La primauté de la Chine

La primauté de la Chine dans le commerce maritime.

D'après : http://geoconfluences.ens-lyon.fr - avril 2021.

.            L’évolution du top 10 des principaux ports dans le monde est, à cet égard, révélatrice. En 1990, la moitié des ports était asiatique mais aucun n’était chinois, l’autre moitié comprenait les ports européens et américains. On estime désormais que la Chine et ses ports traitent environ un quart des conteneurs dans le monde, témoignant de sa puissance industrielle et commerciale.

Depuis les débuts de la conteneurisation du fret maritime dans les années 1970, dans un contexte d’augmentation générale des flux liée à la mondialisation, la part du volume transporté par conteneur n’a cessé d’augmenter, atteignant 90 % du transport maritime en volume en 2019. Les chiffres pour 2020, impactés par la pandémie Covid 19, montrent cependant une baisse significative mais à peine plus prononcée que celle qui a suivi la crise économique de 2008.

Trafic de conteneurs dans les ports (TEU : unités équivalents 20 pieds)

Flux de conteneurs (TEU-EVP) passant du mode de transport terrestre au transport maritime et vice-versa. Les données font référence aux expéditions côtières ainsi qu'aux envois internationaux. Le trafic de transbordement est compté comme deux opérations dans le port intermédiaire (une pour décharger et une pour recharger) et inclut les unités vides. EVP :, volume standard du conteneur de longueur 20 pieds (6,1 m). –Voit infra-

.            Le classement des ports à conteneurs en 2020 révèle la centralité des façades maritimes asiatiques, et particulièrement chinoise, dans le commerce mondial. L’évolution du classement montre que c’était encore l’Europe, et dans une moindre mesure les deux façades de l’Amérique du Nord, qui occupaient cette place centrale il y a un demi-siècle.

(Long Beach et Los Angeles comptés ensemble (ils sont contigus) sont passés devant Rotterdam en 2020).

.            Le port de Yantian à Shenzen, voit passer plus de 10% des conteneurs utilisés dans les échanges internationaux de la Chine.

La place de Rotterdam reflète particulièrement bien ces évolutions. 3e port à conteneurs mondial en 1970 (à une époque où ce mode de transport était une innovation toute récente), il a cédé le pas devant les ports asiatiques, mais il est le seul port hors d’Asie à s’être maintenu dans les 10 premières places du classement jusqu’en 2019. Il reprenait ainsi une place qui lui avait été ravie au cours de la décennie 2010 par Jebel Ali (Dubaï). En 2020, il perd à nouveau une place, cédant la 10e place à Los Angeles-Long Beach. Les neuf premières places sont asiatiques et même chinoises à l’exception de deux d’entre elles : Singapour (2e) et Busan en Corée du Sud (7e place). Cette hégémonie reflète le poids de la Chine comme atelier du monde et comme foyer de consommation, dans la mesure où le transport par conteneur est particulièrement adapté aux machines, aux biens manufacturés et aux produits de consommation. Cela dit, les ports chinois occupaient aussi sept des dix premières places du tonnage transporté hors conteneurs en 2017.

Le port de Rotterdam.

Le port de Yangshan (Shangaï)

.            Situées dans la baie de Hangzhou à une trentaine de kilomètres au large du port de Shanghai, le plus actif du monde, dont il dépend, les plates-formes portuaires de Yangshan ont été conçues afin d'étendre l'activité portuaire de Shanghai. Il est construit sur l'archipel des îles du Yangshan, dont il a fallu annexer les îles, et déplacer les pêcheurs qui y vivaient. Gigantesque port maritime "intelligent" construit en un temps record, le port de Yangshan dispose de 7 grands postes d'amarrage en eau profonde capables d'accueillir les tankers et les porte-conteneurs les plus lourds au monde. Plus grand port à conteneurs automatisé du monde en eaux profondes, il permet à Shanghai de conserver sa place de leader au classement mondial des ports de conteneurs.

Entièrement automatisée, la zone du terminal à conteneurs est vidée de toute présence humaine. Les grues à conteneurs sur les quais sont commandées à distance tandis que les camions porte-conteneurs sont remplacés par des véhicules à guidage automatique (AGV) qui se déplacent librement pour charger, décharger et transporter leurs cargaisons. En moins de deux minutes, la grue déplace un conteneur sur une plateforme de transfert, où un chariot à portique le prend pour le transporter jusqu'à un véhicule à pilotage automatique.

