Le drapeau, emblème universel et de tous les temps

D'après Herodote.net - Julien Colliat – 04 oct 2022 / Michel Pastoureau 08 déc 2016 / Le Figaro - Eugénie Bastié -21 jun 2023.

.           L’histoire du drapeau est longue… et chamarrée. Le bâton du chef de tribu est devenu enseigne, puis la hampe a été chargée d’un emblème… Ce sont les fameux aigles de l’armée romaine qui étaient sacrés sur les champs de bataille. C’est par la guerre que le drapeau surgit. Car il s’agit de se reconnaître dans la mêlée. On dit que la bataille de Hastings - le 14 octobre 1066 - marqua un tournant dans la signalisation des bannières et des boucliers. Les Saxons et les Normands y furent incapables de se reconnaître sous leur accoutrement guerrier. Les chevaliers prirent alors l’habitude de peindre des figures distinctives sur leur bouclier.

Grâce à son infini jeu de couleurs et de symboles, le drapeau s’est imposé comme le plus populaire moyen d’affirmer une appartenance commune. Loin d’être l’apanage des États, ce bout de tissu a conquis l’ensemble des collectivités humaines, des institutions internationales aux villes en passant par les régions, les associations ou les organisations terroristes.

Il n’empêche que sa forme et sa fonction n’ont eu de cesse d’évoluer au cours de l’Histoire. Car avant d’être arboré aux balcons ou dans les grands rassemblements, le drapeau fut d’abord l’attribut des champs de bataille. Mais c’est sur les mers, au XVIIIe siècle, qu’il prit sa forme définitive.

Une succincte vexillologie (étude des drapeaux) …

Des origines ancestrales

.            Dès la Préhistoire, les tribus de chasseurs-cueilleurs usent de divers emblèmes comme point de ralliement. Dressés au bout de longs bâtons, ils sont alors faits de peau ou de fourrure.

Il faut attendre l’invention de la soie, vers 1500 av. J.C, pour qu’apparaissent en Chine les premières bannières colorées. Durant toute l’Antiquité, les drapeaux restent cantonnés au domaine militaire. Ils servent à donner un signal ou à indiquer aux archers la vitesse et la direction du vent pour mieux cibler l’ennemi.

C’est un étendard en tissu carré ou rectangulaire, le vexillum, qui accompagne les armées romaines sur les champs de batailles. Orné d’insignes, de médailles ou de décorations, il est accroché à une barre transversale fixée sur une perche, portée par un soldat. Cette bannière visible à grande distance permet aux généraux de repérer la position des différentes unités. Elle sert surtout de point de ralliement aux soldats perdus dans le chaos des combats.

La naissance de l’héraldique

.            À partir du IXe siècle, les Vikings prennent l’habitude de brandir durant les batailles un drapeau triangulaire à bords arrondis : la bannière au corbeau. Cet étendard proto-national, peut-être le plus ancien du monde, devient un symbole de terreur, à l’instar de ce que sera plus tard le drapeau pirate.

Un premier tournant dans l’histoire des drapeaux intervient au XIIe siècle avec l’apparition des heaumes. Ces casques intégraux qui dissimulent entièrement le visage des cavaliers pose de sérieux problème aux combattants, les empêchant de distinguer l’allié de l’adversaire.

Pour être plus facilement identifiables, les chevaliers se mettent alors à arborer sur leur bouclier des couleurs et des motifs personnels (croix, animaux, fleurs…). C’est la naissance de l’héraldique. Louis VII donne l’exemple en choisissant la fleur de lys comme emblème de la monarchie française.

Lors des tournois, des chapiteaux et des tribunes sont décorés aux bannières des participants. Chaque chevalier porte au bout de sa lance un petit drapeau triangulaire à longue pointe, le pennon. Ses couleurs sont également reproduites sur le caparaçon, la housse en tissu couvrant le cheval. Mais sur les champs de bataille, il faut parfois faire appel à un héraut pour identifier les chevaliers à partir de leur blason.

Dans les familles seigneuriales, ces blasons ne tardent pas à se transmettre de génération en génération devenant des armoiries. (Dans le droit fil de cette tradition, les institutions et entreprises contemporaines ont à cœur de se doter d'un emblème que l'on n'appelle pas blason mais logo !)

Les drapeaux et les blasons ne sont pas le privilège des aristocrates. Les corporations de marchands et les guildes se dotent elles aussi d’emblèmes, de même que les villes qui y voient le moyen d’afficher leur prestige. À commencer par les ports prospères de la Baltique et de la mer du Nord, regroupés dans la Ligue hanséatique. Dès le XIIIe siècle, Hambourg adopte comme symbole un château blanc à trois tours. Il figure encore sur le drapeau de la ville.

Le phénomène gagne également les cités marchandes italiennes. La république de Venise opte pour un drapeau, original à plus d’un titre. D’abord par sa forme : il n’est pas rectangulaire mais comporte six bandes flottantes, représentant les six quartiers de Venise. Ensuite parce qu’il existe sous deux versions : en temps de paix, le lion ailé de saint Marc, symbole de la ville, pose sa patte sur une Bible, alors qu’en période de guerre, il porte une épée.

