La France, combien de capitales !

.            Bien que l'île parisienne de la Cité ait été depuis le XIe siècle l'un des centres névralgiques du royaume, Paris n'a pas toujours été la capitale de la France. Si Paris peut s'enorgueillir d'une histoire vieille de plusieurs millénaires, notre capitale n'a pas toujours occupé une place aussi centrale dans les territoires et royaumes intégrés dans le récit de la France. Elle ne décroche d'ailleurs pas le titre de doyenne des communes françaises. Béziers serait la ville la plus ancienne du territoire français encore habitée. La date de sa fondation a été précisément datée : 625 avant notre ère par les Grecs, soit quelques années avant Marseille. Au cours des siècles, pour des raisons diverses, d'autres villes ont fait office de capitale (siège du gouvernement), préférées par les souverains romains, francs comme bourbons. Puisqu'elles pouvaient ainsi se prévaloir d'une importance prépondérante sur le plan politique, ces villes peuvent ainsi être considérées comme des anciennes "capitales".

Lutèce ou premier plan de la ville de Paris (1705)

Lyon, la première capitale

.           Après la conquête de la Gaule par César, ce n’est pas Lutèce, petite cité de 5 000 habitants, qui est choisie comme capitale de ce que les Romains appelaient Les Gaules, mais Lugdunum, la future Lyon. C’est dans cette bourgade celte que s’implante une colonie romaine en 43 avant J.-C. Auguste (empereur de 27 av. J.-C. à 14 apr. J.-C.) découpa la Gaule (dont les territoires correspondent approximativement à l'actuelle France) en 4 provinces, une sénatoriale et trois impériales : la Gaule narbonnaise (Gallia narbonensis), la Gaule aquitaine (Gallia Aquitana), la Gaule belge (Gallia Belgica) et la Gaule lyonnaise (Gallia Lugdunensis). Leurs "centres administratifs" sont respectivement Narbonne (Narbo Martius), Saintes (Mediolanum Santonum), Reims (Durocortorum) et Lyon (Lugdunum).

Cette dernière colonie, "capitale des Gaules", occupe en effet une position stratégique, point central d'axes commerciaux fluviaux majeurs. Auguste y installe son poste de commandement, et 4 grandes voies sont construites, desservant toutes les provinces ; tous les chemins mènent à Lugdunum. La cité va rapidement se développer et compter plus de 50 000 habitants, au point de devenir la ville la plus importante de Gaule. Carrefour commercial, elle s’impose sur les plans administratifs, économique et religieux. C’est là qu’on trouve, par exemple, le seul atelier monétaire en dehors de Rome autorisé à frapper des monnaies d’or et d’argent.

Paris, alors Lutèce (Lutetia), important centre urbain de la tribu celtique des Parisii, puis cité administrative et commerciale romaine, est au IIe siècle 4 fois moins grande que Lyon. François 1er qui y séjourna en 1515 en aurait peut-être fait sa capitale si son aventure italienne ne s'était pas mal terminée ...

Tournai

.           Au IIIe siècle, les Francs, confédération de peuples germaniques, participent aux "invasions barbares" qui pénètrent dans l’Empire romain, et s'établissent dans une région correspondant aujourd'hui au nord de la France, à la Belgique et à l'Allemagne occidentale. Les Francs saliens, en particulier, sont installés par un traité avec Rome (fœdus) au nord-ouest de la Gaule, en Toxandrie (actuelles provinces belges d'Anvers et Limbourg). C'est à cette époque que le Royaume des Francs commence à prendre forme, sous la direction des rois mérovingiens.

Au Ve siècle, le centre du pouvoir se déplace à Tournai (Wallonie). La cité devient le berceau des Mérovingiens, première dynastie des rois de France. C’est Childéric Ier, roi des Francs Saliens (436 / 481), qui en fait sa capitale en 458. À sa mort, en 481, son fils Clovis part à la conquête des provinces gauloises encore sous influence romaine et se fait couronner roi de tous les Francs. Il quitte alors Tournai pour s’installer à Soissons.

Soissons

            Après la mort de son père Childéric Ier, Clovis Ier (466-511) unifie sous son règne plusieurs tribus franques. En 486, lors de la bataille de Soissons, le dernier gouverneur romain indépendant en Gaule du Nord, Syagrius, est défait ; de cet épisode naîtra la légende du vase de Soissons. Celui qui devient le premier "roi des Francs" fait de cette ville symbolique, idéalement située dans le nouveau royaume franc (Regnum Francorum) dont il a désormais le contrôle, sa capitale.

Parisii

           Après sa conversion au christianisme à Reims à la fin du Ve siècle, établissant les liens étroits entre la monarchie et l'Église catholique, Clovis commence à privilégier Laon comme l'une de ses principales résidences et place de gouvernance. La ville, surnommée la "montagne couronnée", ne sera cependant par la suite que le lieu de villégiature privilégié des derniers rois carolingiens.

