Nucléaire : le combustible uranium.

L’uranium est un élément essentiel à la production de combustible nucléaire, lequel est utilisé dans les réacteurs nucléaires de puissance du monde entier. (Image : A. Vargas/AIEA)
L’uranium est un élément radioactif naturel qui porte le numéro atomique 92 et correspond au symbole chimique U dans le tableau périodique. Il appartient à un groupe spécial d’éléments découverts relativement tard dans l’histoire : les actinides. Comme tous les autres actinides, l’uranium est « radioactif » : il se désintègre avec le temps en libérant de l’énergie au cours du processus. Les propriétés particulières de l’uranium en font la principale source de combustible des réacteurs nucléaires. Une quantité d’uranium de la taille d’un œuf de poule peut produire autant d’électricité que 88 tonnes de charbon.
L’uranium est l’un des éléments les plus abondants dans la croûte terrestre — il est environ 500 fois plus répandu que l’or. Alors qu’il semble très rare, l’uranium est en réalité présent partout en infimes quantités — dans la roche, le sol, l’eau et même dans notre corps. L’océan contient également de grandes quantités d’uranium fortement dissous, environ quatre milliards de tonnes.
Comme n’importe quel autre élément, l’uranium existe sous plusieurs formes dont la masse et les propriétés physiques diffèrent, mais qui ont les mêmes propriétés chimiques. Ces différentes formes sont ce que l’on appelle des isotopes.
Qu’est-ce qu’un isotope ?
Toute matière est composée d’atomes, eux-mêmes constitués de protons, de neutrons et d’électrons. Le nombre de protons détermine les propriétés chimiques d’un atome et définit ainsi les différents éléments chimiques.
Les atomes comportent autant de protons que d’électrons. L’uranium, par exemple, possède 92 protons (positifs), et donc 92 électrons (négatifs). Toutefois, un même élément peut présenter un nombre variable de neutrons, formant ainsi ce qu’on appelle des isotopes.

Un isotope est un type d’atome, la plus petite unité de matière qui conserve toutes les propriétés chimiques d’un élément. Cette différence importe donc peu dans les réactions chimiques, mais elle a un impact majeur dans les réactions nucléaires.
Quels sont les différents isotopes de l’uranium ?