Et dans la Sérénissime, on ne badine pas avec le drapeau. Après la bataille de Lépante, huit soldats vénitiens seront exécutés pour ne pas l’avoir protégé. Il faut dire que les drapeaux militaires seront longtemps considérés comme des trophées considérables et leur prise par l’ennemi durant une bataille synonyme de défaite.

Sous Louis XIV, les étendards enlevés par les troupes du maréchal de Luxembourg, qui remporta en 1691 la première bataille de Fleurus, décoreront la cathédrale Notre-Dame de Paris lors des Te Deum de victoire, valant au maréchal le surnom de « tapissier de Notre-Dame ».

Les plus vieux drapeaux nationaux

.            Certains drapeaux nationaux remontent directement aux Moyen Âge.

Le drapeau catalan et ses huit bandes horizontales rouge et or (la « Senyera ») provient du blason des comtes de Barcelone. Il sera repris par les rois d’Aragon au XIIe siècle.

Les bandes rouge-blanc-rouge du drapeau autrichien ont pour origine le blason de la maison de Babenberg qui gouverna l’Autriche du Xe au XIIIe siècle. Selon la légende, la bannière aurait été adoptée lors du siège de Saint-Jean-d'Acre de 1191, à partir de la tunique ensanglantée du prince Léopold V, le blanc symbolisant la partie protégée par sa ceinture.

Voisin du drapeau autrichien, celui de la Lettonie remonte au XIIIe siècle. Le grenat, couleur atypique pour un drapeau, évoque les tuniques teintes de jus de mûre des guerriers lettons.

La célèbre croix suisse trouve son origine dans la bataille de Laupen de 1339, opposant les Bernois et leurs alliés confédérés aux troupes de l’empereur germanique Louis IV. Pour se reconnaître facilement sur le champ de bataille, les soldats helvètes cousent une croix blanche sur leur poitrine, leurs manches et leurs collants. Dès lors, chaque canton reprendra cette croix blanche sur sa bannière pour mieux signifier son appartenance à la nation suisse.

C’est sur un autre champ de bataille que serait né le plus vieux drapeau national, celui du Danemark. En 1219, à Lyndanisse, le roi Valdemar II mène la croisade contre les païens estoniens. Selon la légende, au moment où les Danois sont attaqués par surprise et sont mis en déroute, un étendard rouge avec une croix blanche tombe miraculeusement du ciel ! Les fuyards peuvent alors se regrouper autour de lui et mener une contre-offensive victorieuse.

Adopté officiellement dès le XVe siècle, le drapeau danois (le « Dannebrog ») et sa croix décentrée servira de modèle à tous les États scandinaves. Seules les couleurs changeront d’un drapeau à l’autre. La croix sera bleue pour la Finlande, pour évoquer les lacs du pays, rouge pour l’Islande, allusion à ses volcans. Ce drapeau caractéristique a même été repris par les îles écossaises des Shetland et des Orcades, en souvenir de leur passé viking.

Les Pays-Bas inventent le drapeau tricolore

.            C’est au Pays-Bas, au XVIe siècle, que naît le premier drapeau moderne. Les Hollandais, en lutte contre Madrid dans une interminable guerre d’indépendance, choisissent pour emblème trois bandes horizontales orange-blanc-bleu, couleurs de Guillaume d’Orange, père de la Nation. C’est le « Prinsenvlag », ou « drapeau du prince ».

Parce que la couleur orange est peu visible en mer, elle est peu à peu remplacée par du rouge, donnant naissance à un nouveau drapeau (le « Statenvlag »), adopté officiellement en 1664.

Ce drapeau néerlandais marque une rupture nette avec les étendards médiévaux, bicolores et couverts de croix et de motifs. Symboles d’indépendance nationale, ses trois couleurs rouge-blanc-bleu inspireront au siècle suivant les peuples en quête de liberté. On les retrouva d’ailleurs sur les drapeaux américains et français

Elles connaîtront également un succès inattendu en Russie. C’est Pierre le Grand qui à la suite de son séjour aux Pays-Bas décide d’adopter les mêmes couleurs pour les pavillons de ses navires en modifiant simplement l’ordre : blanc-bleu-rouge. Celles-ci deviendront au XIXe siècle les couleurs du panslavisme, ce qui explique qu’on les retrouve sur bon nombre de drapeaux d’Europe centrale et orientale.

Du pavillon au drapeau

.            Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu’apparaissent sur les navires les premiers pavillons nationaux, à l’origine des drapeaux actuels.

Les marins se servent du pavillon pour informer les autres navires de leur provenance mais aussi pour délivrer des messages importants. Pendant les batailles, baisser son pavillon signifie la reddition. En mer, les pirates hissent le pavillon noir pour inviter leur cible à se rendre sans combattre. Le fameux « Jolly Roger », avec sa tête de mort et ses deux tibias entrecroisés, ne sera utilisé que par les pirates anglais du début du XVIIIe siècle, à l’instar du célèbre Samuel Bellamy.

