Le détroit de Malacca

.           Le détroit de Malacca est l’étroite étendue d'eau située entre la péninsule malaise (Malaisie péninsulaire) et l'île indonésienne de Sumatra, au carrefour des océans Indien et Pacifique et des mers d'Andaman, de Chine méridionale et de Java. Il mesure 940 kilomètres long, et 3 kilomètres de large à 393 kilomètres dans sa partie la plus large. Il s'agit d'une des plus importantes voies de navigation au monde et l'une des plus fréquentées, un tiers du trafic mondial, et il abrite notamment le second plus grand port à conteneurs du monde, le port de Singapour. En tant que principal canal de navigation entre l'océan Indien et l'océan Pacifique, c'est l'une des voies de navigation les plus importantes au monde.

Singapour - Le SkyPark du Marina Bay Sands

Histoire

    .            Les premiers commerçants venus d'Arabie, d'Afrique, de Perse et des royaumes indiens du Sud ont atteint Kedah (Malaisie) avant d'arriver à Guangzhou (Canton, Chine). Kedah servait de port occidental sur la péninsule malaise. Ils échangeaient de la verrerie, du camphre, des articles en coton, des brocarts, de l'ivoire, du bois de santal, des parfums et des pierres précieuses. Ces commerçants se rendaient à Kedah grâce aux vents de mousson entre juin et novembre. Ils revenaient entre décembre et mai. Kedah fournissait l'hébergement, les porteurs, les petits bateaux, les radeaux de bambou, les éléphants, ainsi que la collecte des taxes pour le transport terrestre des marchandises vers les ports de l'est de la péninsule malaise, comme Langkasuka et Kelantan. Kedah et Funan ont été des ports célèbres tout au long du VIe siècle, avant que la navigation ne commence à utiliser le détroit de Malacca lui-même comme route commerciale.

Au 7e siècle, l'empire maritime de la cité-état Srivijaya (île de Sumatra) est monté en puissance et son influence s'est étendue à la péninsule malaise et à Java. L'empire a acquis un contrôle effectif sur deux goulots d'étranglement majeurs en Asie du Sud-Est maritime : le détroit de Malacca et le détroit de la Sonde. En lançant une série de conquêtes et de raids sur les ports rivaux potentiels des deux côtés du détroit, Srivijaya a assuré sa domination économique et militaire dans la région, qui a duré environ 700 ans. Srivijaya a tiré de grands avantages du lucratif commerce tributaire avec la Chine, et les marchands indiens et arabes. Le détroit de Malacca est devenu une importante route commerciale maritime entre l'Inde et la Chine.

Après le Xe siècle, des navires en provenance de Chine ont commencé à commercer dans ces comptoirs et ports orientaux. L'importance du détroit de Malacca dans les réseaux commerciaux mondiaux s'est maintenue jusque dans les siècles suivants, avec l'émergence du sultanat de Malacca au 15e siècle, du sultanat de Johor (sud de la Malaisie) et de ce qui deviendra la cité-état moderne de Singapour.

Dans les années 1420, le Portugal se lance dans une véritable politique navale avec recrutement de géographes et construction d'un nouveau type de bateau : la caravelle. Les Açores sont découvertes en 1427, le cap Vert et le fleuve Sénégal sont atteints en 1444. Bartolomeu Dias franchit le cap de Bonne-Espérance en janvier 1488 et ouvre ainsi la route maritime de l'Inde, atteinte par Vasco de Gama en mai 1498, lorsqu'il accoste sur la côte ouest près de Calicut et Goa. Les Portugais vont multiplier les explorations pour tisser un réseau entre le cap de Bonne-Espérance et les escales africaines de Mozambique, Zanzibar, Mogadiscio, vers la mer Rouge et le golfe Persique. Le navigateur Afonso de Albuquerque s'empare de Malacca en 1511, contrôlant le passage entre Sumatra et la Malaisie. En 1516, les Portugais inaugurent le premier comptoir européen en Chine, à Macao. La voie maritime vers les îles aux épices, les Moluques, est ouverte : dès 1512, le Portugal y impose un monopole commercial incontesté jusqu'à l'arrivée des Hollandais au début du XVIIe siècle.

