Le temps : notions, calendriers, heures et horloges, …

.           Le temps. Le début de tout ! la Bible : « au commencement … » Le temps qui dure quand l’homme, jeune, est impatient et quand les choses se font attendre ; le temps qui va vite quand « il est bon » et trop vite quand l’homme vieillit ! Le temps qui passe …

L'observation des phénomènes périodiques du milieu où ils vivaient - comme le déplacement quotidien de l'ombre, le retour des saisons ou le cycle lunaire - ont servi de premières références aux sociétés pour organiser la vie agricole, sociale et religieuse. Le calendrier, système de repérage des dates en fonction du temps, a très tôt été inventé par les hommes pour diviser et organiser le temps sur de longues durées.

Qu’est-ce donc que le temps ?

Du calendrier à la montre

.            Le temps a d'abord été mesuré grâce à des cycles. Le plus simple étant celui du jour et de la nuit. Le plus simple ? À voir ! Car le jour et la nuit n'ont pas la même durée. Qui plus est, leur rapport varie tout au long de l'année et selon les latitudes et on sait aujourd’hui que les jours n'ont pas la même durée selon les ères géologiques.

Une manière de mesurer des phénomènes consiste à compter le nombre de jours, ou de saisons, ou de cycles astronomiques. Cette méthode peut être efficace à l'échelle humaine, mais ne l'est plus à l'échelle géologique : une année au Silurien durait 400 jours, car la rotation de la Terre diminue régulièrement.

Pourquoi 24 heures dans une journée ? Pour les astronomes babyloniens, l'année est un cercle de 360 jours, soit 6 sections de 60°. Aussi partagent-ils aussi le cercle de la journée (rotation de la Terre) en six périodes, on subdivise ensuite encore et obtient 12 puis 24. Pourquoi une année de 12 mois ? L'année était initialement découpée en fonction des lunaisons et il y a 12 lunaisons par an. Si l’année et le mois pouvaient tomber assez facilement sous le sens par l’observation de la nature, la semaine de 7 jours est restée longtemps problématique, sauf à interpréter la Genèse. Cette dernière unité de temps s'inspire donc des textes sacrés, mais aussi des phases lunaires et de la pratique des marchands assyriens. La lune a prêté son nom à Lundi, tandis que Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne ont respectivement donné Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi. Quant au septième jour, Dimanche, il était associé au Soleil avant que les premiers chrétiens ne le rebaptisent « dies dominicus », le jour consacré au Seigneur.

.            Jusqu'au milieu du XXe siècle, les mouvements astronomiques servirent de référence pour définir les unités de temps. La découverte de variations de la durée du jour a marqué la fin de l'unité de temps basée sur la rotation de la Terre. Depuis 1967, la seconde est calée sur un phénomène atomique : elle est la durée de 9.192.631.770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux de l'état fondamental de l'atome de césium 133. Depuis 1983, le mètre est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1 / 299.792.458 de seconde.

Et même si le mètre est aujourd'hui défini par le temps, il est amusant de constater qu'initialement ce fut une longueur qui permit de définir du temps. En effet, la longueur du pendule a servi à définir la seconde. Le pendule oscille de façon régulière, Galilée s'en est donc servi comme chronomètre. Huygens calcula la période de battement du pendule et montra que celui-ci dépendait de la longueur du pendule, et non de la masse qui est en mouvement, ce qui fut utilisé en horlogerie. Il fut alors établi que, pour qu'un pendule batte la seconde à Paris, il fallait un fil de 99 centimètres, c'est-à-dire presque un mètre. Une seconde, un mètre...

.            Les chinois ont utilisé des cierges qui brûlent pour se repérer ; on retrouve cette pratique dans certaines ventes aux enchères. Ils ont poussé la sophistication jusqu'à faire brûler des bâtons d'encens avec des parfums différents ; ainsi on ne lisait pas le temps, on le humait. Une approche sensorielle du temps. Les Chinois, bien qu'ils n'aient méconnu, ni les calendriers ni les horloges n'ont pas eu besoin d'élaborer de notion de temps à proprement parler. La pensée chinoise n'oppose pas le passé, le présent et le futur. La langue chinoise ne conjugue pas, elle ne lie pas le temporel et le verbal comme nous le faisons. La vie est pensée comme une succession de saisons singulières et non comme un déroulement irrémédiablement orienté.

.            Après les calendriers fondés sur les cycles lunaires, Jules César imposa un calendrier « solaire », qui repose, en fait, sur le lever et le coucher des constellations traversées par le soleil durant sa course apparente dans le ciel. Et nous employons, depuis la Renaissance, le calendrier que le pape Grégoire XIII adopta pour rectifier les décalages accumulés au fil des années avec le calendrier julien. La Révolution française a tenté de supprimer cette planification du temps instauré par l'Église au profit d'un calendrier « pratique », raisonné, basé sur une semaine de 10 jours. Mais la nature s'accorde difficilement avec la rationalité humaine et l'on est vite revenu au bon vieux calendrier grégorien.

.            Le temps n'existe pas en soi, il nous apparaît grâce à des enregistrements ; il est appréhendé grâce à des repères. Le sablier en est la représentation la plus commune et la plus pertinente : il est du temps matérialisé dans l'espace. Divers instruments ont mesuré l'écoulement du temps : clepsydre, cadran solaire, sabliers, horloges puis montres.  Le temps de l'horloge, qui rythme inéluctablement nos jours, a construit le temps social.

Affrontement des temps

.            Quelle est la dimension du temps ?  Il n'y a que deux types de temps possibles : linéaire et cyclique.

.            Le paradoxe du temps qui, depuis Einstein, est devenu relatif, a inspiré de nombreux artistes. Citons les « Montres molles » de Salvador Dalí. Évoquons aussi la mythique Pénélope qui, défaisant la nuit l'ouvrage qu'elle construit le jour, tente de repousser le temps. Chronos, le dieu grec du temps, mangeant ses propres enfants, symbolise bien la paradoxale autodestruction du temps, comme les secondes qui s'éteignent dès qu'elles sont passées.

C'est peut-être ce paradoxe, mêlé d'une angoisse de mort, qui conduit l'Homme à tenter de maîtriser le temps, le temps humain, le temps de la Terre et de l'espace, et à se positionner devant un infini.

Le temps est généralement simple et compréhensible quand il est court, il devient plus flou et plus difficile d'accès quand il est long. Il est alors nécessaire de disposer de repères.

Le temps a-t-il une valeur absolue ?

.            L’homme a conscience de n'appartenir qu'à un temps court, le temps terrestre. Pourtant le mouvement lent des étoiles dans le ciel nous enseigne un temps long, astronomique. Longtemps se heurtés les tenants de la durée « courte » et ceux de la durée « longue ».

Dans la mythologie indoue, bien avant notre ère, le concept de temps long semble accepté. Hérodote (env. 484-425 avant J.-C.) évoquait des phénomènes qui puissent s'étendre sur 20.000 ans pour expliquer certains aspects de la sédimentation du Nil. Mais la pensée gréco-romaine, en matière de durée des temps géologiques, va péricliter au Moyen Âge, relayée par les enseignements bibliques des pères de l'Église. Dans notre monde occidental, empreint d'une culture chrétienne, le monde a été créé par Dieu : il y a donc un commencement et le temps est orienté, vectoriel.

Mais comment appréhender l’âge de la Terre ?

.            La Bible donne des informations qui ont été exploitées pour évaluer l'âge de la Terre. En sommant les âges des patriarches décrits dans la Bible, certaines écoles ont cherché à calculer l'âge de la Création. La plus célèbre proposition est celle de l'archevêque Ussher, qui, en 1654, avait calculé que la Terre avait été créée le 22 octobre, en 4004 avant notre ère en remontant jusqu'à Adam et Eve. Calcul repris et affiné quelques années plus tard à Cambridge par le Dr. John Lightfoot, qui écrivit : « Heaven and Earth,… were created by the Trinity on the 26th of October 4004 B.C. at 9 o'clock in the morning » !

Cet âge fut admis comme une vérité : Shakespeare, dans la pièce As you like it fait dire à Rosalin « this poor world is almost six thousand years old ». Cet âge fait sourire aujourd'hui, et pourtant... C'était là le résultat de données réputées très solides, celles de la Bible, le livre de la Vérité par excellence dans nos civilisations, qui avaient été traitées selon des méthodes mathématiques très élaborées. Le résultat ne pouvait être que solide ! Ne trouve-t-on pas, même de nos jours, des déclarations très doctes, issues de calculs effectués par des gens très crédibles sur des machines très élaborées et qui ont, pour ces seules raisons, force de vérité ?

.            Mais à partir de Galilée, un des objectifs de la science en marche, a été de substituer à l'histoire biblique de la Terre une histoire fondée sur la mesure des objets naturels reliques des temps passés.

          À la fin du XVIIsiècle, l'affirmation d'immenses durées (par millions d'années) a parfois un caractère volontairement subversif, qu'il relève ou non d'une approche scientifique. L'affirmation va se transformer en démonstration au XVIIIe siècle. Se basant sur les considérations météorologiques et géologiques, Jean-Étienne Guettard avait ainsi calculé en 1779 que les vallées de la région d'Étampes avaient plus de dix mille ans. Bien plus que les 6.000 ans admis alors pour l'âge de la Terre. Profondément religieux, Guettard en déduisit que sa méthode n'était pas fiable. Outre-Manche, l'abbé Needham était parvenu à la même conclusion en 1769 et avait reculé également devant cet abîme temporel. La science est faite par des hommes, elle est donc soumise aux pressions culturelles et sociales de leur époque.

Mais d'autres persévèrent. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, applique le même principe dans ses terres de Bourgogne. Il trouve alors que les vallées ont beaucoup plus de 10.000 ans, et qu'a fortiori la Terre est encore bien plus âgée. Quelques décennies auparavant, H. Gautier avait déduit le temps nécessaire pour éroder les continents (1721). On notera d'abord qu'il était précurseur en ce domaine. On relèvera ensuite qu'il avait proposé un âge de 35.000 ans. Et pourtant, si on reprend les données livrées par Gautier, on ne peut pas trouver moins de quelques millions d'années. Cette étrangeté peut s'expliquer de deux façons : soit il ne savait pas compter, ce qui peut paraître surprenant pour un ingénieur des mines, soit il a volontairement affiché un résultat faux qui lui permettait de proposer sa méthode sans risquer l'ire des institutions pour lesquelles il était établi que le Terre avait 6.000 ans.

En suivant une méthode proche de celle de Gautier, l'abbé Palassou (1784) était arrivé à dire qu'il faut au moins un million d'années pour éroder les Pyrénées. L'abbé Soulavie (1784), à partir de l'étude de l'altération, estime qu'il faut plus de six millions d'années pour araser une seule coulée de lave. Cuvier, en 1812, parle également de « milliers de siècles » pour caractériser la durée des créations successives.

.            L’évidence grandissante de longues durées géologiques traduit finalement un mouvement collectif de la pensée. Une estimation de la durée des temps géologiques est tentée par l'astronome Halley, en 1715, sur la base de calculs fondés sur l'accroissement inexorable de la salinité de l’eau de mer depuis la condensation de l'« océan primitif ». Ses travaux sont repris par Joly en 1899 qui aboutit à un âge de 90 millions d'années.

.            Pour résumer, jusque vers 1750, seuls quelques « mal-pensants » isolés affirment les longues durées.

Buffon et la première approche expérimentale de la mesure du temps

.            Intrigué par le résultat fourni par ces comptage « géologiques », Buffon veut le tester en partant de l'observation des mineurs : la température augmente lorsque l'on s'enfonce dans les entrailles de la Terre. Il en tire une hypothèse de travail : c'est parce que la Terre originelle était une sphère de matière en fusion.

.            Buffon se tourne alors vers la physique, et partant d'une publication de Newton sur la propagation de la chaleur, il définit un protocole expérimental rigoureux. Il fait forger des boulets de fer, dans ses forges de Montbard en Bourgogne, dont le diamètre varie. Il les fait ensuite chauffer à la limite de leur point de fusion et mesure la durée de leur refroidissement. Les mesures obtenues montrent une corrélation positive entre diamètre des boulets et durée de refroidissement, ce dont Buffon tire une régression graphique qui lui permet d'extrapoler la durée de refroidissement d'un boulet dont la taille serait celle de la Terre.

Dans une première publication, « Les époques de la Nature », en 1779, Buffon annonce ainsi que la Terre doit avoir 25.000 ans, un âge bien plus important que celui admis alors par l'Église. La hardiesse de la pensée de Buffon, pour l'époque, confine à la témérité et l’éloigne de Paris. Après quelque temps et quelques lettres d'excuses aux instances ecclésiastiques, il continue ses travaux et publie successivement 50.000 puis 75.000 ans, des estimations qui forcent encore le jugement de l’Eglise et des scientifiques craintifs de celle-ci.

.            En réalité, les carnets de Buffon révèlent que ses expériences donnent à la Terre plus de 10 millions d'années. Buffon n'a jamais publié ce chiffre, est-ce encore la pression sociale et morale qui l'a contraint à cette « discrétion » ? Mais sa conviction était intacte et les résultats de son étude transparaissent à la fin de son livre.

Les expériences de Buffon ont un retentissement important sur la pensée de son époque : c'est tout à la fois la réémergence et la démonstration de la notion de longue durée des temps géologiques. Certains de ses contemporains le soutiennent, d'autres s'opposent à lui. Buffon bénéficiait de soutiens tel celui de Jean-Baptiste Lamarck et avec lui le temps long fait également irruption en biologie. C'est un progrès fondamental, qui ouvre la porte à la théorie de l’évolution des espèces.

Les idées de Buffon seront également reprises en Angleterre par Charles Lyell (1830) : « Si on est convaincu de l'immense durée des temps géologiques, les catastrophes deviennent superflues et tout peut s'exprimer par une évolution lente : évolution et non révolution. » La reconnaissance d'un temps long n'invalide pas pour autant les catastrophes, notamment environnementales, en tant que facteur de changement global.

L’avènement de la physique qui comble le vide méthodologique

.            Buffon fait figure de pionnier pour avoir contribué à développer le concept de temps long et la notion de la durée en histoire naturelle : « Le grand ouvrier de la nature c'est le temps, par degrés, par nuances, par succession, il fait tout. »

L'utilisation des fossiles, eu égard aux théories de l'époque sur l'évolution des êtres vivants, ne va pas sans poser d'importantes et lancinantes interrogations sur le temps nécessaire à cette évolution et, partant, sur la durée des époques distinguées à partir des fossiles. Darwin (1859) va s'y essayer dans L'origine des espèces et propose l'écoulement du temps de l'ordre de 300 millions d'années depuis la fin du Secondaire, un ordre de grandeur correct. Cependant, quelques années avant la fin du XIXe siècle, l'âge de la Terre reste encore très indéterminé. Les propositions vont de quelques millions à des centaines de millions d'années.

Déjà, en 1820, dans une approche comparable à celle de Buffon, mais uniquement fondée sur le calcul, Fourier avait abouti lui aussi à un âge de plusieurs dizaines de millions d'années.

