. De plus en plus, les marchandises sont donc « mises en boite », transportées dans des conteneurs, la grande révolution du transport maritime des dernières décennies. Cette idée de génie, on la doit à l’américain Malcom McLean. Ancien routier, devenu entrepreneur, le fondateur de Sealand, l’entreprise pionnière des transports inter-modaux, qui, en 1956, fut le premier à imaginer des remorques de camions détachables, donc directement transférables sur les navires. Il reconstruisit le pétrolier Ideal X de la Pan-Atlantic Steamship, et commença à expédier par bateau des remorques de camions sans leur châssis entre New-York et Houston.
. Aujourd'hui, le conteneur, dont trois groupes chinois fabriquent l'essentiel, règne en maître absolu sur le commerce mondial, stigmatisant la mondialisation. Les raisons de ce succès sont évidentes : la simplicité du système, une bonne garantie contre les risques de vols ou d'avaries et la standardisation mondiale dont il fait l'objet. Il a permis d'automatiser la quasi-totalité des opérations de transport. Multimodal, il permet de passer du navire au camion et au train en quelques minutes, avec ses dimensions standardisées qui permettent une manutention facilitée et une meilleure productivité ; c’est le mode de transport idéal pour le porte-à-porte.
. Le mode maritime présente l’énorme avantage de massifier le transport de conteneurs : 22.000 sur les plus gros navires contre environ 90 pour un train. Chaque conteneur pouvant contenir 4.000 boites de chaussures, ce sont 88 millions de paires de chaussures qui peuvent être transportées par un navire contre moins de 400.000 pour un train.
. D’un volume unitaire de 33 m3 utiles (largeur 2,44 m ; hauteur de 2,59 m ; 2,2 tonnes à vide) les longueurs de 20 pieds (6,1 m) -TEU (twenty foot equivalent unit) ou EVP (équivalent vingt pieds)- se sont imposées au niveau international, de même que les 40 pieds (12,2 m) de 67 m3 utiles (3,7 tonnes à vide). A l'intérieur des États-Unis on trouve aussi des conteneurs de 53 pieds (16,15 m ; 90 m3), dimension qu’autorise la longueur des châssis de remorque (contrairement à l'Europe).
. En 2021, 24 millions d’unités sont en circulation dans le monde, et l’on (en particulier la Chine) manque de boites vides ! Presque 800 millions de manipulations de containers TEU (équivalent 20 pieds) sont effectuées dans les ports chaque année (chaque unité y est manipulée en moyenne 3,5 fois), soit autant de charges de 20 à 30 t à soulever et déposer. Des opérations réalisées au moyen de portiques de manutention et de grues mobiles.
. Les conteneurs sont empilés de manière plus ou moins savante (et satisfaisante !) sur les porte-conteneurs. Ceux du dessous sont directement accrochés au navire et solidarisés entre eux par des barres de fer disposées en diagonale ; ceux du dessus, sur 15 à 20 niveaux, sont encastrés les uns dans les autres verticalement mais pas attachés horizontalement. Le tout en veillant, du moins théoriquement, à une répartition judicieuse des poids pour positionner au mieux le centre de gravité.
En réalité, ces empilements ne sont pas organisés en fonction de leur seule stabilité. D’autres contraintes existent. Ainsi, les containers censés débarquer aux premières escales d’un voyage seront souvent (naturellement) placés de manière à être facilement atteignables, même si leur poids devrait idéalement les imposer ailleurs. Quant à leur poids, justement, encore faudrait-il qu’il soit connu ! Nombre de caissons ont un poids réel supérieur à leur poids officiel. Résultat : des piles penchent, pèsent sur d’autres, qui s’appuient à leur tour sur leurs voisines à la façon d’un immense jeu de dominos. Et des boîtes finissent à la mer.
. En douze ans, de 2008 à 2019, le WSC (World Shipping Council) estime que, sur ces quelque 226 millions de boîtes expédiées chaque année, en moyenne, 1.380 sont perdues. Obtenir une évaluation précise du nombre de conteneurs perdus en mer reste spéculatif. Selon que l’on est assureur, société de classification, courtier, armateur ou défenseur de la nature, les estimations échappent à tout entendement, oscillant entre 1.000 et 100.000 par an !
Ils deviennent alors des ofnis (objets flottants non-identifiés), difficiles à détecter au radar et potentiellement dangereux. Soit ils coulent directement, soit ils restent trois à quatre mois en flottaison. Sur les routes maritimes qu’empruntent les bateaux, il y a un risque certain de collision, voire de sur-accident. Leur présence dans l’eau est aussi un important facteur de pollution.
Le port de Qingdao, dans la province du Shandong (Chine)