C’est sur les navires que naît le drapeau rouge. Hissé avant un combat, il signifie qu'il ne sera fait aucun prisonnier lors de la bataille, autrement dit, ce sera un combat à mort. Le mouvement ouvrier anglais se l’appropriera dès le XVIIIe siècle et il deviendra le symbole universel de la révolution socialiste, au point de servir de modèle aux drapeaux de l’URSS et de la Chine communiste.

Premier drapeau de l'URSS utilisé entre décembre 1922 et le 12 novembre 1923.

Avec l’essor des pavillons maritimes, la forme rectangulaire va s’imposer aux drapeaux et entraîner la disparition des étendards carrés ou terminés en pointe ainsi que des bannières triangulaires ou fourchues, comme celles alors déployées en Asie et dans le monde musulman. Le drapeau rectangulaire européen devient la norme dans le monde entier.

Une exception notable est à noter avec le drapeau suisse, de forme carrée. La raison de cette bizarrerie tient tout simplement au fait que le pays n’a pas de flotte militaire. Aussi, lorsqu’au début du XIXe siècle, la Confédération helvétique décide d’adopter un drapeau officiel, elle choisit un étendard de forme carrée, comme l’étaient les étendards militaires des cantons depuis le Moyen Âge. Le drapeau du Vatican a la même particularité car il provient d’une bannière militaire carrée, utilisée par la Garde suisse.

 

La France invente la cocarde et les bandes verticales

.           La première bannière française connue est celle du roi Louis VII partant pour la croisade de 1147 : à l’image des vêtements de sacre, elle était bleue semée de fleurs de lys d’or. C’est souvent face à l’ennemi que le symbole prend corps. Ainsi, les croisades virent l’apparition de la « croix » comme emblème des nations occidentales, tandis que les musulmans coalisés, déjà rassemblés derrière la bannière verte (le vert étant la couleur préférée de Mahomet) adoptent le croissant en opposition à la croix.

La guerre de Cent Ans est l’occasion d’exalter le symbole de la croix blanche, opposée à la croix rouge d’Angleterre. Pendant les guerres de Religion, les protestants arborèrent l’écharpe blanche en symbole alors que les catholiques suivant Charles IX portaient l’écharpe rouge des Espagnols. Les rois changent d'emblème à leur guise et nul ne se soucie de vénérer leurs couleurs. Sous François Ier, les navires français arborent par exemple un pavillon formé d’une croix blanche sur fond bleu. C’est ce même drapeau qui sera adopté par le Québec en 1948, avec en ajout quatre fleurs de lys.

Finalement, Henri III la délaissa et reprit l’écharpe blanche pour remercier les troupes d’Henri de Navarre, alors protestant, de l’avoir sauvé le 8 mai 1589 (bataille du pont de Tours, dite « de Saint-Symphorien »). Et puis, il y eut le panache blanc d’Henri IV … Pendant les guerres de religion, Henri de Navarre et ses compagnons protestants prennent l'habitude de porter une écharpe blanche, en opposition au rouge des troupes espagnoles et catholiques. Lorsqu’en Henri IV monte sur le trône de France, le blanc s’impose comme l'une des couleurs de référence de la monarchie.

Jusqu’à la fin du XVIIIe le drapeau français le plus utilisé se composera de fleurs de lys jaunes sur fond blanc. Ainsi, la France n’a pas vraiment de drapeau attitré jusqu’à la Révolution.

.            Le drapeau tricolore pour révolutionnaire qu’il fût, est en réalité une sorte de synthèse parfaite de 800 ans d’histoire française : le rouge de l’oriflamme de Saint-Denis, le bleu des Capétiens, le blanc de la croix de Saint-Michel et de la bannière de Jeanne d’Arc. Le bleu et le rouge de la garde bourgeoise de Paris, qui portait cet emblème depuis le Moyen Âge, associé au blanc de la royauté.

La cocarde bleu-blanc-rouge apparaît en juillet 1789, peu après la prise de la Bastille. Bailly, le maire de Paris, aurait tendu au roi la cocarde tricolore le 17 juillet 1789. Car dès le 14 juillet et surtout le 15, des milliers de cocardes tricolores furent portées par la foule dans toutes les couches sociales comme emblème de ralliement révolutionnaire. La cocarde a « pris » ; elle eut plus de succès que la feuille de tilleul brandie par Camille Desmoulins, dont la couleur verte rappelait celle de la maison d’Artois.

Ces trois couleurs seraient l’association des couleurs traditionnelles de Paris (le bleu et rouge) et du blanc de la monarchie. Elles sont réaffirmées, mais elles étaient en réalité déjà très populaires dans la capitale, en particulier chez les libéraux et rappelaient le drapeau des jeunes États-Unis d'Amérique.