L’uranium 238 représente plus de 99 % des trois isotopes naturels de l’uranium que l’on trouve sur Terre. (Infographie : A. Vargas/AIEA)
Il existe trois isotopes naturels de l’uranium : l’uranium 234 (234U), l’uranium 235 (235U) et l’uranium 238 (238U). L’238U est le plus répandu et représente environ 99 % de l’uranium naturel sur Terre. La plupart des réacteurs nucléaires utilisent des combustibles qui contiennent de l’235U. Cependant, l’uranium naturel n’en contient généralement que 0,72 % et la plupart des réacteurs ont besoin d’une concentration plus élevée de cet isotope dans leur combustible. Par conséquent, la concentration en 235U est augmentée artificiellement par un processus appelé « enrichissement ». Seuls les réacteurs CANDU canadiens sont alimentés par de l’uranium non enrichi.
Qu’est-ce que l’enrichissement de l’uranium ?
Pour les réacteurs nucléaires ou les armes, il faut modifier ces proportions isotopiques. Car parmi les deux principaux isotopes, seul l’uranium-235 peut soutenir une réaction en chaîne de fission nucléaire : un neutron provoque la fission d’un atome, libérant de l’énergie et d’autres neutrons, qui provoquent à leur tour d’autres fissions, et ainsi de suite. Cette réaction en chaîne libère une quantité d’énergie énorme. Dans une arme nucléaire, cette réaction doit avoir lieu en une fraction de seconde pour provoquer une explosion. Tandis que dans une centrale nucléaire civile, cette réaction est contrôlée.
« Enrichir » de l’uranium consiste à augmenter la proportion d’uranium-235 dans l’élément naturel, en le séparant progressivement de l’uranium-238. L’enrichissement de l’uranium est ainsi le processus par lequel la concentration isotopique de l’235U est portée de 0,72 % jusqu’à possiblement 94 %.
L’uranium est considéré comme faiblement enrichi si sa concentration isotopique d’235U reste inférieure à 20 %. La plupart des réacteurs commerciaux utilisent de l’uranium faiblement enrichi (UFE), enrichi à moins de 5 %, souvent appelé « uranium de qualité réacteur », suffisant pour entretenir une réaction en chaîne et donc produire de l’électricité. L’UFE ne se détériore pas et peut être entreposé en toute sûreté pendant de nombreuses années.
Si l’uranium est enrichi à plus de 20 %, il est considéré comme hautement enrichi. L’uranium avec des teneurs aussi élevées d’isotope 235U est principalement utilisé dans les réacteurs de propulsion navale (par exemple dans les sous-marins), dans les armes nucléaires et dans certains réacteurs de recherche. Techniquement, il est possible de fabriquer une arme avec de l’uranium enrichi à 20 % (on parle alors d’uranium hautement enrichi), mais plus le taux est élevé, plus l’arme peut être compacte et légère. Les États disposant de l’arme nucléaire utilisent généralement de l’uranium enrichi à environ 90 %, dit « de qualité militaire ».
Il existe plusieurs techniques pour « enrichir » (certaines -dont SILEX laser technology- récemment développée en Australie), mais l’enrichissement commercial est actuellement réalisé via centrifugation. Les centrifugeuses exploitent le fait que l’uranium-238 est environ 1 % plus lourd que l’uranium-235. En général, le concentré d’uranium est mis sous forme gazeuse, l’hexafluorure d’uranium. Ce gaz est ensuite pompé dans des cylindres en rotation hyper rapide à une vitesse de 400 à 500 mètres par seconde. — les centrifugeuses tournant entre 50.000 et 70.000 tours par minute — où les isotopes les plus lourds, tels que l’238U, sont poussés vers les parois, tandis que l’235U, plus léger, reste au centre. Cela permet de « filtrer » et de recueillir le gaz contenant des concentrations en 235U plus élevées. Ce procédé a très peu d’efficacité ; il faut donc répéter l’opération des centaines de fois pour augmenter progressivement la concentration isotopique suffisante d’uranium-235.
Le gaz acquis subit ensuite un processus de reconversion qui lui permet de transformer l’235U en une poudre noire, le dioxyde d’uranium.
Comment l’uranium est-il extrait ?
Au XXe siècle, le minerai d’uranium était principalement extrait de mines à ciel ouvert ou de mines souterraines, ce qui nécessitait le concassage et le raffinage du minerai pour séparer l’uranium des autres éléments.

Mine d’extraction de l’uranium au Kazakhstan exploitée conjointement par Orano et Kazatomprom. (Photo : KATCO)
Au XXIe siècle, cette méthode a été progressivement remplacée par la « lixiviation in situ ». Bien que cette technique n’ait permis de produire que 16 % de l’uranium extrait en 2000, la lixiviation in situ est actuellement la méthode d’extraction de l’uranium la plus courante. En 2020, environ 58 % de l’uranium extrait dans le monde l’a été par cette méthode.

Lixiviation in situ. (Infographie : A. Vargas/AIEA)
La lixiviation in situ consiste à faire circuler dans les gisements souterrains d’uranium de l’eau à laquelle ont été ajoutés des éléments, tels que des agents complexants ou oxydants, ou des acides. Cette méthode permet de dissoudre l’uranium directement à partir du gisement. La solution obtenue est ensuite extraite du sous-sol et raffinée pour produire de l’oxyde d’uranium — du concentré d’uranium ou « yellowcake » —, qui est utilisé pour enrichir l’uranium.

Concentré d’uranium (yellowcake) sortant d’un filtre-presse. (Photo : Orano)
Comment l’uranium est-il transformé en combustible nucléaire ?