Le terminal est équipé de 50 de ces engins autoguidés sans conducteur (AGV), 10 grues de quai (STS) et 40 portiques. Entièrement automatisés les systèmes robotiques du port de Yangshan fonctionnent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Dans la salle de contrôle centrale située dans une tour moderne au bout du quai, des grutiers d'une nouvelle génération contrôlent en temps réel sur leurs écrans les ponts roulants, les portiques sur rail et les véhicules autoguidés. Ses équipements automatisés sont capables de charger 25 conteneurs par heure.

La route de la soie ferroviaire : une concurrence ?

            1 million. C’est la barre symbolique franchie en 2021 par le nombre de conteneurs transportés par voie ferroviaire entre la Chine et l’Union européenne, confirmant l’essor des « nouvelles routes de la soie ».

Ces conteneurs ont été transportés par 14.000 trains, soit en moyenne 38 convois par jour. Et ce, 10 ans seulement après que le lancement des premiers wagons sur les rails. On compte même depuis 2018 quelques dizaines de camions par semaine qui réalisent le trajet via la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan et la Chine. Cette politique s’inscrit dans le plan de rééquilibrage de l’économie chinoise engagée par le gouvernement dans les années 2000 au profit des trois villes intérieures qui forment le « triangle de croissance » : Chongqing, Chengdu (spécialisée dans l’électronique) ou Lanzhou respectivement situées à 1 400, 1 600 et 1 700 km de Shanghai.

En 2013 un train chinois, en association avec la Deutsche Bahn a été le premier train de marchandises à avoir relié directement Zhengzhou, capitale de la province du Henan au centre de la Chine, à Hambourg (durée du trajet : 20 jours). Pourtant les Européens, plus particulièrement les Allemands, avaient affrété le premier train par-delà le continent en 2008, sous la houlette de la Deutsche Bahn, pour l’acheminement de matériel informatique. Suite à la crise de 2009, le projet de pérenniser ce service régulier a été abandonné. Il a toutefois repris en 2011.

Dans le monde, la Chine, c’est chaque année depuis 2007 en moyenne 2.600 km d’infrastructures ferroviaires nouvelles (contre 200 km en Europe) sur lesquelles les convois peuvent rouler à plus de 200km/h (plan « One Belt, One Road »). L’Europe étudie cependant son projet alternatif « Global Gateway ».

Le terminal ferroviaire de Zhengzhou est le point de départ de la route de la soie en Chine à destination de l’Europe. LIU XIANG/Xinhua via AFP

             Les géants du transport international empruntent cependant de plus en plus une voie encore peu usitée pour importer en Europe des produits « made in China », le « middle corridor », où le trajet se fait majoritairement en train, mais qui comporte quelques traversées en bateau, avant que le train assure la dernière étape, le plus souvent jusqu’à Duisbourg, en Allemagne. Un périple, qui prend 30 jours et où il faut plusieurs fois décharger les marchandises d’un train pour les mettre sur un bateau. Ceci plutôt que la voie traditionnelle qui ne nécessite que 20 jours de transport, en passant plus au nord par le Kazakhstan, la Russie et la Pologne. Et pourtant, faire venir un conteneur de Chine par ce train coûte 13.000 euros, contre 10.000 euros par bateau.

            Sur la portion du parcours qui se fait en Russie, ce sont ses conducteurs qui convoient les trains Et depuis la guerre en Ukraine (fév 2022), la route septentrionale traditionnelle, qui passe par la Russie et la Biélorussie est bannie. On estime qu’on est passé de 18 trains par jour à moins de 10, mi 2022, sur la voie du Nord. Ainsi la filiale de la SNCF Forwardis, qui faisait circuler depuis juillet 2021 deux trains par mois reliant Xian à la région parisienne (Valenton) via la Russie, a suspendu cette liaison faute de clients.

Les transitaires ont besoin d’une alternative au transport maritime, qui a montré ses limites depuis la pandémie, avec des ports saturés et des navires qui ne respectaient plus les délais de livraison à cause d’une demande toujours croissante. Le « middle corridor », même avec un trajet rallongé, reste alors plus court qu’avec un navire, qui prend deux mois porte à porte.