Le bleu-blanc-rouge devient d’abord les couleurs de la garde nationale. Le 24 octobre 1790, l'Assemblée nationale décide d’adopter pour les vaisseaux de guerre et navires de commerce français un pavillon à trois bandes verticales : rouge près de la hampe, blanc au centre, bleu enfin.

Le sens vertical des couleurs s'impose afin d'éviter la confusion avec les bandes horizontales du drapeau des Pays-Bas. Assimilée à la liberté et aux Droits de l'Homme, cette disposition sera reprise tout au long du XIXe siècle par de nombreux autres mouvements nationaux. Le drapeau français sert ainsi de modèle à celui de l’Italie, de la Belgique, de l’Irlande, du Mexique, de la Roumanie ainsi qu’à ceux de nombreux pays africains après la décolonisation.

Le 15 février 1794, sur suggestion du peintre Louis David, l’ordre des couleurs du drapeau français est inversé : le bleu est désormais à la hampe.

.            Le drapeau bleu-blanc-rouge est né, mais il manquera d’être abandonné à trois reprises.

En 1814, à la Restauration, la cocarde blanche est de retour. À peine échappé de l’île d’Elbe, le premier geste de Napoléon est de restaurer les couleurs nationales qui fleurissent sur les clochers à mesure de la marche de l’Aigle. En 1824 Charles X se dit à nouveau: « fier de gouverner sous le drapeau blanc ». Mais dès la révolution de juillet 1830, les trois couleurs sont de retour, acceptées par Louis-Philippe.

Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1830, Paris, musée du Louvre.

En 1848, lorsque les républicains souhaitent le remplacer par le drapeau rouge, Lamartine s’y oppose et le drapeau tricolore est officialisé comme emblème national.

En 1873, une dernière fois, avec l’ultime restauration manquée. Henri d’Artois, le comte de Chambord, perd le trône car il refusa d’abandonner le drapeau blanc : « Je ne laisserai pas arracher de mes mains l’étendard d’Henri IV, de François Ier et de Jeanne d’Arc (…). Je l’ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe. » Ce sera celle de la monarchie.

L’Union Jack

.            Si l’Union Jack naît en 1801, sa première version apparaît deux siècles plus tôt, lors de l’avènement sur le trône d’Angleterre de Jacques Ier, également roi d’Écosse.

Pour consacrer l’union des deux couronnes, un drapeau est créé combinant la croix de saint Georges, saint-patron de l’Angleterre et la croix de saint André, saint-patron de l’Écosse. À Édimbourg, certaines voix déplorent que la croix anglaise ait été représentée par-dessus la croix écossaise et protestent devant le roi !

D’abord réservé aux pavillons des navires royaux, le drapeau britannique est adopté par la totalité de l’armée après l’Acte d’Union de l’Angleterre et de l’Écosse en 1707. Ce n’est qu’à la suite de l’Acte d’Union avec l’Irlande de 1800 qu’un nouveau drapeau est dessiné, incorporant à l’étendard britannique, la croix de saint Patrick, saint-patron de l’Irlande.

Censé symboliser l’association des quatre nations formant le Royaume-Uni, l’Union Jack ne comprend cependant pas le drapeau gallois, si bien qu’à Cardiff quelques esprits pointilleux exigent désormais que soit intégré un dragon, symbole du Pays de Galles, au centre du drapeau britannique !

Particularité unique de l’Union Jack : il figure au canton (c’est-à-dire dans le coin) d’autres drapeaux nationaux, plus précisément d’anciens dominions et colonies britanniques. S’il a disparu du drapeau canadien en 1965, il été maintenu sur ceux de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, des Fidji et de Tuvalu. Chose étonnante, il est également présent sur le drapeau d’Hawaï, le cinquantième État des États-Unis d’Amérique.

Le « Stars and Stripes » américain

.            Aux États-Unis, pays d’histoire récente sans vieilles pierres ni lignées, le drapeau concentre tous les rites d’attachement national.

Betsy Ross montrant comment elle a taillé les étoiles du drapeau américain, 1777. A gauche, assis, George Washington. Jean Leon Gerome Ferris, Library of Congress, Washington

Edward Percy Moran, The Birth of Old Glory, Library of Congress, Washington.

.            Le drapeau des États-Unis n’est pas seulement le plus célèbre drapeau du monde. Il est aussi celui qui a subi le plus de transformations. On dénombre 27 versions successives depuis son adoption officielle le 14 juin 1777, un an après la Déclaration d’indépendance.

À l’origine, il était composé de 13 étoiles et de 13 bandes rouges en référence aux 13 colonies ayant proclamé leur indépendance. Il était prévu que l’intégration de chaque nouvel État entraîne l’ajout d’étoiles mais aussi de bandes supplémentaires. Lors de la première extension de la fédération, le drapeau américain compte ainsi 15 étoiles et 15 bandes.

Conscient que l’arrivée continue de nouveaux États allait poser des difficultés pour les bandes du drapeau, le gouvernement décide en 1818 de ne conserver que 13 bandes, représentant les colonies d’origine, et d’aligner simplement le nombre d’étoiles sur celui des États. Sa mouture actuelle date de 1960, un an après qu’Hawaï soit devenu le cinquantième État.