En 508, Clovis choisit Paris comme capitale en raison de sa position stratégique sur la Seine entre le Nord et le Sud, la plus centrale des 4 royaumes qu'il destinait à ses 4 fils. C'était alors la capitale du Royaume des Francs. A noter que la tradition franque (trouvant ses origines anciennes dans la culture germanique) veut que les territoires soient partagés entre les fils, multipliant ainsi en quelque sorte les "capitales". Une pratique qui sera perpétuée par les Carolingiens.

Quierzy

.            Bien qu’ayant été choisie par Clovis au début du VIe siècle, Paris ne restera pas longtemps capitale : ses successeurs se déplacent sur leur territoire au gré de leurs envies. Ils vont séjourner à Quierzy, dans l’Aisne – aujourd’hui un village de 400 habitants. Le lieu est aussi adopté par Charles Martel, chef militaire franc. Maire du palais (intendant du roi), célèbre pour avoir stoppé l’avancée des tribus arabes à Poitiers, il décède à Quierzy en 741. C’est là que son fils, Pépin le Bref, reçoit le pape pour la création des États pontificaux (754). Charlemagne y serait même né ! La cité picarde devient alors en 768 la capitale de la nouvelle dynastie, celle des Carolingiens.

Aix-la-Chapelle

.           Après ses nombreuses conquêtes territoriales, Charlemagne décide de gouverner son vaste royaume depuis Aix-la-Chapelle en 794. Cette cité thermale, aujourd’hui Aachen en Allemagne, se trouve alors au carrefour des routes commerciales européennes. Elle permet en outre de surveiller et de réagir rapidement aux menaces potentielles venant de l'Est, aux raids vikings du IXe siècle, à la fin de son règne, par exemple.

Dotée de sources thermales réputées depuis l'Antiquité, Aix-la-Chapelle plaît tant à Charlemagne qu'il veut en faire une "deuxième Rome". Une cathédrale catholique romaine est édifiée. Pendant 6 siècles, sa chapelle sera le théâtre du couronnement des rois du Saint-Empire germanique.

Elle sera la capitale de l’empire carolingien pendant une cinquantaine d’années, jusqu’à la division de ce vaste territoire entre les trois petits-fils de Charlemagne (en 843).

Soissons, Reims, Orléans

.            Au fil des conquêtes de Clovis ou dans les royaumes de ses fils, ces villes furent capitales de tout ou partie du Royaume des Francs.

Paris

.            Si on retient la date du traité de Verdun en 843 comme origine de la dénomination France, c'était alors la Francia occidentalis avec Paris comme capitale.

Compiègne

.            Pourtant Charles le Chauve (823-877) ne se rendra que deux fois à Paris, après avoir installé un palais à Compiègne.

Paris

.            La ville redeviendra officiellement la résidence des rois de France en 900 jusqu'en 1417, sauf sous Hugues Capet.

Il faut toutefois attendre le septième souverain de la dynastie, et premier à se faire appeler "roi de France" plutôt que "roi des Francs", Philippe II Auguste (1165-1223) pour que Paris devienne (très progressivement) le centre politique et administratif préféré du royaume. Philippe Auguste, en 1194, défait par Richard Coeur de Lion fut en effet contraint d'abandonner ses archives qui voyageaient avec lui ; il décida alors que les actes officiels seraient stockés à Paris, puis ensuite son trésor, son administration, et la Cour de justice c'est-à-dire l'essentiel des pouvoirs.

Senlis.

.            Hughes Capet (949-996) se fit élire à Senlis, ville qu'il qualifiait de sûre et d'agréable.

Troyes

.            En pleine guerre de Cent ans, de 1417 à 1422, cette ville, pour des raisons stratégiques, devint le siège du gouvernement royal.

Bourges

.            Dépossédé de son royaume en 1422, Charles VII avait installé sa Chambre des comptes dans cette ville du Berry. Incité par Jeanne d'Arc, le roi partira à la reconquête de son royaume et de Paris.

Tours

.            Au Moyen Âge, si les rois français avaient plusieurs lieux de résidence, Paris est devenu peu à peu la capitale du royaume. Mais la guerre de Cent Ans a poussé la cour à fuir la ville, où règnent les Anglais Henri V (en 1420) puis le petit Henri VI (il sera "roi de France et d’Angleterre"). Après Bourges, Charles VII s’installe durablement à Tours.

Paris

.            En 1528, François Ier proclamait : « Paris redevient notre capitale. »

Blois / Tours

.            Si François Ier proclame à nouveau Paris comme capitale en 1528, son petit-fils, Henri III, chassé par la Ligue catholique, s’installera dans le Val de Loire (surtout à Blois) en 1588 où il convoqua les Etats Généraux. Acculé par la guerre civile, Paris étant assiégée, il fera de Tours sa capitale quelques mois avant sa mort en 1589…

Paris

.            … jusqu’à ce qu’Henri IV ne reconquière Paris en 1594, laquelle "valait bien une messe".

