Chimiste et cristallographe
Chimiste, biologiste moléculaire et cristallographe, Rosalind Franklin (1920-1958) est célèbre pour ses travaux sur les charbons et les virus. Ses photographies de l'ADN par cristallographie aux rayons X ne sont pas moins célèbres et ont largement contribué à la découverte de la structure à double hélice de la molécule ADN.

Rosalind Franklin est née dans une famille influente. Son père était banquier d'affaires et professeur au Working Men’s College, un des premiers établissements de formation continue du Royaume-Uni et d’Europe, dont il deviendra ensuite le vice-principal.
Rosalind Elsie Franklin est née à Notting Hill, à Londres, dans une riche famille juive. Élève brillante, elle réalise un parcours exemplaire tout au long de sa scolarité. Elle a la chance d'intégrer à 11 ans le St Paul's Girls' School, un des seuls établissements de Londres où la physique et la chimie sont enseignées aux jeunes filles. Là, elle montre ses talents pour ces matières, ainsi que pour le latin et le français, qu'elle apprendra à parler couramment. En 1938, elle passe avec brio son examen de fin de scolarité et obtient une bourse universitaire.
En cette première moitié du XXe siècle marquée par la montée du nazisme et la guerre, la vie de Rosalind Franklin est influencée par ces évènements. Sa famille accueille des jeunes réfugiés juifs fuyant l'Allemagne et l'Europe de l'est grâce au programme de secours Kindertransport (transport d'enfants, en allemand). Son père lui intime de céder sa bourse universitaire à un réfugié, ce qui n'empêchera pas Rosalind Franklin d'intégrer le Newham College, à l'université de Cambridge, afin d'y étudier la chimie.
Elle obtient son PhD en 1945 pour ses travaux sur la porosité du charbon, qui contribueront à la classification des charbons et permettront de déterminer leur intérêt industriel en ce contexte de guerre, notamment dans la production de carburants et de masques à gaz.
Les photographies historiques de l’ADN aux rayons X
Après la guerre, Rosalind Franklin se rend en France grâce à Pierre et Marie Curie, qu'elle avait rencontrée à Cambridge. En 1947, elle a l'opportunité d'entrer au Laboratoire central des services chimiques, à Paris, où elle se forme à la cristallographie aux rayons X, pour poursuivre ses recherches sur le charbon, notamment sur le passage du charbon au graphite.
De retour à Londres, Rosalind Franklin intègre le King's College en 1951. Affectée au département de biophysique, elle met à profit son expertise en cristallographie aux rayons X pour étudier l'ADN. Elle vient alors prêter main forte à Maurice Wilkins et Raymond Gosling, un doctorant, qui avaient déjà effectué des travaux de diffraction sur cette molécule, en améliorant considérablement la technique utilisée. Mais des tensions s'installent rapidement entre Franklin et Wilkins, d’autant que les premières recherches de Rosalind Franklin lui permettent de réfuter les modèles d’ADN déjà établis par Wilkins.
Grâce à la diffractométrie aux rayons X, qu’elle applique à l’ADN, Rosalind Franklin parvient à déterminer sa structure en distinguant, grâce à ses clichés, les deux hélices, nommées A et B.
Le 51ème cliché pris par Rosalind Franklin, à l’origine de ces déductions, va devenir primordial pour les recherches menées par James Dewey Watson et Francis Crick sur la structure hélicoïdale de l’ADN. Il sera montré par Maurice Wilkins, à son insu, à James Dewey Watson, qui travaille également sur la structure de l’ADN à l’université de Cambridge.

Le cliché 51 réalisé par Rosalind Franklin et R.G. Gosling.
Dans ce contexte, Rosalind Franklin et Raymond Gosling découvrent les deux conformations de la molécule d'ADN, qu'elle nommera A et B. Les deux chercheurs réalisent également de superbes clichés de l’ADN par diffractométrie aux rayons X, qui permettront d'identifier la structure à double hélice. Ainsi, en 1953, Rosalind Franklin arrive à la conclusion que les deux conformations de l'ADN présentent une telle structure et commence à les décrire dans des articles scientifiques.