Lord Kelvin propose en 1864 un âge de 98 millions d'années dans une fourchette comprise entre 20 et 400 Ma. Après beaucoup de révisions il se prononcera en faveur d'un âge de 24 millions d'années. Mais Kelvin, en tant que physicien, combat farouchement les principes formulés par Charles Lyell et tout particulièrement la notion de temps très long. En effet, au nom du principe de la conservation de l'énergie et compte tenu de l'existence aisément vérifiable du gradient géothermique, le Terre perd de la chaleur. Or l'énergie d'un système est finie.

Le saut qualitatif et quantitatif dans la nuit des temps se produit après la découverte de la radioactivité par Becquerel, en 1896. Rutherford montre que la désintégration radioactive est calculable en fonction du temps, ce qui en fait une horloge potentielle. Avec lui, Holmes établit une échelle chronologique absolue. On estime alors l'âge de la Terre à au moins 3 milliards d'années. C'est le début du XXe siècle. L’horloge atomique apparaît. On s'aperçoit au passage que Lyell avait raison et que Kelvin avait tort.

L’origine de notre Planète, remonte à 4,6 milliards d'années. Les premières traces de vie attestées datent de 3,5 milliards d'années, mais les plus anciennes coquilles connues datent du Cambrien : 550 millions d'années. Le monde fossilifère représente donc 12 % seulement de l'histoire de notre globe. Il convient alors de ne pas confondre l'histoire de la Terre et celle que l'on obtient à partir des fossiles. Pour prendre encore du recul, noter que le Big Bang qui engendra l'univers connu s'est produit il y a probablement 13,8 milliards d'années et que le soleil s’éteindra dans moins de 5 milliards d'années.

Aux origines de la mesure du temps

.            La communauté chinoise célèbre le nouvel an 4718, l’année du Bœuf (buffle), le 12 février 2021. Le calendrier chinois est l'un de ceux, avec le juif, l’orthodoxe, le musulman, le japonais, …, qui continuent d'exister malgré la prééminence du calendrier grégorien, devenu universel. Le calendrier que nous utilisons quotidiennement est le fruit de siècles de réflexion et d'évolution. Entre les premières tentatives de mesurer le temps et aujourd'hui, les humains ont imaginé de nombreuses façons de bâtir un calendrier : basé sur le rythme des saisons, de la Lune, du Soleil... Utilitaire pour repérer les fêtes religieuses ou les cycles de l'agriculture.

Les progrès en astronomie à la base du calendrier.

.            Les grands progrès de l’astronomie datent de 2000 ans avant Jésus-Christ. Pendant la Préhistoire et les débuts de l'Histoire, les hommes vivaient dehors essentiellement et regardaient les mouvements du Soleil, de la Lune, des étoiles... Avec ces observations simples mais répétées, ils avaient depuis longtemps compris, à peu près, le fonctionnement du Soleil.

Il y a 4.000 ans, les Égyptiens savaient que l'année durait environ 365,25 jours. La clef du succès était la durée d'observation ; ils avaient le temps, ils le prenaient. Avec un cadran solaire, on savait que l'ombre créée par le Soleil revenait au même endroit au bout d'un an mais ça n'était pas très précis.

Scènes peintes de couleurs vives et inscriptions hiéroglyphiques relatives à l'astronomie, l'astrologie, la cosmologie et le zodiaque sur un plafond du temple d'Hathor, à Dendérah, en Egypte. Epoque gréco romaine. Crédits : Werner Forman / Universal Images Group – Getty

Pythéas, en 400 avant J.-C. à Marseille, avait très bien saisi le mouvement du Soleil et avait mesuré la latitude de Marseille. On dispose de tablettes d'argile qui datent de 5000 ans où l'on trouve la définition du zodiaque, la division du cercle en 360 degrés ... Donc déjà beaucoup de choses. A l’époque de Jules César, l'astronomie était donc déjà bien connue, les cycles du Soleil et de la Lune à peu près bien compris.

Le cycle de la Lune plus simple à mesurer a été utilisé pour les premiers calendriers.

.            Le cycle de la Lune est évident : on voit très bien à quel moment la Lune est pleine, à peu de choses près. Par contre, ce cycle est variable : deux lunaisons successives n'ont pas la même durée. Tout ceci a mené à tous les errements des calendriers lunaires qui, par ailleurs, sont inutilisables pour l'agriculture. La religion pouvait fonctionner dans le cadre d'un calendrier lunaire mais pas l'agriculture, basée sur l'évolution des saisons, qui est liée au Soleil.

Dans un premier temps, on a essayé de recaler l'année en ajoutant un treizième mois mais le résultat n'était pas très probant. En comptant douze lunaisons, on arrivait à une année d'environ 354 jours, soit 11 de moins par rapport à une année réelle. Au bout de trois années lunaires, on pouvait donc ajouter un mois supplémentaire pour combler à peu près... Mais l'ajout de ce 13e mois se faisait quand le besoin s'en faisant sentir, de façon non prédictible. On n'a rarement la trace de ces ajouts et donc on ne peut pas utiliser les chronologies anciennes de ces civilisations.

La date de notre premier calendrier.

.            Tout dépend de ce qu'on appelle calendrier. S'il s'agit d'un objet qui prévoit la durée de l'année avant qu'elle ne se produise, stable et prévisible, alors on pense au calendrier julien. L'abri Blanchard en Dordogne recèle une notion plus vague avec un os gravé avec des points et des petits croissants qu'on interprète cependant comme un calendrier lunaire. Cet objet date de 35.000 ans. Dans la Préhistoire, les Hommes faisaient déjà des recherches sur le mouvement de la Lune ... On a trouvé beaucoup d'autres traces un peu partout, mais qui ne sont pas toujours faciles à interpréter.

            Si dans les temps anciens, on comptait généralement les années à partir de l'année d'intronisation du souverain régnant (un système qui prévaut encore au Japon), l'origine de notre calendrier a été fixée par le moine scythe (Roumanie et Bulgarie actuelles) Denys le Petit, réfugié à Rome, qui a vécu au Ve et VIe siècle de notre ère. Cet « écrivain ecclésiastique », avait essayé de déterminer la date de naissance de Jésus. Et la fixa de manière assez arbitraire au 25 décembre 753 AUC (Ab Urbe Condita, "à partir de la fondation de la ville" de Rome, la référence utilisée par les Romains). Partant de là, il pensait être en 535 après cette date, mais il a choisi 532 à la place car ce chiffre était le produit de trois cycles très importants dans le calendrier (4 pour les années bissextiles, 7 pour la semaine et 19 pour suivre la Lune afin de fixer la date de Pâques (cycle de Méton qui ramène les mêmes phases au bout de 19 ans). C'est ainsi que l'ère chrétienne a été fixée : 532 ans avant les travaux de Denys le Petit, et correspondant à la date supposée de la naissance du Christ. Ses travaux sont à la base du calendrier que nous suivons actuellement, adopté chez nous à l’époque de Pépin le Bref et de Charlemagne. Cette date choisie par lui est le point de départ « d’après lequel les modernes supputent soit avant, soit après ».

À partir du VIIe siècle, l'Église organisa l'année liturgique autour des grandes fêtes christiques (Noël, Pâques, Ascension, Pentecôte) ainsi que des fêtes mariales (Annonciation et Assomption) et sanctorales (la Saint-Jean, 24 juin).

On parla dès lors d'« ère chrétienne » ; « ère vulgaire », « ère de l’incarnation », voire « ére de la liberté » (calendrier révolutionnaire), autant d’appellations tombées en désuétude. On parle aujourd’hui d’« ère commune » (abrégée par son sigle EC) ou d’« avant l'ère commune » (AEC), locutions destinées à supprimer la référence à Jésus-Christ (socialement correct exige !)

L’an 0 ?

             Selon le calendrier de Bède le Vénérable (~ 672-673 /, le premier siècle de notre ère a commencé le 1er janvier de l'An I et fini le 31 décembre de l'An 100.

Les siècles suivants débutent le 1er janvier du millésime 1. Ainsi, le Xe siècle débute le 1er janvier 901. Le XIe siècle débute, de même que le IIe millénaire, le 1er janvier 1001. Ainsi la troisième décennie du XXIe siècle a débuté en 2021. Quant au troisième millénaire, il a débuté le 1er janvier de l'An 2001 et se terminera le 31 décembre de l'An 3000 (si Dieu nous prête vie !).

Le 31 décembre de l'An 1 avant Jésus-Christ a été suivi du 1er janvier de l'An 1 après Jésus-Christ. Comme on peut le voir, il n'y a pas d'année zéro dans ce calendrier pour la simple et bonne raison que le zéro était encore inconnu en Occident du temps de Bède le Vénérable.

            Cet oubli ne gêne en aucune façon les historiens. Mais il en va différemment des... astronomes qui ont besoin d'additionner et soustraire des périodes, et donc du zéro, surtout quand interviennent des nombres négatifs.

C'est pourquoi les astronomes ont choisi de numéroter les années av. J.-C. par 0, -1... en introduisant l'équivalence : An 0 de l'astronomie = An 1 av. J.-C. de l'Histoire ; An -1 de l'astronomie = An 2 av. J.-C. ; ...

Les géologues et les préhistoriens, qui n'en sont pas à quelques centaines d'années près, notent les années à partir de 1950 (introduction de la datation au carbone 14). Par exemple, Lascaux, 18 000 BP (de l'anglais Before Present, Avant le Présent).

Les calendriers

.            Très tôt, pour maintenir les fêtes et cérémonies religieuses aux mêmes époques, l’homme se trouva confronté au problème de concilier et d’accorder les périodes du jour, du mois lunaire et de l’année solaire. Ces deux périodes, la lunaison et l’année tropique (retour des saisons) donnèrent naissance aux trois types de calendrier astronomique classique qui s’y rattachent. : les calendriers solaires (les calendriers julien et grégorien), les calendriers lunaires (le calendrier musulman) et les calendriers lunisolaires (le calendrier israélite).

Calendrier hébraïque de l'année 5591 (1831 dans le calendrier grégorien).

 Les différentes approches pour la construction des calendriers

Les calendriers d’observations

.            Ces calendriers sont construits au jour le jour. Les débuts du mois lunaire ou de l’année solaire sont déterminés par l’observation directe des phénomènes servant à définir le mois (pleine Lune ou nouvelle Lune) ou l’année (passage du Soleil dans la direction d’un équinoxe ou d’un solstice). Ces calendriers sont par nature des calendriers locaux et souffrent des imprécisions liées à l’observation. De plus ne pouvant prédire les phénomènes ils ne permettent pas de se projeter dans le futur. C’est le cas par exemple du calendrier musulman religieux qui est un calendrier lunaire basé sur la visibilité et l’observation du premier croissant de Lune.

Les calendriers perpétuels

.            Ces calendriers sont construits à l’aide de relations arithmétiques plus ou moins complexes utilisant les valeurs moyennes de la lunaison (mois lunaire) ou de l’année tropique (année solaire). Ces calendriers ne sont jamais en accord parfait avec l’observation des phénomènes vrais, mais suivent avec une bonne précision et sur de longues périodes de temps la lunaison moyenne et l’année tropique moyenne. Ces calendriers ne sont pas des calendriers locaux et ils permettent de se projeter dans le futur sur des périodes de temps relativement longues sans dérives importantes par rapport aux phénomènes. Depuis l’antiquité, la plupart des calendriers occidentaux sont de ce type. C’est le cas des calendriers lunaires grecs, des calendriers solaires romains (calendrier julien, puis grégorien) et du calendrier lunisolaire juif.

Les calendriers astronomiques

.            Ces calendriers sont construits à l’aide des théories mathématiques des mouvements de la Lune et du Soleil. Ils utilisent la prédiction des durées exactes de la lunaison vraie et de l’année tropique vraie. Ce sont des calendriers locaux, calculés pour des lieux particuliers. Ils sont théoriquement les plus précis, mais souffrent de la complexité et la diversité des théories. Certains de ces calendriers utilisent les mouvements sidéraux de la Lune et du Soleil à la place de la lunaison et de l’année tropique. Les calendriers religieux orientaux, indien et chinois, sont de ce type.

Précision et valeurs de l’année tropique

.            La valeur de l’année tropique moyenne varie très lentement au cours du temps. Dans le futur, l’évolution des écarts entre le Temps terrestre et le Temps universel étant difficilement estimable sur de longue période de temps, il est tout à fait illusoire de vouloir construire un calendrier tenant compte de l’évolution de ces écarts.

Les calendriers romains

.            Notre calendrier est issu d’un calendrier plus ancien le calendrier julien, instauré par Jules César. Pour bien comprendre sa structure et ses origines il convient de retracer rapidement l’histoire des calendriers romains.

.            Les Romains ont utilisé plusieurs origines pour compter les années. L’ère de la fondation de Rome (AUC : Ab Urbe Condita), créée par Varron, se basait sur la légende de la fondation de Rome par Romulus et Rémus et débutait le 21 avril 753 av.J.C. dans la 3e année de la 6e Olympiade (L’ère des Olympiades a été introduite par l’historien Timée (IIIe siècle av.J.C.) à partir d’une liste des vainqueurs des Jeux Olympiques).

Les Romains, à l’origine, ont utilisé un calendrier lunaire de 10 mois, ayant alternativement 30 et 29 jours. L’année comportait donc 295 jours. À ce calendrier va succéder, un calendrier de 304 jours portant le nom de calendrier de Romulus, personnage légendaire fondateur de Rome, fils de Mars et de la déesse Rhéa. Les quatre mois de 31 jours étaient appelés mois pleins (plenimenses) et les mois de 30 jours étaient appelés mois caves (cavimenses). L’existence de ce calendrier, tout comme Romulus, est vraisemblablement une légende, en effet ce calendrier ne suivait ni la Lune ni le Soleil et présentait donc peu d’intérêt.

Il est plus vraisemblable que l’on soit passé directement du calendrier lunaire de 10 mois au calendrier solaire de 12 mois, connu sous le nom de calendrier de Numa (Numa Pompilius, ~715 / ~672 av.J.C.) ou de Tarquin (Tarquin l’Ancien, 5e roi de Rome, mort vers 578 av.J.C.). Les mois comportaient 29 et 31 jours, les nombres pairs étant considérés comme néfastes.

En 450 av.J.C. le décemvir (collège de 10 magistrats (décemvirat) avec des rôles législatifs, juridiques, religieux et administratifs) déplaça le mois de Februarus après le mois de Januarus. L’année était de 355 jours et il manquait 10 jours pour avoir une année solaire de 365 jours. Pour remédier à ce problème les romains intercalèrent un mois supplémentaire tous les deux ans.

Le mois supplémentaire, appelé Mercedonius (mois où l’on payait les mercenaires), comportait 22 ou 23 jours et était placé entre le 23 et le 24 Februarus ou entre le 24 et le 25 Februarus. Dans ce cas le 23 ou le 24 Februarus devenait le dernier jour du mois (fêtes de Regifugium le 23 et de Terminalia le 24), le mois intercalaire commençait le lendemain, et on y ajoutait les 5 ou 4 derniers jours du mois de Februarus. On avait donc sur une période de quatre ans : une année de 355 jours, puis une année de 377 jours (355 - 5 + 27), puis de nouveau une année de 355 jours et enfin une année de 378 jours (355 - 4 + 27). Soit un total de 1.465 jours. Ce système n’était pas exact, il présentait un excès de quatre jours par rapport au retour des saisons. On envisagea alors, sur une période de 24 ans, une répartition complexe des années comportant un mois supplémentaire. Ce cycle de 24 ans porte le nom de cycle Mercédonien.