Depuis le XVIIe siècle, le détroit est le principal canal de navigation entre l'océan Indien et l'océan Pacifique. Plusieurs grandes puissances régionales ont géré le détroit au cours de différentes périodes historiques. Au début du XIXe siècle, les empires néerlandais et britannique ont tracé une ligne de démarcation arbitraire dans le détroit et ont promis de chasser les pirates de leurs côtés respectifs ; cette ligne est devenue la frontière actuelle entre la Malaisie et l'Indonésie.

D'un point de vue économique et stratégique, le détroit de Malacca est l'une des voies de navigation les plus importantes au monde.

Trafic

.            Le détroit est le principal canal de navigation entre l'océan Indien et l'océan Pacifique, reliant les principales économies asiatiques telles que l'Inde, la Thaïlande, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Chine, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud. Le détroit de Malacca fait partie de la route de la soie maritime qui va de la côte chinoise à la pointe sud de l'Inde jusqu'à Mombasa, puis traverse la mer Rouge via le canal de Suez jusqu'à la Méditerranée, puis la région de la Haute Adriatique jusqu'au centre de l'Italie du Nord, Trieste, avec ses liaisons ferroviaires vers l'Europe centrale et la mer du Nord.

Avec près de 50 % du fret maritime mondial y transitant, le détroit de Malacca est aujourd’hui le centre névralgique des échanges commerciaux. Plus de 75.000 navires marchands (70% du trafic total) sont passés par le détroit en 2008. Ce nombre approche les 100.000 en 2020, ce qui en fait le détroit le plus fréquenté du monde, transportant environ 25 % des marchandises échangées dans le monde, notamment du pétrole (850 millions de tonnes par an, pratiquement 90% du détroit d’Ormuz), des produits manufacturés chinois, du charbon, de l'huile de palme et du café indonésien. 80 % des importations en hydrocarbures japonais et 40 % des importations totales de l’archipel nippon traversent cet « angle de l’Asie » par cette unique voie. Pas étonnant que ce soit l'un des points d'étranglement maritime les plus encombrés au monde, car sa largeur n’est que de 2,8 km (1,5 miles nautiques) au niveau du canal Phillip (près du sud de Singapour).

Singapour, le second port de conteneurs au monde

Risques liés à la navigation

.            Le tirant d'eau de certains des plus grands navires du monde (principalement des pétroliers) dépasse la profondeur minimale du détroit, qui est de 25 mètres (82 pieds). Ce point peu profond se trouve dans le détroit de Singapour. Le passage le plus proche à l'est, le détroit de la Sonde entre Sumatra et Java, est encore moins profond et plus étroit, ce qui signifie que les navires dépassant le Malaccamax (la taille maximale d'un navire qui peut passer par le détroit) doivent faire un détour de quelques milliers de miles nautiques et emprunter, plus à l’est, le détroits de Lombok et de Makassar.

.            Il y a 34 épaves, dont certaines datent des années 1880, dans le chenal local TSS (le chenal pour les navires commerciaux dans le cadre du plan mondial de séparation du trafic). Celles-ci constituent un risque de collision dans le détroit étroit et peu profond. Le 20 août 2017, dix membres de l’équipage du destroyer américain USS John S. McCain ont perdu la vie lors d'une collision avec le navire marchand Alnic MC à une courte distance à l'est du détroit.

.            Un autre risque est la brume annuelle due aux feux de brousse à Sumatra, en Indonésie. Elle peut réduire la visibilité à 200 mètres (660 pieds), obligeant les navires à ralentir dans le détroit très fréquenté.

.            Enfin, le plus grand risque potentiel est dû à un manque de cohésion parmi les acteurs étatiques (Malaisie, Indonésie, Singapour), confinant à la rivalité. Cette dernière se manifeste notamment par l'inefficacité des structures de coopération (et une course à l'armement préoccupante !) L’intrusion de la Chine bouleverse par ailleurs le jeu sécuritaire local. En 2013, Singapour, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et la Thaïlande pesaient pour près de 90 % des dépenses militaires dans la région. Singapour, cité-État à la mentalité d’assiégé a dépensé cette année-là près de 10 milliards de dollars pour sa défense et disposait en 2016 de 148 avions militaires.