Le rôle joué par le drapeau américain dans l’identité du pays est sans équivalent ailleurs. La bannière étoilée jouit outre-Atlantique d’un véritable culte, illustré notamment par le serment d’allégeance au drapeau dans les écoles. Une journée spéciale lui est même consacrée le 14 juin !

Des écoliers font serment d'allégeance au drapeau, 1899, Library of Congress, Washington.

Le Jour du drapeau commémoré depuis 1777. Affiche commémorant le 140e jour du drapeau le 14 juin 1917.

Mais contrairement à une légende tenace, l’outrage au drapeau n’y est pas interdit, au nom de la liberté d’expression et du premier amendement.

.            Premier pays africain reconnu par les puissances occidentales, le Liberia calquera en 1847 son drapeau sur celui des États-Unis, avec une seule étoile et onze bandes (représentant les signataires de la déclaration d’indépendance). Les États-Unis sont en effet à l’origine de la création du pays, destiné à accueillir les esclaves afro-américains affranchis.

Un instrument d’indépendance et de conquête

.            À partir du XIXe siècle, le drapeau devient le symbole national par excellence. Aujourd’hui encore, dans de nombreux pays, et notamment en France, sa dégradation publique est condamnée par la loi.

.           Le drapeau est aussi brandi par les peuples en lutte contre l’occupation et la colonisation, à l’instar des indépendantistes irlandais lors du soulèvement de Pâques 1916.

Le drapeau matérialise la conquête militaire. De juin 1940 à août 1944, c’est le drapeau du Troisième Reich qui flotte au sommet de la tour Eiffel.

L'opéra Garnier pavoisé de croix gammées en 1941, Bundesarchiv.

Dans la course aux ultimes terres vierges, le drapeau devient l’accessoire indispensable des explorateurs. Le 14 décembre 1911, lorsqu’il atteint le pôle Sud, le premier acte du norvégien Roald Amundsen est d’y planter le drapeau de son pays. Quarante-deux ans plus tard, le 29 mai 1953, ce sont quatre drapeaux qui seront arborés au sommet de l’Everest par Edmund Hillary et Tensing Norgay : celui du Royaume-Uni, du Népal, de l’Inde et de l’ONU.

Quant au drapeau américain planté sur la lune le 21 juillet 1969, il aura été conçu avec une hampe spéciale, donnant l’impression qu’il flotte alors qu’il n’y a pas d’atmosphère !

Des drapeaux riches de symbole

.            Avec l’indépendance d’une centaine de nouveaux États au XXe siècle, c’est autant de drapeaux nationaux qui voient le jour. Les couleurs adoptées renvoient le plus souvent à des symboles politiques.

Un grand nombre de pays africains choisissent le vert, le jaune et le rouge, couleurs du panafricanisme. Elles trouvent leur origine dans le drapeau éthiopien de l’empereur Ménélik II, vainqueur des Italiens, et dont le pays sera longtemps le seul État d’Afrique indépendant avec le Liberia.

Les couleurs panafricaines figurent également dans les drapeaux de plusieurs pays des Caraïbes, peuplés de descendants d’esclaves comme la Grenade, le Guyana et le Suriname.

Le rouge, le noir, le vert et le blanc se retrouvent dans les drapeaux d’une majorité de nations arabes. Ces quatre couleurs proviennent du drapeau créé en 1916 lors de la révolte arabe contre l’empire ottoman. Composé de trois bandes horizontales (noir-vert-blanc) et d’un triangle rouge, il a été conçu par Mark Sykes, le diplomate britannique.

Tout au long du XXe siècle, les révolutions et autres changements de régime ont conduit les États à modifier leur drapeau. L’actuel drapeau portugais a été créé en 1910 à la suite de la déposition de Manuel II et la proclamation de la République portugaise.

Même chose en Espagne en 1931 avec l’adoption par la Seconde République d’un drapeau tricolore à bandes horizontales où le violet fut adjoint au rouge et jaune traditionnels. Il s’agit du seul exemple d’intégration de cette couleur dans un drapeau national.

En 1977, lorsque la Libye se retire de l’éphémère Union des républiques arabes, le colonel Kadhafi choisit pour son pays un drapeau unique en son genre puisqu’il est entièrement vert, celle-ci étant la couleur traditionnelle de l’islam. Il perdurera jusqu’à la chute du régime en 2011.

En Afrique du Sud, la conception d’un nouveau drapeau a fait partie intégrante du processus de négociation entre l’ANC et le pouvoir blanc après la libération de Nelson Mandela. Adopté en 1994 à l’occasion des premières élections post-apartheid, il sera le premier drapeau à six couleurs.

Quant à son créateur, le président du bureau des armoiries sud-africaines, Fred Brownell, il entrera dans l’Histoire comme le père de trois drapeaux nationaux, ayant déjà dessiné auparavant ceux de la Namibie et du Lesotho.

