nil sauvage », et 6.500 ans plus tard , les conditions climatiques changeant de nouveau, devant l’avancée du désert, l’homme s’installe dans la vallée du Nil (5500 av. J.-C.)
De cette concentration humaine sur les rives du fleuve naît la civilisation égyptienne. La capitale Memphis s’élève dès la fin du IV° millénaire. Vers 2700 av. J.-C., une époque où les différentes branches du Nil étaient devenues suffisamment calmes et utilisables pour permettre la fondation de l’Ancien Empire égyptien, même si des inondations généralisées étaient encore fréquentes, les premières pyramides voient le jour.
Pendant 10 siècles, les pharaons vont construire le plus grand ensemble de nécropoles du pays ; 31 pyramides concentrées entre Licht, située à environ 50 kilomètres au sud du Caire, et le plateau de Giseh au nord, où se trouvent les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. 20 pyramides sont érigées sous l’Ancien Empire entre 2700 et 2200 av. J.-C. (de la IIIe à la VIe dynastie), 1 durant la Première période intermédiaire entre 2200 et 2030 av. J.-C. (de la VIIe à la Xe dynastie), 7 lors du Moyen Empire entre 2030 et 1780 av. J.-C. (les XIe et XIIe dynasties) et enfin 3 pendant la Deuxième période intermédiaire avec celles de la XIIIe dynastie.
Les égyptologues savent que les Egyptiens ont utilisé une voie d’eau proche pour bâtir ces gigantesques complexes funéraires. Or, le Nil se trouve à 8 km de ces monuments. Et aucun cours d’eau à proximité. Grâce à l’imagerie satellite radar, à l’étude de cartes anciennes et aux carottages de sédiments, les chercheurs ont réussi à redonner vie à 64 km de cet ancien bras du Nil, aujourd’hui desséché, enfoui sous les terres agricoles et le sable du désert, baptisé par l’équipe Ahramat (« pyramides » en arabe). Une branche occidentale aux dimensions dignes de l’actuel Nil puisqu’elle aurait eu entre 200 et 700 m de largeur et une profondeur comprise entre 2 et 8 m.
Le niveau du Nil étant alors beaucoup plus haut qu'aujourd'hui, il possédait de multiples branches traversant la plaine inondable, dont il est difficile de retrouver la trace tant le paysage a été transformé par la construction du barrage d'Assouan dans les années 1960. La quasi-totalité de la branche d’Ahramat a désormais disparu. Elle aurait commencé à se déplacer vers l’est et à s’ensabler vers 2000 avant notre ère ; seul un petit morceau subsiste encore aujourd’hui, connu sous le nom de canal de Bahr el-Libeini, près des pyramides d’Abousir. Pourtant, cette branche du Nil mesurait autrefois près de 1 kilomètre de large par endroits, et atteignait parfois les 25 mètres de profondeur. Les pyramides se trouvaient à seulement 1 km en moyenne des rives de la branche Ahramat, bâties plus ou moins en surplomb de la plaine inondable - celles de Gizeh étant même juchées sur un plateau. Beaucoup de ces pyramides auraient possédé une passerelle surélevée menant à des temples plus bas dans la vallée, qui servaient de ports fluviaux.
L’aridification en cours depuis 5.500 ans se poursuit tout au long de la période d’édification des pyramides, entraînant des variations du cours et du débit de cette branche. Ces accidents hydrologiques se retrouvent jusque dans la hauteur et la localisation des pyramides. Les périodes basses eux induisent de plus grandes difficultés d’acheminement du matériel de construction et des matériaux et donc la nécessité de se rapprocher de l’Ahramat et de réduire la dimension des tombeaux.
Ce bras du Nil continuera à se déplacer vers l’est, tout en perdant la majeure partie de son approvisionnement en eau sous le Nouvel Empire (1550-1000 av. J.-C.), marquant ainsi la fin de l’âge des pyramides (entre les 27e et 18e siècles avant notre ère, soit une période de près de 1 000 ans).
Sources : Le Figaro Magazine – 12 sep 2024 / National Geographic - Tom Metcalfe – 21 mai 2024