La piraterie
. La piraterie a toujours été un problème dans le détroit de Malacca. La piraterie y est quasiment une activité traditionnelle ... au même titre que la pêche ! Cette permanence peut s’expliquer par les caractéristiques géo-environnementales de l’Insulinde : archipels et îlots pour se dissimuler, bancs de sable sur lesquels dévier des bateaux et passage ininterrompu de navires, autant de proies dont la cargaison et le matériel constituent l’appât des pirates.
. Au XIXe siècle, la consolidation du droit international et des États-nations avaient peu à peu eu raison de la piraterie. Cette sécurité des mers perdura tout au long du XXe siècle et pendant la guerre froide, alors que d’énormes flottes armées sillonnaient les mers du monde entier. Ainsi en 1988, le nombre des faits de piraterie et de brigandage en mer relevés dans le monde était inférieur à 40. Avec le développement de la mondialisation, la piraterie réapparut dès 1990 dans les statistiques mondiales. Ces méfaits explosent en 1995 au sud de la mer de Chine ainsi que dans les détroits de Malacca et de Singapour, passages maritimes obligés entre la Chine et l'Europe. Il n'y a pas de moyens faciles pour les navires de contourner le véritable goulot d'étranglement de Malacca sauf à se pénaliser de 1.000 miles nautiques. Dans le monde, plus de 250 incidents seront enregistrés en 1997.
Le phénomène augmente aussi dans l’océan Indien et au large de la Somalie, là où remontent les cargos qui contournent l'Afrique ou pénètrent dans le canal de Suez, mais aussi en Afrique de l’Ouest, dans le golfe de Guinée, au large des côtes nigérianes, etc. Enfin en Amérique latine et dans les Caraïbes, on recense aussi des actes de « narcopiraterie » auxquels s’adonnent les cartels, qui utilisent les navires cibles pour faire transiter leur drogue, ou attaquent les navires pour les empêcher d’approcher de leurs zones de trafic.
La plupart des activités de piraterie ont lieu près des côtes, Les pirates, souvent des jeunes hommes sans moyens, abordent les cargos et pétroliers depuis les îles indonésiennes et la côte malaise et se replient aussitôt avec leur butin. La piraterie, une fois de plus, résulta du contraste entre la misère des riverains et les richesses considérables qui naviguaient sous leurs yeux à portée de leurs pirogues. Elle se développa dans les ports, dans des eaux resserrées tels les détroits ou à proximité des littoraux. C'était le plus souvent des prises en otage d’un navire et de son équipage contre rançon, de brèves prises de contrôle d’un pétrolier pour le vol et le transfert de son carburant, ou encore des vols de navires pour revente.
La piraterie fut importante dans les années 2000, en particulier après les événements du 11 septembre 2001. Elle atteignit un nouveau sommet en 2003, avec 445 attaques enregistrées par l’Organisation Maritime Internationale. Cette dernière a alors mis en place un Code international pour la sureté des navires et des installations portuaires. Dans le détroit de Malacca, après que les attaques eurent à nouveau augmenté au cours du premier semestre 2004, les marines régionales ont intensifié leurs patrouilles dans la zone. Par la suite, les attaques contre les navires dans le détroit ont diminué. En France, la loi de 2010 a réintroduit le crime de piraterie et autorise les forces armées à intervenir. Pourtant en 2013, on recensait encore 128 attaques de pirates ou tentatives rien que pour l’Asie du sud-est, la plupart au large de l'Indonésie (contre 104 en 2012 et 80 en 2011). 2015 a vu une augmentation au niveau mondial des actes de piraterie graves, près de 54, dont 38 rien qu’en Asie du Sud-Est. 40 % des cas de piraterie dans le monde ont eu lieu dans les eaux indonésiennes, dont une partie significative dans le détroit de Malacca.
Les actes de piraterie et de brigandage sont restés stables dans le monde en 2023 : 295 actes de dénombrés contre 300 en 2022, un niveau historiquement bas, malgré un regain de tension en mer Rouge et dans l’océan Indien. Des cas de piraterie ont également été répertoriés au large de la Somalie, pour la première fois depuis 2017. Dans les eaux du Golfe de Guinée, jusqu’à récemment considérées comme parmi les plus dangereuses au monde pour la piraterie, seuls 7 navires ont été piratés en 2023 contre 26 en 2019.
En revanche, les cas de kidnapping repartent à la hausse. En 2023, 47 attaques de ce type ont été comptabilisées, essentiellement autour du détroit de Bab-el-Mandeb, mais aussi près du détroit d’Ormuz et au large des côtes indiennes. 18 personnes ont été kidnappées en 2023 contre deux en 2022, loin des sommets de 2019 (146 personnes kidnappées).
Les armateurs équipent désormais leurs bateaux en conséquence, notamment avec des systèmes d’alarmes silencieuses qui envoient des données par communication satellite. Et de leur côté, les sociétés privées de protection prospèrent. Mais même avec toutes ces mesures, le phénomène perdure et, en 2017, on recensait encore 180 actes de piraterie dans le monde et leur nombre a augmenté de près de 20 % entre 2019 et 2020.
La piraterie incite les entreprises exportatrices à passer du transport maritime au transport aérien afin d'en éviter les risques. Pour la même raison, les navires modifient leur itinéraire et augmentent leur vitesse de croisière. Malgré ces ajustements, le commerce global diminue. Sur les routes reliant la Chine à l'Europe, la piraterie a réduit les exportations chinoises de 2,3 % en moyenne. L'impact est donc assez important. On estime même que la piraterie le long des côtes somaliennes a réduit le trafic par le canal de Suez de 30 %, entraînant une perte estimée à 30 milliards de dollars.
La drogue
En plus des voiliers et des vraquiers, il y a désormais un troisième instrument de trafic dont l'usage a explosé au cours des dix dernières années : le conteneur. Ainsi dans certains ports des Caraïbes ou asiatiques, où l'on entre comme dans un moulin, le réseau glisse un ou plusieurs sacs de sport bourrés de drogue dans un conteneur ; c’est le « rip on ». Il le referme, y remet les scellés (qui sont des faux), et note le numéro du conteneur. La drogue va donc voyager sur un flux légal, dans un conteneur légal. À l'arrivée au port, par exemple Anvers ou Rotterdam, une autre équipe criminelle effectue le « rip off », la récupération de la cocaïne. Dans les ports d’arrivée, les mafias ciblent les dockers les plus fragiles, puis vont les « acheter » pour prêter pendant une heure ou deux leur badge biométrique permettant l'accès aux hangars. Ensuite ces mêmes dockers sont sommés de maintenir leur coopération, par menace de dénonciation ou de représailles sur leurs proches.