Évolution et singularités

.            Tout au long du XXe siècle, la profusion de nouveaux États a donné naissance a des drapeaux de plus en plus élaborés et stylisés, rivalisant d’éléments graphiques et de symboles, difficiles à dessiner à la main. Ce sont parfois d’illustres inconnus qui en sont les concepteurs, à l’issue de concours.

Un simple étudiant invente ainsi le drapeau nigérian en 1960, un lycéen de 17 ans est à l’origine de la version à 50 étoiles du drapeau américain et c’est un employé autrichien, dessinateur à ses heures, qui met la touche finale au drapeau du Conseil de l’Europe !

Parmi les drapeaux des presque 200 États représentés à l’ONU, les deux couleurs les plus utilisées sont le rouge et le blanc. Quant à la figure la plus représentée, il s’agit de l’étoile qui apparaît sur presque un drapeau sur deux. Symbole communiste (Chine, Vietnam, Corée du Nord) ou d’unité (États-Unis), elle apparaît en outre sur de nombreux drapeaux musulmans, généralement associée au croissant, ainsi que sur celui des instances européennes, en lointaine référence à la couronne de la Vierge.

La Croix du Sud, une minuscule constellation visible dans la partie australe du globe, sert de symbole aux pays de l’hémisphère sud. On la retrouve sur les drapeaux de la Nouvelle-Zélande,

De l’Australie, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Samoa, de la province argentine de Terre de Feu et même sur le drapeau du Mercosur, le marché commun sud-américain !

L’évolution la plus notable est certainement la mise en avant sur les drapeaux de motifs de fierté nationale, tel le temple d’Angkor Vat représenté sur le drapeau du Cambodge. Dans les pays fracturés en communautés, la flore locale fait parfois office de symbole consensuel, comme le cèdre du Liban ou la feuille d’érable canadienne. De même, le drapeau bleu et jaune ukrainien fait penser à un paysage typique du pays : un champ de blé et l’horizon.

Quant aux drapeaux chypriote et kosovare, ils ont la spécificité de représenter le territoire de ces pays. Comme si celui-ci restait le seul trait d’union entre des communautés déchirées…

Les symboles choisis ne sont pas nécessairement pacifiques. Étonnamment, plusieurs États ont adopté des armes comme emblème national : des lances tribales reproduites sur le drapeau kenyan, à la kalachnikov AK-47 présente sur celui du Mozambique, en passant par la machette (Angola), le sabre (Arabie saoudite), l’épée (Sri Lanka) ou encore le trident (Barbade).

Enfin, quelques drapeaux demeurent célèbres pour leur singularité. Tel celui du Paraguay qui diffère suivant le côté. Sur l’avers figurent les armoiries du pays alors que sur le revers on peut lire la devise « Paix et Justice ».

Le Népal est le seul pays à arborer un drapeau à cinq côtés, formé de deux triangle superposés, à l’instar des anciens étendards asiatiques.

Le rapport hauteur-largeur d’un drapeau étant laissé à la liberté des États, le Qatar a opté pour une proportion inhabituelle : la largeur est 2,54 fois plus grande que la hauteur, donnant à l’étendard un aspect très allongé.

Notons enfin qu’un même drapeau peut être légalement adopté par deux pays différents. La Roumanie et le Tchad partagent ainsi le même étendard. Idem pour l’Indonésie et la principauté de Monaco.

.            « Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de m… qu’il est temps de n’en plus avoir du tout », écrivait Flaubert à George Sand en 1869. C’est peu dire que son vœu était pieux. Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant de drapeaux - 254 - pour représenter tous les pays du monde.

Le drapeau, un patrimoine

.            Derrière cette floraison de drapeaux se cache en réalité une perte de sacralité. Désormais, le drapeau est souvent moins la bannière d’un « nous » qu’une exaltation identitaire individualiste, une « marque » à exhiber. Ainsi même l’orientation sexuelle et « l’identité de genre » se déclinent en des dizaines de drapeaux parmi lequel le Rainbow Flag figure désormais comme emblème de la religiosité progressiste. Imaginé à San Francisco en 1978, le drapeau arc-en-ciel LGBT a été adopté par les homosexuels du monde entier, devenant le symbole par excellence d’une identité collective supranationale.

En France, longtemps ringardisé par les soixante-huitards, le drapeau tricolore a ressurgi comme un emblème spontané des foules à l’occasion des attentats de 2015. Il est aujourd’hui concurrencé par le drapeau européen imposé par les élites. Mais qui mourrait pour lui comme on se sacrifiait pour l’aigle impérial ou l’emblème tricolore dans les tranchées ?

.            Pourtant, en dépit de la profusion de nouveaux étendards, les peuples restent plus que jamais attachés aux drapeaux traditionnels, même des plus controversés. Comme celui des Confédérés, le « Dixie Flag », encore brandi dans certains États du sud, moins comme un emblème suprémaciste que comme un symbole régional, voire d’insoumission.

Le drapeau des Confédérés.