.            Au cours de ce cycle, on remplaçait un mois Mercedonius de 23 jours par un mois de 22 jours et on supprimait le dernier mois de 23 jours. On obtenait ainsi une longueur moyenne de l’année de 365,25 jours, valeur proche de la révolution tropique moyenne.

Ce cycle trop complexe n’a jamais été correctement appliqué. Le législateur confia aux pontifes (pontifex maximus) le soin de décider l’intercalation et la longueur du mois supplémentaire. Les pontifes, notamment après l’adoption de la loi acilienne de 563 AUC (191 av.J.C.) rétablissant leur toute puissance, utilisèrent cette prérogative pour raccourcir ou prolonger les magistratures. Il s’ensuivit un décalage de plus en plus grand entre le calendrier et les saisons.

Au moment de la réforme du calendrier par Jules César, en l’an 708 AUC (46 av.J.C.), l’écart entre le calendrier et les saisons était de - 90 jours.

La structure du mois romain

.            Le mois romain ne comportait pas de semaines, mais un système de 8 lettres, les lettres nondinales, allant de A à H, permettant de repérer la succession des jours dans le mois.

Au début de chaque année un responsable choisissait une lettre nondinale correspondant au jour du marché. Le mois était divisé en trois parties inégales séparées par trois fêtes : les calendes (calendae) le premier jour du mois, les nones (nonae) le 5e ou le 7e jour (suivant le mois) et les ides (idus) 8 jours plus tard (le 13e ou 15e jour du mois). Le décompte des jours se faisait dans le sens rétrograde, d’après leur distance à ces trois fêtes, et cela d’une manière inclusive en comptant le jour de départ et le jour d’arrivée. Ainsi le jour de la fête portait le numéro 1, le jour précédent s’appelait la veille (pridie), mais l’avant-veille se désignait par le troisième jour avant la fête (ante diem III). L’expression ante diem était placée devant le numéro d’ordre du jour, d’où l’abréviation ad3 figurant dans les calendriers.

La lettre nondinale était suivie d’une lettre ou d’une série de lettres indiquant le type du jour. On trouve les abréviations suivantes : F, pour les jours fastes (dies fasti), où l’on pouvait rendre justice ; N pour les jours néfastes (dies nefasti), où l’on ne pouvait pas rendre justice ; EN pour les jours entrecoupés (dies intercisi) dont une partie était faste et l’autre néfaste. Lorsque la première moitié était néfaste et la seconde faste (ou réciproquement) les abréviations deviennent NF et FP (nefastus primo et fastus primo). La lettre C désigne les jours de comices (dies comitiales) pendant lesquels le peuple pouvait se réunir pour s’occuper des affaires publiques et voter.

La réforme julienne

.            En l’an 708 de la fondation de Rome (AUC), la réforme du calendrier par Jules César (d'où son nom) remplaça le calendrier romain républicain. Elle consistait à rattraper le retard pris par l’ancien calendrier par rapport aux saisons, puis à modifier la structure du calendrier de manière à supprimer sa dérive par rapport à l’année tropique moyenne.

Pour réaliser cette réforme, Jules César a suivi les conseils d’un astronome grec d’Alexandrie, Sosigène. La réforme repose sur l'hypothèse que l'année tropique comporte exactement 365,25 jours. Pourtant Hipparque, le plus grand astronome de l'Antiquité, avait reconnu, cent ans plus tôt, que l'année est inférieure à 365,25 jours et lui attribuait 365 jours 5 heures 55 minutes. Sosigène ne pouvait ignorer le résultat d'Hipparque, mais cet écart de cinq minutes lui parut sans doute négligeable pour un calendrier.

Le rattrapage du retard sur les saisons se fit ainsi :

- L’année 707 AUC fut la dernière du calendrier de Numa avec un mois intercalaire de 23 jours et compta 378 jours du 1er Martius au 27 Mercedonius.

- L’année 708 AUC (année de la confusion) a eu 365 jours du 1er Martius au 29 December avec deux mois intercalaires supplémentaires entre November et December ; un mois de 33 jours (intercalis prior) et un mois de 34 jours (intercalis posterior). C’est la dernière année à commencer au mois de Martius.

L'année civile devant, par commodité, avoir un nombre entier de jours, l'année commune fut fixée à 365 jours, et donc sciemment trop courte d'un quart de jour. Pour lier le calendrier aux saisons, pour que les phénomènes astronomiques qui les gouvernent se reproduisent aux mêmes dates, la suppression de la dérive est obtenue en utilisant sur un cycle de quatre ans, trois années communes de 365 jours et une année bissextile de 366 jours. La valeur moyenne de l’année calendaire est donc de 365,25 jours. L’année de 366 jours était obtenue en doublant un jour de Februarus. Ce jour étant le sixième jour avant les calendes de Martius (Ante diem sextum calendas Martias), le jour intercalaire prit le nom de Ante diem bis sextum calendas Martias qui est à l’origine du terme bissextile.

Enfin César ramena le début de l'année du 1er mars au 1er janvier, date à laquelle les consuls entraient en charge : l’année 709 AUC commença donc le 1er Januarus et est la première année du calendrier julien ; elle est bissextile (366 jours). Il fut décidé aussi, foi de Sosigène, que l'équinoxe de printemps coïnciderait désormais avec le 25 Martius (en réalité, il tombe le 23 mars à 13 h 08 mn UT).

Le 1er janvier de l'an 45 av.J.-C. inaugure donc la réforme julienne.

Remarques :

.            L’année 709 AUC est la première année bissextile, donc dans le décompte des années depuis l’ère de la fondation de Rome, les années dont le millésime moins un est divisible par quatre sont bissextiles.

L’épithète bissextile est réservée à l’année. Le jour additionnel est le bissexte, substantif peu employé ; l’usage consacre l’expression (incorrecte) de jour bissextile.

L’expression année bissextile (annus bissextilis) pour désigner l’année de 366 jours ne date pas de l’époque de César, et on ne la rencontre pratiquement pas dans les écrits antérieurs à Bède le Vénérable (VIIIe siècle).

On trouve souvent dans la littérature que l’année de la confusion comporta 445 jours, ce qui est inexact, car en réalité c’est la magistrature consulaire de César et Lépide (pontife après la mort de César) qui s’étend du 1er Januarus 707 au 29 December 708 et qui dura effectivement 445 jours : 80 jours en 707 [Januarus (29 j), Februarus (24 j) et Mercedonius (27 j)] et 365 jours en 708.

Jules César fut assassiné aux ides de Martius de l’année suivante (15 mars 710 AUC, 44 av.JC). Il fut remplacé comme consul par P. Cornelius Dolabella. Le jour de ses funérailles, Marc Antoine, avec l’aide du nouveau Pontifex Maximus M. Lepidus instaura le processus de divinisation de César et proposa au Sénat de rebaptiser Julius le mois de Quintilis. Après la réforme julienne le calendrier romain avait dont la structure suivante, celle du calendrier actuel :

.            À la suite de la mort de César, les Pontifes en charge du calendrier vont mal appliquer la réforme julienne en intercalant une année bissextile tous les trois ans à la place de tous les quatre ans. La confusion venait probablement de la pratique de dénombrement inclusif utilisée par les romains. Cette erreur a été commise durant une période de 36 ans, les années 712, 715, 718, 721, 724,727, 730, 733, 736, 739, 742 et 745 AUC furent donc bissextiles. Donc sur cette période de 36 ans on compta 12 années bissextiles à la place de 9. En 746 AUC, Auguste s’aperçut de cette erreur et la corrigea en supprimant les années bissextiles pendant 12 ans, les années 749, 753 et 757 furent donc communes et le cycle des années bissextiles reprit en 761 AUC. Pour remercier Auguste, le Sénat proposa de nommer Augustus le mois Sextilis. Or Sextilis était un mois de 30 jours, et comme le mois d’Auguste ne pouvait être plus court que le mois de César, on prit un jour au mois de Februarus que l’on ajouta au mois d’Augustus. Mais en faisant cela on créait trois mois consécutifs (Julius, Augustus et September) de 31 jours. Pour supprimer cette succession de mois de 31 jours, on modifia la longueur des quatre derniers mois de l’année, en inversant leurs durées.

Précision et dérive du calendrier julien.

.            Il y a 20 siècles, à l’époque de la réforme julienne, la valeur exacte de l’année tropique moyenne était de 365,244 891 4 jours, alors que la valeur connue était celle observée par Hipparque (365 j 5 h 55 mn ~ 365,246 53 jours), et l’adoption d’une année bissextile tous les 4 ans donnait à l’année calendaire une longueur moyenne de 365,25 jours. Cette valeur est un peu plus longue que l’année tropique moyenne. L’écart d’environ 7 minutes par an semble insignifiant à l’échelle d’une vie humaine, mais il va, au cours des siècles, entraîner une dérive de la date des saisons dans le calendrier. La date de l’équinoxe de printemps, va donc lentement dériver vers le début du mois de Martius. Cette dérive nécessita une nouvelle réforme du calendrier. Elle fut l’oeuvre du Pape Grégoire XIII en 1582, et fut incluse dans une réforme plus large modifiant le comput de la date de Pâques.

Le comput pascal, l’introduction de l’ère chrétienne dans le calendrier julien.

.            Après la mort du Christ, les premiers chrétiens prirent l’habitude de célébrer sa résurrection. Certains chrétiens célébraient cette fête le jour même de la Pâque juive, d’autres trois jours plus tard et d’autres enfin, le dimanche suivant. La Pâque juive est liée au calendrier juif (un calendrier de type lunisolaire) et tombe toujours le soir du 14e jour du mois de Nissan (d’où le nom de quartodécimans donné aux chrétiens qui se basaient sur la date de la Pâque juive), jour de la pleine Lune suivant l’équinoxe de printemps (pour les juifs c’est le 15 Nissan, le jour juif commençant le soir).

En l’an 325, les Pères de l'Eglise qui tenaient le premier concile oecuménique à Nicée décidèrent d’uniformiser la date de Pâques chrétienne et de s’affranchir du calendrier juif. Pâques fut donc fêté le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge au 21 mars ou immédiatement après. Cette définition, un peu complexe peut se traduire de la façon suivante : Pâques est le premier dimanche qui suit la première pleine Lune de printemps, l’équinoxe de printemps étant fixé au 21 mars. Le concile de Nicée donna une définition de la date de Pâques, mais ne fournit aucune méthode pour son calcul. (On n’a plus, le texte même du décret de Nicée concernant le règlement de la question pascale, on ne dispose que de trois témoignages).

Dès après le concile apparurent des divergences entre Alexandrins et Romains sur la date de l’équinoxe ; les premiers la fixaient le 18 mars et les seconds le 21 mars. Les différents centres religieux (Alexandrie, Rome) vont dès lors créer des computs pascaux différents. Parfois les écarts entre ces computs étaient sans conséquences, et Pâques tombait le même jour, mais parfois on arrivait à des désaccords importants, comme en 387, où les Alexandrins fêtèrent Pâques le 25 avril, les Romains le 18 avril et les Ariens de Gaules le 21 mars !

Les Pères avaient pensé que l'équinoxe de printemps tomberait désormais indéfiniment à cette date. Et c’est fort imprudemment qu’ils lièrent la fixation de Pâques à cette date du 21 mars. Dans les siècles qui suivirent, le calendrier julien continua, naturellement, à dériver par rapport à l'équinoxe, qui s'écarta peu à peu du 21 mars.

.            En 525, le moine scythe Denys le Petit, Dionysius Exiguus, (~500 / 545) proposa un comput pour le calcul de la date de Pâques. La détermination des dates de pleine Lune dans le calendrier julien utilisait le cycle de Méton basé sur le fait que 235 lunaisons sont presque égales à 19 années tropiques.

Les tables pascales de ce comput (Libellus de ratione Paschae) utilisaient comme époque d’origine la date de naissance du Christ que Denys le Petit estima être le 25 décembre 753 AUC, quatrième année de la 194e olympiade. Il proposa de compter également les années à partir de cette date et instaura ainsi l’ère chrétienne (AD Anno Domini). Pour la suite, les chronologistes décalèrent cette origine au premier janvier de l’an 754 AUC afin de la faire coïncider avec le début de l’année. Le comput pascal de Denys le Petit finit par s’imposer dans le monde chrétien, mais ne fut uniformément utilisé qu’à la fin du VIIIe siècle.

Le cycle Métonique utilisé dans ce comput ne suit pas parfaitement les phases lunaires, il introduit un décalage de l’ordre d’un jour tous les 308 ans. La date de Pâques va donc dériver. Le monde chrétien mit longtemps à trouver une solution à cette dérive. De nombreuses réformes se heurtèrent au conservatisme, et parfois à l’incompétence, des autorités religieuses et il fallut attendre la fin de XVIe siècle pour qu’une solution soit enfin adoptée.

La réforme grégorienne.

.            En 1582, 1.257 ans après le concile de Nicée, la Lune pascale utilisée dans le comput avait dérivé de 3 jours par rapport à la Lune moyenne réelle, ce qui était énorme. L'écart constaté était conforme aux calculs, et la date de l’équinoxe de printemps avait dérivé et tombait le 11 mars, en avance de 10 jours par rapport à la date du 21 qui lui avait alors été assignée.

.            Élu pape en 1572, Grégoire XIII (Ugo Boncompagni) mit en application la décision prise par le concile de Trente (1514-1585) de réformer le comput pascal, son nom restera lié à cette réforme et au calendrier qui en est issu (Il est également connu pour avoir promulgué l’Index librorum prohibitorum, la liste des livres interdits parmi lesquels allait figurer en bonne place le De revolutionibus de Copernic). Pour cela il réunit vers 1575 une commission composée de savants et d’esprits compétents. Il fit construire au Vatican la Galleria della Carte Geografiche (galerie des cartes), qui ressemblait à la tour des vents d’Athènes (nom qu’elle garda par la suite) et chargea l’astronome Ignazio Danti de fournir des instruments d’observations.

La réforme calendaire fut l’oeuvre de deux hommes, le médecin italien Aloïsio Lilio (mort en 1576 mais représenté par son frère Antonio Lilio) et un astronome allemand le jésuite Christopher Clavius. La réforme va porter sur plusieurs points : la correction des dérives constatées, puis une modification de la Lune pascale et du calendrier julien.

.            Il convenait de récupérer le décalage de 10 jours pour ramener la date de l’équinoxe de printemps au 21 mars, puis de modifier la répartition des années bissextiles de manière à supprimer trois années bissextiles sur une période de quatre siècles.