Versailles

.            Se méfiant de Paris, Louis XIV s'installa en 1682 avec sa cour et ses ministres au palais de Versailles qu'il avait rebâti et agrandi. L'un de ses successeurs, Louis XVI, y demeura jusqu'au 5 octobre 1789 quand il fut conduit à Paris par un cortège essentiellement composé de femmes.

Bordeaux

.            Paris redevient ensuite durablement la capitale de France, si l’on excepte la parenthèse versaillaise, de Louis XIV à Louis XVI. Durant la guerre de 1870, le gouvernement se replie à Bordeaux pour échapper à l’ennemi prussien, après la capitulation de Sedan. La cité girondine fera office de capitale jusqu’à l’armistice de janvier 1871. La même situation se répétera au début de la Première Guerre mondiale, durant quatre mois, puis en juin 1940, pendant une quinzaine de jours.

Vichy

.            En 1940, lorsque Bordeaux se retrouve en zone occupée par l’armée allemande, le gouvernement du maréchal Pétain prend ses quartiers à Vichy. Jusqu’en 1944, la ville de Vichy fut la capitale de l'Etat français.

Brazzaville / Alger / Paris

Face à Vichy, la capitale de la France collaboratrice, le général de Gaulle, qui appelle à poursuivre la lutte contre l’Allemagne nazie depuis les colonies, cherche un territoire pour créer son Conseil de défense de l’Empire. C’est, située au cœur de la colonie d’Afrique équatoriale française, qu’il choisit Brazzaville comme capitale de la France Libre. La future capitale de la République du Congo le restera jusqu’en 1943, avant d’être délocalisée à Alger, …

Paris

.            … puis de revenir à Paris dès sa libération, le 25 août 1944.

Pourquoi la capitale de la France s'appelle-t-elle "Paris" ?

.           Paris, ville Lumière, ville de l'élégance, et du romantisme... Ça c'est aujourd'hui, parce que l'origine du nom de Paris est bien éloignée de tout ça ! Derrière ce nom iconique se cache une histoire de quelques millénaires, où ni le glamour ni le chic n'ont leur place.

Pour plonger dans les racines étymologiques de Paris, il faut remonter aux alentours du 3e siècle avant J.-C. La région qui abrite aujourd'hui Paris était habitée par des tribus celtes appelées les Parisii. Ces Celtes avaient choisi de s'installer le long des rives de la Seine, créant ainsi un emplacement stratégique pour le commerce, grâce à l'accès facile à la rivière et aux voies navigables avoisinantes.

L'arrivée des Romains, dirigés par Jules César, vers 52 avant J.-C, change l'histoire de la ville. Les Parisii ont résisté courageusement, mais ont finalement été vaincus. Les Romains ont alors fondé une colonie située sur le site de l'actuelle île de la Cité, qu'ils ont appelée "Lutetia,", le fameux "Lutèce" qu'on trouve dans les albums d'Astérix !  Désignant le cœur historique de Paris, le nom "Lutetia" avait des racines celtiques signifiant "marais" ou "boueux," en raison de la nature humide du terrain. Le nom de la ville signifiait donc "Le lieu du marais" ou "la cité de la boue".

Au 5e siècle après J.-C., lorsque l'Empire romain a commencé à décliner, les tribus germaniques ont envahi le territoire et la langue latine qui dominait a commencé à évoluer ; le latin vulgaire, la forme de latin parlée par le peuple, s'est transformé en ancien "français".

Cette évolution linguistique a également eu un impact sur le nom de la ville. Du fait du reflux de la puissance romaine, la ville "Lutetia" est alors désignée par l'ethnicité de ses habitants: les Parisii : le nom s’est progressivement transformé en "Lutetia Parisiorum" puis en "Parisius" en ancien français. Finalement, au IX° siècle, le nom a été simplifié en "Paris," qui est la forme que nous connaissons aujourd'hui.

Ce sont donc les Celtes Parisii qui ont donné le nom de la ville. Mais quelle est la signification de ce mot ? La langue celtique ancienne reste un mystère en raison de l'absence de supports écrits. Plusieurs théories ont été avancées pour décrypter ce nom énigmatique. L'une d'elle, suggère une connexion avec le mot "pario," signifiant "chaudron." Les sociétés celtes attachaient une grande importance symbolique au chaudron et, selon cette théorie, le nom Parisii pourrait signifier les "gens du chaudron".

D’autres suggèrent l'ajout d'un suffixe ethnique au terme celtique "peri," signifiant "ordonner" ou "provoquer." Cela pourrait signifier que les Parisii étaient vus comme des "chefs" ou des personnes ambitieuses et arrogantes.