Même chose pour le drapeau de l’armée impériale japonaise (le « Kyokujitsuki »), variante du disque solaire nippon auquel sont ajoutés seize rayons. Abandonné après-guerre, il reste très populaire dans l’archipel et est redevenu en 1954 le pavillon officiel des forces navales, au grand dam des pays ayant subi le joug de la colonisation japonaise.

Drapeau impérial japonais.

Et lorsqu’il est consulté, le peuple n’hésite pas à mettre son veto au changement de drapeau national. En 2016, un référendum a été organisé en Nouvelle-Zélande proposant de remplacer l’Union Jack figurant au canton par la fougère argentée, symbole national. Les Néo-Zélandais choisirent à 56,6% de conserver leur drapeau.

Quelques drapeaux supranationaux célèbres

.            Fondée à Genève en 1863, la Croix-Rouge a un drapeau de forme carrée. Il s’agit tout simplement du drapeau suisse aux couleurs inversées.

.            Le drapeau olympique a été dessiné en 1913 par Pierre de Coubertin en personne. Les cinq anneaux représentent les cinq continents, les couleurs choisies (bleu, rouge, noir, jaune et vert) étant présentes sur tous les drapeaux du monde.

.            Adopté en 1947, le drapeau des Nations-Unis représente une carte du monde vue du pôle Nord, entourée de rameaux d’oliviers, symbole de paix, sur fond bleu.

.            Un autre bleu, symbole de l’océan Atlantique servira de fond au drapeau de l’OTAN, dont l’emblème est une rose des vents.

.            Le drapeau de l’Union européenne a été conçu en 1955 par l'Autrichien Arsène Heitz. Fervent catholique, celui-ci s’est inspiré de la médaille miraculeuse de la rue du Bac. La couronne de douze étoiles se réfère à la Vierge et à l'Apocalypse de saint Jean. L'artiste lui a ajouté un fond bleu qui rappelle la couleur traditionnelle du manteau de la Vierge. Pour les dirigeants chrétiens-démocrates à l'origine de la construction européenne (Konrad Adenauer, Robert Schuman, Alcide De Gasperi...), cette inspiration mariale est bienvenue.

La couleur et les étoiles seront repris quatre décennies plus tard pour le drapeau de la Bosnie-Herzégovine.

Pourquoi un drapeau français bleu-blanc-rouge ?

.            L'histoire officielle dit que le drapeau tricolore est né le 17 juillet 1989 grâce à La Fayette. Cette version de l'histoire qu'on apprenait autrefois à l'école est celle qu'a racontée La Fayette, dont on sait qu'il est un grand affabulateur qui se donne toujours le beau rôle. En France et ailleurs, du reste, on manque de travaux sérieux sur l'origine des drapeaux. La genèse des emblèmes nationaux donne lieu à beaucoup de reconstitutions et interprétations a posteriori. Mais peut-être qu'un drapeau doit s'entourer de légende et de mystère pour garder sa force symbolique. En France, à partir de 1830, on a divulgué la version de La Fayette, parce qu'elle met en valeur la dimension conciliatrice du drapeau.

Il prétendait que, le 17 juillet 1789, il avait eu l'idée de fusionner la cocarde blanche qu'arborait le roi, et celle, bleu et rouge, de la Garde nationale instituée quatre jours avant. Mais Bailly, le maire de Paris, s'est attribué la même paternité. Et d'autres témoins affirment que ce jour-là, à l'Hôtel de Ville, c'est le roi qui, dans un geste de conciliation, réunit les rubans bleus et rouges qu'on lui avait remis avec sa cocarde blanche! Or il est peu probable que, trois jours après la prise de la Bastille, Louis XVI soit venu en arborant du blanc, qui était la couleur du roi comme chef des armées: c'eût été une provocation. Autre précision: à la fin du XVIIIe, les livrées des officiers et fonctionnaires de la Ville de Paris n'étaient pas rouge et bleu mais rouge et brun.

.            La combinaison tricolore s'imposa dans les jours qui suivirent la prise de la Bastille dans des circonstances mal élucidées. En effet, les témoignages des contemporains sont nombreux mais contradictoires. Mais l'emblème révolutionnaire aurait pu être tout autre. Pour la petite histoire, le 12 juillet, suite à son discours dans les jardins du Palais-Royal, le jeune Desmoulins somma la foule de se doter d'une cocarde et d'en choisir la couleur. L'assistance opta pour le vert, symbole de liberté et d'espérance. Desmoulins arracha alors une feuille de tilleul et la fixa à son chapeau. Mais cette première cocarde révolutionnaire fut abandonnée au bout de vingt-quatre heures. Le lendemain, on s'avisa en effet que le vert était la couleur du frère de Louis XVI, le comte d'Artois, futur Charles X, prince réactionnaire et haï entre tous.