Pour ramener l'équinoxe au 21 mars, il suffisait de couper dix jours à l'année 1582. Ce retranchement fut fait par le pape Grégoire XIII pour l'Église romaine, au mois d'octobre. Le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 julien fut le vendredi 15 octobre 1582 grégorien. La définition des années bissextiles dans le nouveau calendrier est la suivante : les années qui sont multiples de 4 sont bissextiles, donc avec un jour supplémentaire, à l'exception des années séculaires, qui ne sont bissextiles que si leur millésime est divisible par 400 ; ainsi 1700, 1800 et 1900 sont des années communes et 1600 et 2000 sont des années bissextiles. La moyenne de l’année calendaire est alors de 365,2425 jours, au lieu de 365,242 189 8 jours soit un excès de 1 jour en 3.223 ans, ou 26,8 secondes par an.

La réforme fut promulguée dans la bulle papale Inter Gravissimas du 24 février 1582 (datée en réalité 1581, car les bulles pontificales suivent le style de l’Annonciation où l’année débute le 25 mars).

Le calendrier grégorien

            Thérèse d’Avila est morte à 67 ans, …  dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 ! Dans beaucoup de civilisations, l’année est calée sur les phases de la lune. Une des originalités des Romains est d’avoir considéré les mouvements du soleil. Officialisé sous Jules César, le calendrier « julien » repose sur le temps mis par la terre pour parcourir son orbite, une durée fixée par les Romains à 365 jours et un quart. D’où la séquence de 3 années de 365 jours, suivie par une année bissextile de 366 jours. En 325, au concile de Nicée, les chrétiens récupèrent le calendrier julien. Ils constatent alors qu’il conduit à un équinoxe de mars décalé, mais préférant la tradition à une correction difficile, le pouvoir, installé à Constantinople, garde cependant ce vieux calendrier.

Mais l’année effective dure 365 jours, 5 heures et 48 minutes, soit 12 minutes de moins que l’année julienne. Au XVI° siècle, le souci scientifique et le décalage croissant entre le rythme vécu des saisons et celui décrit par les calendriers conduit à envisager une révision de ceux-ci. Une telle décision ne peut venir que de la puissance politique dominante, c’est à dire l’Espagne à ce moment-là. Les Espagnols tiennent à ce que ceci se fasse sous l’autorité du pape. Ugo Boncompagni, un italien pur produit de la bureaucratie vaticane, est élu en 1572 à l’âge de 70 ans ; il prend le nom de Grégoire XIII. Comprenant l’intérêt qu’il a à satisfaire les Espagnols, il promulgue un nouveau calendrier. Eu égard au pape, le nouveau calendrier est baptisé « grégorien ».

Cette refonte adoptée immédiatement dans les terres catholiques est rejetée dans un premier temps par les protestants et les orthodoxes. Mais peu à peu il fera référence dans le monde entier.

            Le système actuel du calendrier grégorien, qui saute occasionnellement un jour intercalaire, rend presque égales les fractions de jours de l'année solaire et du calendrier des années bissextiles. Ce système considère qu’une année moyenne comprendrait 365, 2425 jours, soit une demi-minute de plus que l'année solaire. À ce rythme, il faudra attendre 3 300 ans avant que le calendrier grégorien ne s'écarte d'un seul jour de notre cycle saisonnier. Cela signifie que les générations futures auront une décision à prendre concernant l'année bissextile !

Remarques :

.            La commission a ramené la date de l’équinoxe au 21 mars, date de l’équinoxe imposée par le concile de Nicée, elle aurait pu choisir de ramener l’équinoxe à la date de l’équinoxe de printemps du début de l’ère chrétienne (23 mars) ou à la date de l’équinoxe de printemps à l’époque de la création du calendrier julien en 46 av.J.C. Des propositions furent même faites pour décaler les saisons de manière à faire coïncider le solstice d’hiver et le début de l’année. Le conservatisme religieux l’emporta de nouveau et c’est la date de Nicée (21 mars) qui fut retenue.

Une des conséquences de ce choix est qu’il n’y a pas de coïncidence entre les deux calendriers pour l’origine d’ère chrétienne. Le premier jour du XXIe siècle est le premier janvier de l’an 2001 (soit le jour julien 2.451.911). Le premier jour de l’ère chrétienne est le premier janvier de l’an 1 (an 754 UAC, soit le jour julien 1.721.424) le nombre de jours écoulés entre ces deux dates est de 730.487 jours. Or 20 siècles grégoriens correspondent à 730.485 jours, soit un déficit de deux jours. Pour avoir coïncidence, il aurait fallu supprimer 12 jours à l’année 1582 et ramener l’équinoxe de printemps au 23 mars.

.            La valeur moyenne de l’année calendaire (365,2425 jours) est encore un peu trop forte, et il faudra supprimer un jour dans environ 3.000 ans si l’on veut conserver l’équinoxe de printemps au 21 mars. Mais les incertitudes sur l’évolution de la différence entre le temps terrestre et le temps universel ne permettent pas de dire quand cette correction sera nécessaire.

.            La réforme grégorienne tomba à une époque où l’autorité du pape était fortement contestée, par les protestants d’une part, mais également par les églises orthodoxes. Ainsi les pays catholiques répercutèrent rapidement la réforme calendaire et les pays protestants et orthodoxes mirent plus d’un siècle et demi pour l’adopter, sous le nom de calendrier julien réformé. Certaines églises orthodoxes continuent d’utiliser le comput julien et le calendrier julien pour le calcul et la célébration de leurs fêtes.

.            En France le calendrier grégorien a été instauré deux fois, une première fois sous Henri III, par l’ordonnance du 2 novembre 1582, le lendemain du 9 décembre 1582 julien fut le 20 décembre grégorien et une seconde fois sous l’empire, par le Sénatus-consulte du 22 Fructidor an XIII (9 septembre 1805) rétablissant l’usage du calendrier grégorien, à la place du calendrier républicain, à partir du premier janvier de l’an 1806.

Le début de l’année

.            De très nombreux styles furent en usage pour le début de l’année. Le tableau suivant en donne une liste non exhaustive :

Réformes et normalisation

.            De nos jours, la totalité de la planète utilise le calendrier grégorien, tout au moins pour les transactions internationales, mais un grand nombre de pays conservent parallèlement un ou plusieurs calendriers pour des raisons religieuses ou culturelles.

.            Au cours du XIXe et du XXe siècle, des réformes du calendrier grégorien furent proposées. Son principal défaut est lié à l’incommensurabilité du cycle dominical (7 jours) avec la longueur du mois et de l’année. Mais toutes les solutions proposées revenaient à introduire un ou plusieurs jours blancs (jours sans nom) qui rompaient le cycle de la semaine. Ces solutions furent rejetées par toutes les instances religieuses.

.            L’écriture et la définition de la date dans le calendrier ont fait l’objet d’une normalisation. Voici la définition « officielle de la date » issue de la norme ISO 8601 1998 publiée par l’AFNOR (indice de classement Z69-200), paragraphe 5.2.1 :

« Dans les expressions de dates du calendrier

- le jour du mois (jour du calendrier) est représenté par deux chiffres. Le premier jour d’un mois quelconque est représenté par (01) et les jours suivants du même mois sont numérotés par ordre croissant ;

- le mois est représenté par deux chiffres. Janvier est représenté par (01) et les mois suivants sont numérotés par ordre croissant ;

- l’année est généralement représentée par quatre chiffres ; les années sont numérotées par ordre croissant à partir de l’an (0001). »

.            Comme on le voit dans ces définitions toutes les quantités débutent par 1. La date ne représente pas le temps écoulé depuis l’origine du calendrier mais le numéro ordinal du jour en cours, le numéro ordinal du mois en cours et le numéro ordinal de l’année en cours. Ainsi la date 01/01/2000 signifie que l’on est le premier jour du premier mois de la 2000e année et non pas qu’il se soit écoulé 1 jour 1 mois et 2000 ans depuis l’origine du calendrier.

.            Pour avoir une durée écoulée, il faut faire la différence entre deux dates, c’est ce que l’on fait lorsque l’on calcule son âge.

.            La confusion classique entre la date et le temps écoulé, provient du fait que ces deux entités utilisent une structure de forme très voisine. Lorsque l’on indique son âge on utilise une structure formée d’une succession de trois quantités, nombre de jours écoulés, nombre de mois écoulés et nombre d’années écoulées depuis sa naissance qui ressemble fortement à une date mais qui n’en est pas une. D’ailleurs la norme ISO 8601 (§ 5.5.3.2) recommande d’utiliser la notation suivante : P1998Y11M5D pour désigner par exemple une période de 1998 ans 11 mois et 5 jours (Year, Month, Day). Cette notation évite donc toute confusion entre date du calendrier et durée.

La normalisation porte également sur le début et la numérotation des semaines. La semaine commence le lundi (jour numéroté 1). La première semaine de l’année, numérotée 1, est celle qui contient le premier jeudi de janvier. Les semaines sont numérotées de 1 à 52. On compte cependant une semaine numérotée 53 lorsque l’année considérée se termine un jeudi, ou bien un jeudi ou un vendredi si elle est bissextile.

Notation des années antérieures à l’ère chrétienne

.            Ils existent deux systèmes de notations pour les années antérieures à l’ère chrétienne.

La notation des historiens

.            Les historiens eurent envie de dater à l’aide du même calendrier les événements antérieurs et postérieurs à naissance du Christ. Ils prolongèrent donc le calendrier julien vers le passé en utilisant la notation « avant Jésus Christ ». L’an 753 AUC devint donc l’an 1 av. J.C, l’an 752 AUC l’an 2 av.J.C. et ainsi de suite. Cette notation présente deux inconvénients : les années bissextiles sont les années 1 av. J.C, 5 av.J.C., 9 av.J.C. et la règle de divisibilité par quatre n’est donc plus valable pour ces années ; de plus si l’on veut calculer le nombre d’années écoulées entre une date antérieure à la naissance du Christ et une date postérieure, on est tenté d’effectuer l’addition de ces deux dates et l’on commet ainsi une erreur.

Bien que cette notation porte le nom de notation des historiens, il semble qu’elle ait été introduite par un astronome, en effet c’est l’astronome français Denis Petau qui l’utilisa (peut-être en premier) dans ces cours au collège de Clermont en 1627.

La notation des astronomes

.            Pour pallier les deux inconvénients de la notation des historiens, un autre astronome, Jacques Cassini, va introduire une nouvelle notation, elle sera utilisée pour la première fois dans les tables astronomiques de 1740. Cette notation consiste à introduire une numérotation des années antérieures à l’ère chrétienne avec des nombres relatifs négatifs. L’an 753, donc l’année 1 av.J.C. est numérotée zéro, l’année 2 av.J.C. est numérotée –1, l’année 3 av.J.C., –2 et ainsi de suite. Avec cette notation, la règle de divisibilité par quatre des années bissextiles reste valable, les années bissextiles sont les années 0, –4, –8… Si l’on veut calculer le nombre d’années écoulées entre deux dates situées de part et d’autre du début de l’ère chrétienne, on peut effectuer une différence algébrique de ces deux dates. Par exemple entre l’an 3 après J.C et l’an –5, il s’est écoulé «3 – (–5) = 3+5 =8 ans.

On remarquera que cette notation qui introduit une année zéro ne modifie pas l’origine de l’ère chrétienne (c’est l’an 1 avant J.C. qui est numéroté zéro) et ne change donc pas le début du XXIe siècle chrétien (01/01/2001) calculé à partir du 1er janvier de l’an 1 (754AUC), origine de l’ère.

Malgré ses inconvénients la notation des historiens est majoritairement utilisée. Par contre on trouve assez souvent une utilisation mixte des deux notations, ce qui est une erreur, on doit écrire l’an 15 av.J.C. ou bien l’an -14, mais l’expression -15 av.J.C. n’a aucun sens.

A l’avenir ?

.            De nos jours, le calendrier grégorien a perdu pratiquement toute connotation religieuse et bien qu’il ne soit pas parfait, il présente l’énorme avantage d’avoir été adopté par la totalité des états de la planète. De plus la généralisation de son utilisation dans les programmes informatiques et les coûts énormes qu’entraînerait toute modification, laisse à penser que son usage va perdurer.

Le calendrier égyptien

.            Les Égyptiens, depuis la plus haute antiquité, et les Babyloniens, 746 ans avant l'ère vulgaire ou l’ère commune, firent leur année en 360 jours, distribués en 12 mois égaux de 30 jours et 5 épagonèmes.

Placés en fin d'année, les cinq jours épagonèmes permettaient de faire correspondre leur calendrier avec le cycle astronomique qu'il est sensé représenter, c'est-à-dire l'année tropique. Ce calendrier était cependant loin d'être parfait ; il restait « vague », car l'année s'y trouvait plus courte d'un quart de jour, ce que les Égyptiens n'ignoraient pas. Cependant, malgré son incommodité, il fut conservé sous la pression des traditions pendant plusieurs millénaires. Le besoin d'intercaler un jour tous les quatre ans se fit néanmoins sentir en 238 avant notre ère, sous Ptolémée III Évergète (246 à 222), motivant un décret qui précisait : « Pour que les saisons se succèdent d'après une règle absolue et conformément à l'ordre du monde, un jour supplémentaire sera intercalé tous les quatre ans entre les cinq jours épagomènes et le nouvel an. ».

Le calendrier islamique

           Le calendrier hégirien ou islamique est un calendrier lunaire synodique, fondé sur une année de 12 mois lunaires de 29 ou 30 jours chacun. L'année hégirienne compte 354 (année commune, au nombre de 19) ou 355 jours (année abondante, au nombre de 11). Elle est donc plus courte que l'année solaire d’environ 11 jours.

Le principe du calendrier est le suivant : l'observation effective du croissant lunaire détermine le premier jour du mois : s'il est visible le mois commencera le lendemain de la nouvelle lune. Autre condition: la conjonction ne peut avoir lieu que le vingt-neuvième jour du mois finissant. Dans le cas où la lune est invisible, un trentième jour est ajouté au mois en cours et le surlendemain correspondra au premier jour du mois suivant. L'observation à l'œil nu de la nouvelle lune signale le début du mois pour les musulmans, et non le calcul astronomique, d'où des différences de début de mois entre les pays. La date de début de chaque mois dépend de ce qui est visible dans chaque lieu. Par conséquent, les dates varient d'un pays à l'autre, généralement d'un jour ou deux seulement.

En conséquence, le calendrier islamique fondé sur l’observation de la nouvelle lune n’est utilisé dans les sociétés musulmanes contemporaines que pour déterminer les dates associées à des célébrations religieuses. Pour tous leurs autres besoins, les musulmans du monde entier utilisent, depuis environ deux siècles, des calendriers solaires : le calendrier grégorien ou le calendrier persan, fondés sur des calculs astronomiques et sans doute depuis bien plus longtemps (au moins le XVIe siècle) le calendrier julien en Afrique du Nord pour les travaux agricoles.

Le calendrier maçonnique

.            C’est la manière particulière utilisée par les francs-maçons pour numéroter les années et désigner les mois. L'an 1 du calendrier maçonnique marque le début de l' « Ère de la Vraie Lumière (VL) », Anno Lucis, en latin..

