L’Arctique

L’Arctique

             La fonte de la calotte arctique, ce changement environnemental négatif, pourrait cependant avoir un impact positif sur le commerce maritime, avec l'ouverture de nouvelles routes navigables bien plus courtes, réduisant dans le même temps le bilan carbone de ce type de transport.

D'ici à une cinquantaine d'années, la navigation dans les eaux de l'océan Arctique sera très probablement grandement facilitée, avec l'ouverture de nombreux passages qui permettront aux navires de passer plus librement par le nord au lieu d'emprunter le canal de Suez ou celui du Panama. Un passage par les eaux arctiques raccourcirait considérablement le chemin par rapport à ces routes maritimes habituelles. Ainsi, la longueur du trajet réduite de 30 à 50 % face aux routes passant par Suez ou Panama, diminuerait le temps de trajet de 14 à 20 jours.

Qui dit chemin plus court, dit coût de transport réduit, mais également bilan carbone plus faible. Du point de vue de l'émission des gaz à effet de serre, elle pourrait être diminuée de 24 % pour chaque trajet.

            La Russie est persuadée du potentiel de développement de la route qui lui permet d’exporter ses ressources énergétiques d’une part et lui donne, d’autre part, l’opportunité de capter un autre trafic, celui des porte-conteneurs. Mais le trafic de porte-conteneurs se heurte encore à trop d’aléas : glaces dérivantes, surprime d’assurance et absence de ports refuges font peser trop d’incertitudes.

            La Chine juge trop importante sa dépendance au détroit de Malacca, notamment en cas de conflit. Aussi Pékin a-t-il également jeté son dévolu en océan Arctique pour profiter d’une voie navigable le long des côtes russes au moins en période estivale. Un passage au nord-est à travers le détroit de Béring, libéré de sa barrière de glace, raccourcirait notablement le trajet entre l’Europe et l’Asie, au détriment de la traditionnelle route de Suez.

            La diversification des routes navigables va nécessiter que soit rapidement mis en place un cadre légal et environnemental pour la navigation dans les eaux arctiques. Car l'ouverture de cet océan pourrait également avoir de fortes implications géopolitiques.

Actuellement, il existe bien un passage par le nord, contrôlé par la Russie, qui a autorité pour réguler le passage au large de ses côtes. L'article 234 du Droit de la mer, établi en 1982 par l'ONU, stipule en effet que, pour assurer la prévention, la réduction et le contrôle de la pollution marine par les navires, les pays ayant une ligne de côte à proximité des routes maritimes arctiques ont la capacité d'y réguler le trafic maritime, du moins tant que la région reste couverte par les glaces la majorité de l'année.

Or, la Russie utilise depuis longtemps ce droit dans son propre intérêt politique, en demandant notamment aux navires de payer un droit de passage et en appliquant une très forte régulation. Ces contraintes font que le passage par le nord n'est actuellement que très peu emprunté, les compagnies préférant passer par les canaux de Suez et de Panama, un trajet beaucoup plus long mais revenant moins cher.

           En définitive, le point d’achoppement de la nouvelle route maritime polaire pourrait bien concerner les navires militaires. En s’appuyant sur son interprétation de la Convention de l’Organisation des Nations unies sur le droit de la mer et en considérant certains détroits comme des eaux intérieures, la Russie exerce une forme de contrôle sur cette route traversant sa zone économique exclusive en s’appuyant sur sa position incontournable dans le domaine de la sécurité maritime dans cette zone.

            La route Arctique, un raccourci stratégique de 4.500 km, qui se dégage peu à peu, va devenir des plus stratégiques. La Russie pourrait à terme perdre son contrôle sur cette région du monde.

            C'est sur les 21 millions de km2 de la zone arctique, objet de toutes les convoitises, que pourrait se jouer l'un des grands conflits de notre temps : celui pour la "route de la soie" polaire, et pour les quelque 160 milliards de barils de pétrole non découverts mais possibles et 30 % des réserves mondiales de gaz naturel.

Ni État, ni continent, l'Arctique regroupe 8 états dont les terres bordent ses mers glaciales : la Norvège, la Russie, le Canada, les États-Unis avec l’Alaska, le Danemark (notamment avec le Groenland qui est entièrement englobé dans l’Arctique), l’Islande, la Suède et la Finlande. Mais la Russie, qui possède près de la moitié du territoire polaire et 24.000 kilomètres de côtes, se verrait bien faire cavalier seul.

             Le réchauffement climatique, deux fois plus rapide dans cette région qu'ailleurs sur le globe, ouvre de nouvelles routes maritimes aux pays de la zone. Ainsi, la Russie voit d'un très bon œil la fonte de la glace qui dégagerait un nouvel accès pérenne vers l'Asie pour ses pétroliers, méthaniers et autres bateaux de fret. La route maritime du nord, qui longe ses côtes en passant devant la péninsule gazière de Yamal et replonge vers l'Asie par le détroit de Béring, permettrait de réduire de 35 % la durée et le coût du transport de fret entre l'Europe et l'Asie.

La Chine, qui a trouvé en la Russie un partenaire commercial intéressant depuis le début de la guerre en Ukraine (fév 2022), n'a pas de terres dans la région arctique, mais se montre très intéressée par le projet d'une "Route de la soie polaire", établissant un corridor au nord avec la Russie, mais aussi avec l'Europe.

            36 millions de tonnes de marchandises ont transité par cette route maritime en 2023.