(Infographie : Adriana Vargas/AIEA)
Avant sa transformation en combustible nucléaire, l’uranium passe par différents états : solide, liquide et gazeux. Tout d’abord, le minerai d’uranium à l’état solide est dissous dans un liquide et extrait par lixiviation in situ. Il est ensuite transformé en concentré d’uranium à l’état solide avant d’être converti en gaz, l’hexafluorure d’uranium. Ce gaz est alors transféré vers des centrifugeuses et transformé en dioxyde d’uranium, une substance qui ressemble à une poudre noire, destiné à l’enrichissement, qui comprimée et chauffée pour être frittée permet de former des pastilles d’uranium. Ces pastilles sont ensuite insérées une à une dans de longs tubes métalliques empilés pour former des assemblages combustibles qui forment la base des assemblages combustibles nucléaires utilisés par les centrales nucléaires.
Le cycle du combustible nucléaire
Ces processus d’enchaînement des différentes étapes que sont l’extraction de l’uranium, la transformation de celui-ci en combustible nucléaire, l’irradiation du combustible dans une centrale nucléaire et le stockage définitif des déchets qui en résultent qui constitue le cycle du combustible nucléaire.

(Infographie : A. Vargas/AIEA)
Qu’est-ce que l’uranium de retraitement ?
Le combustible usé peut aussi être retraité et réutilisé sous forme d’uranium de retraitement en vue de sa réutilisation en tant que source potentielle de production supplémentaire d’électricité.
Après avoir été irradié dans les réacteurs, le combustible usé doit être entreposé pour être refroidi avant d’être stocké définitivement ou retraité dans des installations de recyclage spécialisées. L’uranium ainsi récupéré est appelé uranium de retraitement qui peut être réutilisé comme nouveau type de combustible.
La France, pour gérer les quelque 1.150 tonnes de combustible usé qu’elle génère chaque année avec ses 56 réacteurs nucléaires, comme plusieurs autres pays, a décidé très tôt de fermer son cycle du combustible nucléaire national en recyclant ou en retraitant le combustible usé (dans les usines de La Hague et de Marcoule), pour récupérer et réutiliser l’uranium et le plutonium présents dans le combustible usé, réduisant du même coup le volume de déchets de haute activité.
Le procédé consiste à convertir le plutonium usé (sous-produit se formant dans les réacteurs nucléaires de puissance lors de la combustion du combustible d’uranium) et l’uranium en un « mélange d’oxydes » (MOX), qui peut être réutilisé dans les centrales nucléaires pour produire à nouveau de l’électricité. Ce recyclage permet de récupérer jusqu’à 96 % des matières réutilisables du combustible usé. Depuis sa mise en service, au milieu des années 1960, l’usine de La Hague a traité de manière sûre plus de 23.000 tonnes de combustible usé, soit assez pour alimenter à partir du combustible usé le parc nucléaire français pendant 14 ans.
Les déchets générés par le recyclage et l’uranium appauvri doivent par contre être stockés définitivement.
Qu’est-ce que l’uranium appauvri ?
Comme nous l’avons vu dans la section sur l’enrichissement, les centrifugeuses produisent de l’uranium qui contient une concentration isotopique en 235U plus élevée, ce qui signifie que les matières restantes en contiennent moins. Lorsqu’un sous-produit de l’enrichissement présente une concentration isotopique en 235U inférieure à 0,7 %, il est considéré comme appauvri.
L’uranium appauvri est moins radioactif que l’uranium naturel car il contient moins d’235U par unité de masse. Toutes les traces de descendants ont été retirées lors de la purification chimique de l’uranium avant son enrichissement. L’uranium appauvri peut être stocké définitivement en tant que déchet de faible activité ou utilisé dans la fabrication de combustible à mélange d’oxydes (MOX) ; du plutonium séparé est issu du retraitement des combustibles nucléaires usés.
D'après : IAEA - Vladimir Tarakanov – 15 sep 2023 / world-nuclear-news – 20 fév 2024 / The Conversation - Kaitlin Cook - 17 juin 2025