Avant Anno Lucis apparaissent à partir du XVIIIe siècle sur des documents anglais les termes Anno Masonry, puis Anno Latomorum, Anno Lithotomorum ou Anno Laotomiae (Ère des Tailleurs de pierre). La datation de l’« Année de la Vraie Lumière » se baserait sur les calculs de James Ussher, prélat anglican né en 1580 à Dublin. Il avait élaboré une chronologie débutant avec la création du monde selon la Genèse, qu’il estimait à 4004 av. J.-C., se basant sur le texte massorétique (texte biblique hébreu transmis par la Massorah –tradition-) plutôt que sur la Septante (traduction de la Bible hébraïque en grec).

Le pasteur Anderson l’a préconisée dans ses Constitutions de 1723, considérées comme l'un des textes fondateurs de la franc-maçonnerie, pour affirmer symboliquement l'universalité de la maçonnerie en adoptant une chronologie supposée indépendante des particularismes religieux, à tout le moins dans le contexte britannique de l'époque. La date finalement choisie pour le début de l’Ère maçonnique est 4000 av. J.-C. L’année maçonnique a la même longueur que l’année grégorienne, mais débute le 1er mars, comme le calendrier romain républicain, malgré l’usage du calendrier julien en Angleterre à l'époque de la rédaction des Constitutions d'Anderson. Elle prend le millésime de l’année grégorienne en cours, augmenté de 4 000 ; les mois ne sont désignés que par leur numéro ordinal.

Exemples : le 28 février 2020 a été : le 28e jour du 12e mois de l’an 6019 de la « Vraie lumière » ; le 1er mars 2020 a été : le 1er jour du 1er mois de l’an 6020 de la « Vraie lumière ».

L’année maçonnique comporte deux fêtes : la Saint-Jean d’Été (Jean le Baptiste, fêté le 24 juin) et la Saint-Jean d’Hiver (Jean l'Évangéliste, fêté le 27 décembre), coïncidant symboliquement avec les solstices.

Le calendrier républicain

.            Selon la légende, Charles-Gilbert Romme, au Comité de l'instruction publique, aurait conçu la première ébauche scientifique du calendrier républicain. Il élabora parallèlement un annuaire destiné à faire connaître aux habitants des campagnes la nouvelle division du temps. Romme voulait tordre le cou au calendrier grégorien. L'abbé Grégoire écrira dans ses mémoires : « J'ai mentionné ailleurs la création du calendrier nouveau, inventé par Romme pour détruire le dimanche : c'était son but, il me l'a avoué. Le dimanche, lui dis-je, existait avant toi, il existera encore après toi ».

Le calendrier révolutionnaire français a donc été créé sous la Convention, pendant la Révolution française. Il sera utilisé de 1792 à 1805, ainsi que brièvement durant la Commune de Paris (18 mars 1871 - 28 mai 1871). Il débuta le 1er vendémiaire an I (22 septembre 1792), lendemain de la proclamation de l'abolition de la monarchie et de la naissance de la République, déclaré premier jour de l'« ère des Français ». Il entra en vigueur le 15 vendémiaire an II (6 octobre 1793) et fut appliqué jusqu’au 10 Nivôse an XIV (31 décembre 1805), soit pendant un peu plus de 12 ans.

Il s’agissait de ne plus être lié à la monarchie ni au christianisme, en utilisant de nouveaux noms pour les mois et les jours, et un nouveau découpage de l'année, à l’image du calendrier égyptien, en douze mois de 30 jours chacun (soit 360 jours), plus 5 jours complémentaires les années communes ou 6 les années sextiles, ajoutés en fin d'année. Ce calendrier républicain permettait en particulier de supprimer les nombreuses fêtes chômées de l'Ancien Régime, et de remplacer le jour de repos dominical par un jour de repos, pour les fonctionnaires publics, le dernier jour de chaque décade. La règle adoptée fixait le commencement de l'année le jour où tombe l'équinoxe vrai d'automne pour l'Observatoire de Paris (22 septembre).

Les noms des jours, numérotés de 1 à 10, deviennent : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sectidi, septidi, octidi, nonidi et décadi (di, jour en latin).

Les 5 jours complémentaires des Ans I (1793) à VII (1799) correspondent aux 17-21 Septembre. Les 6 jours complémentaires des Ans VIII (1800) à XIV (1806) correspondent au 17-21-21(1) Septembre.

Calendrier et éphémérides chinois

.            En Asie, l’astronomie est sans conteste une science millénaire. En Chine, on retrouve ainsi des allusions au travail astronomique effectué durant la première dynastie : il y a plus de 4.000 ans, on utilisait les astres pour établir le calendrier et on observait les éclipses ! Ensuite, la stabilité de l’Empire chinois permettant à la science de prospérer en paix, les observations célestes deviennent de plus en plus systématiques, donnant naissance aux plus grandes archives astronomiques au monde.

.            La reconnaissance des rythmes de l’Univers est tout entière contenue dans l’élaboration du calendrier. L’année chinoise de base comportait 12 mois de 29 ou 30 jours, mais dans un cycle de 19 ans, on intercalait 7 années de 13 mois pour atteindre, sur la période, un total de 235 mois lunaires, nécessaires pour maintenir les saisons en phase avec l’année calendaire (le fameux cycle conçu vers 432 av. J.-C. par l'astronome athénien Méton). Commun multiple approximatif des périodes orbitales de la Terre et de la Lune, 19 années tropiques et 235 mois synodiques ne diffèrent que de 2 heures ; donc après 19 ans, les mêmes dates de l'année correspondent, à peu près, avec les mêmes phases de la Lune.

.            Toutefois, la notion même de calendrier dépassait l’acception actuelle de ce mot car les calendriers chinois comportaient également des éphémérides. L’ordre terrestre se devant d’être conforme à l’organisation des astres, l’agenda local précisait les événements attendus liés à la Lune, au Soleil et aux planètes : les rythmes célestes fixaient ainsi les moments propices aux cérémonies politiques, sociales, ou religieuses.

Ce calendrier se devait d’être bien plus précis que ne le requéraient les besoins agricoles ou économiques. Dans la mentalité locale, la précision était signe de puissance et du bon fonctionnement de l’état. Gare au phénomène qui ne se produisait pas à l’heure prévue : entre l’empereur peu vertueux (donc responsable du désordre céleste) et l’astronome incompétent (qui avait produit le calcul erroné), l’un des deux risquait sa tête !

.            Les prédictions ne reposaient pas sur la géométrie, comme en Grèce ; les méthodes étaient ici purement arithmétiques. À l’instar de la Mésopotamie, on supposait certaines valeurs constantes pendant un intervalle ou variant linéairement (le « zigzag » mésopotamien). Par exemple, la durée du jour fut au départ calculée via une interpolation linéaire entre les deux valeurs extrêmes des solstices, puis on passa de 2 à 24 segments, pour un résultat plus précis.

La situation est similaire pour les planètes comme Mars : le calendrier de la triple concordance (promulgué en 7 av. J.-C.) utilise d’abord 6 zones où la vitesse de la planète est supposée constante (progression, point stationnaire, rétrogradation, deuxième point stationnaire, deuxième progression, invisibilité) ; en 600, le calendrier du Pôle souverain définit 10 zones, avec une vitesse qui varie linéairement dans chaque intervalle.

En comparant observations et prédictions, les astronomes chinois découvrent les inégalités de la Lune à la fin de la dynastie Han (Ier-IIe précession au IVe siècle), les inégalités solaires et planétaires au VIe (ce serait l’œuvre de Zang Zixin), et le Saros au XIe siècle. Ils vont aussi développer les outils mathématiques, avec notamment la mise en place des interpolations du second ordre par Liu Zhuo vers 600 et Yi Xing en 727 (en version plus complexe), une méthode qui sera imaginée en Europe (quoique de manière plus générale) par Gregory et Newton au XVIIe siècle.

.            Ces différents travaux permirent d’améliorer le calendrier, petit à petit. Les modèles chinois du XIe siècle semblent ainsi aussi précis que leurs confrères européens du XVIe siècle. Toutefois, introduire un changement de modèle (donc un réajustement calendaire) ne se faisait pas n’importe quand, car c’est l’empereur lui-même qui était responsable du calendrier. Il fallait souvent attendre un changement de règne voire de dynastie pour changer le système.

            Si officiellement, la Chine utilise le calendrier grégorien, son calendrier lunisolaire traditionnel est toujours d’usage dans la vie de tous les jours. Il suit les phases de la lune et comporte un mois intercalaire tous les trois ans environ.

Le calendrier à 13 mois

            Si son histoire fut de courte durée dans les années 1930, le calendrier de 13 mois rencontra un temps un succès phénoménal auprès des industriels américains qui virent en lui une manière de simplifier leur comptabilité.

Désormais obsolète, ce calendrier à 13 mois a pourtant rencontré un certain succès auprès des entreprises et des hommes d’affaires à l'entre-deux-guerres. Il était même le calendrier de prédilection de George Eastman, le fondateur de Kodak. L’entreprise américaine a d’ailleurs, seule contre tous, continué à l’utiliser jusque dans les années 80. Pour comprendre comment est née cette idée, il faut se rendre

            En Colombie-Britannique, province la plus à l’ouest du Canada, le britannique Moses Cotsworth, un comptable et conseiller de la North Eastern Railway, eut l’idée de ce calendrier en 1922. Il trouvait alors que la comptabilité mensuelle était compliquée par le nombre irrégulier de semaines chaque mois. Conséquence de ces variabilités, le salaire n’était jamais le même au cours des 12 mois de l’année. Pour y remédier, il mit alors au point, sur le modèle du calendrier positiviste d'Auguste Comte (créé en 1849), un calendrier à 13 mois de 28 jours chacun. Afin que tous les mois soient identiques, un mois supplémentaire, appelé Sol, est intercalé entre juin et juillet. Et on retrouve à la fin de l’année une journée qui n’est pas prise en compte, ou deux les années bissextiles. L’année fait donc 365 ou 366 jours. Autre détail amusant, mais qui n’a guère plu aux religieux, Cotsworth souhaitait que le jour de Pâques soit définitivement fixé, plutôt que déterminé par la date de la première lune de printemps. Son idée de calendrier unique séduit, notamment dans les domaines du transport et de la logistique, et il crée fin 1922 la Ligue Internationale pour la Réforme du Calendrier.

Moses Cotsworth trouve un allié et un supporter de poids en la personne de l’industriel américain et fondateur de Kodak George Eastman. Ce dernier est même tellement conquis par le calendrier unique qu’il installe au siège de Kodak à Rochester le bureau américain de la Ligue internationale du calendrier fixe, et décide d’assurer sa promotion à travers tout le pays sur ses propres deniers et créer des publications. Parmi les industriels conquis : E.M. Statler, fondateur de la chaîne Statler Hotels, le magnat du transport maritime Robert Dollar, mais aussi le banquier et philanthrope George Foster Peabody. Un plan visant à modifier la façon dont les gens mesuraient le temps apparaissait inévitable, en plein Roaring Twenties (nos Trente Glorieuses), période de prospérité et d'industrialisation galopante aux États-Unis portée par le Taylorisme.

            Mais la généralisation du calendrier s’est rapidement heurtée à certaines difficultés, qui l’ont empêché de prospérer. À la fin des années 30, alors que l’imminence d’un nouveau conflit mondial est de plus en plus prégnante, l’intérêt des industriels pour le calendrier unique s’amenuise. Il faut également dire que certains détails de ce système posaient en réalité problème. Outre la récurrence mensuelle du vendredi 13, l’impact sur le 4 juillet, fête nationale américaine, était insoluble.

Chez Kodak en revanche, même après la mort de George Eastman en 1932, le calendrier unique a continué à être utilisé jusqu’en 1989 : « il s'agissait d'un élément majeur des applications financières et, d'un point de vue financier, il facilitait grandement la comparaison des périodes de vente. »

D’autres calendriers

.            Le calendrier grégorien, pour sa composante solaire, a été adopté par tous les pays pour des raisons pratiques. L’exploration des océans dès les XV° et XVI° siècles a motivé la création d’un système universel, et aujourd’hui la mondialisation ne pourrait se passer d’un calendrier universel. Cela n'empêche pas certains peuples de conserver leur calendrier traditionnel : c'est le cas des Juifs avec leur calendrier lunaire, des Orthodoxes avec le calendrier julien, des Chinois ou encore des musulmans avec là aussi un calendrier lunaire. Pourtant, il y a eu des tentatives de caler le calendrier musulman avec les saisons, mais Mahomet décida qu'il serait purement lunaire ; c'est pour cela que le mois du Ramadan se décale d'environ 11 jours chaque année.

La fixation du Nouvel An est, dans tous les calendriers, tout à fait arbitraire, car le cycle de l'année n'a pas de début : est-ce le printemps, l'été, l'automne ou l'hiver ? Après la Révolution française, les Républicains l'avaient situé le jour de l'équinoxe d’automne (lorsque la durée du jour égale celle de la nuit). En Chine, le calendrier étant luni-solaire, la date du Nouvel An, lue dans le calendrier grégorien, varie d'une année sur l'autre, mais tombe toujours entre le 21 janvier et le 19 février, lors de la deuxième nouvelle lune depuis le solstice d'hiver quand le soleil se trouve dans le signe du Verseau ! Et on ajoute un 13e mois quand il le faut pour rattraper le Soleil, ce qui explique cette mobilité du nouvel an.

Pourquoi y a-t-il sept jours dans une semaine ?

            Pourquoi les mois ne se composent-ils pas de trois semaines de dix jours, par exemple ? Ou de six semaines de cinq jours ? Voici l'histoire de notre semaine de sept jours, de ses origines à sa fonction sociologique.

Si l'année est calquée sur le rythme des saisons et nos journées sur celui du Soleil, qu'est-ce qui rythme nos semaines ? Depuis quand et pourquoi partageons-nous les mois en quatre semaines de sept jours ?

Le septennaire chrétien

            D’un point de vue culturel, en regardant notre calendrier on remarque vite l’influence de la religion chrétienne : Saint-Sylvestre, Saint-Antoine, Sainte Philomène, etc.

Depuis les débuts du christianisme, l’Église est la maîtresse du temps. Par son clocher, c’est elle qui scande les heures, rythme la semaine des travailleurs, invite à la prière et appelle au repos dominical. Longtemps elle a été la détentrice du calendrier.

Il est vrai que dans la culture médiévale à partir du haut Moyen Âge, ils sont toujours présents dans tous les livres religieux. Sacramentaires, bréviaires, psautiers… tous ces livres-là sont précédés d’un calendrier parce que le temps appartient à Dieu.

D’ailleurs, d’après le livre de la genèse "Dieu créa la Terre en six jours et le septième il se reposa". De là, découle l’importance de la semaine de sept jours, mais il ne s’agit pas que de la semaine ...

Le chiffre 7 revêt une dimension symbolique forte. On le retrouve dans plusieurs principes religieux :

7 jours de la création (base de calcul dans la Bible : le 7ème est le Sabbat) ; 7 péchés capitaux ; 7 dons du Saint-Esprit ; 7 sacrements ; 7 dons du Saint-Esprit ; 7 vertus ; 7 péchés capitaux ; 7 pains multipliés ; il faut pardonner 7 fois et jusqu'à 70 fois 7 fois ; le jubilé 7*7 ; ...

