Le bidonville de Champigny-sur-Marne
La France métropolitaine a connu de gigantesques bidonvilles, notamment dans les années 60. À Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), plus de 14.000 personnes s’étaient installées sur un terrain vague. La majorité était des immigrés d’origine portugaise.
Le bidonville de Champigny-sur-Marne, 1963. Paul Almasy – Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration.
En 1956, une forte communauté portugaise s'établit à Champigny, sur les hauteurs de la ville, le Plateau, dans une zone de 45 hectares gelée par l'Etat pour un projet d'autoroute et des logements qui verront le jour finalement à un autre endroit. Ce qui deviendra le plus grand bidonville de France métropolitaine, et la plaque tournante de l’immigration portugaise en France et en Europe, abritait jusqu’à 14.000 personnes dans les années 1960. On qualifiait même la ville de « seconde capitale du Portugal » à cette période.
Cette forte immigration portugaise s’explique par la dictature de Salazar (de 1933 à la révolution des Œillets du 25 avril 1974), la misère qui touchait le pays ainsi que les guerres coloniales (Mozambique et Angola). Les Portugais qui ne pouvaient pas se nourrir sur quelques mètres carrés dans le nord du Portugal et les jeunes qui étaient menacés d’aller à la guerre dans les colonies, venaient se réfugier ici. Et la France avait aussi besoin de travailleurs après la guerre pour construire des logements. Mais si on avait prévu de les faire travailler, on n’avait pas prévu de les loger ; on leur disait simplement qu’il y avait un terrain vague à côté et qu’ils se débrouillent.
Quelques maisons sont construites auxquelles viennent s'ajouter des baraquements faits de carreaux de plâtre, de bois, de parpaings, de tôles et de goudron. Commencent alors ce que certains ont appelé les Années de boue. Les conditions de vie sont extrêmement difficiles : pas d'eau, pas de sanitaires, pas d'électricité, pas de tout à l'égout, pas de ramassage des déchets.
On faisait chauffer les repas au mazout. On allait chercher la morue sur le porte-bagage du vélo. Les femmes lavaient le linge dehors à la main. A la fin du boulot, on était au bistrot avec un demi-litre de vin. Et on travaillait au noir le samedi ; les patrons avaient besoin de plombiers, de terrassiers ! C’était la misère. Il y avait souvent des bagarres, et les cartes et la pétanque occupaient le samedi et dimanche. Mais les liens de solidarité entre compatriotes, en dépit de l’insalubrité des lieux et de la précarité des conditions de vie, entretenaient un sentiment de sécurité à l’intérieur des communautés
Un jeune homme se fait couper les cheveux dans une cour.
Les années 1960 sont marquées en France par la prolifération des bidonvilles. Pendant la période des Trente Glorieuses, ceux-ci deviennent le symbole de la ségrégation spatiale des immigrés par rapport au reste de la population. S’ils ne constituent pas l’habitat principal de ceux qui s’installent pour la première fois dans le pays, les plus grands bidonvilles français de Champigny-sur-Marne, Nanterre et La Courneuve rassemblent cependant en 1966 plus de 27.000 personnes. Dans les années 70, Paris sera entouré par une centaine de bidonvilles, avec. 700.000 espagnols et 400.000 portugais.
Beaucoup de familles, en provenance principalement du Portugal, d’Espagne, mais aussi de l’Italie et de la Yougoslavie et puis progressivement d’Afrique du Nord, retrouvent là des liens de solidarité entre compatriotes, en dépit de l’insalubrité des lieux et de la précarité des conditions de vie.
A partir de 1965, le gouvernent tente de résorber l'habitat insalubre. Il aura fallu attendre les années 70 pour que, sous la pression du Premier ministre de l’époque Jacques Chaban-Delmas, les habitants soient déplacés dans des HLM et que les baraques soient détruites au bulldozer. Comme d’autres, les Portugais sont embarqués de force. Le bidonville de Champigny-sur-Marne sera vidé à partir de 1972.
D’après des chiffres du gouvernement, environ 15.200 personnes vivent encore dans des bidonvilles en France en 2024. Environ 10.100 personnes sont concernées en France hexagonale, principalement roumaines et bulgares, qui vivent dans 227 bidonvilles (de 10 personnes ou plus). Ce chiffre est en baisse par rapport à celui de fin 2023 (environ 11.200 personnes sur 239 sites). Population à laquelle il faut ajouter les extra-européens, environ 5.100 personnes qui vivent en bidonvilles sur environ 400 sites.
La politique de résorption des bidonvilles a concerné plusieurs milliers de personnes en 2023 : 1.451 personnes ont été relogées, 3.704 enfants scolarisés et 1.248 personnes ont trouvé un emploi. Entre 2019 et 2023, 81 sites ont été résorbés et plus de 6.500 personnes relogées.
D’après : Le Parisien - 21 juin 2015 / Ouestfrance - Arnaud Fischer – 31 déc 2024 www.info.gouv.fr / INA