Cecilia Payne

Le soleil, les étoiles et … la terre

            La femme qui a découvert de quoi est fait l’univers n’a même pas eu droit à une plaque commémorative. Nulle mention de sa plus grande découverte dans les nécrologies des journaux. Chaque lycéen sait qu’Isaac Newton a découvert la gravité, que Charles Darwin a découvert l’évolution et qu’Albert Einstein a découvert la relativité. Mais lorsqu’il s’agit de la composition de notre univers, les manuels scolaires se contentent de dire que l’atome le plus abondant dans l’univers est l’hydrogène. Et personne ne se demande comment nous le savons.

            Cecilia Payne-Gaposchkin (1900-1979) est issue d’une famille prussienne émigrée dans le Buckinghamshire, en Angleterre. Avec sa mère, veuve, et son frère, elle déménagea à Londres, où elle fréquenta d'abord le St. Mary's College de Paddington, où elle ne pouvait étudier ni les mathématiques ni les sciences. Sa mère, veuve, ne put financer ses études universitaires, mais elle obtint une bourse couvrant ses frais au Newnham College de l'université de Cambridge, où elle étudia la physique et la chimie.

            Cecilia Payne a terminé son cursus, mais à cette époque où les femmes ne pouvaient même pas s'asseoir sur les mêmes bancs que les hommes, Cambridge refusa de lui accorder le diplôme, car alors les femmes ne pouvaient être diplômées (Cambridge supprimera cette interdiction en 1948). Elle décide donc de s’en moquer royalement et déménage aux États-Unis pour faire sa thèse à Harvard. Elle est la première personne à obtenir en 1925 son doctorat (Ph.D.) en astronomie au Radcliffe College (un établissement d'enseignement supérieur féminin qui a débuté comme un programme d'études réservé aux femmes au sein de Harvard), avec ce qu’Otto Struve (astronome américain d'origine germano-balte, issu d’une famille d’astronomes depuis plusieurs générations) a qualifié de "thèse de doctorat la plus brillante jamais écrite en astronomie". Elle y démontre que le soleil et les étoiles sont faits essentiellement d'hydrogène et aussi d’hélium. Pas du tout comme la terre, alors que jusqu’alors, la communauté scientifique pensait que la terre et le soleil étaient constitués des mêmes éléments.

Quand Henri Norris Russell (surnommé le Dean of American astronomers -le doyen des astronomes américains-) reçoit la thèse et la relit, il réaffirme que c’est impossible, et que la terre et le soleil n’ont aucune différence élémentaire significative pour les distinguer.

Du coup, elle change sa conclusion, en incluant une déclaration dans sa thèse selon laquelle ses résultats n'étaient « almost certainly not real -presque certainement pas réels-). Elle n’avait pas le choix, la communauté scientifique n'aurait jamais accepté ses conclusions sans l'approbation de Russell !

            Sauf que, en 1929, quatre ans plus tard, le grand homme arrive à la même conclusion qu’elle par des moyens différents. Gentleman, il cite ses travaux, mais omet de dire qu'il n’y avait pas cru. Et surtout il dispose, maintenant, de toute la légitimité nécessaire et du prestige pour imposer « sa » théorie révolutionnaire.

À partir de là, on ne cite plus que lui, qui recevra le crédit de cette découverte.

            C’est aussi grâce à Cecilia Payne que nous savons tout sur les étoiles variables (ces étoiles dont la luminosité fluctue lorsqu’on les observe depuis la Terre) dont elle fut la première à calculer correctement les températures. Chaque étude moderne sur les étoiles variables repose sur ses travaux.

Seuls les spécialistes savent aujourd’hui qu’elle a fait cette découverte. Toutefois, elle fut cependant la première femme à être promue professeure titulaire à Harvard, et directrice du département d’astronomie brisant ainsi le plafond de verre pour les femmes dans le domaine scientifique, et en astronomie en particulier. Et puis, il y a quelque part dans l’espace un astéroïde qui porte son nom.

Dans son autobiographie, Payne raconte qu'à l'école, elle a mené une expérience sur l'efficacité de la prière en divisant ses examens en deux groupes, priant pour la réussite de l'un seulement, l'autre servant de groupe témoin scientifique. C'est dans ce dernier groupe qu'elle a obtenu les meilleures notes !  Plus tard, elle est devenue agnostique. Avec son mari russe, rencontré en 1933 en Allemagne, également astronome, ils s’établirent à Lexington (MA).