Mais la symbolique du 7 n’appartient pas qu’à la chrétienté, elle est présente dans d’autres religions comme le judaïsme, l’Islam ou l’hindouisme et les plus anciens exemples remontent aux toutes premières traces de l’écriture, à l’époque babylonienne.

Aux origines babyloniennes

            Il est très difficile de déterminer quand on a commencé à déterminer un laps de temps qui durait effectivement sept jours. Dans le Proche Orient ancien d’après les textes cunéiformes qui ont été retrouvés en Mésopotamie, c’est-à-dire en Irak, en Syrie, le nombre sept était un nombre symbolique fort. Une des premières attestations d’une référence à sept jours se trouve dans la fameuse épopée de Gilgamesh, un personnage héroïque de la Mésopotamie qui aurait régné sur Uruk vers 2650 avant J.-C.

C’est la plus ancienne des histoires de l’humanité que nous connaissons, écrite au IIe millénaire avant notre ère sur des tablettes d’argile, elle est peut-être à l’origine de la symbolique du chiffre 7.

Gilgamesh, roi tyran qui régnait sur la ville d’Uruk, veut devenir immortel. Il entreprend alors un grand voyage pour rencontrer Uta-napishti. À peine arrivé, celui-ci le met au défi de ne pas se reposer mais épuisé par son voyage Gilgamesh s’endort. Tous les jours la femme d’Uta-napishti lui apporte une miche de pain.  Au septième jour Gilgamesh se réveille et affirme ne pas avoir dormi mais les sept miches de pain, de la plus rassie à la plus fraîche, lui prouvent le contraire.

Mais est-ce que cette légende permet de dire que la semaine de 7 jours existait déjà à l’époque babylonienne ? Il faut fouiller le plus vieux calendrier connu à ce jour. Ce sont des textes qui datent du XIXe siècle avant Jésus-Christ donc il y a 4.000 ans. Ces textes appartiennent à des archives privées de marchands assyriens. Dans ces textes les prêts sont calés sur un mois (qui, à l’époque commençait avec la nouvelle lune), éventuellement une année et par quelque chose qu’on appelle la "hamuštum". Cette « semaine » (on traduit par semaine), est plus petite que le mois, plus petite que les 15 jours.

En essayant de comptabiliser le nombre de « semaines » sur plusieurs mois, les archéologues ne tombaient pas toujours sur le même chiffre. Selon certains modes de calcul les hamuštum étaient constituées de cinq jours, ce qui semble logique vu l’origine sémitique de hamuš = cinq. Mais d’autres calculs mettaient en avant des hamuštum de six, sept ou huit jours. Jusqu’à ce qu’une découverte mette tout le monde d’accord.

Notre plus vieux calendrier connu

            Ces semaines, les hamuštum, portaient le nom des marchands et on a découvert une tablette cunéiforme qui liste ces paires de marchands (acheteur-vendeur) qui donnent leurs noms durant tout un cycle de 52 hamuštum. Or 52 hamuštum sont cohérentes avec des semaines de 7 jours sur une année. Donc pour ces marchands assyriens à cette époque-là on a effectivement une division du temps qui utilise la semaine de 7 jours. Ces marchands faisaient beaucoup de prêts à intérêts, et donc il fallait dater les prêts dans les textes pour calculer le montant des intérêts.

Sur des tablettes d’argile on retrouve aussi des références aux cycles lunaires, à la visibilité du croissant de Lune. L’observation du ciel même si elle se faisait à l’œil nu avait une importance capitale pour nos ancêtres, ils pouvaient interroger les astres pour partir à la guerre ou les utiliser pour se repérer dans le temps.

Cette preuve de l’existence ancienne de notre semaine de sept jours ne signifie pas pour autant que ce rythme était partagé par tous, d’autres calendriers ont existé en même temps, dans d’autres parties du monde mais ces marchands assyriens, grands voyageurs, nous ont transmis leur calendrier. En arrivant en Anatolie, où il n’y avait pas encore d’écriture, ces marchands ont emporté avec eux la semaine de sept jours.

Ils ont diffusé leur culture, quelques mots que l’on retrouve en hébreu et leur calendrier qui s’est transmis de peuple en peuple, d’époque en époque de région en région. Une fois ce rythme originaire de l’astronomie babylonienne transmis aux Grecs, puis aux Romains et aux Arabes il a tout naturellement été adopté par la civilisation chrétienne médiévale.

Aujourd’hui, s’il paraît impossible d’envisager un autre cycle, c’est que d’un point de vue sociologique la semaine est devenue primordiale. C’est elle qui nous permet de nous organiser collectivement et socialement.

Le calendrier cosmique

.            A l’heure où certains veulent nous faire revenir à un obscurantisme moyen-âgeux, j’ai trouvé intéressant de reprendre, sur un mode ludique, l’idée de Carl Sagan (astronome mondialement connu) dans son livre The dragons of Eden, où il ramène à un an, toute l’histoire de l’Univers.

Ce petit exercice, à la portée de quiconque sait résoudre une règle de trois, permet de replacer l’histoire de l’espèce humaine à sa véritable place et non au centre de la conscience de l’Univers, comme on nous l’a affirmé pendant des millénaires Il suffit donc de condenser l’âge de l’Univers (13.7 milliards d’années) sur une année :

Un an = 13,696 milliards d’années

Un jour = 37,497.6 millions d’années

Une heure = 1.562,4 mille années

Une minute = 26.040 ans

Une seconde = 434 ans

En route pour notre calendrier :

1er janvier : 0 h 0 mn 0 s - Au commencement était la lumière.

.            En fait, pas exactement, car on ne peut rien savoir en amont du mur de Planck, situé après le Big Bang, et théorisé en 1900 par le physicien allemand Max Planck, dont la durée de l'ère (le temps de Planck) estimée est de l'ordre de 10-43 seconde (0, suivi de 42 zéros puis d’un 1)

De 10 -43 s à 10 -38 s - Ere de l’inflation.

.            De l’énergie pure se transforme en matière : la taille de l’Univers augmente de façon exponentielle dans des proportions inimaginables. L’univers ressemble à une bouillie de particules où matière et anti-matière s’annihilent en émettant de l’énergie.

De 10 -38 s à 10 -5 s - Ere des particules.

.            La force nucléaire oblige les quarks à se rassembler par trois pour former des protons et des neutrons. C’est aussi le temps où la matière prend le pas sur l’anti-matière.

1er janvier : 0 h 3 mn

.            En se dilatant, l’Univers se refroidit ; de plusieurs milliards de milliards de degrés, la température baisse à un milliard de degrés, permettant aux protons et aux neutrons de se constituer. C’est la nucléosynthèse. Les premiers noyaux d’atomes un peu plus complexes apparaissent. Dans les minutes qui suivent, la nucléosynthèse s’arrête faute de chaleur suffisante ; les conditions de fusion thermonucléaires disparaissent.

1er janvier : 0 h 15 mn.

.            Formation des atomes, les photons se libèrent de la matière pour produire le rayonnement fossile. Cette fois, c’est bon : et la lumière fût.

2 ou 3 janvier.

.            Formation des premières étoiles ; ce sont les graines qui vont ensemencer le cosmos.

13 janvier.

.            Apparition des premières galaxies.

11 mai.

           Naissance de la Voie lactée (notre galaxie).

1er septembre.

.            Naissance du système solaire, comprenant le soleil et ses planètes. La datation faite sur la roche terrestre la plus ancienne donne l’équivalent du 16 septembre.

21 septembre.

.            Apparition des premiers êtres monocellulaires, les ancêtres des archées et des bactéries. Ils inventent la photosynthèse et oxygènent la planète durant le mois d’octobre.

Début novembre.

           Entrée en scène des premiers organismes pluricellulaires.

Deuxième quinzaine de décembre.

            Elle va marquer le début de ce que l’on appelle : l’explosion cambrienne. Ci-après : le carnet rose de Messieurs et Mesdemoiselles :

14 décembre - Les éponges

17 décembre - Les arthropodes (trilobites)

18 décembre - Les poissons

20 décembre - Les plantes terrestres

21 décembre - Les Insectes

22 décembre - Les amphibiens

23 décembre - Les reptiles

25 décembre - Les dinosaures

26 décembre - Apparition des premiers petits mammifères

27 décembre - Les oiseaux prennent leur envol

28 décembre - Les fleurs parfument la campagne

30 décembre - Un gros astéroïde percute la planète et éradique les dinosaures.

31 décembre, 14 h – Apparition de l’ancêtre commun aux hommes et aux singes

31 décembre, entre 20 h et 21 h - La lignée humaine se sépare de celle des gorilles, des chimpanzés et des bonobos

31 décembre, 23 h - Homo erectus se promène dans la campagne avec son gourdin.

31 décembre, 23 h 52 mn - Homo sapiens a reçu son carton d’invitation

31 décembre, 23 h 59 mn 20 s - Nos artistes modernes ornent les grottes de Lascaux de peintures rupestres.

31 décembre, 23 h 59 mn 25 s - Invention de l’agriculture

31 décembre, 23 h 59 mn 47 s - Mr Homo sapiens commence à fondre les métaux

31 décembre, 23 h 59 mn 49 s - Bouigos III construit la pyramide de Gizeh

31 décembre, 23 h 59 mn 50 s - Sargon fonde l’empire akkadien en Mésopotamie

31 décembre, 23 h 59 mn 51 s - Fondation du nouvel empire d’Egypte

31 décembre, 23 h 59 mn 52 s - Naissance du judaïsme

31 décembre, 23 h 59 mn 53 s - Fondation d’Athènes et de Rome

31 décembre 23 h 59 mn 54 s - Alexandre Le Grand conquiert ce qu’il considère comme le monde

31 décembre, 23 h 59 mn 55 s - Le christianisme apparaît et l’empire romain est à son apogée.

31 décembre, 23 h 59 mn 56 s -  Chute de l’empire romain, Mahomet naît et meurt

31 décembre, 23 h 59 mn 57 s - Charlemagne est sacré empereur ; les croisades commencent

31 décembre, 23 h 59 mn 58 s - La guerre de Cent ans fait rage, Colomb découvre (soit-disant) l’Amérique

Du 31 décembre, 23 h 59 mn 59 s à 24 h -

.            Les peuples se révoltent contre leurs rois, ils s’entretuent dans deux guerres mondiales. Ils vont sur la Lune. Des génies montrent enfin ce qu’est la réalité du monde, mais sont peu écoutés. Les peuples se ré-entretuent pour le pétrole, le gaz, les déjections plastiques. L’obscurantisme regagne du terrain. La vie devient virtuelle ... jusqu’à ce qu’elle le soit pour de bon.

30 janvier 2021, 23 h 56 mn 53 s - Fin du Monde. Mince...raté !

.            Il est intéressant de noter que Carl Sagan a mis au point le même genre d’exercice pour les écoles primaires américaines. L’âge de l’univers étant symbolisé par la longueur d’un couloir de 14 mètre, (1mètre de couloir = 1 milliard d’années), sur lequel les enfants, ayant installé un grand ruban de papier, inscrivaient les dates des différents évènements. En plus d’un intéressant exercice métrique, les enfants pouvaient appréhender le fait révélateur, selon lequel pour parler des évènements comme la naissance de Jésus, il fallait se munir d’un microscope. (Dans cette configuration, 2000 ans = 2 microns).

.            Cet exercice a été supprimé du programme des écoles qui l’avaient adopté, suite à la plainte de parents créationnistes qui voulaient poursuivre les écoles en justice, pour divulgation de théories sataniques !

Février 2021 : mois « parfait », palindrome ...

.            Février 2021 est une succession de quatre semaines complètes : le Petit Poucet du calendrier grégorien débute par un lundi et se termine avec un dimanche. Ce mois "parfait" ne peut intervenir qu'au mois de février, seul mois dont le nombre de jours est un multiple de 7. Une curiosité qui vient de loin et revient tous les 6 ou 11 ans.

.            Si cette curiosité n’est pas rare [au cours des 100 dernières années, cela s'est produit 10 fois : en 1926, 1937 (+11), 1943 (+6), 1954 (+11), 1965 (+11), 1971 (+6), 1982+(11), 1993+11), 1999 (+6) et en 2010(+11)], il est intéressant d’observer qu’elle répond à une séquence digne d’un schéma tactique : 6-11-11. Ainsi, le mois de février « parfait » reviendra dans six ans (2027), puis onze ans plus tard (2038) et onze années encore plus tard (2049). Ces écarts se répéteront ensuite jusqu’à la fin du siècle car viendront ensuite 2055, 2066, 2077, 2083 et 2094.

Enfin, presque jusqu’à la fin du siècle. Car la belle mécanique du 6-11-11 sera cassée et sera 6-6-11, en 2100, cette année que le calendrier grégorien a exclue des bissextiles pour mieux coller à la durée de la révolution terrestre (365 jours, 5 heures, 48 minutes et 46 secondes). Quelques mois avant de fêter le passage au XXIIe siècle, février 2100 (+6) sera donc lui aussi un mois « magique », comme février 2094, six ans auparavant, et février 2106, six ans après. Ensuite, on repartira sur deux fois onze ans.

Cette harmonie est rare dans le calendrier grégorien aux mois d'une durée inégale, que la France respecte depuis 1582. Autre détail amusant : les mois de février qui démarrent un lundi, comme en 2021, mais s’achèvent un lundi du fait de leurs 29 jours, sont le plus souvent espacés de 28 ans !

            Mais ce mois de février 2021 recèle une autre rare curiosité. Il contient également une date palindrome, le 12 février, qui peut donc se lire dans les deux sens (12/02/2021) : 1202.2021.

Le phénomène est rare à l'échelle des siècles, puisqu'entre le 29 novembre 1192 et le 10 février 2001, il aura fallu attendre 809 ans pour le voir réapparaître. Mais ce début de millénaire est depuis bien généreux pour les amoureux des dates symétriques, avec 29 occurrences entre 2000 et 2100, et 31 entre 2100 et 2200. La prochaine aura d'ailleurs lieu dès 2022, le 22 février (22/02/2022).

Mois mal-aimé des Romains

.            Les 28 jours habituels de février n’en font pas le mois le mieux fourni, mais il est le seul à pouvoir englober intégralement des semaines. L’histoire veut qu’on le dépouilla, après la mise en place du calendrier julien en 45 avant J.-C., afin de doter équitablement juillet et août, ainsi baptisés en hommage à Jules César et Auguste. En réalité, février est le mal-aimé dès son apparition, entre le VIIIe et le VIIe siècles avant notre ère. A l’époque, l’année commence en mars et ne compte que dix mois. Deux petits nouveaux sont ajoutés, dont ce Februarius, mois dédié à la purification, bientôt relégué à la fin de l’année, et qui se stabilisera à 28 jours.