Les clichés de l’ADN obtenus par cristallographie aux rayons X ont contribué à révéler la structure à double hélice de la molécule. © I. C. Baianu et al., 1994, Wikimedia Commons
Les travaux de Rosalind Franklin ont été écartés
Au King's College, Maurice Wilkins poursuit ses recherches sur l'ADN B en parallèle des travaux de Rosalind Franklin. De même que James Watson et Francis Crick à l'université de Cambridge. Ces derniers s'appuient largement sur les découvertes effectuées par Rosalind Franklin et Maurice Wilkins pour construire un modèle moléculaire de l'ADN.
Rosalind Franklin s’entend malheureusement mal avec ses collègues, au point qu’on lui demande d’arrêter ses travaux sur l’ADN ou de partir. Ce sera la seconde option : quand, en mars 1953, Rosalind Franklin quitte le King's College pour le Birckbeck College, ses travaux sur l'ADN sont alors aboutis, mais ils doivent cependant rester sur place sur ordre du directeur. De leur côté, James Watson et Francis Crick publient leur modèle dans Nature en avril 1953, en remerciant, sur l’insistance de Wilkins, et Wilkins et Franklin.
Les travaux antérieurs de Rosalind Franklin et Maurice Wilkins ne seront publiés que plus tard, en soutien au modèle de Crick et Watson.
Par un concours de circonstances, Rosalind Franklin sera ainsi écartée de la découverte de la structure à double hélice de l'ADN. Les tensions avec les autres chercheurs, d'une part, et sa position sceptique et prudente envers le modèle proposé par Crick et Watson, sont un début d'explication. Maurice Wilkins, James Watson et Francis Crick ont quant à eux finalement accepté de collaborer. Les travaux de Rosalind Franklin ont donc bien été utilisés à son insu après son départ du King's College.
Au Birckbeck College, Rosalind Franklin entame des recherches sur l'ARN et sur les virus. Elle étudie également les virus de la mosaïque du tabac, de la mosaïque jaune du navet, ceux qui affectent les animaux et commence à étudier la structure des poliovirus.
Dès 1956, la santé de Rosalind Franklin se dégrade en raison d'un cancer, probablement dû à sa surexposition aux radiations. Après plusieurs traitements, elle décède finalement le 16 avril 1958 à Chelsea, à Londres, à seulement 38 ans.
En 1962, ses anciens collègues James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins, qui collaborent finalement, obtiennent le prix Nobel de médecine pour la découverte de la structure à double hélice de l'ADN. Rosalind Franklin, malgré son rôle primordial, n’aura malheureusement pas été récompensée, le prix Nobel ne pouvant alors être décerné à titre posthume.
Dans les discours de remerciement, seul Maurice Wilkins la cite en indiquant qu’elle a apporté une contribution précieuse. Francis Crick et James Dewey Watson l’oublient sciemment. Pire, ce dernier, 10 ans après la mort de la chercheuse, en dresse le portrait, dans son best-seller “La Double Hélice”, d’une personne acariâtre… avant de reconnaître enfin, lors d’une interview en 2003, que Rosalind Franklin aurait également mérité le prix Nobel.
Le rover ExoMars est un projet d'astromobile de l'Agence spatiale européenne (ESA) dont l'objectif principal est la recherche de traces de vie passée à la surface de Mars. Il est prévu être lancé en 2028. À la suite d'un concours lancé par l'agence spatiale britannique le 20 juillet 2018, l'ESA officialise, le 7 février 2019, son nom, Rosalind-Franklin. Ce nom a été sélectionné parmi les 36.000 propositions reçues des citoyens provenant des différents pays membres de l'Agence spatiale européenne.