Depuis la fin des années 1770, cette combinaison de couleurs bleu-blanc-rouge était à la mode. Ceux qui adhéraient aux idées nouvelles portaient, y compris à la cour, des accessoires bleu-blanc-rouge : ceintures, écharpes, rubans, cravates. C'était les couleurs de la révolution américaine et du drapeau des jeunes États-Unis d'Amérique, aux côtés desquels la France s'était battue pour la liberté. Or le drapeau des États-Unis présente les mêmes couleurs, combinées différemment, que celui de la couronne britannique. On peut donc penser que, si le drapeau du Royaume-Uni n'avait pas été bleu-blanc-rouge, le nôtre ne l'eût peut-être pas été non plus!

.            En juillet 1789, la cocarde tricolore s'impose, mais pas encore comme emblème révolutionnaire. Les gens qui portent la cocarde marquent leur adhésion au mouvement de réformes en cours mais sont pour la plupart partisans d'une monarchie parlementaire. Et c'est seulement l'année suivante que la cocarde bleu-blanc-rouge devient un symbole national officiel. L'Assemblée constituante déclare en juin 1790 que toute atteinte à cet emblème sera punie. Et le 14 juillet 1790, jour de la Fête de la Fédération à laquelle le roi participe, le Champ-de-Mars est entièrement pavoisé de bleu-blanc-rouge.

À ce moment-là, les trois couleurs sont donc symbole d'unité nationale. Le bleu, le blanc et le rouge deviennent les trois couleurs de la nation, qui symbolisent les trois états de la société, la noblesse, le clergé et le tiers état. Le roi laisse faire, d'autant que la France jusqu'alors n'avait pas d'emblème, contrairement à d'autres pays. Mais à partir de 1792, quand la République est instituée, la cocarde tricolore devient un symbole révolutionnaire, d'autant que les contre-révolutionnaires lui opposent la cocarde blanche royale. Au point que le port de la cocarde bleu-blanc-rouge est rendu obligatoire en public sous peine de prison ou d'amende.

.            Le drapeau tricolore tel qu'on le connaît n'émerge que lentement. À cette époque, les trois couleurs sont arborées, mais leur disposition n'est pas fixe, et le drapeau est un emblème parmi d'autres. Son statut n'est pas défini comme il le sera dans la constitution des IIIe, IVe et Ve Républiques. En 1794, néanmoins, le drapeau à bandes verticales devient officiellement le pavillon de la marine. Pour ne pas créer de confusion avec le drapeau des Pays-Bas, on a renoncé aux bandes horizontales. Sous l'Empire, il flotte sur les bâtiments officiels. Mais il faut attendre 1812 pour qu'il devienne l'emblème des armées de terre au combat.

Le drapeau tricolore sera menacé par les changements de régime. Pendant la Restauration, il est délaissé. En 1830, on le brandit sur les barricades, si bien que Louis-Philippe ordonnera que la France reprenne ses couleurs nationales. Pendant la révolution de 1848, elles seront de nouveau menacées par les insurgés, qui demandent qu'on les remplace par un drapeau rouge. Lamartine, dans un beau discours devant l’Hôtel de ville de Paris le 25 février, les convainc d'y renoncer, en arguant que le drapeau tricolore a déjà fait le tour du monde, tandis que le drapeau rouge « n'a fait que le tour du Champ-de-Mars ». En effet, parce qu'il est symbole de liberté, notre drapeau avait déjà inspiré d'autres drapeaux, qui avaient calqué sa formule tricolore verticale. En 1873, il est de nouveau un enjeu symbolique fort. Une majorité de parlementaires songent à rétablir la monarchie. Mais le comte de Chambord ne veut pas du drapeau tricolore, si bien que certains de ses soutiens le lâchent.

.            Au regard des drapeaux tricolores anglais et américains, plus élaborés, la simplicité « austère » du nôtre est un symbole efficace, parce qu'il est facile à reproduire. Mais, esthétiquement, ces trois courtes bandes ne sont pas très heureuses. Sur une étoffe, en principe, on dispose toujours les rayures dans le sens de la longueur. Pensez par exemple à un pantalon rayé… Les bandes verticales de notre drapeau ont l'air tronquées, coupées.

La forme de notre drapeau ne dit rien de l'esprit français. Cela dit, des études ont montré que le drapeau nazi - noir, blanc, rouge - était propre à exciter les foules. En sport, on dit aussi qu'une équipe qui porte du rouge a un avantage sur celle qui arbore du bleu. Quant au noir des Néo-Zélandais, il est encore plus fort !

.            Dans la symbolique occidentale, le bleu est une couleur pacifique et consensuelle, comme le blanc. Quant au rouge, c'est une couleur ambivalente, signe de joie, de gloire, d'amour, de beauté, mais qui évoque aussi la violence et les flammes de l'enfer. Au service militaire, on apprenait à plier correctement le drapeau de telle sorte que n'apparaisse que la couleur bleue. Il fallait cacher le blanc, peut-être trop monarchique, et le rouge, peut-être trop révolutionnaire. Du reste, le bleu est la vraie couleur de la France. Sous l'Ancien Régime, il était déjà la couleur de la nation, alors que le blanc était celle du roi. Et, à l'étranger, le bleu demeure associé à la France. Nos sportifs qui concourent tous en bleu !.