Pour les Romains, l’impair plaisait aux dieux. Ainsi tout ce qui était impair était favorable et ce qui était pair était défavorable. Le mois de février, mois des fièvres, des impuretés, c’était le mois fatal dans le calendrier romain de l’époque, le seul avec un nombre pair de jours. C’était avant que Jules César ne complique les choses avec ses années bissextiles …

Mais pour faire tenir quatre semaines dans février, encore faut-il que la semaine compte sept jours ! Pour une fois, on ne le rendra pas à César mais à son fils adoptif Auguste, sous le règne duquel on se débarrassa du huitième larron, à défaut de l’expression qui va avec : « A dans huit jours ! »         

Mesurer le temps – Heure et horloges

Evolution des horloges

.            Le temps était suffisamment important pour nos ancêtres pour qu'ils se donnent la peine de construire un monument préhistorique extraordinaire, Stonehenge. La première partie de cet énorme calendrier solaire a été construite vers 2400-2200 av. J.-C.

Mais il est loin d'être unique : des observatoires solaires primitifs sont disséminés dans le monde entier, notamment l'arrangement de pierres Wurdi Youang des Aborigènes australiens (âge inconnu) ou les tumulus de Chankillo au Pérou (construits en 250-200 av. J.-C.). Des sociétés du monde entier, séparées par des milliers de kilomètres, ont ainsi tenté de matérialiser le temps.

           L’heure est une notion à la fois ancienne et récente. Subdivision du jour depuis l’Antiquité, elle s’est peu à peu imposée comme l’unité de référence du temps, remplacée par la seconde en 1967. Pourtant, en raison d’un changement contraint de fuseau horaire (Méridien de Greenwich) puis de l’adoption de l’heure d’été, les Français n’ont jamais vécu autant décalés vis-à-vis du soleil qu’aujourd’hui.

            Les Sumériens (4100-1750 av. J.-C.), établis en Mésopotamie (Irak actuel), ont calé la journée sur environ 24 heures, chacune durant 60 minutes. Ils utilisaient le soleil, les étoiles et les horloges à eau dont l'écoulement progressif d'un récipient à l'autre mesurait le temps.

Une ancienne horloge à eau perse. Maahmaah, CC BY-SA

Vers 2200 avant J.-C., c’est des Babyloniens que vient l’idée de diviser la journée, c’est-à-dire la période allant du lever du soleil à son coucher, en douze heures. Les Égyptiens de l'Antiquité ont également introduit un système horaire de 24 heures vers 1550-1069 av. J.-C. Ces mesures du temps étaient basées sur le soleil, avec 12 parties pendant le jour et 12 autres pendant la nuit. Ainsi la durée de ces "heures" variait en fonction de la période de l'année - elle était plus longue en été qu'en hiver. Les Égyptiens ont commencé à utiliser un cadran solaire pour représenter ce système temporel vers 1000-800 av. J.-C. Les cadrans solaires ne pouvant donner l'heure la nuit, ils utilisaient des horloges à eau après la tombée de la nuit. La pratique est reprise ensuite par les Grecs puis les Romains.

Horloge solaire du temple d'Apollon indiquant l'heure temporaire, Pompéi, - 79 av. J.-C. _ Quadrant à heure temporaire, Florence, Museo Galileo.

            Même si à Rome on préfère simplement fractionne la nuit en quatre. Ce sont également les Romains qui auraient choisi de fixer le début de la journée à minuit, et non au lever ou au coucher du soleil, coutume qui traversera les siècles.

La division de la journée, en 24 heures de 60 minutes, est plus universelle que les calendriers, parce que c’est entièrement un processus humain qui n’est pas soumis à des contraintes complexes de la nature.

Les nombres 24 et 60 ne sont familiers que pour compter le temps, puisque nous vivons plutôt dans un monde « décimal », avec dizaines, centaines et milliers. Pourtant, nous achetons les œufs ou les huîtres par douzaine, ou par « demi-douzaine ». Le système décimal n’est naturel que pour compter sur ses doigts, mais pour diviser, il est souvent utile de pouvoir diviser en 2 ou en 3, voire en 4 ou en 6. Diviser un gâteau en 5 ou en 10 est moins commode qu’en 12, et même qu’en 24. Et diviser en 60 (ou en 20), n’est guère plus compliqué que diviser par 5 … D’ailleurs, sur les montres à aiguilles, le cadran est divisé en 12 heures.

Compter 60 minutes en une heure, ou 60 secondes en une minute, demande des instruments techniques de précision tels qu’un chronomètre. En revanche, diviser la journée en heures a été naturel, bien avant l’invention des horloges.

La tour des Vents, appelée aussi horloge d'Andronicos, est une horloge hydraulique antique monumentale d’Athènes, située sur l'Agora romaine. _ Cadrans solaires de la tour des vents (détail).

Horloge hydraulique de Ctésibios, ingénieur d'Alexandrie (IIIe s. av. J.-C.) _ Horloges hydrauliques décrites par Vitruve et illustrées par Perrault. Fig I : Limiteur de débit ; fig. II : Horloge anaphorique ; fig. 3 : Horloge anachronique de Perrault."

            Dans le monde méditerranéen de l’Antiquité, la clepsydre, sorte de sablier qui utilise l’eau pour mesurer l’écoulent du temps, satisfait les besoins quotidiens des gens. Mais dans les pays du Nord, en hiver, quand il gèle, les clepsydres sont paralysées. Or la mesure du temps devient nécessaire en cette époque où se développent artisanat et proto-industrie autour de la laine.

Aux alentours de l’An Mil le nocturlabe est inventé, un instrument dérivé du cadran solaire qui permet désormais de connaître l’heure la nuit à partir du positionnement des étoiles.

Malgré leur imprécision, ces heures dites temporaires restent adaptées à l’activité humaine et permettent surtout de rythmer les heures de travail. Elles sont d’ailleurs numérotées. C’est ainsi que la sixième heure (en latin « sexta ») marquant la mi-journée donnera le mot « sieste » !

Horloge à eau et système de sonnerie, vers 1250, Oxford, Bodleian Library. _ Miniature du XVe siècle représentant une horloge murale à poids moteur.

            En Europe, au Moyen-Age, l'évolution de la mesure du temps s'est quelque peu embrouillée au cours des siècles (7° / 13°), car dans les documents écrits européens, tous les dispositifs de mesure du temps étaient regroupés sous le même mot latin, Horologium.

Des historiens estiment que les prières chrétiennes monastiques étaient plus rigides que celles du judaïsme et de l'islam, utilisant les cieux pour dicter l'heure de la prière. Traditionnellement la journée monastique, rythmée par les prières qui doivent être dites au même moment par l'ensemble des moines de la communauté, comporte 7 heures dites « canoniales », dont une la nuit. L’heure de ces prières est réputée coïncider avec les principales étapes de la Passion du Christ, elle-même calquée sur la liturgie hébraïque. A l’aurore : laudes : troisième heure du jour (vers 9h) : tierce ; sixième heure du jour (vers 12h) : sexte ; neuvième heure du jour (vers 15h) : none : le soir (vers le coucher du soleil) : vêpres ; avant/après le coucher : complies ; vers minuit : matines ou vigiles.

Dès lors, les moines doivent repérer les moments de la prière ! Aussi l’Eglise s’investit-elle dans le mesure du temps et la diffusion de l’heure. Chaque prière a donc son heure, annoncée par la sonnerie des cloches qui va rythmer durant des siècles la vie des villes et des campagnes. Les églises et cathédrales portent les premières horloges publiques.

L'horloge astronomique de Prague sur la place de la vieille ville (1410). _ Horloge 2 fois 12 heures de la cathédrale de Chartres (1528).

Si les archives historiques ne permettent pas de savoir avec certitude si ce sont des moines qui ont fabriqué les premières horloges mécaniques, elles sont apparues pour la première fois au XIVe siècle. Bien qu’n moine, Gesbert, qui deviendra pape en l’an 1000 sous le nom de Sylvestre II, aurait déjà inventé l’horloge à balancier.

Elles sont mentionnées au XIV° siècle, dans le traité Tractatus Astrarii, ou Planetarium, du médecin, astronome et ingénieur mécanique italien Giovanni de Dondi. De Dondi affirme que les premières horloges, actionnées par des poids, utilisaient la gravité comme source d'énergie. La révolution horaire se manifeste ainsi avec l’apparition, en Italie, de ces premières horloges mécaniques à poids. En 1336, Milan se dote d’une telle horloge sonnant les heures du jour selon un nombre de coups correspondant.

Schéma de la partie inférieure de l’horloge astronomique de Dondi.

            En seulement quelques décennies, les horloges mécaniques se diffusent dans toute l’Europe. Les innovations en matière d’horlogerie vont dès lors se faire à vitesse grand V : cadran de 24 heures puis de 12 heures apparaissent, de même que les aiguilles marquant les heures. Ces horloges indiquaient probablement l'heure avec une précision de 15 à 30 minutes par jour. Elles sont d’abord apparues dans les centres-villes, mais comme elles n'avaient pas de cadran, elles utilisaient des cloches pour signaler les heures. La Renaissance n’a pas encore commencé que déjà clochers et beffrois s’équipent de resplendissantes horloges. Ces appareils commencent à organiser les horaires des marchés et les besoins administratifs de chaque ville.

Mesurer le temps permet de fixer la durée sur un lieu de travail et donc le quantifier pour le rémunérer. C’est une aide précieuse pour le paysan pour maîtriser les saisons. Au XVe siècle apparaît l’anneau de paysan, un cadran personnel portatif en forme d’anneau pouvant se régler à la date du jour et donnant l’heure solaire avec une précision d’un quart d’heure. Enfin, cela permet de calculer la position d’un navire et à partir de 1594, les horloges embarquées permettent à un équipage de calculer sa longitude.

Réplique d'un anneau de paysan, montre solaire de 1721. _ Première horloge publique de Paris, Tour de l'Horloge, XVIème siècle.

C'est au XVe siècle que l'on voit apparaître en Europe des ressorts spiralés comme source d’énergie pour les horloges. Cela n'améliorait en rien la précision, mais permettait de réduire la taille de l'horloge, et développer les progrès techniques. Avec la miniaturisation, dès la fin du XVe siècle arrivent les premières horloges portatives, ancêtres des montres. Elles n’en restent pas moins onéreuses et inaccessibles au peuple qui continue à utiliser le cadran solaire.

            La précision des horloges permet désormais de diviser l’heure en sous-parties. Au XVIe siècle apparaissent ainsi les minutes puis les secondes. Et puis les horloges purent désormais être munies d’une aiguille des minutes précise.

Le scientifique néerlandais Christian Huygens a appliqué pour la première fois le pendule à une horloge vers 1656. Cela a permis d'améliorer la précision des horloges à 15 secondes près par jour, car toutes les oscillations ont une durée quasi constante. Ainsi le temps devenait plus précis pour les observations scientifiques, et en particulier l’astronomie.

L'une des premières horloges à pendule conçues par Christiaan Huygens, et son traité sur le pendule, Horologium Oscillatorium publié en 1673, exposé au Musée Boerhaave à Leiden (Pays-Bas).

Pendule dessinée par Christiaan Huygens et signée par Salomon Coster XVIIe, Rijksmuseum Amsterdam.

En 1735, l’Anglais John Harrison met au point le chronomètre de marine capable de garder l’heure exacte à une seconde près en 100 jours. L’objet va révolutionner la navigation.

Chronomètre de navire John Harrison, entre 1761 et 1800, Oslo, musée technique. _ Le chronomètre (version H5) prêté au roi d’Angleterre George III de mai à juillet 1772. Des mesures quotidiennes indiquent une erreur d’environ un tiers de seconde par jour.

L’horloge mécanique marque une rupture radicale dans la conception de l’heure : sa durée ne dépend plus des cycles du soleil mais demeure constante toute l’année. C’est une heure moyenne qui correspond à la douzième partie d’une journée d’équinoxe. L’heure moderne de 60 minutes est née. Les heures temporaires héritées de l’Antiquité sont donc progressivement remplacées par les heures équinoxiales, indiquées par les horloges mécaniques.

Ailleurs dans le monde, certains dispositifs de mesure du temps remontent à plusieurs siècles. Au XIIIe siècle, on trouve des preuves de l'utilisation d'engrenages pour contrôler le mouvement des composants des astrolabes arabes, des appareils qui pouvaient calculer le temps et aider les navigateurs à déterminer leur position. Et bien avant cela, le mécanisme grec antique d'Antikythera date du 2è ou 3è siècle avant J.-C. (il a été découvert en 1901 après J.-C.).  C'est un mécanisme de bronze comprenant des dizaines de roues dentées, solidaires et disposées sur plusieurs plans. Il est considéré comme le premier calculateur analogique au monde. Plus vieux mécanisme à engrenages connu, il permettait de calculer des positions astronomiques et de prédire le mouvement des planètes.

Maquette du mécanisme de l’Antikythera mechanism. Tilemahos Efthimiadis/National Archaeological Museum, Athens, CC BY

En Chine, l'horloge astronomique de Su Song, datée de 1088 après J.-C., était alimentée par de l'eau. Ainsi, si l'horloge a été inventée en Europe au XIVe siècle, les sociétés arabes et chinoises étaient bien plus avancées technologiquement à cette époque que leurs homologues chrétiennes occidentales.

Aujourd'hui, où que nous soyons dans le monde, le temps est une construction unifiée, et la recherche de mesures toujours plus précises se poursuit.

La zeptoseconde

            En 1999, le chimiste égyptien Ahmed Zewail recevait le prix Nobel pour avoir mesuré la vitesse à laquelle les molécules changent de forme grâce à des flashs laser ultra-courts. Nous avions alors fait connaissance avec la femtoseconde qui vaut à 10-15 seconde (0,000 000 000 000 001 seconde).

En 2020, des physiciens de l’Université Goethe (Allemagne) ont étudié un processus encore plus court : le temps qu’il faut à un photon pour traverser une molécule d’hydrogène. Ce temps ? 247 zeptosecondes. Il s’agit de la période la plus courte qui a été mesurée avec succès à ce jour. Le précédent record datait de 2016 avec 850 zeptosecondes enregistrées. Aucune machine ne permet aujourd'hui de mesurer une durée plus petite.

La zeptoseconde vaut à 10-21 seconde (0,000 000 000 000 000 000 001 seconde, 1 billionième de milliardième de seconde). Il y a 2 fois plus de zeptosecondes dans une seconde, que de millièmes secondes depuis le big-bang, il y a 13,82 milliards d’années !!!

Le petit canon du Palais-Royal, ancêtre de l’horloge parlante

            En 1786, Philippe d’Orléans fait installer dans ses jardins du Palais-Royal un petit canon en bronze chargé de tonner tous les jours à midi pour permettre aux riverains de régler montres et horloges. Son fonctionnement est des plus ingénieux : une loupe orientée sur l’axe du soleil à son zénith enflamme la mèche pour la mise à feu du canon. Sa détonation restera longtemps la référence de l’heure de Paris. Seule contrainte : le temps doit être ensoleillé. Autrement dit : pas de soleil, pas d’heure !

Cadran solaire : Le Canon de midi, Paris, musée des Arts et Métiers. _ Conçu par le Sieur Rousseau en 1786, le canon méridien du Palais-Royal fut volé en 1998. Depuis 2002, a été installée une réplique qui sonne désormais chaque mercredi à midi pile à l'aide d'un artificier.

La rotation de la Terre … perturbe le Temps.

La rotation de la Terre ralentit un peu, … jusqu’à récemment

            Les observations courantes passées mettent en évidence un ralentissement de la rotation de la Terre. En effet, la Lune exerce une force sur la Terre qui attire à elle l'eau et la croûte terrestre. Un bulbe se forme en direction de la Lune, mais, en raison des frottements, il le fait avec un retard d'environ 5 minutes. Entre-temps, la Terre tourne d'un degré, si bien que le bulbe se retrouve légèrement décalé par rapport à la direction de la Lune. Ce défaut d'alignement vient freiner la Terre dans sa rotation et provoque l'éloignement la Lune de quelques centimètres par an. On observe effectivement un allongement annuel de la distance Terre-Lune de 3 centimètres.

Une journée sur Terre dure 24 heures, mais cela n'a vraisemblablement pas toujours été le cas, et ne le sera pas toujours en raison du ralentissement de la rotation de la Terre. Pas beaucoup, mais tout de même. En 2016, une équipe de chercheurs britanniques a estimé que le jour terrestre augmentait de 1,8 millième de seconde chaque siècle. À ce rythme, le jour durera 25 heures dans 200 millions d'années. Dans une précédente étude, publiée en 1995, les mêmes auteurs évaluaient à 1,7 milliseconde le ralentissement séculaire.

Comment les chercheurs s'y sont-ils pris ? Ils ont compulsé les archives astronomiques depuis le VIIIe siècle avant J.-C. pour retrouver la trace de toutes les éclipses de Lune et de Soleil recensées et donc observées dans le monde (une éclipse n'est visible qu'à certains endroits à une date donnée). Les chercheurs font donc tourner des modèles très précis de mécanique céleste qui permettent de dire avec une bonne précision quand les alignements entre la Terre, le Soleil et la Lune responsables de ces éclipses se sont produits. Et ils regardent à quel endroit le phénomène était visible sur Terre. Pour qu'il soit observable au lieu consigné dans les archives, il faut systématiquement procéder à un ajustement de l'angle de la rotation de la Terre. Qui s'explique très bien si la durée du jour terrestre augmente en remontant dans le temps. La mise à jour de leur étude de 1995 a tout simplement ajouté de nouvelles éclipses babyloniennes dans leur base de données.

Selon des calculs théoriques, le ralentissement de la Terre devrait cependant se faire au rythme de 2,3 millièmes de seconde par siècle, et non pas la 1,8 ms mesurée par les Britanniques !

On ne comprend pas encore parfaitement les variations du rythme de rotation de la Terre. Sur 30 à 70 ans, la vitesse de rotation peut varier de quelques millisecondes. Sur des échelles de temps plus réduites, il existe aussi des variations saisonnières qui font varier la durée du jour de quelques fractions de millisecondes et d'autres liées aux cycles luni-solaires d'amplitudes similaires Des scientifiques britanniques évoquent aussi une oscillation de plusieurs millisecondes avec une périodicité de 1.500 ans dont l'origine reste mystérieuse.

Car, étrangement, la Terre tourne de plus en plus vite ...

            Depuis les années 1960, on observe une phase d'accélération très subtile.

En utilisant la modélisation géophysique, on fait deux constats : le premier, c’est que cette accélération de la Terre est due à un ralentissement, pour une cause inconnue, de son noyau, une masse de fer en fusion qui se trouve à environ 3.000 km sous la surface du globe. Le deuxième constat, c’est que la fonte accrue des glaces au Groenland et en Antarctique tend a contrario à freiner l’accélération de la Terre, puisque lorsque la glace fond, l’eau se répand sur l’ensemble de l’océan, ce qui augmente le moment d’inertie et ralentit la Terre. On peut comparer cet effet à celui d’une patineuse qui tourne avec les bras au-dessus de la tête : si elle les abaisse, sa rotation est plus lente. La conjugaison de ces deux effets conduit à la conclusion que la Terre tourne plus vite qu’avant, même si cet effet est atténué par la fonte des glaces.

Ceci est conforme au principe physique selon lequel la conservation du moment cinétique de l'ensemble nécessite que le ralentissement du noyau soit compensé par une accélération du reste du système. Ainsi, tout changement dans la répartition des masses à la surface de la Terre est susceptible de changer à la marge la vitesse de rotation de la Terre. Certains prétendent que même les séismes ou les gigantesques barrages ont une influence. C'est vrai en principe, mais les effets n’en sont pas mesurables individuellement et peuvent en plus se compenser les uns les autres.

Les changements climatiques, avec la fonte des glaces polaires, pourraient donc affecter la toupie planétaire.

… et affecte le Temps qui passe.

            Historiquement, l’homme s’est servi de la rotation de la Terre pour mesurer le temps, découpé en secondes. Depuis 1972 toutefois, le système a changé : le temps universel coordonné (UTC), utilisé dans le monde entier, s’appuie désormais sur les données de 450 horloges atomiques dont tout le dispositif « qui bat la mesure » repose sur le caractère immuable des vibrations de l’atome de césium 133. Bien que cette seconde atomique soit un peu trop courte par rapport à la seconde astronomique (1/86400 du jour terrestre), à l’époque, les experts ont toutefois décidé de garder synchronisées ces deux mesures du temps (terrestre et atomique), car les marins continuaient de se fier au soleil et aux étoiles pour naviguer, et ils voulaient un étalon de temps qui reste lié d’une manière ou d’une autre à la rotation de la Terre.

Tous les systèmes liés aux communications et aux réseaux informatiques dépendent aujourd’hui de la précision de l’UTC. Une seconde peut paraître anecdotique, mais, par exemple, la norme européenne pour le chronométrage des opérations boursières impose que leur horaire soit précisé à 0,001 seconde près.

Le problème, c’est que si le temps atomique est stable, celui de rotation de la Terre fluctue, de l’ordre de plusieurs dizaines de microsecondes par jour. Et quand l’UTC a été mis en place, la vitesse de rotation de la Terre avait tendance à ralentir, ce qui allongeait la durée du jour, un effet qui s’ajoute à l’écart entre la seconde astronomique et la seconde atomique. Pour maintenir l’alignement des deux à moins de 1 seconde, il avait été décidé l’insertion occasionnelle d’une seconde dans l’UTC, dite « seconde intercalaire ». Au départ, une seconde intercalaire était appliquée tous les ans. Une mesure désormais rare ; la dernière remonte à 2016 et finalisait la correction d’un écart cumulé de 36 secondes depuis 1972. C’est à l’Observatoire de Paris, qu’incombe la décision unilatérale - annoncée six mois à l’avance - d’ajouter ou non cette seconde en plus, la plupart du temps un 31 décembre, … non sans créer des bugs informatiques.

Si ces secondes intercalaires sont de moins en moins nécessaires, c’est que la rotation de la Terre, depuis un demi-siècle, s’accélère et… les jours raccourcissent !

Et les jours rétrécissent tellement que, pour la première fois, il va sans doute falloir non pas ajouter une seconde mais en retirer une ! Ce bouleversement aurait dû intervenir dès 2026, mais comme le réchauffement climatique ralentit l’accélération de la Terre, l’échéance est potentiellement reportée à 2029.

Problèmes « sans précédent »

            Tout cela n’est pas gravé dans le marbre, puisqu’on ne peut prévoir ce que fera le noyau ; il faut néanmoins se préparer à introduire cette correction inédite dans les différents réseaux informatiques, sachant que peu, voire aucun système, ne dispose d’un logiciel capable de supprimer une seconde. Cela n’a jamais été fait, et produirait beaucoup de confusion.

A tel point, qu’après plus de vingt ans de discussions, les métrologues du monde entier se sont mis d’accord pour mettre fin à ce système de secondes intercalaires, quitte à augmenter la tolérance entre l’UTC et le temps de rotation de la Terre (la navigation céleste n’étant plus vraiment la norme).

Cette décision censée être appliquée avant 2035 repousserait d’au moins un siècle la nécessité de procéder à un ajustement.

Été, hiver, petite histoire des changements d’heure

Les modifications horaires, en particulier hiver/été, relèvent de la responsabilité de l’Observatoire de Paris, lequel est en charge d’établir, de maintenir et de diffuser le temps légal français, plus précisément l’échelle de l’heure légale en France.

Le passage à l’heure d’été et à l'heure d'hiver est en fait une idée bien ancienne, et son établissement sous la forme que nous connaissons, une petite histoire à elle seule.

Petit changement, longue histoire

Première page de la lettre anonyme de Benjamin Franklin aux rédacteurs du Journal de Paris, 26 avril 1784. La lettre est une satire proposant diverses méthodes pour réveiller les Parisiens tôt le matin afin d'économiser de l'argent sur les bougies, et présage l'idée de l'heure d'été. La lettre n'a pas de titre et figure dans la section "Économie" du journal. La lettre originale était en anglais, mais cette première publication est une traduction française.

 En 1784, Benjamin Franklin évoque pour la première fois dans le quotidien français Le journal de Paris la possibilité de décaler les horaires afin d’économiser l’énergie. Cette idée n’est pourtant pas encore très populaire à une époque où la société est encore très largement agricole et où l’heure « utile » est celle du Soleil, qui varie de 50 minutes de l’est à l’ouest de la France.

Mais un siècle plus tard, le développement des transports ferroviaires va nécessiter une unification de l’heure sur l’ensemble du territoire français. Cela d’autant plus que le télégraphe électrique est quasi simultanément créé.

Cela va être décidé en 1891 : l’heure de Paris devient l’heure nationale. Le même processus se produit dans différents pays du monde, la différence des échelles de temps entre les pays correspondant à la différence de longitude de leur méridien de référence.

L’Allemagne est la première à instaurer ce changement d’heure le 30 avril 1916. Elle est rapidement suivie par le Royaume-Uni le 21 mai 1916. En France, l’introduction d’une heure d’été est proposée en 1916, votée en 1917, devançant de peu les États-Unis qui vont adopter le changement d’heure en 1918.

L’heure allemande pendant l’Occupation

Ce régime va subsister en France jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’avancée des troupes allemandes dans le nord de la France va introduire ce qui est appelé « l’heure allemande » dans la partie occupée avec une heure différant de 60 minutes avec celle de la zone libre, au sud de la ligne de démarcation.

Au cours de la guerre des échanges ont lieu avec le haut commandement allemand à différentes reprises avant et après l’occupation totale de la France ; ils mettent en jeu, notamment, la SNCF, pour les écarts des heures et les dates de changement d’heure, ainsi que le secrétaire d’État aux Communications. Plus tard, ce sera le tour du Gouvernement provisoire de la République française, selon l’avance des armées alliées.

Au mois d’août 1945, un nouveau décret rétablit l’heure d’hiver traditionnelle en deux étapes : avec un retard d’une heure le 18 septembre 1945, puis d’une autre le 18 novembre 1945 ; mais un décret annule cette dernière décision. Ce qui fait que la France demeure à cette époque à l’heure d’hiver de l’Europe centrale qui est également l’heure d’été de l’Europe occidentale.

La dernière décision de changement d’heure en France remonte au 19 septembre 1975 : un décret introduit alors une heure d’été en France, pour application du 28 mars au 28 septembre 1976. Cette mesure, prise à la suite du choc pétrolier de 1973, avait pour but d’effectuer des économies d’énergie en réduisant les besoins d’éclairage en soirée. À l’origine, cette mesure devait être provisoire.

Jusqu’en 1995, le passage de retour à l’heure d’hiver a lieu le dernier dimanche de septembre à 3 heures du matin. Mais depuis 1996, il s’effectue le dernier dimanche d’octobre et prolonge la période d’heure d’été durant une partie de l’automne ; il dure jusqu’au dernier dimanche de mars à 3 heures du matin. Le décalage par rapport à l’heure solaire en France est ainsi d’une heure environ en hiver et de deux heures environ l’été.

Harmonisation en Europe

Le changement d’heure estival a été introduit dans l’ensemble des pays de l’Union européenne au début des années 1980. Pour faciliter les transports, les communications et les échanges au sein de l’UE, il a été décidé d’harmoniser les dates de changement d’heure en 1998 par la directive 2000/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 janvier 2001.

Le passage à l’heure d’été dans le monde. En bleu, les pays qui l’ont adoptée. En orange, ceux où il s’agit d’une convention. En rouge, ceux qui ne l’utilisent pas. Paul Eggert/Wikipédia, 2012, CC BY-SA

Dans la pratique, si chacun doit avancer sa montre d’une heure au printemps et la reculer en automne, l’heure légale réalisée à l’Observatoire de Paris est modifiée automatiquement, que ce soit la traditionnelle horloge parlante ou les méthodes plus modernes de synchronisation par protocole NTP pour les ordinateurs.

L’heure légale diffusée par l’horloge parlante ou protocole NTP est le Temps universel coordonné de l’Observatoire de Paris – UTC(OP) à laquelle on ajoute une heure ou deux selon la saison.

L’Observatoire de Paris réalise et diffuse le temps légal français. Le temps légal français est élaboré par des horloges atomiques du laboratoire national de métrologie LNE-SYRTE à l’Observatoire de Paris. En 2016, ce temps de référence a une exactitude de 0 000 000 001 seconde. Rappelons à ce propos que la seconde est définie depuis 1967 comme « la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l’état fondamental de l’atome de césium 133 ».

Et pourquoi pas un horaire lunaire !

            Les États-Unis souhaitent que la Nasa établisse un référentiel visant à établir un temps lunaire coordonné ("Coordinated Lunar Time") pour les besoins des missions d'exploration spatiale qui se multiplient. Cette demande s'inscrit dans un contexte de nouvelle ère avec des missions sur la Lune prévues dès 2026 (… si tout va bien pour la mission Artemis III) qui vont nécessiter des normes de temps pour la sécurité et par souci de précision. Un enjeu qui pourrait devenir critique puisqu’on envisage désormais la présence permanente d'humains sur le satellite naturel de la Terre.

Il s’agit de relier le temps lunaire coordonné (LTC) au temps universel coordonné (UTC), qui sert de référentiel sur la Terre pour régler les horloges.

Mais pour coordonner les horloges aux quatre coins de la galaxie, il faut prendre en compte un écoulement du temps différent sur chaque satellite et planète. Le temps s'écoule différemment dans les différentes parties de l'espace ; par exemple, le temps semble s'écouler plus lentement là où la gravité est plus forte, comme à proximité des corps célestes.

Une définition cohérente du temps adoptée par les différents opérateurs dans l'espace est essentielle pour assurer le succès de la navigation et des communications, qui sont toutes fondamentales pour permettre l'interopérabilité au sein du gouvernement américain et avec les partenaires internationaux.

Sources : Futura Planète – Patrick de Wever - 10 jun 2021 France Culture - Maxime Tellier – 25 jan 2020 Journée scientifique du Bureau des longitudes - Patrick ROCHER - Temps et calendriers – 20 jun 2000 France culture – Elasa Mourges – 14 jun 2021 Yaël Nazé : « Astronomies du passé, de Stonehenge aux pyramides mayas » - The Conversation - 24 janvier 2020 Trait d’Union A.R.Technip - Michel Grand – mars 2013 / Herodote.net - Julien Colliat et André Larané – 06 jun 2022 - The Conversation - Jaq Prendergast – 28 déc 2023 / The Conversation - Arnaud Landragin - 24 mars 2016